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02/12/2002 | LUXEMBOURG | N°15172

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 décembre 2002, 15172


Tribunal administratif N° 15172 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2002 Audience publique du 2 décembre 2002

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Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15172 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2002 par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à

la Cour, assistée par Maître Mireille HAMES, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des av...

Tribunal administratif N° 15172 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2002 Audience publique du 2 décembre 2002

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Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15172 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2002 par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, assistée par Maître Mireille HAMES, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, et son épouse Madame …, née le… , agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …, née le …, …, né le …, et …, née le …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice le 21 mars 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour, ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux par le même ministre en date du 6 mai 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Mireille HAMES et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 novembre 2002.

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En date du 23 février 1999, les consorts …-… introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-

ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 21 avril 2000, le ministre de la Justice les informa que leur demande était rejetée.

Un recours gracieux formulé par lettre du 14 juin 2000 à l’encontre de cette décision ministérielle ayant été rejeté par décision du ministre de la Justice du 22 juin 2000, les consorts …-… introduisirent un recours contentieux en date du 29 juin 2000. Ce recours fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 15 novembre 2000, confirmé par arrêt de la Cour administrative du 6 mars 2001.

Par lettre datée au 9 avril 2001, les consorts …-… sollicitèrent, par le biais de leur mandataire, un permis de séjour « pour des raisons humanitaires », en faisant valoir qu’au-

delà des craintes de persécution dans leur pays d’origine, ils ne pourraient y retourner pour des raisons médicales tenant au fait que leur fille … souffrirait d’une maladie incurable nécessitant des soins médicaux particuliers et continus, lesquels seraient inaccessibles dans leur pays d’origine.

Par décision du 21 mars 2002, le ministre de la Justice informa le mandataire des demandeurs de ce qui suit :

« (…) Je suis cependant amené à constater que vos mandants ne disposent pas de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers.

Par ailleurs, je suis amené à constater que vos mandants ne font pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande. (…) » Le mandataire des consorts …-… fit introduire en date du 10 avril 2002 un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 21 mars 2002 en versant à l’appui de cette demande un certificat médical établi par le docteur Jean-Louis CLOEZ du 27 mars 2002 libellé comme suit :

« Je soussigné, Dr Jean-Louis Cloez, cardio-pédiatre, certifie que l’enfant … …, née le 11/03/96, opérée d’une cardiopathie congénitale à Paris en 1999 justifie une surveillance cardio-pédiatrique. Une consultation est souhaitable étant donné l’existence d’une symptomatologie fonctionnelle qui peut traduire un problème cardiaque ».

Par décision du 6 mai 2002, le ministre informa les consorts …-… qu’après avoir procédé au réexamen de leur dossier, qu’à défaut d’éléments pertinents nouveaux il ne saurait réserver une suite favorable à leur demande.

Par requête déposée en date du 25 juillet 2002, les consorts …-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions ministérielles prévisées des 21 mars et 6 mai 2002.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

En effet, dans la mesure où aucune disposition légale ne confère compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour statuer en réformation à l’égard des décisions lui déférées.

Dans une matière dans laquelle seul un recours en annulation est prévu, le recours introduit sous forme de recours en réformation est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, à condition d’observer les règles de procédure et les délais sous lesquels le recours en annulation doit être introduit (cf. trib. adm. 26 mai 1997, n° 9370, Pas.

adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 27 et autres références y citées, p. 516).

Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, les demandeurs font valoir que leur fille …, âgée de six ans, serait gravement malade et souffrirait de sérieux problèmes cardiaques, que, pendant la période du 26 septembre 1999 au 8 octobre 1999, elle était hospitalisée dans l’Institut cardiovasculaire Paris Sud où elle a dû se soumettre à une opération pour fermeture d’une « CIA sinus venosus » et que le traitement postopératoire serait régulièrement assuré par le docteur Jean-Louis Cloez, spécialiste en cardiologie pédiatrique à Metz. Ils font valoir qu’au Monténégro, leur fille aurait certes bénéficié d’un suivi médical, mais qu’aucun des médecins n’auraient su trouver l’origine de son mal, alors qu’il serait clair qu’au Monténégro la médecine sophistiquée telle que leur fille … en aurait besoin ne serait accessible qu’aux plus riches. Ils estiment dès lors pouvoir bénéficier d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires au motif que jusqu’à l’âge de 10 ans l’évolution de l’état de santé de leur fille devrait être suivie par un spécialiste.

Le délégué du Gouvernement se réfère dans son mémoire en réponse aux conclusions du médecin de contrôle qui en date du 19 juillet 2001 a retenu en ce qui concerne l’enfant … … que « il s’agit d’une infection traitée chirurgicalement et ne nécessitant plus qu’une surveillance annuelle. Le séjour au Grand-Duché n’est pas absolument nécessaire pour cette surveillance », ainsi qu’à une prise de position datant du même jour de la part du ministère de la Famille ayant abouti à la conclusion que l’état de l’enfant n’aurait pas changé depuis un an et qu’il se porterait heureusement très bien, tout en ayant relevé que « nous sommes en présence d’une famille de demandeurs d’asile déboutés qui essaie de tirer tout profit possible de la situation de l’enfant, à l’instar d’autres familles ». Le représentant étatique estime ainsi que ce serait à juste titre que le ministre a refusé de faire droit à la demande des consorts …-

…, étant donné que s’il est vrai que le ministre de la Justice accorde des autorisations de séjour à des personnes gravement malades et dont la pathologie ne peut être soignée dans leur pays d’origine, il ressortirait clairement du dossier sous examen que la maladie de l’enfant … a été soignée et que rien n’empêcherait, d’un point de vue médical, son retour dans son pays d’origine.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 121 et autres références y citées, p. 205).

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise, de même qu’il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels se fonde l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute, sans qu’il ne puisse se livrer, dans le cadre d’un recours en annulation, à une appréciation de l’opportunité de la décision litigieuse.

Or, en l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que les demandeurs disposaient de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis au moment où la décision attaquée fut prise.

Par conséquent, à défaut d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels, le ministre a dès lors valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée sur base de ce motif.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par les arguments basés sur l’état de santé de l’enfant … …, étant donné qu’il n’est pas établi à suffisance de droit à partir des éléments fournis en cause que son état de santé serait compromis en cas de retour dans son pays d’origine. En effet, si le certificat médical établi par le docteur Jean-Louis Cloez en date du 27 mars 2002 permet certes de dégager qu’une surveillance cardio-pédiatrique est justifiée dans le chef de …, cette conclusion ne permet cependant pas à elle seule de dégager une impossibilité de faire procéder à cette surveillance dans le pays d’origine des demandeurs, ceci d’autant plus que le médecin-conseil de l’administration du contrôle médical de la sécurité sociale saisi pour avis du cas de l’enfant … est venu à la conclusion que le séjour au Grand-Duché n’était pas nécessaire pour la surveillance annuelle de l’enfant.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle est légalement fondée et que les demandeurs sont à débouter de leur recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

se déclare incompétent pour statuer en tant que juge de la réformation ;

reçoit le recours en la forme dans la limite des moyens d’annulation formulés ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 décembre 2002 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15172
Date de la décision : 02/12/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-12-02;15172 ?

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