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19/12/2002 | LUXEMBOURG | N°15667

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 décembre 2002, 15667


Tribunal administratif N° 15667 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 novembre 2002 Audience publique du 19 décembre 2002

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Recours formé par Monsieur … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15667 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2002 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour

, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Begaj (K...

Tribunal administratif N° 15667 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 novembre 2002 Audience publique du 19 décembre 2002

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Recours formé par Monsieur … et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15667 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2002 par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Begaj (Kosovo/Yougoslavie), agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 9 septembre 2002, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique introduite, ainsi que d’une décision confirmative, rendue sur recours gracieux, du 30 octobre 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Sandra VION, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur …, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses enfants mineurs …, introduisit en date du 15 juillet 2002 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut en outre entendu en date du 22 août 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur …, par lettre du 9 septembre 2002, notifiée en date du 12 septembre 2002, par voie de lettre recommandée, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : « Vous déclarez avoir quitté le Kosovo parce que vous n’y pourriez pas vivre, faute de travail et de logement adéquat. Vous précisez ne pas pouvoir vous adapter au Kosovo, la mentalité des gens aurait changé et vos enfants ne parleraient pas l’albanais. Vous ajoutez également avoir des difficultés avec votre famille.

Enfin, vous admettez ne pas être membre d’un parti politique. Vous ne faites pas état de persécutions récentes.

Selon l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Par ailleurs, l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 précitée, dispose que « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Or, force est de constater que votre demande ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York. Ainsi, le fait que vous n’auriez pas de travail et pas de moyens d’existence au Kosovo ne constitue pas un acte de persécution, car il ne rentre pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève de 1951. Votre demande est en outre à considérer comme abusive.

Le fait que vous auriez des problèmes d’adaptation et des difficultés avec votre famille ne rentre également pas non plus dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la prédite Convention.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l'article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève (…) ».

A la suite d’un recours gracieux daté du 9 octobre 2002, dirigé contre la décision précitée du 9 septembre 2002, adressé au ministre de la Justice, ce dernier confirma la décision initiale par une décision du 30 octobre 2002.

Par requête déposée en date du 29 novembre 2002, Monsieur …, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses enfants mineurs …, a introduit un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 9 septembre et 30 octobre 2002.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir retenu qu’il n’aurait pas invoqué de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié politique, alors que tel ne serait pas le cas, dans la mesure où suivant de « nombreux rapports » les Albanais du Kosovo tenteraient de contrôler l’ensemble des rouages économiques, politiques et culturels du Kosovo et qu’à cette fin, ils seraient prêts à « persécuter » les minorités qui ont collaboré avec les Serbes. Dans ce contexte, il expose qu’il ferait l’objet de menaces de la part de sa famille qui essayerait ainsi de faire pression sur lui afin qu’il participe à une « vendetta », ayant pour objet de tuer « des Serbes » afin de venger des oncles tués au cours de la guerre ayant eu lieu au Kosovo. Ainsi, dans la mesure où il refuserait de participer à cette « vendetta », il serait exposé non seulement à des menaces verbales mais également à des violences physiques de nature à porter atteinte à son intégrité physique.

Sur base des éléments qui précèdent, il soutient avoir exposé des craintes de persécutions de nature à tomber sous le champ d’application de la Convention de Genève.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial et non sur un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 93, p. 199 et autres références y citées).

Il convient de relever en premier lieu que la demande d’asile du demandeur a été refusée au motif que sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié politique ne répondait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Force est de constater que les faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile ont trait, tel que cela ressort non seulement de la requête introductive d’instance, mais également du procès-verbal d’audition du 22 août 2002, à des problèmes familiaux qu’il aurait connus dans son pays d’origine, notamment au cours de l’année 2002, au cours de laquelle il se serait à nouveau installé dans son pays d’origine, à savoir le Kosovo, à la suite de son refoulement de la République Fédérale d’Allemagne, dans la mesure où des membres de sa famille exigeraient de sa part, afin de témoigner de son hostilité vis-à-vis des Serbes et de venger la mort de deux de ses oncles tués au cours de la guerre ayant eu lieu au Kosovo, de tuer « un ou deux Serbes ». Il a encore indiqué au cours de son audition qu’il souhaiterait s’installer au Luxembourg, étant donné qu’il n’aurait pas trouvé de travail dans son pays d’origine et que ses enfants, ayant longtemps séjourné avec lui en Allemagne, seraient « perdus là-bas ».

Il se dégage des déclarations effectuées par le demandeur auxquelles il est fait référence ci-dessus que, comme l’a retenu à bon droit le ministre de la Justice, sa demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que ladite demande a été rejetée comme étant manifestement infondée.

Cette conclusion ne saurait être énervée par une référence vague et générale à la situation générale existant actuellement au Kosovo, sans qu’il ne soit fait allusion à un quelconque fait concret ayant trait à la situation individuelle du demandeur permettant d’établir qu’il aurait valablement pu se fonder sur l’un des critères prévus par la Convention de Genève en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié politique dans son chef.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 19 décembre 2002 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15667
Date de la décision : 19/12/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-12-19;15667 ?

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