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05/12/2002 | LUXEMBOURG | N°10769

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 décembre 2002, 10769


Tribunal administratif N° 10769 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 1998 Audience publique du 5 décembre 2002

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Recours formé par l’administration communale de Sanem et consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de la société anonyme … S.A.

en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes

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JUGEMENT

Revu la requête d

éposée en date du 24 juin 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, i...

Tribunal administratif N° 10769 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juin 1998 Audience publique du 5 décembre 2002

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Recours formé par l’administration communale de Sanem et consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de la société anonyme … S.A.

en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes

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JUGEMENT

Revu la requête déposée en date du 24 juin 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1. l’administration communale de Sanem, établie à L-4988 Belvaux, 3, rue de la Fontaine, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, 2. Monsieur …, 3. Monsieur …, 4. Monsieur …, 5. Monsieur …, 6. Monsieur …, 7. Madame …, 8. Monsieur … 9. Monsieur …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Environnement du 17 mars 1998 autorisant la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, à exploiter des installations existantes de mélangeurs pour mâchefers, simples et autres, ainsi qu’à construire et exploiter une installation de recyclage et de revalorisation de scories en provenance de l’incinération d’ordures ménagères par enrobage à émulsion de bitumes sur le site Arbed/Differdange, section A de Niedercorn, parcelles cadastrales …, au lieu-dit « … »;

1 Vu le jugement rendu le 28 juillet 1999 par le tribunal administratif, par lequel il a déclaré le recours en réformation recevable en la forme et, après avoir retenu qu’une étude d’impact aurait dû être accomplie afin d’apprécier non seulement les nuisances susceptibles d’être causées par l’installation projetée, mais également celles que les installations existantes à proximité immédiate du site sur lequel l’installation nouvelle est à construire ont été autorisées à émettre, il a nommé, avant tout autre progrès en cause, un expert avec la mission, d’une part, d’examiner les nuisances olfactives et sonores préexistantes en provenance des établissements industriels installés à proximité du site de la société … S.A., exclusivement sur base des autorisations respectives émises par le ministre de l’Environnement, d’autre part, d’analyser l’augmentation desdites nuisances préexistantes à la suite des nouvelles installations de la société … en vue de déterminer la totalité desdites nuisances, en faisant ressortir les limites acceptables de la pollution par l’odeur et le bruit et, de troisième part, d’examiner si, sur base des données précitées, l’implantation et l’exploitation d’une installation de recyclage et de revalorisation de scories en provenance de l’incinération d’ordures ménagères par enrobage à émulsion de bitume sur le site précité au lieu-dit « … » risquent ou non de présenter des causes de danger ou des inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité ou la commodité, par rapport au public, au voisinage ou au personnel de l’établissement, soit pour l’environnement humain et naturel, et d’analyser plus spécifiquement les nuisances pouvant résulter de l’exploitation desdites installations du point de vue du bruit et des odeurs, en réservant les frais et en fixant l’affaire au rôle général ;

Vu l’ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 20 octobre 1999, procédant au remplacement de l’expert initialement institué par le jugement précité du 28 juillet 1999 ;

Vu l’ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 9 novembre 1999, par laquelle l’expert nommé par l’ordonnance précitée du 20 octobre 1999 a été remplacé ;

Vu l’ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif du 30 novembre 1999, par laquelle l’expert nommé par l’ordonnance précitée du 9 novembre 1999 a été remplacé et par laquelle le bureau d’experts BASLER & PARTNER A.G., établi à CH-

8702 Zollikon, 65, Zollikerstrasse a été nommé expert avec la mission telle que définie au jugement précité du 28 juillet 1999 ;

Vu le rapport d’expertise établi par la société BASLER & PARTNER A.G., dénommé « Expertengutachten zur Lärm- und Geruchsbelastung », déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2001 ;

Vu le mémoire complémentaire, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 janvier 2002 par Maître Marc ELVINGER pour compte de l’administration communale de Sanem et consorts ;

Vu le mémoire déposé au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2002 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2002 par Maître Roy NATHAN pour compte de la société anonyme … S.A. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

2 Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, Maîtres Marc ELVINGER et Roy NATHAN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries complémentaires respectives.

