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23/10/2002 | LUXEMBOURG | N°14950

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 octobre 2002, 14950


Tribunal administratif N° 14950 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2002 Audience publique du 23 octobre 2002

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Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision de refus implicite du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Bettembourg en matière d’aménagement des agglomérations

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14950 du rôle et déposée au greffe du tribun

al administratif en date du 27 mai 2002 par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de...

Tribunal administratif N° 14950 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2002 Audience publique du 23 octobre 2002

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Recours formé par la société anonyme … S.A., … contre une décision de refus implicite du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Bettembourg en matière d’aménagement des agglomérations

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14950 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 mai 2002 par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à l’annulation de la décision implicite de refus découlant du silence gardé pendant plus de trois mois par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Bettembourg, suite à sa demande du 28 janvier 2002 adressée au bourgmestre de la commune de Bettembourg et introduite par l’intermédiaire de l’architecte Nico ENGEL, tendant à « l’autorisation provisoire d’un projet d’aménagement particulier » concernant ses terrains sis rue Lentz/rue du Nord à Bettembourg, classés dans une zone d’aménagement différé ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 14 juin 2002 portant signification de ce recours à l’administration communale de Bettembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 août 2002 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’administration communale de Bettembourg, ainsi que du bourgmestre de la commune de Bettembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Yves TAPELLA, agissant en remplacement de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant tous les deux à Luxembourg, du 14 août 2002 portant signification de ce mémoire en réponse à la société anonyme … S.A. ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 septembre 2002 par Maître Marc KERGER au nom de la société anonyme … S.A. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Carlos CALVO, préqualifié, du 2 octobre 2002 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de Bettembourg, ainsi qu’à son bourgmestre ; Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 octobre 2002 par Maître Albert RODESCH au nom de l’administration communale de Bettembourg, ainsi que du bourgmestre de ladite commune ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Yves TAPELLA, agissant en remplacement de l’huissier de justice Roland FUNK, préqualifiés, du 11 octobre 2002 portant signification de ce mémoire en duplique à la société anonyme … S.A. ;

Vu les pièces versées au dossier ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Marc KERGER et Rachel JAZBINSEK, en remplacement de Maître Albert RODESCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 octobre 2002.

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Considérant que la société anonyme … S.A., préqualifiée, est propriétaire de deux terrains situés à Bettembourg aux abords des rues Lentz et rue du Nord, inscrits au cadastre de la commune de Bettembourg, section A du chef-lieu, sous les numéros respectifs 1113/8670, d’une contenance de 42 ares 81 centiares, et 1129/8736, d’une contenance de 82 ares 57 centiares, classés dans la zone d’aménagement différé, telle que prévue par la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Bettembourg, désignée ci-après par « PAG » ;

Que par courrier du 28 janvier 2002, elle s’est adressée au bourgmestre de la commune de Bettembourg, par l’intermédiaire de l’architecte Nico ENGEL pour « demander une autorisation provisoire concernant le projet d’aménagement particulier « rue Lentz – rue du Nord à Bettembourg » » en joignant deux exemplaires du certificat de l’O.A.I., un extrait cadastral à l’échelle 1/2500, un extrait du plan d’aménagement général de la commune de Bettembourg, partie graphique, à l’échelle 1/2500 et le plan de situation à l’échelle 1/500 ;

Considérant qu’en date du 27 mai 2002 la société anonyme … S.A. a fait introduire un recours en annulation dirigé « à l’encontre du silence de plus de trois mois du collège des bourgmestre et échevins » suite à ladite demande du 28 janvier 2002 ;

Considérant que la partie défenderesse se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours introduit, tout en soulignant un défaut d’intérêt à agir dans le chef de la société … en ce que cette dernière n’aurait pas respecté la procédure impérative pour établir un plan d’aménagement particulier, désigné ci-après par « PAP », ni ne se serait-elle adressée à l’autorité compétente à ces fins ;

Que de la sorte elle n’aurait aucun intérêt à demander l’annulation d’un quelconque refus, étant donné qu’elle n’aurait pas effectué les diligences afférentes nécessaires, la commune relevant que si l’annulation était prononcée suivant les conclusions de la demanderesse, le plan d’aménagement particulier proposé ne serait pas pour autant validé, alors que par ailleurs il ne correspondrait pas aux exigences posées par la loi modifiée du 12 juin 1937 relative à l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ;

