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20/11/2002 | LUXEMBOURG | N°14653

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 novembre 2002, 14653


Tribunal administratif N° 14653 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2002 Audience publique du 20 novembre 2002

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Recours formé par MM. … et …, … contre une délibération du conseil communal de Flaxweiler et une décision du ministre de l’Intérieur en présence de la société anonyme … S.A., … en matière d’aménagement des agglomérations

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 5 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick KINSCH, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Messieurs …, retraité, demeurant à ...

Tribunal administratif N° 14653 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mars 2002 Audience publique du 20 novembre 2002

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Recours formé par MM. … et …, … contre une délibération du conseil communal de Flaxweiler et une décision du ministre de l’Intérieur en présence de la société anonyme … S.A., … en matière d’aménagement des agglomérations

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 5 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Messieurs …, retraité, demeurant à L-…, et …, retraité, demeurant à L-…, tendant à l’annulation 1) de la délibération du conseil communal de Flaxweiler du 23 février 2001 portant adoption définitive du projet de modification du plan d’aménagement général présenté par Monsieur …, conseiller communal, demeurant à L-…, concernant des fonds sis dans la section B de Beyren, portant les numéros cadastraux … et … et 2 ) d’une décision du ministre de l’Intérieur du 22 novembre 2001, par laquelle celui-ci a approuvé, sur base de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, la prédite délibération du conseil communal de Flaxweiler du 23 février 2001 ;

Vu les exploits de l'huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, des 6 et 8 mars 2002, portant signification de la prédite requête à l'administration communale de Flaxweiler, ainsi qu'à la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à …;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 avril 2002 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 mai 2002 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Flaxweiler, lequel mémoire a été notifié par télécopie le 17 mai 2002 à l’avocat constitué des parties demanderesses et le 20 juin 2002 à Maître Claude WASSENICH, assisté de Maître Roger NOTHAR, tous les deux avocats à la Cour, inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, constitués pour la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en réplique déposé en date du 17 juin 2002 au greffe du tribunal administratif au nom des parties demanderesses, lequel mémoire a été notifié par télécopie le 17 juin 2002 à l’avocat constitué de l’administration communale de Flaxweiler et aux avocats constitués pour la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 juillet 2002 par Maître Claude WASSENICH au nom de la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en duplique intitulé « mémoire en réplique » déposé en date du 15 juillet 2002 par Maître Georges PIERRET au nom de l'administration communale de Flaxweiler, lequel mémoire a été notifié par télécopie le 11 juillet 2002 aux mandataires des parties demanderesses et de la société anonyme … S.A. ;

Vu les pièces versées et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Patrick KINSCH, Georges PIERRET et Philippe GODEBERT, en remplacement de Maître Claude WASSENICH, et Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 5 juin 2000, Monsieur … saisit la commission d’aménagement instituée auprès du ministre de l’Intérieur d’une demande tendant au « redressement d’une limite cadastrale avec adaptation des zones d’urbanisation y relatives ». A l’appui de cette demande, il fit valoir qu’une urbanisation rationnelle du lot « a » formant partie de la parcelle cadastrale n°… et des lots « c » et « d » formant parties de la parcelle cadastrale n° …, fonds sis sur le territoire de la commune de Flaxweiler, section B de Beyren, imposerait un tel redressement de la limite entre les deux parcelles.

Sur base de l’avis favorable de la commission d’aménagement, rendu dans sa séance du 4 octobre 2000, le conseil communal de Flaxweiler, dénommé ci-après le « conseil communal », décida, dans sa séance du 27 octobre 2000, d’approuver provisoirement le « projet de modification du plan d’aménagement général » concernant le « lotissement à Beyren », tel qu’introduit par Monsieur …, qui a d’ailleurs quitté la séance du conseil communal pendant la discussion de ce point de l’ordre du jour.

