La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2002 | LUXEMBOURG | N°14508

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 octobre 2002, 14508


Tribunal administratif N° 14508 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2002 Audience publique du 24 octobre 2002

=============================

Recours formé par M. …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de Mme … et M. …, Luxembourg en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes

----------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14508 du rôle, déposée le 28 janvier 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland ASSA, avo

cat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, employé privé, deme...

Tribunal administratif N° 14508 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 janvier 2002 Audience publique du 24 octobre 2002

=============================

Recours formé par M. …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en présence de Mme … et M. …, Luxembourg en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes

----------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14508 du rôle, déposée le 28 janvier 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, employé privé, demeurant à L-…, pris en sa qualité de co-locataire d’un lot de chasse à Weiler-la-Tour, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 3 décembre 2001, portant le n° 1/01/0083, autorisant Mme …, employée privée, demeurant à L-…, et M. …, sans état particulier, demeurant à L-… à installer et à exploiter sur le territoire de la commune de Weiler-la-Tour, section C de Weiler-la-Tour, sous les n°s cadastraux …, une écurie de 40 bêtes ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 4 février 2002, par lequel cette requête a été signifiée à l’administration communale de Weiler-

la-Tour, ainsi qu’à Mme … et M. …, préqualifiés ;

Vu la constitution d’avocat de Maître Yves WAGENER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour Mme …, laquelle constitution d’avocat a été déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2002 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 12 avril 2002 au greffe du tribunal administratif en nom et pour compte de Mme …, lequel mémoire a été notifié au mandataire constitué du demandeur par voie de télécopieur le 9 avril 2002;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 30 mai 2002 au nom de la partie demanderesse, lequel mémoire a été notifié au mandataire constitué de Mme … par voie de télécopie en date du même jour ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Nathalie PRUM-CARRE, en remplacement de Maître Roland ASSA, et Yves WAGENER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Dans le cadre d’une procédure de commodo et incommodo entamée par une demande du 15 février 2001 par la société d’ingénieurs-conseils TECNA S.A. en nom et pour compte de Mme … et de M. … relativement à l’installation d’une « exploitation agricole axée sur l’élevage et le dressage de chevaux », le ministre de l’Environnement autorisa, par arrêté du 3 décembre 2001, lesdits consorts …-… à installer et à exploiter sur le territoire de la commune de Weiler-la-Tour, section C de Weiler-la-Tour, sous les n°s cadastraux …, une écurie de 40 bêtes, cette autorisation étant assortie d’un certain nombre de conditions générales et particulières, y plus amplement spécifiées.

Par requête, inscrite sous le numéro 14508 du rôle, déposée le 28 janvier 2002, M. …, en sa qualité de co-locataire d’un lot de chasse à Weiler-la-Tour, a introduit un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la susdite autorisation ministérielle du 3 décembre 2001.

Le demandeur estime avoir un intérêt suffisant à agir à l’encontre de la décision litigieuse, au motif qu’il serait co-locataire de chasse, adjudicataire du lot de chasse n°484, qui serait situé aux alentours immédiats du terrain où les consorts …-… se proposent d’ériger l’écurie projetée.

Mme …, de même que le délégué du gouvernement soulèvent l’irrecevabilité du recours tant en réformation qu’en annulation en soutenant que le demandeur n’aurait pas un intérêt suffisant pour agir à l’encontre du permis ministériel déféré.

Dans sa réplique, le demandeur fait préciser qu’en sa qualité de chasseur, co-

adjudicataire d’un lot de chasse proche de l’écurie dont il est question en cause, il justifierait d’un intérêt suffisant à agir, au motif que la multiplication des écuries (7 écuries existeraient à Weiler-la-Tour et dans les communes environnantes) porterait atteinte à l’exercice de son droit de chasse et que les promenades à cheval entraîneraient une augmentation « des incidents et de façon générale une perturbation constante de l’équilibre naturel ».

Au fond, dans sa requête introductive ainsi que dans sa réplique, le demandeur soulève et développe cinq moyens de réformation ou d’annulation à l’appui de son recours. Ces cinq moyens peuvent être énoncés comme suit :

- l’autorisation ministérielle méconnaîtrait le problème de l’évacuation des eaux usées ;

Dans ce contexte, le demandeur estime que l’implantation d’une écurie de 40 bêtes à l’emplacement prévu risque d’engendrer un problème d’évacuation des eaux usées « en cas de fortes pluies compte tenu du dénivelé existant entre le réseau de canalisation des eaux et ladite écurie » et qu’il est prévisible que les fosses déborderont et inonderont les chemins et terrains voisins, « rendant impossible l’accès aux exploitations avoisinantes, entraînant le pourrissement des semences et, de façon générale, la pollution des champs et du milieu ambiant » et il critique qu’au lieu de prévoir des moyens techniques appropriés pour prévenir pareil risque, l’autorisation se limiterait à des prescriptions générales « irréalistes », de sorte que la protection de l’eau, du sol, de la faune et de la flore ne seraient pas garanties.

- l’autorisation litigieuse omettrait de considérer le problème des voies d’accès ;

Selon le demandeur, le ministre aurait omis de prendre les mesures requises pour faire face au trafic engendré par l’établissement projeté, au motif que l’activité d’un centre équestre entraînerait obligatoirement un trafic important de véhicules et de remorques, l’intensité de ce trafic étant augmentée les jours de congé scolaires et les week-ends, que le chemin d’accès actuel, un chemin syndical, ne serait pas adapté à pareille situation et que les consorts …-… ne justifieraient pas d’un droit d’utilisation y relatif.

