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16/12/2002 | LUXEMBOURG | N°14917

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 décembre 2002, 14917


Tribunal administratif N° 14917 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 mai 2002 Audience publique du 16 décembre 2002

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Recours formé par Madame …, Luxembourg contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 14917 et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2002 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordr

e des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L...

Tribunal administratif N° 14917 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 mai 2002 Audience publique du 16 décembre 2002

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Recours formé par Madame …, Luxembourg contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 14917 et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2002 par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité cap-verdienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 18 décembre 2001, notifiée le 26 avril 2002, portant refus d’entrée et de séjour sur le territoire luxembourgeois ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Yvette NGONO YAH en ses plaidoiries.

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En date du 13 juillet 1999, Madame … déposa une demande en délivrance d’une carte d’identité étranger en présentant le passeport portugais n° 112428 apparemment délivré le 1er septembre 1998 à Lisbonne et valable jusqu’au 1er septembre 2008. A la suite de cette demande, une carte d’identité d’étranger lui fut délivrée.

Le 19 octobre 2001, dans le cadre d’une instruction pénale, le service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, dressa à charge de Madame … un procès-verbal pour usage d’un faux passeport portugais.

Par arrêté du 18 décembre 2001, le ministre de la Justice lui refusa l’entrée et le séjour au Luxembourg aux motifs suivants : « - usage de pièces d’identité et de voyage falsifiées ; -

défaut de moyens d’existence personnels ; - constitue par son comportement personnel un danger pour l’ordre et la sécurité publics ». Le prédit arrêté ministériel fut notifié à la demanderesse en date du 26 avril 2002.

Un recours gracieux introduit le 10 mai 2002 par Madame … à l’encontre de la décision précitée du 18 décembre 2001 fut rencontré par une décision confirmative du ministre de la Justice du 29 mai 2002.

Par requête déposée le 16 mai 2002, Madame … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 18 décembre 2001.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il convient de relever liminairement que l’Etat, quoi que valablement informé par une notification par la voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance de la demanderesse, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse. Nonobstant ce fait, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Au fond, la demanderesse, sans contester la matérialité des faits lui reprochés, fait expliquer que contrairement à tous ses frères et sœurs qui seraient de nationalité portugaise, elle aurait gardé la nationalité cap-verdienne après l’indépendance du Cap Vert en 1975.

Après avoir rejoint son frère aîné R. au Portugal, ce dernier lui aurait remis le passeport falsifié, qu’elle ne se serait posée aucune question sur le document lui remis, étant totalement illettrée et ne parlant que le « créole ». Muni de ce passeport portugais falsifié, elle se serait rendue au Luxembourg où on lui aurait attribué sans problème une carte d’identité d’étranger.

Sur ce, la demanderesse estime qu’eu égard au fait que l’affaire pénale serait toujours pendante, il n’appartiendrait pas au ministre de la Justice, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, de « s’arroger une prérogative qui revient aux autorités judiciaires » (sic) et qu’en attendant qu’un jugement pénal soit pris à son encontre, l’autorité ministérielle ne saurait justifier la mesure attaquée.

Concernant le défaut de moyens d’existence personnels, la demanderesse argumente qu’elle aurait travaillé depuis son arrivée au Luxembourg, qu’elle aurait suffisamment épargné et pourrait vivre de ses économies en attendant l’issue de toutes les affaires. Finalement, la demanderesse conteste encore constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics, étant donné que le document falsifié lui aurait été remis par son frère, qu’elle serait totalement analphabète et qu’il ne ressortirait d’aucun élément du dossier que d’autres ressortissants cap-

verdiens auraient par son intermédiaire acquis des passeports portugais pour s’installer au Luxembourg. Sur ce, la demanderesse sollicite l’annulation de l’arrêté ministériel attaqué pour excès de pouvoir.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, dispose notamment que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger: (…) - qui est susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics ».

En l’espèce, il ressort du dossier administratif que la demanderesse, au moment de solliciter la délivrance d’une carte d’identité d’étranger, s’est présentée aux autorités luxembourgeoises sous une fausse nationalité moyennant la production d’un passeport portugais falsifié, alors qu’il s’est révélé par la suite - la demanderesse l’admettant d’ailleurs expressément dans sa requête introductive d’instance - qu’elle est de nationalité cap-

verdienne. Ainsi, eu égard à la gravité incontestable des faits, peu importe les raisons et les circonstances dans lesquelles la demanderesse s’est procuré le passeport portugais falsifié, on ne saurait reprocher au ministre de la Justice d’avoir commis un excès de pouvoir en ce qu’il a estimé que lesdits faits dénotent à suffisance de droit un comportement, sinon un risque de comportement dans le chef de Madame … compromettant l’ordre et la sécurité publics et qu’ils constituent des indices suffisants sur base desquels il convient de conclure à l’existence d’un risque sérieux qu’elle continuera à constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics à l’avenir (voir trib. adm. 30 janvier 2002, n° 13750 ; trib. adm. 30 janvier 2002, n° 13751 et trib. adm. 20 février 2002, n° 14019 du rôle, trib. adm. 11 juillet 2002, n° 14666 du rôle, non encore publiés).

Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit et conformément à l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, que le ministre a refusé l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg à Madame ….

Etant donné que le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l'appui de l’acte administratif attaqué et que la mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d'opportunité à la base de l'acte administratif attaqué, le fait que la demanderesse a régulièrement travaillé de par le passé au Luxembourg et qu’elle pourrait vivre à l’heure actuelle de ses économies, de même que le fait que l’affaire pénale est toujours pendante à l’heure actuelle, ne sont pas de nature à ébranler le caractère légal et réel du motif tiré de l’atteinte à l’ordre et la sécurité publics à la base de la décision attaquée.

Il résulte de l’ensemble des développements ci-avant exposés que le recours doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 16 décembre 2002, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14917
Date de la décision : 16/12/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-12-16;14917 ?

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