Il se dégage de la partie graphique du projet de modification du plan d’aménagement général de la commune de Flaxweiler, désigné ci-après le « PAG », approuvée par la prédite commission et le conseil communal, que le lot « c », inscrit au cadastre comme formant partie du terrain y inscrit sous le numéro …, a été quasi intégralement intégré dans le lot « a », inscrit au cadastre comme formant partie du terrain y inscrit sous le numéro …, pour former la parcelle A qui a désormais une forme quasi rectangulaire et que le lot « d », inscrit au cadastre comme formant partie du terrain y inscrit sous le numéro …, adjacent aux prédits lots « a » et « c », y figure désormais comme parcelle B. De cette manière, les deux parcelles, désignées sur le prédit plan comme parcelles A et B, sont désormais séparées par une ligne qui est perpendiculaire par rapport à la voie publique. Par ailleurs le lot « c » qui faisait initialement partie du même terrain que celui dont faisait partie le lot « d », inscrit sous le numéro cadastral …, classé en zone de moyenne densité, fut reclassé en zone de faible densité, dans laquelle se trouve déjà classé le lot « a », le lot « b » restant classé en zone de moyenne densité. Cette opération de reclassement et de réaménagement des parcelles a eu pour effet de donner aux lots « a » et « c », c’est-à-dire à la parcelle A une largeur plus importante par rapport à la voie publique.

A la suite d’une objection formulée en date du 12 février 2001 par Maître KINSCH au nom et pour compte de Madame …, retraitée, demeurant à … et de Monsieur …, ouvrier, demeurant à …, ainsi que de Messieurs … et …, dénommés ci-après les « consorts … », à l’encontre du prédit projet de modification du PAG, ces derniers furent entendus le 20 février 2001 par le collège échevinal en leurs observations.

Le conseil communal approuva définitivement le projet de modification du PAG en date du 23 février 2001, tout en rejetant les réclamations des consorts … comme étant non fondées.

Suivant courrier de leur mandataire du 11 mai 2001, les consorts … ont fait adresser au ministre de l’Intérieur une réclamation dirigée contre la décision d’approbation définitive du conseil communal, prévisée.

Le ministre de l’Intérieur, par décision du 22 novembre 2001, approuva la délibération du conseil communal du 23 février 2001 portant adoption définitive du projet de modification du PAG, tout en rejetant la réclamation des consorts … comme étant recevable, mais non fondée à suffisance de droit, en faisant valoir que « le projet contre lequel la réclamation a été adressée a pour objet une rectification de limites de parcelles respectivement le reclassement partiel du lot A en une zone de faible densité et de ce fait ne saura avoir une influence négative sur le caractère villageois proprement dit. En outre, la modification du plan d’aménagement général respectivement du parcellaire a été sollicitée afin de créer un zonage plus cohérent et logique alors que la future limite entre les deux zones concernées sera disposée plus ou moins perpendiculairement à la rue desservante » en estimant « en outre que le reclassement projeté ne saurait porter préjudice aux droits des riverains » et en ajoutant que « cette mesure se fait évidemment dans l’intérêt d’un particulier, mais ne va pas à l’encontre de l’intérêt général. Par ailleurs, il relève des compétences du bourgmestre et du collège échevinal de juger dans le cadre de la délivrance du permis de construire si une construction sur une parcelle, notamment de la parcelle B, est conforme aux dispositions réglementaires de la zone concernée ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 mars 2002, Monsieur … et Monsieur … ont fait introduire un recours en annulation dirigé à la fois contre la délibération du conseil communal prévisée du 23 février 2001, ainsi que contre la décision ministérielle d’approbation prévisée du 22 novembre 2001.

Le tribunal est en premier lieu appelé à examiner le moyen soulevé par le mandataire des parties demanderesses lors de l’audience fixée pour les plaidoiries, tendant à voir écarter le mémoire en réponse de la société anonyme … S.A. dans la mesure où ce mémoire aurait été déposé en dehors du délai de trois mois prévu par la loi.

Le mandataire de la société anonyme … S.A. s’est rapporté à prudence de justice.

L’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en ses paragraphes (1) et (6) que :

«(1) (…) le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive.

(6) Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5, paragraphe (7) de la loi précitée du 21 juin 1999 ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Il se dégage de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999, que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais émargés sous peine de forclusion.