Que tout en admettant que d’après l’article 9 de ladite loi modifiée du 12 juin 1937 les projets de PAP sont à soumettre d’abord à la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur, la demanderesse de souligner qu’aucune irrecevabilité, sinon forclusion ne saurait être prononcée à son égard du fait d’avoir saisi une autorité incompétente, étant donné que d’après les règles découlant de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, l’autorité saisie serait amenée à examiner d’office sa compétence et à transmettre le cas échéant la demande à l’autorité compétente ;

Qu’elle estime encore que sur base des dispositions de l’article 2.1.12 PAG concernant les zones d’aménagement différé dans la commune de Bettembourg, la nécessité y visée de reclasser un terrain pourrait être utilement constatée par le conseil communal dans le cadre même de la procédure d’adoption du PAP, nécessairement requis d’après ledit texte réglementaire ;

Que la commune de dupliquer que les dispositions relatives à la procédure administrative non contentieuse ne s’appliqueraient point en l’espèce, dans la mesure où elles auraient trait uniquement à l’hypothèse où une décision explicite est prise par l’administration et ne viseraient dès lors pas l’hypothèse d’un refus implicite telle qu’elle figure à la base du recours sous analyse ;

Considérant qu’à l’audience, le tribunal a soumis aux mandataires des parties des volets complémentaires conditionnant la recevabilité du recours consistant dans les questions de savoir plus précisément si le refus implicite attaqué se rapporte à une décision individuelle ou un acte administratif à caractère réglementaire, emportant l’analyse de l’objet précis de la demande du 28 janvier 2002 par rapport à laquelle il se situe ;

Que bien que les mandataires des parties aient été rendus attentifs à l’audience sur la possibilité leur donnée de fournir un mémoire écrit complémentaire relativement aux questions ainsi soulevées, ils ont déclaré ne pas entendre en faire usage et se limiter aux observations orales formulées ;

Que le mandataire de la demanderesse de souligner que bien que la demande du 28 janvier 2002 comporte le mot « provisoire », son intention aurait été de solliciter l’adoption définitive du projet de PAP ainsi présenté, comprenant la décision de reclassement des terrains à sa base depuis une zone d’aménagement différé en une zone soumise à PAP ;

Qu’au titre de l’autorité saisie, les dispositions de l’article 1er du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 auraient en toute occurrence vocation à s’appliquer ;

Que tout en se rapportant aux mémoires déposés, la mandataire de la commune a fait valoir qu’en toute occurrence on serait en présence d’un recours dirigé contre le silence de l’administration et elle s’est rapportée à prudence sur la question de savoir si la viabilisation d’une zone d’aménagement différé devait se faire en un temps ou en deux temps ;

Considérant qu’il est constant que les terrains de la demanderesse à la base de la demande du 28 janvier 2002 se trouvent dans une zone d’aménagement différé, laquelle est définie d’après les dispositions de l’article 2.1.12 PAG comme suit : « les zones d’aménagement différé sont des parties du territoire communal situées à l’intérieur du périmètre d’agglomération, mais temporairement interdites à toute construction et à tout autre aménagement.

Ces zones constituent des réserves de terrains dont l’affectation et les règles d’utilisation seront décidées, en cas de nécessité reconnue, par le Conseil communal.

Le reclassement motivé et reconnaissant la nécessité d’aménager ces zones entièrement ou partiellement est à présenter auprès de la commission d’aménagement pour avis, avant toute introduction d’un dossier de plan d’aménagement particulier (PAP) conformément à la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations » ;

Considérant qu’il découle directement de l’alinéa 3 de l’article 2.1.12 PAG prérelaté que le reclassement dûment motivé d’un terrain situé en zone d’aménagement différé doit être arrêté par le conseil communal avant que ne puisse être utilement introduit le dossier de plan d’aménagement particulier ;

Considérant que le reclassement d’un terrain situé dans une zone d’aménagement différé donnant ouverture à une procédure d’adoption d’un plan d’aménagement particulier participe par essence à l’élaboration des dispositions générales et permanentes concernant l’aménagement des parties du territoire communal à travers lui visées et le régime des constructions à y élever, de sorte à revêtir un caractère réglementaire à l’instar des décisions prises sur base des articles 3 et 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée concernant l’adoption d’un plan d’aménagement particulier ;

