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06/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15301

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 janvier 2003, 15301


Tribunal administratif N° 15301 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 août 2002 Audience publique du 6 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15301 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 août 2002 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no

m de Monsieur …, directeur administratif, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation ...

Tribunal administratif N° 15301 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 août 2002 Audience publique du 6 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15301 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 août 2002 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, directeur administratif, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Justice du 27 mai 2002, notifié le 30 mai 2002, portant refus de renouvellement de son autorisation de port d’armes relative à deux pistolets de la marque « FN » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 octobre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2002 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté ministériel critiqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jos STOFFEL et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 27 mai 2002, le ministre de la Justice refusa de faire droit à une demande en renouvellement d’une autorisation de port d’armes introduite par Monsieur … le 1er avril 2002.

Ladite décision a la teneur suivante :

« Monsieur, J’ai l’honneur de me référer à votre demande du 1er avril 2002 par laquelle vous avez sollicité le renouvellement de votre autorisation de port d’armes relative à deux pistolets de la marque « FN ».

A l’appui de votre demande, vous invoquez comme motif vos activités d’agent d’assurances et d’associé-gérant d’une agence commerciale et immobilière.

Il résulte plus amplement du rapport de la Police de Merl-Belair du 22 avril 2002 que vous transportez des documents d’assurance-vie, des chèques, des contrats immobiliers ainsi que des primes d’assurances payées au comptant, dont le montant s’élève souvent à 10.000.-

€, sur le trajet le plus court entre les notaires, les banques et l’assurance.

Toutefois, des transports de fonds effectués dans le cadre d’un commerce ne constituent pas un motif qui, en lui seul, est susceptible de justifier l’octroi d’une autorisation de port d’armes en dehors de circonstances particulières, telles que le caractère dangereux du trajet ou des attaques ou cambriolages récents, circonstances que vous n’avez cependant pas invoquées.

Dans ces conditions, la délivrance d’une autorisation de port d’armes serait une mesure disproportionnée par rapport aux faits que vous invoquez à l’appui de votre demande.

En effet, beaucoup de commerçants connaissent une situation semblable à la vôtre et un armement de toutes ces personnes est inconcevable en raison des risques liés à des coups de feu tirés sur la voie publique en cas d’incident, ceci d’autant plus que, suivant votre dossier administratif, vous ne disposez d’aucune pratique en matière de tir.

S’y ajoute que ces transports de fonds et de documents pourraient être confiés à une entreprise spécialement agréée à cette fin sur base de la loi du 6 juin 1990 relative aux activités privées de gardiennage et de surveillance, ou que d’autres mesures de sécurité plus appropriées que le port d’une arme pourraient être prises, telles que le fractionnement des sommes à transporter, ou encore l’usage d’autres modes de paiement.

Finalement, je tiens à vous informer qu’aux termes de la loi du 6 juin 1990 précitée, le transport de fonds effectué pour le compte de tiers, ce qui est le cas en l’espèce, ne peut se faire que sous le couvert d’un agrément spécial à délivrer par le Ministre de la Justice, agrément dont vous ne disposez pas.

Par conséquent, comme vous n’avez pas fait état d’autres motifs spéciaux justifiant éventuellement l’octroi d’une autorisation de port d’arme, l’autorisation sollicitée est refusée en application de l’article 16 alinéa 1er de la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions.

En exécution de cette décision, je vous prie de vous dessaisir des armes et des munitions en votre possession, soit en les remettant provisoirement à un commissariat de Police, soit en les cédant directement et à titre définitif à une personne autorisée ou à autoriser par le Ministère de la Justice, tel qu’un armurier.

Je tiens encore à vous informer que la présente décision de refus peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le tribunal administratif, à introduire dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision par une requête signée par un avocat à la Cour.

Je vous prie de croire, Monsieur, en l’expression de ma considération distinguée ».

Par requête déposée en date du 27 août 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation dirigé contre la décision ministérielle prérelatée.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation introduit contre la décision querellée.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 4 et autres références y citées).

Etant donné que ni la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ni aucune autre disposition légale ne prévoit la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal administratif est incompétent pour statuer sur la demande principale tendant à la réformation de la décision ministérielle litigieuse.

Le recours subsidiaire en annulation, non autrement contesté sous ce rapport, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève un premier moyen d’annulation basé sur la violation de la loi, au motif que le ministre se serait exclusivement basé sur l’article 16 de la loi précitée du 15 mars 1983, qui ne viserait que les cas de premier octroi d’un permis de port d’armes et non pas les cas de renouvellement d’un tel permis, comme ce serait le cas en l’espèce.

Il estime encore qu’il ne rentrerait dans aucune des 4 catégories de personnes prévues à l’article 20 de la loi précitée du 15 mars 1983.