En l’espèce, la requête introductive d’instance a été déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 mars 2002 et signifiée en date du 8 mars 2002 par voie d’huissier à la société anonyme … S.A.. Partant, c’est en date du 8 mars 2002 que le délai de trois mois pour déposer le mémoire en réponse de ladite société a commencé à courir, de sorte que le dépôt du prédit mémoire a dû intervenir pour le 10 juin 2002 au plus tard, dans la mesure où le 8 juin 2002 était un samedi. Or, le mémoire en réponse a été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 juillet 2002, c’est-à-dire en dehors du délai de trois mois qui a couru à compter du jour de la signification de la requête introductive d’instance à la société anonyme … S.A.. Par conséquent, à défaut d’avoir été déposé au greffe du tribunal administratif dans le délai de trois mois légalement prévu à peine de forclusion, le tribunal est dans l’obligation d’écarter le mémoire en réponse de la société anonyme … S.A. des débats.

Quant à la compétence d’attribution du tribunal Les décisions communales et gouvernementales posées dans le cadre de l’adoption d’un plan d’aménagement général, suivant la procédure prévue par l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937, revêtent la qualité d’actes administratifs à caractère réglementaire, y compris celles statuant de façon individualisée par rapport à des objections, voire réclamations émanant de parties intéressées. En effet, lesdites décisions ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des territoires qu’elles concernent et le régime des constructions à y élever, leur imprégnant ainsi un caractère réglementaire (cf. Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Actes réglementaires, I. Principes, n° 16, p. 36 et autres références y citées).

Les décisions prises en matière d’adoption voire de modification d’un plan d’aménagement général constituant des actes administratifs à caractère réglementaire au sens de l’article 7, paragraphe 1er de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en annulation.

Quant à la recevabilité du recours Il convient en premier lieu d’examiner la recevabilité du recours dans la mesure où il a été dirigé à la fois contre la délibération du conseil communal du 23 février 2001 portant adoption définitive du projet de modification du PAG et la décision du ministre de l’Intérieur du 22 novembre 2001, par laquelle celui-ci a approuvé, sur base de l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937, la prédite délibération du conseil communal.

Il est constant que les décisions d’adoption provisoire et définitive du PAG constituent des actes préparatoires dans la procédure d’élaboration d’un PAG, dont l’aboutissement constitue l’acte d’approbation tutélaire du ministre de l’Intérieur et qu’elles ne sortent leurs effets positifs qu’à la suite d’une décision d’approbation du prédit ministre, de sorte qu’elles ne peuvent être attaquées indépendamment de la décision ministérielle en question, étant donné que ce n’est qu’à partir de ce jour qu’elles sont susceptibles de faire grief. Comme les demandeurs ont introduit un recours en annulation contre les décisions communale et ministérielle, le recours dirigé à leur encontre est recevable dans cette mesure.

La commune de Flaxweiler soulève l'irrecevabilité du recours en annulation, au motif, d’une part, que la décision communale « intrinsèquement vue » ne porterait pas atteinte aux droits des demandeurs et, d’autre part, qu'aucun des demandeurs ne disposerait d'un intérêt suffisant pour agir. Elle fait encore valoir que le recours aurait dû être signifié aux tiers intéressés, et notamment « au(x) propriétaire(s) des parcelles visées par les modifications du PAG ».

Au titre de l’alinéa 1er de l’article 7 (2) de la loi précitée du 7 novembre 1996, le recours n’est ouvert qu’aux personnes justifiant d’une lésion ou d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain.

Il ressort des pièces versées au dossier que l’intérêt à agir de Monsieur … se dégage du fait qu’il est un voisin direct du terrain faisant l’objet du projet de modification du PAG et que Monsieur …, lequel, sans être un voisin contigu du terrain faisant l’objet du projet de modification du PAG, habite à proximité dudit terrain et a une vue immédiate sur ledit terrain.

Ils ont intérêt à agir, dans la mesure où leur situation de voisins se trouve aggravée du fait des constructions que la modification du PAG a pour objet de rendre possibles.

