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24/10/2002 | LUXEMBOURG | N°14641

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 octobre 2002, 14641


Tribunal administratif N° 14641 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2002 Audience publique du 24 octobre 2002

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Recours formé par Mme …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de Mme … et M. …, Luxembourg en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14641 du rôle, déposée le 4 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland ASSA, avo

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Tribunal administratif N° 14641 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 mars 2002 Audience publique du 24 octobre 2002

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Recours formé par Mme …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en présence de Mme … et M. …, Luxembourg en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14641 du rôle, déposée le 4 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mme …, sans état particulier, demeurant à L-

…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 9 janvier 2002, portant le n° 1/2001/0083/57027/115, autorisant Mme …, employée privée, demeurant à L-…, et M. …, sans état particulier, demeurant à L-… à installer et à exploiter sur le territoire de la commune de Weiler-la-Tour, section C de Weiler-la-Tour, sous les n°s cadastraux …, une écurie de 40 bêtes ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, des 8 et 12 mars 2002, par lequel cette requête a été signifiée à l’administration communale de Weiler-

la-Tour, ainsi qu’à Mme … et M. …, préqualifiés ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 juin 2002 ;

Vu la constitution d’avocat de Maître Yves WAGENER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour Mme …, laquelle constitution d’avocat a été déposée au greffe du tribunal administratif le 6 juin 2002 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 6 juin 2002 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte de Mme …, lequel mémoire a été notifié au mandataire constitué du demandeur par voie de télécopieur le 5 juin 2002;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 5 juillet 2002 au nom de la partie demanderesse, lequel mémoire a été notifié au mandataire constitué de Mme … par voie de télécopie en date du même jour ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Nathalie PRUM-CARRE, en remplacement de Maître Roland ASSA, et Yves WAGENER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Dans le cadre d’une procédure de commodo et incommodo entamée par une demande du 15 février 2001 par la société d’ingénieurs-conseils TECNA S.A. en nom et pour compte de Mme … et de M. … relativement à l’installation d’une « exploitation agricole axée sur l’élevage et le dressage de chevaux », le ministre du Travail et de l’Emploi autorisa, par arrêté du 9 janvier 2002, lesdits consorts …-… à installer et à exploiter sur le territoire de la commune de Weiler-la-Tour, section C de Weiler-la-Tour, sous les n°s cadastraux …, une écurie de 40 bêtes, cette autorisation étant assortie d’un certain nombre de conditions générales et particulières, y plus amplement spécifiées.

Par requête, inscrite sous le numéro 14641 du rôle, déposée le 4 mars 2002, Mme … a introduit un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la susdite autorisation ministérielle du 9 janvier 2002.

La demanderesse estime avoir un intérêt suffisant à agir à l’encontre de la décision litigieuse « en sa qualité de voisine de l’exploitation projetée ».

Mme …, de même que le délégué du gouvernement soulèvent l’irrecevabilité du recours tant en réformation qu’en annulation en soutenant que la demanderesse n’aurait pas établi sa qualité de voisin direct de l’exploitation projetée, de sorte qu’elle n’aurait pas un intérêt suffisant pour agir à l’encontre du permis ministériel déféré.

Dans sa réplique, la demanderesse fait préciser qu’elle serait « propriétaire de terrains sis à la sortie de l’agglomération de WEILER-LA-TOUR sur lesquels se trouve sa maison, soit en bordure d’une zone verte » et que l’installation porterait atteinte « à un usage paisible [de son] (…) droit d’habitation ». Elle ajoute craindre pour son alimentation en eau qui présenterait d’ores et déjà des défaillances.

Au fond, dans sa requête introductive ainsi que dans sa réplique, la partie demanderesse soulève et développe quatre moyens de réformation ou d’annulation à l’appui de son recours. Ces quatre moyens peuvent être énoncés comme suit :

- l’autorisation litigieuse omettrait de considérer le problème des voies d’accès ;

Selon la partie demanderesse, le ministre aurait omis de prendre les mesures requises pour faire face au trafic engendré par l’établissement projeté, au motif que l’activité d’un centre équestre entraînerait obligatoirement un trafic important de véhicules et de remorques, l’intensité de ce trafic étant augmentée les jours de congé scolaires et les week-ends, que le chemin d’accès actuel, un chemin syndical, ne serait pas adapté à pareille situation et que les consorts …-… ne justifieraient pas d’un droit d’utilisation y relatif.

- l’autorisation porterait atteinte « à la sécurité et à la commodité du public ainsi qu’à l’environnement humain et naturel » ;

La partie demanderesse soutient plus particulièrement que les « promenades collectives et individuelles causeront inéluctablement des atteintes graves à la sécurité et à la commodité du public ainsi qu’à l’environnement humain et naturel » et que le ministre aurait manqué de s’assurer que lesdits intérêts soient protégés.

- l’autorisation ministérielle méconnaîtrait le problème de l’évacuation des eaux usées ;

- il y aurait lieu de craindre que la quantité d’eau nécessaire à l’exploitation envisagée entraînera des difficultés d’alimentation en eau ;

Enfin, la partie demanderesse conclut à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 3.000.- euros, « au titre des frais irrépétibles dont il a du faire l’avance, et notamment des sommes exposées pour avoir recours à un technicien ».