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Dans son jugement du 28 juillet 1999, après avoir déclaré le recours en réformation recevable, et après avoir décidé que les modifications apportées au projet initialement introduit par la société anonyme … S.A. en date du 9 novembre 1995, à la suite de l’accomplissement de l’enquête publique dans le cadre de la procédure commodo et incommodo, sans qu’une nouvelle enquête publique n’avait eu lieu, n’étaient pas à considérer comme constituant des modifications substantielles au sens de l’article 5 de la loi modifiée du 9 mai 1990 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, applicable à la présente affaire, le tribunal administratif a constaté qu’en l’espèce l’élaboration d’une étude d’impact était indispensable, au vu du fait que l’établissement projeté par la société anonyme … S.A. est de nature à être à l’origine d’odeurs nuisibles et de bruits susceptibles de porter atteinte au cadre de vie des personnes habitant dans l’entourage de l’établissement en question et que ces nuisances viennent s’ajouter à celles qui proviennent d’ores-et-déjà d’autres établissements installés à proximité immédiate du site sur lequel la nouvelle installation est projetée.

Le tribunal a encore retenu dans son jugement précité qu’une telle étude d’impact globale devait comprendre non seulement l’installation projetée, mais également les installations existantes à proximité immédiate du site sur lequel l’installation nouvelle est à construire et qu’elle devra tenir compte non pas des nuisances causées par les établissements existants, mais au contraire de celles autorisées par le ministre de l’Environnement. Le tribunal a encore ajouté qu’il était dans ce contexte indifférent de savoir si une entreprise ayant fait l’objet d’une autorisation de la part du ministre de l’Environnement en vue de l’exploitation de ses installations ne respecte pas les limites maxima fixées par ledit ministre dans le cadre des seuils que ladite exploitation devra respecter en matière de nuisances olfactives et d’émission de bruits, étant donné que de tels agissements illégaux sont susceptibles de faire l’objet de mesures à prendre par le prédit ministre sur base de la loi précitée du 9 mai 1990, permettant ainsi d’assurer qu’à l’avenir les seuils dûment autorisés soient respectés par l’exploitant en question.

Après avoir constaté qu’en l’espèce, l’élaboration d’une étude d’impact était indispensable, le tribunal a constaté, après avoir analysé les différentes études figurant d’ores-

et-déjà au dossier qui lui a été soumis, n’étaient pas à considérer, ni isolément ni pris dans leur ensemble, comme constituant une étude d’impact établissant, sur base des nuisances préexistantes en provenance des établissements installés à proximité immédiate de la société … et de celles à émettre par cette dernière à la suite des nouvelles installations, la totalité des nuisances olfactives et sonores dont risquent de souffrir les habitants résidant dans le voisinage immédiat, dont notamment les demandeurs. Le tribunal a encore estimé qu’une telle étude d’impact globale est toutefois indispensable afin de le mettre en mesure de vérifier si l’addition des nouvelles nuisances en provenance de la société … n’a pas pour conséquence de rendre la totalité des nuisances intolérable pour le voisinage. Au vu des lacunes du dossier tel qu’il lui a été soumis, dans la mesure où une telle étude d’impact globale n’avait pas été faite antérieurement, le tribunal a nommé, avant tout autre progrès en cause, un expert avec la mission, d’une part, d’examiner les nuisances olfactives et sonores préexistantes en provenance des établissements industriels installés à proximité du site de la société …, exclusivement sur base des autorisations respectives émises par le ministre de l’Environnement, d’autre part, 3 d’analyser l’augmentation desdites nuisances préexistantes à la suite des nouvelles installations de la société … en vue de déterminer la totalité desdites nuisances, en faisant ressortir les limites acceptables de la pollution par l’odeur et le bruit et, de troisième part, d’examiner si, sur base des données précitées, l’implantation et l’exploitation d’une installation de recyclage et de revalorisation de scories en provenance de l’incinération d’ordures ménagères par enrobage à émulsion de bitume sur le site précité au lieu-dit « … » risque ou non de présenter des causes de danger ou des inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité ou la commodité, par rapport au public, au voisinage ou au personnel de l’établissement, soit pour l’environnement humain et naturel, et d’analyser plus spécifiquement les nuisances pouvant résulter de l’exploitation desdites installations du point de vue du bruit et des odeurs.

A la suite de plusieurs remplacements d’experts nommés par le tribunal, c’est par une ordonnance du 30 novembre 1999 qu’a été nommé comme nouvel expert le bureau BASLER & PARTNER A.G., établi à CH-8702 Zollikon, 65, Zollikerstrasse, avec la mission telle que définie au jugement précité du 28 juillet 1999, reprise ci-dessus.

