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20/12/2002 | LUXEMBOURG | N°15735

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 décembre 2002, 15735


Tribunal administratif N° 15735 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2002 Audience publique du 20 décembre 2002

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15735 du rôle, déposée le 16 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à L

uxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité tunisienne, ayant été placé au Centre de séjo...

Tribunal administratif N° 15735 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 décembre 2002 Audience publique du 20 décembre 2002

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15735 du rôle, déposée le 16 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité tunisienne, ayant été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 4 décembre 2002 ordonnant la prorogation de la mesure de placement prise à son égard par décision du même ministre du 8 novembre 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 8 novembre 2002, le ministre de la Justice ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

Par arrêté du 4 décembre 2002, ledit ministre prorogea le placement de Monsieur … pour une nouvelle durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

Cette décision de prorogation de la mesure de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants:

« Considérant que l’intéressé est dépourvu de tout document d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités tunisiennes ;

- qu’en attendant ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;

Considérant que l’intéressé est susceptible de constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics et que pour cette raison une prorogation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière s’impose ».

Par requête déposée le 16 décembre 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 4 décembre 2002.

L’article 15 paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, instituant un recours de pleine juridiction contre une décision de prorogation d’une mesure de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation lui déféré. Ce même recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur argumente en premier lieu que la décision entreprise devrait être annulée pour cause de nullité du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, pour défaut de base légale, estimant que la loi modifiée du 27 juin 1997 portant réorganisation de l’administration pénitentiaire n’offrirait pas de base légale suffisante à la création, par voie de règlement grand-ducal, d’une structure spécifique au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg destiné à accueillir les étrangers faisant l’objet d’une mesure de placement.

Ce moyen tiré de la prétendue nullité du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 n’est cependant pas fondé, étant donné que la base légale dudit règlement grand-ducal est donnée par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, tel que cela ressort d’ailleurs du libellé même dudit règlement grand-ducal. Dans ce contexte, il est indifférent que le Conseil d’Etat, au moment de l’élaboration de la loi du 27 juillet 1997 portant réorganisation de l’administration pénitentiaire, a estimé que l’intervention du législateur serait de mise pour l’hypothèse d’une modification des attributions d’un établissement pénitentiaire, étant donné que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière n’est pas à considérer comme un établissement pénitentiaire (cf. trib. adm. 5 décembre 2002, n° 15679 du rôle, non encore publié).

En second lieu, le demandeur soutient que la décision de prorogation litigieuse aurait été prise en violation de la loi, au motif que « rien ne permet à l’autorité administrative, après la prolongation de la décision de mise à disposition, de prouver qu’elle est en date de ce jour en mesure d’obtenir de la part des autorités tunisiennes l’admission du requérant dans son pays d’origine ».

Le délégué du gouvernement rétorque que le demandeur se méprendrait sur la finalité d’une décision de placement qui serait justement de maintenir une personne en séjour irrégulier dans un lieu en vue de la réponse éventuelle des autorités de son pays d’origine relativement à sa réadmission et que le moyen afférent laisserait d’être fondé.

Lors des plaidoiries, le demandeur a précisé qu’en substance son moyen consisterait à dire que les autorités compétentes n’auraient pas déployé tous les efforts et effectué toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard, de sorte que la décision de prorogation ne serait pas justifiée.

Ledit moyen appelle le tribunal à se prononcer sur la justification de la décision de prorogation sous examen, étant relevé que le paragraphe (2) de l’article 15 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

En d’autres termes, le tribunal est amené à analyser si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’en l’espèce une nécessité absolue rendait la reconduction de la décision de placement inévitable (trib. adm. 22 mars 1999, n° 11191 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 203 et autres références y citées), c’est-à-dire qu’il convient de vérifier si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire.

Ceci dit, force est de constater que si le ministre de la Justice a chargé le service de police judiciaire en date des 11 et 22 novembre 2002 de procéder à une enquête sur l’identité du demandeur et qu’en date du 26 novembre 2002, il a contacté les autorités tunisiennes, via le consulat général de Tunisie à Bruxelles, en vue de la délivrance d’un titre d’identité ou d’un laissez-passer permettant son rapatriement vers la Tunisie, il n’en reste pas moins que ce premier contact n’a été établi que 18 jours après la prise de la décision de placement et surtout que depuis lors, soit 24 jours après le premier contact, les autorités luxembourgeoises ne semblent plus avoir entrepris une quelconque diligence afin de procéder à son éloignement.

Or, dans ces conditions, force est de constater que le demandeur reproche à bon droit au ministre de la Justice de ne pas avoir entrepris les démarches nécessaires et utiles qui auraient pu assurer un éloignement de sa personne dans les meilleurs délais, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’à défaut d’avoir pris des mesures appropriées, le ministre de la Justice ne saurait se prévaloir d’une nécessité absolue pour justifier la décision de reconduction de la mesure de placement du demandeur querellée et la prorogation de la mesure de placement n’était pas justifiée.

Le recours est partant fondé sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens invoqués par le demandeur à l’appui de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme;

au fond, le déclare justifié ;

partant par réformation de la décision du ministre de la Justice du 4 décembre 2002, ordonne la mise en liberté de Monsieur … ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique extraordinaire du 20 décembre 2002 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15735
Date de la décision : 20/12/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-12-20;15735 ?

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