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12/12/2002 | LUXEMBOURG | N°15183

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 décembre 2002, 15183


Tribunal administratif N° 15183 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2002 Audience publique du 12 décembre 2002

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de tolérance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15183 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2002 par Maître Arsène THILL, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Godesa (Monténégro/Yougos...

Tribunal administratif N° 15183 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2002 Audience publique du 12 décembre 2002

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de tolérance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15183 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2002 par Maître Arsène THILL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Godesa (Monténégro/Yougoslavie) et de son épouse, Madame …, née le … à Dobrodole (Monténégro/Yougoslavie), agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, et au nom de Madame …, née le … à Godesa et Madame …, née le …, tous de nationalité yougoslave, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 22 mars 2002, par laquelle le ministre leur a refusé la reconnaissance du statut de tolérance tel que prévu par l’article 13 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, ainsi que d’une décision implicite de refus découlant du silence de plus de trois mois suite à un recours gracieux introduit par les demandeurs par lettre du 11 avril 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2002 ;

Vu la constitution de nouvel avocat de Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2002, informant le tribunal qu’elle a mandat d’occuper pour les demandeurs en remplacement de Maître Arsène THILL ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en ses plaidoiries.

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Suite à un arrêt de la Cour administrative du 13 décembre 2001, confirmant un jugement du tribunal administratif du 25 juillet 2001, portant rejet d’un recours contentieux dirigé contre deux décisions du ministre de la Justice des 5 septembre et 14 décembre 2000 refusant de reconnaître le statut de réfugié au sens de la convention de Genève aux époux … et … et à leurs enfants communs, les consorts …-… se sont adressés le 4 janvier 2002, par le biais de leur mandataire, au ministre de la Justice pour solliciter la reconnaissance d’un statut de tolérance tel que prévu par l’article 13 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, au motif que Monsieur … devait subir une intervention chirurgicale et qu’il nécessiterait des soins médicaux post-opératoires.

Ladite demande fut refusée par décision du ministre de la Justice du 22 mars 2002, au motif que Monsieur … avait été opéré et que rien ne l’empêcherait de continuer son traitement dans son pays d’origine, à savoir le Monténégro.

Un recours gracieux introduit par courrier daté du 11 avril 2002 auprès du ministre de la Justice étant resté sans réponse, les consorts …-… ont fait déposer en date du 26 juillet 2002 une requête devant le tribunal administratif, inscrite sous le numéro 15183 du rôle, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 22 mars 2002 et de la décision confirmative implicite.

Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 15184 du rôle, ils ont introduit un recours tendant à ordonner le sursis à exécution par rapport aux-dites décisions leur refusant un statut de tolérance au Grand-Duché de Luxembourg, requête qui a été rejetée par ordonnance du 29 juillet 2002.

QUANT AU RECOURS EN REFORMATION Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 4, p. 518 et autres références y citées).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction contre une décision de refus du statut de tolérance, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

QUANT AU RECOURS EN ANNULATION Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs soutiennent que même si toutes les interventions chirurgicales nécessaires (une opération à la gorge et une opération abdominale) ont d’ores et déjà été effectuées, il n’en resterait pas moins que Monsieur … devrait se soumettre à des « contrôles et soins post-opératoires en septembre, respectivement en novembre 2002 ( contrôle de laryngoscopie) » et que ceux-ci ne pourraient pas être effectués au Monténégro en raison des mauvaises conditions médicales qui y existeraient.

Le délégué du gouvernement estime que la décision litigieuse serait légalement motivée en ce que les demandeurs n’établiraient pas l’existence d’une circonstance de fait empêchant leur rapatriement. Il précise que le statut de tolérance ne serait accordé que dans des cas exceptionnels se limitant à des cas de maladies graves pour lesquelles tout transport de la personne concernée serait impossible. Dans ce contexte, le délégué du gouvernement fait valoir que même si Monsieur … doit encore subir des contrôles et soins post-opératoires, il ne ressortirait néanmoins pas du dossier qu’il serait impossible d’assurer ces soins dans son pays d’origine, dans la mesure où il ressortirait d’un avis dressé à la suite d’un contrôle médical effectué en date du 22 août 2002 dans le cadre de la procédure de rapatriement par un médecin de l’administration du contrôle médicale de la sécurité sociale, qu’il ne présenterait pas de pathologie empêchant son rapatriement.

Au titre de l’article 13 alinéa 1er de la loi précitée du 3 avril 1996, lorsque le statut de réfugié a été refusé, le demandeur d’asile sera éloigné du territoire en conformité avec les dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et l’alinéa 3 du prédit article prévoit une exception à ce principe « si l’exécution matérielle de l’éloignement s’avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre de la Justice peut décider de le tolérer provisoirement sur le territoire jusqu’au moment où ces circonstances de fait auront cessé ».

S’il est dès lors vrai que la maladie d’un demandeur d’asile débouté et la qualité des soins médicaux dans son pays d’origine sont, le cas échéant, susceptibles de constituer une circonstance de fait rendant l’exécution matérielle d’un éloignement impossible et, par conséquent, de nature à justifier que l’intéressé soit admis à demeurer sur le territoire luxembourgeois jusqu’au moment où la circonstance de fait aura cessé, force est de constater qu’en l’espèce, le ministre de la Justice n’a pas méconnu l’article 13 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996, étant donné qu’il ne ressort d’aucun élément de preuve tangible que les traitements médicaux post-opératoires nécessités par Monsieur … ne pourraient pas lui être procurés dans son pays d’origine.

Dans ce contexte, il convient d’ajouter, d’une part, que la référence au certificat médical du Dr M. K. du 9 avril 2002 n’est pas de nature à ébranler ce constat, étant donné que même à admettre que ledit médecin dispose des connaissances requises pour pouvoir se prononcer sur l’état des conditions hospitalières ou autres existant en Yougoslavie (Serbie et Monténégro), ledit médecin ne s’est prononcé que sur l’ampleur et les risques de complication de l’opération abdominale que Monsieur … a d’ores et déjà subie, mais non pas sur les soins et contrôles post-opératoires requis ou la prétendue impossibilité de les faire effectuer en Yougoslavie et, d’autre part, que les autres certificats médicaux produits en cause par les demandeurs restent muets quant à la possibilité ou l’impossibilité d’obtenir des soins adéquats dans le pays de provenance de Monsieur ….

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle est légalement fondée et que les demandeurs sont à débouter de leur recours.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande des demandeurs tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.250 Euros.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le tribunal est amené à statuer contradictoirement en l’espèce, encore que les demandeurs n’étaient pas représentés lors de l’audience publique à laquelle l’affaire fut plaidée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, Mme Lamesch, juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 12 décembre 2002, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15183
Date de la décision : 12/12/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-12-12;15183 ?

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