Dans son rapport d’expertise déposé au greffe du tribunal le 6 juillet 2001, le bureau d’expertise BASLER & PARTNER A.G. a conclu que la mission d’expertise dont il a été chargé, sur base du jugement précité du 28 juillet 1999, ne pouvait pas être accomplie, dans la mesure où les autorisations émises par le ministre de l’Environnement au sujet des établissements situés à proximité immédiate de celui de la société anonyme … S.A., qui avaient été mises à sa disposition, ne contenaient pas les données détaillées nécessaires pour lui permettre de procéder aux analyses et examens tels qu’exigés par les juges. Ainsi, les experts ont retenu, en ce qui concerne les nuisances olfactives, que la plupart des autorisations émises par le ministre de l’Environnement au sujet de ces établissements préexistants ne contenaient aucune prescription quant aux nuisances olfactives maximales admissibles, mais qu’il était simplement indiqué dans lesdites décisions que le voisinage ne devait pas être dérangé par des émissions d’odeurs. La seule exception constituent à cet égard les autorisations émises en faveur de la société … Ltd qui contiennent des prescriptions quantitatives quant aux émissions d’odeurs admissibles, en se basant sur des unités d’odeurs admissibles calculées par m3 voire par seconde. Toutefois, ces prescriptions ont trait exclusivement à l’endroit où ces odeurs sont émises et non pas aux zones où habitent notamment les personnes physiques ayant introduit le présent recours.

En ce qui concerne les nuisances causées par les bruits, les experts ont constaté que la plupart des autorisations contiennent des valeurs limites ayant trait au bruit, lesdites valeurs portant soit sur un endroit auquel ces bruits sont perceptibles, situés à la limite du terrain soit à un endroit auquel ces bruits sont perçus situés à la limite du terrain voisin.

En conclusion, les experts ont retenu, en ce qui concerne les nuisances olfactives, que sur base des autorisations mises à leur disposition, les nuisances olfactives préexistantes n’ont pas pu être constatées, étant donné que dans la plupart des cas les autorisations ne contenaient que soit des prescriptions qualitatives, dans la mesure où les établissements visés par elles ne devaient pas entraîner des nuisances pour le voisinage du fait d’émissions d’odeurs, soit des prescriptions quant au seul endroit d’émission desdites odeurs sans que la répartition et l’évolution de celles-ci jusqu’à l’endroit de leur perception n’ont pu être constatées. Ainsi, les nuisances olfactives totales n’ont pas pu être constatées et les experts n’ont pas pu juger si la mise en place des nouvelles installations, ainsi que leur exploitation entraînent des inconvénients pour le voisinage.

En ce qui concerne les nuisances résultant des bruits, les experts ont conclu que les nuisances totales n’ont pas pu être constatées et qu’il n’a pas non plus pu être constaté si 4 l’exploitation des nouvelles installations entraîne des dangers ou des inconvénients pour le voisinage, dans la mesure où les autorisations antérieurement émises pour les installations existantes se trouvant à proximité immédiate du site de la société … S.A. ne contiennent pas des prescriptions assez détaillées permettant des analyses exactes sur les nuisances résultant des bruits émis par lesdites installations préexistantes.

Par ailleurs, pour pouvoir remplir la mission leur confiée par le jugement précité, les experts estiment qu’ils auraient dû être mis en possession d’indications détaillées non seulement sur les exploitations industrielles préexistantes, la situation de leurs immeubles, ainsi que les sources de bruits, mais également quant à la topographie des environs, et, ils soutiennent dans ce contexte que des mesurages et analyses sur place seraient indispensables.

Ils ont encore constaté, sur base des autorisations antérieurement émises, qui ont été mises à leur disposition par le gouvernement, que le ministre de l’Environnement n’a vraisemblablement pas fait accomplir des calculs détaillés quant aux bruits ou aux odeurs susceptibles d’être perçus notamment dans la zone dans laquelle habitent les demandeurs. En conclusion, les experts ont constaté que sur base des pièces et documents qui ont été mis à leur disposition, ils n’ont pas pu analyser si les analyses et recherches ordonnées par le tribunal dans son jugement précité aient été accomplies par les autorités compétentes et qu’au vu des lacunes existantes dans les autorisations antérieurement émises et dans les pièces qui leur ont été remises, ils ont déclaré qu’ils ne sont pas en mesure d’accomplir la mission dont ils ont été chargés par la juridiction administrative.