Le demandeur soutient en outre que les motifs avancés par le ministre de la Justice seraient erronés, étant donné que son activité, qui l’appelle à transporter des documents et des fonds, revêtirait un caractère de dangerosité indéniable, que la condition requise relativement à une « expérience en matière de tir » ne serait pas légalement prévue et ne serait pas pertinente, que, pour le surplus, il serait membre actif dans un club de tir depuis plusieurs années et qu’il aurait même suivi des cours de perfectionnement et saurait se servir d’une arme. En outre, il ajoute qu’il serait conscient de la dangerosité d’une arme et qu’il « entend l’utiliser qu’à la seule dissuasion ». Enfin, il estime que le ministre ne saurait pas lui imposer de recourir à un transporteur de fonds professionnel ou de procéder à un fractionnement des sommes transportées, opérations coûteuses et pratiquement non réalisables.

Enfin, en ordre subsidiaire, il sollicite l’octroi d’un permis de port d’armes limité aux « trajets prouvés dans l’intérêt de sa profession, sinon pour les trajets effectués dans l’intérêt de sa profession et pendant la nuit ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet des différents moyens d’annulation soulevés.

D’après l’article 16 de la loi modifiée du 15 mars 1983, précitée, « l’autorisation (…) de porter (…) des armes et munitions est délivrée par le ministre de la Justice ou son délégué, si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont reconnus valables.

L’autorisation peut être refusée lorsqu’il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents ne fasse un mauvais usage de l’arme ».

L’article 19 de la même loi dispose que « la durée de validité des autorisations est fixée par règlement grand-ducal, les autorisations périmées sont renouvelables ».

Il convient en premier lieu de relever qu’il y a lieu de combiner les deux dispositions légales précitées et de retenir que l’article 16 de la loi précitée du 15 mars 1983 s’applique tant pour une première autorisation que pour une autorisation renouvelée sur base de l’article 19 précité. Le moyen d’annulation afférent laissant d’être fondé, il est à écarter. – En outre, abstraction faite de toutes autres considérations, le demandeur a tort de se référer à l’article 20 de la loi de 1983, ledit article ayant trait à l’hypothèse spécifique d’une révocation, c’est-à-

dire une décision mettant fin à une autorisation qui est encore en cours de validité et non pas au cas d’une autorisation arrivée à son échéance et que l’intéressé entend renouveler, comme c’est le cas en l’espèce.

Ceci étant, l’article 16 de ladite loi du 15 mars 1983 revêt deux volets en ce qu’en son premier alinéa, il se réfère à un critère positif comportant les motifs valables à invoquer par un demandeur à l’appui de sa demande en vue d’obtenir le permis ministériel de port d’armes, tandis qu’en son second alinéa, il énonce des motifs de refus ayant trait à des aspects inhérents à la personne du demandeur.

Il convient encore de relever que le ministre de la Justice est juge de l’opportunité d’octroyer ou de refuser l’autorisation de port d’armes à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire (trib. adm. 27 mars 1997, n° 9597 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Armes prohibées, n° 1 et autres références y citées) et que, dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis, seule une erreur manifeste d’appréciation de l’autorité ayant pris la décision déférée étant à sanctionner en conséquence (trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 10 et autres décisions y citées).

C’est à bon droit que le ministre de la Justice a pu estimer dans le cadre de la fixation de sa politique générale en matière de délivrance de permis de port d’armes, qu’il n’était pas approprié d’autoriser chaque agent commercial transportant des documents ou des recettes à porter une arme à feu, en raison des risques qui sont liés à la multitude d’armes en possession des particuliers tenant notamment aux vols d’armes et aux usages non autorisés.

C’est encore à bon droit que le ministre a estimé qu’il n’y a pas lieu d’autoriser le demandeur à porter une arme prohibée, étant donné qu’il n’a pas fait valoir de raison pertinente justifiant l’octroi d’un permis de port d’arme dans son chef et qu’il existe d’autres moyens, que le port d’une arme pour éviter de faire l’objet d’une attaque et d’un dérobement d’argent ou de documents, ne serait-ce que, parmi d’autres, le recours à d’autres modes de paiement que celui en liquide ou aux services de firmes spécialisées en matière de transports de fonds.

En se fondant sur ces considérations, le ministre n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées par la loi précitée du 15 mars 1983 et il a donc légalement pu refuser le renouvellement de l’autorisation de port d’armes sollicité.

Concernant enfin la demande subsidiaire formulée par le demandeur, même abstraction faite de ce que le tribunal n’est appelé, dans le cadre d’un recours en annulation, qu’à se prononcer sur la légalité de la décision que l’autorité administrative a prise sans pouvoir y suppléer une autre décision, à savoir une autorisation de port d’arme soumise à condition, le tribunal doit constater que l’objet de la demande « subsidiaire » est quasi identique à la demande « principale », les deux visant en substance un permis de port d’arme pour les besoins professionnels du demandeur et qu’il se dégage des considérations qui précèdent qu’une justification pertinente n’a ni été alléguée, ni, a fortiori, prouvée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 6 janvier 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15301
Date de la décision : 06/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-06;15301 ?

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