Il convient encore de relever que l’administration communale de Flaxweiler, dans son mémoire en duplique, a pris acte de ce que la requête introductive d’instance a été notifiée au propriétaire des parcelles litigieuses, de sorte qu’il n’y a plus lieu d’analyser le moyen « d’irrecevabilité » tiré de la prétendue non signification du recours aux parties tierces intéressées.

Finalement, il convient de rejeter le moyen formulé dans le mémoire en duplique de l’administration communale, tiré de ce que les demandeurs n’auraient pas intérêt à agir dans la mesure où il résulterait d’un procès-verbal établi en date du 20 février 2001 par l’administration communale, qu’ils auraient marqué leur accord au sujet des modifications projetées du PAG.

En effet, une telle interprétation ne se dégage pas du procès-verbal établi par les soins de l’administration communale, procès-verbal qui n’a par ailleurs été signé ni par les demandeurs eux-mêmes ni par leur mandataire. En outre, les demandeurs, en poursuivant leur action devant le ministre et ensuite devant le tribunal, ont clairement marqué leur désaccord quant au projet de modification du PAG. Dans cette optique, il est encore faux par l’administration communale de soutenir que les demandeurs auraient changé leur « argumentaire voire leur base juridique au cours de la procédure au départ administrative et par la suite judiciaire ».

Il s’ensuit que le recours formé est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond Les demandeurs font valoir que la modification du PAG serait intervenue dans le seul but de rendre constructibles les deux parcelles acquises par Monsieur …, puis cédées à la société anonyme … S.A.. Ils estiment dès lors que cette modification du PAG serait illégale, étant donné qu’elle serait intervenue dans l’intérêt exclusif du propriétaire des prédites parcelles et non pas dans l’intérêt général.

Ils soutiennent ensuite qu’il appartiendrait au tribunal de procéder à une interprétation des délibérations communales, ainsi que de l’approbation subséquente du ministre de l’Intérieur, dans la mesure où l’administration communale aurait voulu, par le biais de la modification du PAG, autoriser la construction d’une maison sur le fonds B selon l’implantation et le gabarit figurant sur la partie graphique de la modification du PAG soumise à la commission d’aménagement et au ministre, en violation des dispositions figurant dans le règlement sur les bâtisses et plus particulièrement de celles concernant les marges de recul à observer.

Le délégué du gouvernement et le mandataire de l’administration communale de Flaxweiler se rejoignent pour dire que le rôle de l’autorité de tutelle consisterait à vérifier, non pas que chaque décision soit prise exclusivement dans le seul intérêt général, mais que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général. Ainsi, une modification ponctuelle du PAG, faite le cas échéant dans un but d’intérêt particulier, ne s’oppose pas à ce que la modification soit également prise dans l’intérêt général, de sorte qu’il s’agirait en l’espèce uniquement de vérifier si la modification intervenue est conforme à l’intérêt général.

A ce titre, le délégué du gouvernement relève que compte tenu de la « pression foncière et démographique » que connaîtrait actuellement le Grand-Duché de Luxembourg, il conviendrait principalement d’éviter un gaspillage du sol, qui serait rare et non susceptible d’augmentation. Il précise que cet objectif aurait été consacré dans une décision du gouvernement en conseil du 11 juillet 1986 concernant la révision des directives générales du programme directeur de l’aménagement du territoire (Mém. B, p. 797) et par le projet de programme directeur d’aménagement du territoire élaboré en 1999 par le ministère de l’Aménagement du Territoire. Il estime qu’en l’espèce, il ne serait pas contraire à l’intérêt général de permettre, par le biais d’une modification mineure du PAG, une urbanisation plus rationnelle des parcelles concernées, et en particulier de la parcelle A, qui, par incorporation d’une partie de la parcelle B, deviendrait constructible.