- il y aurait lieu de craindre que la quantité d’eau nécessaire à l’exploitation envisagée entraînera des difficultés d’alimentation en eau et ce notamment durant la période estivale ;

- l’autorisation porterait atteinte « à la sécurité et à la commodité du public ainsi qu’à l’environnement humain et naturel » ;

Le demandeur soutient plus particulièrement que les « promenades collectives et individuelles causeront inéluctablement des atteintes graves à la sécurité et à la commodité du public ainsi qu’à l’environnement humain et naturel » et que le ministre aurait manqué de s’assurer que lesdits intérêts soient protégés.

- le permis porterait atteinte à la réserve naturelle située à proximité ;

Ainsi, il estime qu’il y a une « contradiction entre le fait d’installer une réserve naturelle tout particulièrement destinée à la protection d’oiseaux craintifs et celui d’autoriser l’implantation d’une écurie de 40 animaux qui, en tout état de cause, seront amenés à parcourir la campagne environnante ».

Enfin, le demandeur conclut à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 3.000.- euros, « au titre des frais irrépétibles dont il a du faire l’avance, et notamment des sommes exposées pour avoir recours à un technicien ».

Il convient encore d’ajouter que, dans sa requête introductive d’instance, le demandeur s’est réservé le droit de vérifier et de contester, après avoir eu communication du dossier administratif, l’accomplissement des formalités légales de publicité telles que prévues par la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés. Par la suite, le demandeur n’est cependant plus revenu sur ce point et, plus spécialement, il n’a pas formulé de moyen précis en rapport avec un quelconque non-respect des formalités de publicité en la matière concernée.

Enfin, dans sa réplique, le demandeur a encore fait état de ce que Mme … ne justifierait pas sa prétendue qualité d’agricultrice ; il n’a cependant pas non plus formulé de moyen de réformation ou d’annulation sous ce rapport à l’encontre de la décision du ministre de l’Environnement.

Au fond, les parties défenderesse et tiers intéressée estiment en substance que l’autorisation ministérielle est suffisamment précise pour garantir l’ensemble des objectifs visés par la législation sur les établissements classés et que les moyens développés par le demandeur constituent soit des allégations et craintes vagues et non fondées, soit n’auraient aucun rapport avec les compétences spécifiques du ministre de l’Environnement dans le cadre de la législation relative aux établissements insalubres ou incommodes. - Mme … sollicite en outre l’allocation d’une indemnité de procédure de 500.- euros.

QUANT A LA COMPETENCE DU TRIBUNAL POUR CONNAITRE DU RECOURS EN REFORMATION ET QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS EN ANNULATION L’article 19 de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés ouvrant un recours au fond devant le juge administratif pour statuer en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle litigieuse. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS EN REFORMATION L'intérêt à agir conditionne la recevabilité d'un recours administratif. Il doit être personnel et direct, né et actuel, effectif et légitime.

Il importe encore de rappeler que, d’une part, tout demandeur doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général, d’autre part, concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, pour qu’un demandeur puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère individuel conférant ou reconnaissant des droits à un tiers, il ne suffit pas qu’il fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre la décision querellée et sa situation personnelle et, de troisième part, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire un caractère suffisamment certain, de l’intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que le recours contre un acte soit déclaré recevable.

Il convient encore de relever que le juge est appelé à examiner si l’intérêt que le demandeur met en exergue pour justifier son action en justice lui confère une qualité suffisante pour ce faire. Le juge ne doit - ni ne peut - s’intéresser à un quelconque autre intérêt qu’on pourrait le cas échéant reconnaître au demandeur.

Or, le demandeur entend justifier sa qualité pour agir en justice en soutenant qu’il est co-adjudicataire d’un lot de chasse sur le territoire de la commune de Weiler-la-Tour, que l’installation projetée par les consorts …-… serait située à proximité du périmètre de ce lot de chasse et qu’elle risquerait d’entraver et de perturber son droit d’y chasser.

En matière d’établissements dangereux ou incommodes, la jurisprudence administrative retient que les voisins directs par rapport à un établissement projeté peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet. Ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d'établissements dangereux et de permis de construire, du moins dans la mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé (v. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n° 19 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater que le demandeur ne montre pas que l’exploitation d’une écurie destinée à l’élevage et au dressage de chevaux, telle qu’autorisée par le ministre de l’Environnement, a une incidence négative quant à son droit de chasse, le risque de répercussion allégué n’ayant qu’un caractère indirect et hypothétique.

Il s’ensuit que le recours du demandeur est à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt pour attaquer en justice l’autorisation d'établissement émise par le ministre de l’Environnement.

Eu égard à la solution du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter comme n’étant pas fondée, tandis que la demande en obtention d’une indemnité afférente est justifiée dans le chef de la partie tiers intéressée, compte tenu du fait que l’introduction du recours l’a conduite à se faire assister en justice en vue de la protection de ses droits et intérêts. Le montant de l’indemnité de procédure est à évaluer à 500.- euros.

Nonobstant le fait que M. … et l’administration communale de Weiler-la-Tour, quoi que valablement cités par exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL en date du 4 février 2002, n’ont pas déposé de mémoire en réponse, l’affaire est néanmoins jugée contradictoirement à leur égard, en vertu de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties , se déclare compétent pour connaître du recours en réformation , le déclare cependant irrecevable faute d’intérêt à agir suffisamment direct et individualisé dans le chef du demandeur , déclare le recours en annulation irrecevable , déclare la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur non fondée , condamne le demandeur aux frais, ainsi qu’à une indemnité de procédure de 500.-

euros en faveur de Mme ….

Ainsi jugé par:

M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge M. Spielmann, juge et lu à l’audience publique du 24 octobre 2002, par le premier juge, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14508
Date de la décision : 24/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-24;14508 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award