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19/12/2002 | LUXEMBOURG | N°15388

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 décembre 2002, 15388


Tribunal administratif N° 15388 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2002 Audience publique du 19 décembre 2002

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Recours formé par Monsieur … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15388 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2002 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Craiova (Roumanie), de nationalité roumain...

Tribunal administratif N° 15388 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2002 Audience publique du 19 décembre 2002

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Recours formé par Monsieur … contre une décision prise par le ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15388 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2002 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Craiova (Roumanie), de nationalité roumaine, actuellement détenu au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 30 août 2002, par laquelle l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg lui ont été refusés ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en ses plaidoiries.

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Par décision du 30 août 2002 du ministre de la Justice, Monsieur … s’est vu refuser l’entrée et le séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Ladite décision de refus est libellée comme suit :

« Vu le procès-verbal no 10375 du 16 juillet 2002 établi par la Police Grand-

Ducale ;

Vu que l’intéressé ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

Vu que l’intéressé se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Attendu que l’intéressé est susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics ;

Arrête :

Art.1er.- L’entrée et le séjour sont refusés au nommé …, né à Craiova le …, de nationalité roumaine.

L’intéressé devra quitter le pays dès notification du présent arrêté (…) » .

Par requête déposée en date du 25 septembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de ladite décision du 30 août 2002.

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient en premier lieu que la décision ministérielle précitée du 30 août 2002 devrait encourir l’annulation en raison d’une absence de motivation, au motif que ladite décision se bornerait uniquement à reprendre le texte de l’article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

Il y a cependant lieu de constater qu’il se dégage clairement de la décision critiquée que l’entrée et le séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ont été refusés à Monsieur … au motif que celui-ci ne dispose pas de moyens d’existence personnels, qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays et qu’il est susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics, ceci sur base de l’article 2 de la prédite loi modifiée du 28 mars 1972, de sorte que ce moyen d’annulation n’est pas fondé.

Le demandeur soulève ensuite l’illégalité de la décision critiquée pour omission de prise de l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers, avis qui serait obligatoire en matière de police des étrangers en présence « d’un étranger qui, au moment où il tombe sous le coup d’une décision d’expulsion, séjourne sur le territoire luxembourgeois en vertu d’une autorisation de séjour et qui est en attente de la délivrance d’une carte d’identité sollicitée ».

Conformément à l’article 1er du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, l’organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers « l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers sera, sauf urgence, obligatoirement pris avant toute décision portant 1. refus de renouvellement de la carte d’identité d’étranger ;

2. retrait de la carte d’identité ;

3. expulsion du titulaire d’une carte d’identité valable ;

4. révocation de l’autorisation temporaire de séjour ;

5. éloignement d’un réfugié reconnu au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, ou d’un apatride au sens de la Convention de New York du 28 septembre 1954 se trouvant régulièrement au pays ».

C’est partant à juste titre que le délégué du gouvernement soutient que Monsieur … ne rentre dans aucun des cinq cas de figure dans lesquels l’avis de ladite commission consultative devra obligatoirement être sollicité avant la prise de la décision ministérielle.

Il s’ensuit que le moyen afférent est à rejeter.

Le demandeur estime encore que vu qu’il se trouverait en détention préventive depuis plus de deux mois, le ministre ne pourrait pas lui reprocher une absence de moyens d’existence personnels suffisants. Pour le surplus, le motif de refus basé sur le risque qu’il constituerait pour la sécurité et l’ordre publics ne serait pas établi au vu de l’absence d’antécédents judiciaires au Luxembourg. Finalement, le demandeur soutient que la décision critiquée serait illégale en raison de la présomption d’innocence dont il devrait bénéficier et dans la mesure où la décision ne lui laisserait aucun délai pour quitter le territoire luxembourgeois et pour lui permettre de prendre les dispositions élémentaires.

Conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger :

- qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. » Il ressort des pièces du dossier que Monsieur … a été arrêté en date du 16 juillet 2002 suite à un vol et qu’il se trouve depuis cette date en détention préventive au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig.

Si c’est certes à juste titre qu’un étranger, qui a fait l’objet d’un procès-verbal lui imputant des faits constitutifs d’une infraction pénale insiste sur son droit de bénéficier à ce stade de la procédure pénale de la présomption d’innocence, il n’en demeure cependant pas moins que le ministre de la Justice, appelé à apprécier dans le cadre de sa propre sphère de compétence le comportement global dans le chef de l’étranger, peut valablement se référer à des faits à la base d’une instruction pénale, ceci au titre d’éléments permettant d’apprécier son comportement global, étant donné qu’une telle décision ne porte pas sur le bien-fondé d’une accusation en matière pénale, même si elle se fonde sur des faits qui sont susceptibles d’être poursuivis pénalement.

Ainsi, lorsqu’un étranger est en séjour irrégulier au Luxembourg et si des faits suffisamment graves sont établis à suffisance de droit, le ministre de la Justice peut valablement considérer, dans le cadre et conformément aux conditions posées par la loi prévisée du 28 mars 1972, que l’étranger en question est susceptible de constituer un risque pour la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics.

En l’espèce, il ressort du dossier soumis au tribunal que le demandeur a participé en date du 16 juillet 2002 à un vol et a été arrêté en flagrant délit, de sorte que le ministre de la Justice a pu retenir dans son chef un risque pour la sécurité et l’ordre publics.

Le moyen afférent du demandeur est partant à écarter.

A cela s’ajoute qu’au vœu de l’article 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972, une autorisation de séjour peut être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute. En l’espèce, il est constant en cause que le demandeur ne disposait pas de moyens personnels propres légaux au moment où la décision attaquée a été prise, de sorte que le ministre a valablement pu se baser sur ce fait pour refuser l’entrée et le séjour sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg au demandeur.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que Monsieur … se trouve en détention préventive depuis plus de cinq mois, étant donné qu’il ne pourrait de toute façon pas bénéficier d’une autorisation de travail lui permettant de disposer de moyens personnels suffisants et légalement acquis, au vu de son séjour irrégulier au pays.

Finalement, c’est encore à tort que le demandeur sollicite l’annulation de la décision critiquée au motif qu’elle ne lui laisserait aucun délai pour quitter le territoire et pour lui permettre de prendre les dispositions élémentaires. En effet, cette conclusion se dégage des dispositions de l’article 7 de la loi prévisée du 28 mars 1972, au titre duquel le refus de l’autorisation de séjour entraîne pour l’étranger « l’obligation de quitter le territoire luxembourgeois endéans le délai imparti, qui commencera à courir à partir de la notification de la décision », et de la considération que contrairement aux ressortissants communautaires pour lesquels un délai minimal a été fixé par l’article 12 du règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux conditions d’entrée et de séjour de certaines catégories d’étrangers faisant l’objet de conventions internationales, ledit article 7 n’a pas prévu de délai minimal, de sorte qu’il y a lieu de retenir que le délai exigé par l’article 7 peut être égal à zéro, tel étant le cas en l’espèce en présence d’une invitation à quitter le territoire dès la notification de l’arrêté litigieux, l’essentiel étant qu’un délai ait été formulé de manière déterminée (cf. Cour adm. 21 novembre 2000, n° 12156C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 116 et autre référence y citée).

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle est légalement fondée et que le demandeur doit être débouté de son recours.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est rendu contradictoirement entre parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 19 décembre 2002, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15388
Date de la décision : 19/12/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-12-19;15388 ?

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