Il fait finalement valoir que l’approbation par le ministre de l’Intérieur de la délibération du conseil communal du 23 février 2001 n’aurait pas eu pour objet d’autoriser une construction sur la parcelle B de manière dérogatoire aux dispositions du règlement sur les bâtisses, en ce sens que la construction n’aurait pas à respecter les reculs imposés par celui-ci. Il soutient que le ministre aurait indiqué « dans sa décision que la question de la constructibilité des fonds relevait des seules compétences des autorités communales, à qui il revient de vérifier si les constructions projetées sur les fonds A et B sont réalisables compte tenu des dispositions dimensionnelles (et notamment des marges de recul) de la partie écrite du PAG ».

L’administration communale fait valoir plus particulièrement que les délibérations du conseil communal porteraient bien sur l’emplacement des « bâtiments existants [qui] sont inscrits en hachuré sur le plan [qui] indique nettement que les deux lots A et B sont situés dans un secteur d’habitation partiellement construit et que dès lors cette situation est à respecter pour définir la surface de construction en cause ».

Elle précise à ce sujet dans son mémoire en duplique que le but de la modification du PAG aurait été une urbanisation rationnelle des fonds A et B et que la réalisation de ce but impliquerait que les fonds soient considérés comme constructibles et que cette constructibilité se dégagerait de l’ensemble des éléments relevés dans la partie graphique du projet soumis à l’approbation du ministre, à savoir, d’une part, de l’implantation des constructions marquées en hachuré et, d’autre part, de l’inscription « surface de construction à définir selon le règlement sur les bâtisses », de sorte qu’il résulterait du concours de ces deux éléments que les alignements applicables à la parcelle B se trouveraient clairement définis par l’indication de l’implantation d’un bâtiment sur le plan approuvé par le ministre et que, pour le surplus, la surface de construction serait définie par application du règlement en vigueur. Elle conclut dès lors que le ministre n’aurait pas seulement autorisé un reclassement du terrain, mais qu’il aurait également approuvé « l’implantation des constructions avec les marges d’isolement (sic !) et suivant l’alignement comme il est indiqué au plan ».

Concernant le premier moyen d’annulation avancé par les demandeurs, tiré de ce que la modification du PAG aurait été effectuée dans l’intérêt exclusif d’un particulier et non pas dans l’intérêt général, il convient de relever que l’autorité communale exerce ses compétences sous l’approbation du ministre de l’Intérieur. Il appartient à celui-ci, en tant qu’autorité de tutelle, de veiller à ce que les décisions de l’autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l’intérêt général. Le droit d’approuver la décision du conseil communal a comme corollaire celui de ne pas approuver cette décision. Cette approbation implique nécessairement l’examen du dossier et comporte l’appréciation du ministre sur la régularité de la procédure et des propositions du conseil communal, ainsi que sur les modifications de la partie graphique et écrite des plans (Cour adm., 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Tutelle administrative, I. Pouvoirs et obligations de l’autorité de tutelle, n° 1, p. 552 et autres références y citées).

La tutelle n’autorise cependant pas, en principe, à l’autorité supérieure à s’immiscer dans la gestion du service décentralisé et à substituer sa propre décision à celles des agents du service (Buttgenbach A., Manuel de droit administratif, 1954, p. 117, n° 149). Ce principe découle de la nature même de la tutelle qui est une action exercée par un pouvoir sur un autre pouvoir, non pas en vue de se substituer à lui, mais dans le seul but de le maintenir dans les limites de la légalité et d’assurer la conformité de son action avec les exigences de l’intérêt général.

Le rôle de l’autorité de tutelle consiste dès lors à vérifier, non pas que chaque décision soit prise exclusivement dans le seul intérêt général, mais que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général, dans la mesure où on ne saurait automatiquement parler d’illégalité lorsqu’une modification d’un PAG a été adoptée dans l’intérêt d’un seul particulier (cf.

Conseil d’Etat, 12 juillet 1995, Corcelli, n° 9185 du rôle).

Force est encore de relever que la modification d'un plan d'aménagement général est, dans son essence même, prise dans l'intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu'à preuve du contraire ( trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, I. Cas d’ouverture, n° 5, page 511).