Dans leur mémoire complémentaire déposé le 7 janvier 2002 au greffe du tribunal administratif, à la suite du dépôt du rapport d’expertise précité, l’administration communale de Sanem et consorts font valoir, après avoir constaté le défaut par le ministre de l’Environnement d’avoir imposé à l’ensemble des établissements établis dans la zone litigieuse, des normes en matière d’émission et d’immission d’odeurs de nature à éviter que, par l’effet cumulatif des émissions provenant des différents établissements, les riverains subissent des inconvénients allant au-delà de ceux qui sont tolérables dans une zone d’habitation, que le tribunal administratif ne pourrait, à défaut pour le ministre de l’Environnement d’avoir fait procéder à l’étude d’impact globale dont l’élaboration s’impose, tel que cela ressort du jugement précité du tribunal administratif du 28 juillet 1999, qu’annuler la décision litigieuse, en ce qu’il ne serait pas en mesure, dans le cadre de son pouvoir de réformation, ni de substituer sa décision à celle du ministre ni de modifier celle-ci, à défaut de disposer des données techniques indispensables, de sorte que seule l’annulation de la décision déférée pouvait être envisagée en ce qu’en raison de la complexité technique du dossier, l’administration serait mieux placée que la juridiction pour substituer une décision nouvelle à celle actuellement sous analyse.

L’annulation s’imposerait encore d’après les demandeurs en raison de ce que le ministre de l’Environnement aurait statué sur un dossier incomplet, en ce qu’il n’a pas fait procéder à l’élaboration d’une étude d’impact globale telle que prévue à l’article 6, dernier alinéa de la loi précitée du 9 mai 1990, étant entendu que le tribunal administratif ne serait pas dans l’obligation de pallier à cette lacune en faisant compléter le dossier, mais qu’il serait plus opportun de renvoyer l’affaire devant le ministre compétent afin de le mettre en mesure de prendre une nouvelle décision au vu d’un dossier complet.

Une autre alternative consisterait, pour les demandeurs, à ce que le tribunal interdise d’ores-et-déjà, tel qu’ils l’avaient requis dans leur requête introductive d’instance, l’entreposage de mâchefers de moins de 58 jours d’âge sur le site, en décidant que ces mâchefers ne doivent être amenés sur le site qu’après leur processus de déshydratation qui serait source de nuisances olfactives importantes.

5 Les demandeurs concluent que peu importe la décision que le tribunal serait amené à prendre, il y aurait lieu de condamner l’Etat ou la société … S.A. non seulement aux frais d’expertise déjà encourus, et dont ils auraient fait l’avance, mais également à tous autres frais d’expertise à encourir au cas où des expertises supplémentaires seraient ordonnées.

Ils précisent dans ce contexte qu’ils s’opposent à leur prise en charge, même à titre de simple avance, de frais d’expertise supplémentaires, au motif que de tels frais devraient nécessairement être supportés par le demandeur en autorisation.

Le délégué du gouvernement estime que du fait que depuis le 17 mars 1999, plus aucune réclamation ne serait parvenue à l’administration de l’Environnement en raison de l’exploitation de l’établissement autorisé par la décision sous analyse, la preuve serait rapportée à suffisance de droit que les conditions imposées par la décision en question seraient suffisantes pour garantir la qualité de vie de la population avoisinante.

Il ajoute à cet égard qu’il ne ressortirait pas du rapport d’expertise que les conditions telles qu’imposées à la société anonyme … S.A. serait insuffisantes, en relevant que de toute façon, la détermination des nuisances préexistantes dans une zone spécifique serait très coûteuse en raison de sa complexité et qu’une telle expertise prendrait « généralement beaucoup de temps ». Il fait encore état de ce qu’à son avis la mission d’expertise telle qu’ordonnée par le tribunal administratif n’aurait pas pu être réalisée par l’expert « pour des raisons financières ». En conclusion, il soutient qu’au regard des études qui ont été réalisées à l’appui de la demande en autorisation des installations litigieuses et des conditions prescrites dans la décision sous analyse, il aurait été tenu compte à suffisance de la qualité de vie de la population avoisinante de l’établissement litigieux, qui ne serait pas diminuée du point de vue de l’impact olfactif, des nuisances sonores, ainsi que de l’émission de poussières.

Dans son mémoire complémentaire, la société anonyme … S.A. estime que malgré les lacunes constatées par les experts nommés par le tribunal administratif, une nouvelle expertise telle que préconisée par ces experts serait cependant inutile, dans la mesure où l’autorisation ministérielle litigieuse aurait été délivrée sur base « d’informations pertinentes et suffisantes ».