Il convient encore d’ajouter que, dans sa réplique, la partie demanderesse a encore fait état de ce que Mme … ne justifierait pas sa prétendue qualité d’agricultrice ; elle n’a cependant pas formulée de moyen de réformation ou d’annulation précis sous ce rapport à l’encontre de la décision du ministre du Travail et de l’Emploi.

Au fond, les parties défenderesse et tiers intéressée estiment en substance que l’autorisation ministérielle est suffisamment précise pour garantir l’ensemble des objectifs visés par la législation sur les établissements classés et que les moyens développés par la partie demanderesse constituent soit des allégations et craintes vagues et non fondées, soit n’auraient aucun rapport avec les compétences spécifiques du ministre du Travail et de l’Emploi dans le cadre de la législation relative aux établissements insalubres ou incommodes.

- Mme … sollicite en outre l’allocation d’une indemnité de procédure de 500.- euros.

QUANT A LA COMPETENCE DU TRIBUNAL POUR CONNAITRE DU RECOURS EN REFORMATION ET QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS EN ANNULATION L’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés ouvrant un recours au fond devant le juge administratif pour statuer en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS EN REFORMATION L'intérêt à agir conditionne la recevabilité d'un recours administratif. Il doit être personnel et direct, né et actuel, effectif et légitime.

Il importe encore de rappeler que, d’une part, tout demandeur doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général, d’autre part, concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, pour qu’un demandeur puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère individuel conférant ou reconnaissant des droits à un tiers, il ne suffit pas qu’il fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre la décision querellée et sa situation personnelle et, de troisième part, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire un caractère suffisamment certain, de l’intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte soit déclaré recevable.

Il convient encore de relever que le juge est appelé à examiner si l’intérêt que la demanderesse met en exergue pour justifier son action en justice lui confère une qualité suffisante pour ce faire. Le juge ne doit - ni ne peut - s’intéresser à un quelconque autre intérêt qu’on pourrait le cas échéant reconnaître à la demanderesse.

Or, la demanderesse entend justifier sa qualité pour agir en justice en soutenant qu’elle habite la commune du lieu d’exploitation, qu’elle est propriétaire et habiterait dans les alentours du terrain d’implantation de l’écurie projetée.

En matière d’établissements dangereux ou incommodes, la jurisprudence administrative retient que les voisins directs par rapport à un établissement projeté peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet. Ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d'établissements dangereux et de permis de construire, du moins dans la mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé (v. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n° 19 et autres références y citées).

Il se dégage de ces décisions qu’en matière de recours introduits par les propriétaires ou habitants d’immeubles situés dans les environs d’une exploitation litigieuse, la condition d’un intérêt direct implique que la recevabilité d’un recours dirigé contre un permis pour l’installation et l’exploitation d’un établissement insalubre ou incommode est conditionnée par une proximité suffisante, laquelle doit être examinée au regard des circonstances du cas d’espèce. Il convient d’ajouter que la notion de « proximité suffisante » des propriétaires ou habitants par rapport à une installation insalubre ou incommode est, entre autres, fonction de l’envergure de l’installation en cause et de l’importance des nuisances ou risques de nuisances qui peuvent en émaner.

En l’espèce, il appert à l’examen des pièces produites en cause et notamment des extraits cadastraux versés que la demanderesse n’habite pas à une proximité suffisante de l’installation projetée, laquelle ne fait que dénoter une envergure et une dangerosité inhérente somme toute réduite. En d’autres termes, la demanderesse omet de justifier l’existence d’une cause de danger ou d’inconvénient directe pour sa sécurité, sa salubrité ou sa commodité, suffisamment caractérisé pouvant être constitutif d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général, que ce soit, d’une part, en rapport avec un risque de pollution de l’eau ou des autres risques d’incommodation invoqués.

Quant au prétendu risque d’une pénurie d’eau, force est de constater que ledit risque allégué a trait à un problème relatif à l’approvisionnement général de la commune de Weiler-

la-Tour, mais il ne s’en dégage pas de lien suffisamment direct avec l’installation et l’exploitation de l’écurie projetée.

Il s’ensuit que le recours de la demanderesse est à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt pour attaquer en justice l’autorisation d'établissement émise par le ministre de l’Environnement.

Eu égard à la solution du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la partie demanderesse sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter comme n’étant pas fondée, tandis que la demande en obtention d’une indemnité afférente est justifiée dans le chef de la partie tiers intéressée, compte tenu du fait que l’introduction du recours l’a conduite à se faire assister en justice en vue de la protection de ses droits et intérêts. Le montant de l’indemnité de procédure est à évaluer à 500.- euros.

Nonobstant le fait que M. … et l’administration communale de Weiler-la-Tour, quoi que valablement cités par exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL en date du 4 février 2002, n’ont pas déposé de mémoire en réponse, l’affaire est néanmoins jugée contradictoirement à leur égard, en vertu de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties , se déclare compétent pour connaître du recours en réformation , le déclare cependant irrecevable faute d’intérêt à agir suffisamment direct et individualisé dans le chef de la demanderesse , déclare le recours en annulation irrecevable , déclare la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse non fondée , condamne la demanderesse aux frais, ainsi qu’à une indemnité de procédure de 500.-

euros en faveur de Mme ….

Ainsi jugé par:

M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 24 octobre 2002, par le premier juge, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14641
Date de la décision : 24/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-24;14641 ?

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