A ce titre, c’est à bon droit que l’administration communale fait valoir que les demandeurs n’ont à aucun moment des procédures gracieuse et contentieuse expliqué en quoi la modification du PAG aurait heurté l’intérêt général. En effet, il est constant que l’intérêt général, dont le respect est à vérifier, se mesure au vu de la politique d’urbanisation retenue par le gouvernement qui prévoit une urbanisation plus rationnelle des parcelles, et, en particulier, de celles situées à l’intérieur de la structure urbaine existante. En l’espèce, l’approbation du ministre porte sur une telle urbanisation rationnelle des parcelles A et B, qui, par l’effet d’une modification des limites de séparation, correspondent à un zonage plus cohérent et logique, étant donné que la limite entre les deux parcelles sera désormais disposée de façon perpendiculaire à la voie publique.

Il résulte des considérations qui précèdent que le moyen tiré de l’illégalité de l’approbation ministérielle est partant à écarter comme étant non fondé.

Il convient ensuite d’analyser la portée que revêt l’approbation du ministre quant à la délibération communale lui soumise.

Force est de constater qu’il ressort clairement du libellé de la décision ministérielle du 22 novembre 2001 qu’elle a uniquement pour objet d’approuver, d’une part, le reclassement du lot « c », ayant fait partie de la zone de moyenne densité, en zone de faible densité et, d’autre part, l’incorporation du lot « c » dans la parcelle A, pour « créer un zonage plus cohérent et logique », dans la mesure où elle dispose désormais d’un accès plus large à la voie publique, permettant ainsi de rendre cette parcelle constructible. Le ministre a en outre précisé qu’il « relève de la compétence du bourgmestre et du collège échevinal de juger dans le cadre de la délivrance du permis de construire si une construction sur une parcelle, notamment de la parcelle B, est conforme aux dispositions réglementaires de la zone concernée ». La modification du PAG ne comporte dès lors aucune dérogation aux dispositions du règlement sur les bâtisses de l’administration communale de Flaxweiler.

Cette interprétation de la décision ministérielle est en outre confirmée par l’analyse que le tribunal fait de la partie graphique de la modification du PAG soumise à la commission d’aménagement et au ministre. En effet, il ressort clairement d’une indication inscrite sur le prédit plan que la « surface de construction », concernant la parcelle B, est à définir « selon le règlement sur les bâtisses zone de moyenne densité » et que « la surface de construction », concernant la parcelle A, est à définir « selon le règlement sur les bâtisses zone de faible densité », étant précisé que, contrairement aux développements de l’administration communale de Flaxweiler, l’indication de l’emplacement d’une construction existante par l’apposition des contours hachurés sur ce plan ne saurait valoir comme signifiant que le ministre aurait marqué son accord ni à ce qu’une nouvelle construction puisse y être implantée de la même façon ni à ce que la modification comporterait des règles dérogatoires aux dispositions contenues au règlement sur les bâtisses, ni encore que cette construction existante soit conforme soit aux dispositions du PAG applicable avant cette modification soit aux dispositions résultant de la modification sous analyse.

Pour le surplus, il convient encore de retenir que le délégué du gouvernement confirme formellement cette analyse du tribunal, dans la mesure où il fait valoir dans son mémoire en réponse que le ministre « n’a pas autorisé une dérogation aux marges de recul prévues par les dispositions générales du règlement sur les bâtisses », de sorte que le deuxième moyen d’annulation avancé par les demandeurs, tiré d’une violation de l’égalité devant la loi, au cas où le ministre aurait retenu l’interprétation avancée par les autorités communales, devient sans objet.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que loin d’avoir versé dans une erreur d’appréciation à sanctionner par le tribunal, le ministre a agi sur base de considérations légales d’ordre urbanistique tendant à une finalité d’intérêt général.

Nonobstant le fait que la société anonyme … S.A., quoi que valablement citée par exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS du 8 mars 2002, n’a pas déposé - dans le délai de la loi - de mémoire en réponse, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance, écarte des débats le mémoire en réponse de la société anonyme … S.A., reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 20 novembre 2002 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 10


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14653
Date de la décision : 20/11/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-11-20;14653 ?

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