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24/12/2002 | LUXEMBOURG | N°15766

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 décembre 2002, 15766


Tribunal administratif N° 15766 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 décembre 2002 Audience publique du 24 décembre 2002 Recours formé par Madame … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du Gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15766 du rôle et déposée le 20 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Madame … …, née le …, de nationalité dominicaine, ayant été placée au Centre de séjour pr...

Tribunal administratif N° 15766 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 décembre 2002 Audience publique du 24 décembre 2002 Recours formé par Madame … … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du Gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15766 du rôle et déposée le 20 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … …, née le …, de nationalité dominicaine, ayant été placée au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 28 novembre 2002 instituant à son égard une mesure de placement pour la durée maximum d’un mois ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 décembre 2002.

Il ressort d’un premier procès-verbal référencé sous le numéro 1447/2002 de la police grand-ducale, circonscription régionale Esch/Alzette, du 27 novembre 2002, que Madame … … fut interpellée à la même date dans une dépendance du local « Café …» à … et qu’elle n’a pas pu présenter de documents d’identité valables.

Il ressort d’un deuxième procès-verbal référencé sous le numéro 309/2002 de la police grand-ducale, circonscription régionale …, qu’une mesure de rétention a été prononcée, le 27 novembre 2002, à l’encontre de Madame …, à la requête du substitut du parquet auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

Madame … fut placée, par arrêté du ministre de la Justice du 28 novembre 2002, notifié le même jour à l’intéressée, au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification dudit arrêté dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Considérant que l’intéressée est dépourvue du visa requis ;

qu’elle ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

qu’elle se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressée est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; ».

Par arrêté du même jour, le ministre de la Justice refusa l’entrée et le séjour à Madame … aux motifs « que l’intéressée est dépourvue du visa requis, qu’elle ne dispose pas de moyens d’existence personnels, qu’elle se trouve en séjour irrégulier au pays ».

Le 29 novembre 2002, un billet d’avion simple « Luxembourg-Francfort-Punta Cana » fut réservé par le ministre de la Justice auprès de la société luxembourgeoise de navigation aérienne LUXAIR en vue du rapatriement de Madame ….

Madame … fut rapatriée le 3 décembre 2002.

Par requête déposée le 20 décembre 2002, Madame … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision ministérielle de placement du 28 novembre 2002.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours au fond contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 28 novembre 2002. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par le fait que l’intéressée a quitté le territoire luxembourgeois à destination de Punta Cana (République dominicaine) le 3 décembre 2002 et que de ce fait, la mesure de placement a pris fin. En effet, s’il est vrai que la réformation de la décision de placement prise à l’égard de la demanderesse ne saurait désormais avoir un effet concret, celle-ci garde néanmoins un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la décision de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu d’une jurisprudence constante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en œuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé, le cas échéant, aux particuliers par les décisions en question.

Le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 28 novembre 2002 est par conséquent irrecevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient que la décision de placement du 28 novembre 2002 ne ferait pas référence à un arrêté de refus d’entrée et de séjour et qu’elle serait par conséquent à réformer sinon à annuler. Elle demande sa mise en liberté immédiate sinon, subsidiairement, si la libération n’est plus possible à cause de son éloignement, de lui accorder la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Le seul reproche tiré de l’absence d’un arrêté de refus d’entrée et de séjour est dénué de tout fondement étant donné qu’il ressort des pièces versées au dossier que le ministre de la Justice a prononcé le 28 novembre 2002 un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre Madame … et qu’il n’existe aucune disposition légale qui oblige le ministre de la Justice à faire expressément référence à un tel arrêté dans sa décision de placement.

Le juge administratif étant ainsi amené à examiner la légalité de la décision querellée, il y a lieu de vérifier si, en l’espèce, les conditions nécessaires à la décision de placement ont été respectées.

Il est constant en cause que la décision de placement n’est pas fondée sur une décision d’expulsion. Il convient partant d’examiner si la décision en question est basée sur une mesure de refoulement qui, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, peut être prise, « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal », à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence :

« 1) qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de [la loi précitée du 28 mars 1972] ;

4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5) qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2 paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».

En l’espèce, il est constant que la demanderesse a fait l’objet d’un arrêté de refus d’entrée et de séjour en date du 28 novembre 2002.

Parmi les motifs invoqués à l’appui de la décision de placement, le ministre de la Justice fait état du fait que la demanderesse est dépourvue du visa requis, se trouve en séjour irrégulier au pays et qu’elle ne dispose pas de moyens d’existence personnels.

Or, il est patent en cause que la demanderesse ne dispose ni des papiers de légitimation prescrits, ni de visa, ni de moyens d’existence personnels suffisants, ce qui justifie une mesure de refoulement telle que prévue par l’article 15 de la loi du 28 mars 1972, précitée.

Il suit des considérations qui précèdent que la mesure de refoulement a été légalement prise et qu’elle est nécessairement sous-jacente à la décision de placement.

Aucun autre moyen n’ayant été soulevé par la demanderesse afin d’énerver la validité de l’arrêté déféré du 28 novembre 2002, le recours laisse d’être fondé en ce qu’il conteste le placement de la demanderesse.

Concernant la demande de mise en liberté, il échet de retenir que celle-ci est devenue sans objet, la mesure de placement ayant pris fin le 3 décembre 2002 par le rapatriement de Madame … de Luxembourg vers Punta Cana via Francfort.

Au vu de la solution retenue ci-avant par le tribunal quant à la justification de la décision de placement litigieuse, l’examen de la demande en dommages et intérêts, plus particulièrement en ce qui concerne la compétence des juridictions administratives pour y statuer, est devenu superfétatoire.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Malgré le fait que la demanderesse n’était pas représentée à l’audience des plaidoiries, l’affaire est néanmoins jugée contradictoirement, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que la demanderesse a fait déposer une requête écrite.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

déclare la demande tendant à la libération de la demanderesse sans objet ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, et lu à l’audience publique du 24 décembre 2002 par le vice-président, en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15766
Date de la décision : 24/12/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-12-24;15766 ?

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