Elle s’oppose encore à ce que le tribunal fasse droit à la demande telle que formulée par Maître Marc ELVINGER dans son mémoire complémentaire, tendant à l’annulation de la décision incriminée, au motif qu’il s’agirait d’une demande nouvelle qui n’aurait pas figuré dans la requête introductive d’instance, laquelle contiendrait seulement un recours en réformation, de sorte que cette demande nouvelle tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 17 mars 1998 devrait être déclarée irrecevable.

A titre subsidiaire, la prédite société estime que l’élaboration d’une étude d’impact globale ne serait pas nécessaire en l’espèce, le ministre de l’Environnement ayant pu décider, par une saine appréciation des faits, en prenant en considération les expertises qui avaient été versées à l’appui de la demande en autorisation.

Enfin, elle s’oppose à ce que les frais d’expertise soient mis à sa charge, en soutenant que l’expertise telle qu’ordonnée par le tribunal, qui ne se serait pas légalement imposée, aurait été accomplie dans l’unique intérêt des parties requérantes.

Il échet tout d’abord de rejeter le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société anonyme … S.A. visant la demande tendant à la seule annulation de la décision litigieuse, formulée dans le cadre d’un recours en réformation initialement introduit par la requête introductive d’instance, étant donné que même au cas où le juge est amené à statuer sur un recours en réformation, il peut se limiter à ne prononcer que l’annulation de la décision critiquée et à 6 renvoyer l’affaire devant l’administration (cf. trib. adm. 16 avril 1997, n° 9673 du rôle, Pas.

adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 7, p. 518 et autres références y citées).

Il échet ensuite de rappeler que dans son jugement du 28 juillet 1999, le tribunal administratif a décidé qu’en l’espèce, une étude d’impact globale aurait dû être établie afin de vérifier si l’établissement projeté est de nature à être à l’origine d’odeurs nuisibles et de bruits susceptibles de porter atteinte au cadre de vie des personnes habitant dans l’entourage de l’établissement en question et afin d’évaluer dans quelle mesure ces nouvelles nuisances viennent s’ajouter à celles qui proviennent d’ores-et-déjà d’autres installations préexistantes situées à proximité immédiate du site sur lequel la nouvelle installation de la société anonyme … est projetée, et a constaté qu’une telle étude d’impact globale n’avait pas été confectionnée.

Il se dégage encore du rapport d’expertise tel qu’ordonné par le tribunal dans son jugement précité que le tribunal, dans le cadre de son pouvoir de réformation, n’a pas pu faire vérifier par lesdits experts si les intérêts dont la protection est réglementée par la loi précitée du 9 mai 1990, ont été dûment pris en considération par le ministre de l’Environnement afin d’éviter que les nouvelles installations risquent de présenter des causes de danger ou des inconvénients, soit pour la sécurité, la salubrité ou la commodité, par rapport au public, au voisinage ou au personnel de l’établissement, soit pour l’environnement humain et naturel.

Il suit des considérations qui précèdent que non seulement le tribunal administratif ne se trouve pas en possession des éléments qui lui permettent d’évaluer la conformité de la décision litigieuse par rapport à la loi précitée du 9 mai 1990, mais qu’en outre, le ministre de l’Environnement, au moment où il a pris la décision en question, n’était pas en possession d’une étude d’impact globale ni d’autres informations équivalentes qui auraient pu le mettre en mesure d’apprécier l’impact des nouvelles installations sur l’environnement, en prenant en considération les installations préexistantes, de sorte qu’il a statué sur un dossier incomplet. Il s’ensuit qu’au vu de l’instruction lacuneuse du dossier introduit par la société anonyme … S.A.

auprès du ministre de l’Environnement en date du 9 novembre 1995, à laquelle il n’a pas pu être suppléé par le rapport d’expertise déposé dans le cadre du présent litige, sur demande du tribunal, il y a lieu, par réformation, d’annuler la décision du 17 mars 1998 et de renvoyer le dossier en prosécution de cause devant le ministre de l’Environnement.

Par ailleurs, au vu de l’issue du litige, il y a lieu de condamner l’Etat aux frais, y compris bien entendu ceux occasionnés par la mesure d’expertise telle qu’ordonnée par le tribunal.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

vidant le jugement interlocutoire du 28 juillet 1999, par réformation, annule la décision du ministre de l’Environnement du 17 mars 1998 et renvoie le dossier en prosécution de cause devant ledit ministre ;

condamne l’Etat aux frais y compris aux frais d’expertise occasionnés par l’élaboration du rapport déposé au greffe du tribunal le 6 juillet 2001.

7 Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 5 décembre 2002 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 10769
Date de la décision : 05/12/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-12-05;10769 ?

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