Considérant qu’il s’ensuit qu’au-delà du libellé imprécis de la demande du 28 janvier 2002, celle-ci a pour objet la prise d’un acte administratif à caractère réglementaire, que ce soit au titre du reclassement du terrain – demande incluse dans celle tendant à l’adoption du PAP, d’après la demanderesse, alors que l’article 2.1.12 PAG en fait indéniablement un préalable – ou à celui de l’adoption du PAP expressément sollicitée à travers ladite demande, il est vrai suivant le qualificatif « provisoire » inapproprié en l’espèce ;

Considérant que d’après l’article 5 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, les projets d’aménagement peuvent être révisés et modifiés, la procédure prescrite pour le premier établissement des plans étant applicable aux révisions et modifications ;

Considérant que si aucun texte n’interdit à des particuliers de prendre l’initiative de modification de normes réglementaires, le succès de pareille initiative, c’est-à-dire l’adoption de la mesure préconisée, devant consister en l’espèce, à titre préalable, dans le reclassement des terrains visés, puis, dans l’affirmative, dans l’adoption du PAP proposé, reste entre les mains de l’autorité publique, sous observation des règles rigoureuses présidant à l’établissement des normes réglementaires en question (cf. Cour adm. 7 décembre 2000, Badia, n° 12033C du rôle ; trib. adm. 6 février 2002, Lippert, 13784 du rôle, non encore publié) ;

Considérant que parallèlement force est de constater que le recours contre le silence de l’administration prévu par l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, se rapporte aux seules décisions administratives individuelles y visées, à l’exclusion des actes administratifs à caractère réglementaire, contre lesquels le recours en annulation prévu par l’article 7 de la même loi ne se conçoit que dans l’hypothèse où ils ont été posés de manière expresse, ainsi qu’il résulte de son paragraphe 3 ;

Considérant qu’il suit des développements qui précèdent qu’en toute occurrence le silence de l’administration invoqué en l’espèce par la demanderesse est appelé à se rapporter à un acte administratif à caractère réglementaire, de sorte qu’aucun recours contentieux n’est prévu à son encontre en l’état actuel de la législation ;

Considérant que les règles relatives à la procédure administrative non contentieuse n’étant point applicables en matière d’actes administratifs à caractère réglementaire, l’irrecevabilité encourue par le recours sous analyse doit être prononcée par le tribunal, peu importe la question de fond consistant à savoir si la demande du 28 janvier 2002 a été adressée à l’autorité compétente, étant entendu qu’en toute occurrence le bourgmestre n’a compétence ni pour décider du reclassement des terrains situés en zone d’aménagement différé, ni pour adopter un plan d’aménagement particulier ;

Que dès lors la précision apportée par la demanderesse à travers sa réplique en ce que le silence de l’administration invoqué devrait être analysé en définitive dans le chef du conseil communal, autorité à saisir sur base de l’article 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, est encore appelée à rester sans effet en l’espèce ;

Qu’il en est de même de la question de fond de l’illégalité des dispositions de l’article 2.1.12 PAG par rapport aux dispositions de la loi du 12 juin 1937 soulevée par la demanderesse, dût-elle avoir une incidence directe sur certains aspects de la recevabilité du recours en ce qu’elle conditionne la nécessité d’un reclassement préalable des terrains visés emportant la prise d’actes administratifs à caractère réglementaire afférents, étant donné que même à supposer les dispositions de cet article relatives aux critères de reclassement d’un terrain inapplicables, resterait l’exigence non contestée de l’adoption d’un PAP prévue par le même article et aboutissant encore à la prise d’actes administratifs à caractère réglementaire, telle que sollicitée d’après le libellé même de la demande du 28 janvier 2002 à la base du présent recours ;

Considérant qu’à la fois le mémoire en réponse et le mémoire en duplique sont pris tant au nom de l’administration communale de Bettembourg qu’en celui du bourgmestre, alors que pourtant le recours n’a pas été signifié audit bourgmestre ;

Considérant qu’étant constant d’après les développements qui précèdent que le silence de la commune, critiqué par la demanderesse, a été analysé soit dans le chef du collège échevinal, soit, par extension effectuée à travers le mémoire en réplique, dans celui du conseil communal, lesquels sont à entendre à chaque fois en tant qu’autorité administrative représentant la collectivité publique qu’est la commune de Bettembourg, le bourgmestre ne saurait en aucune manière être considéré ne fût-ce que comme partie intéressée en cause ;

Qu’il importe dès lors encore d’ordonner sa mise hors cause ;

Considérant que compte tenu de l’irrecevabilité encourue par le recours, la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par la partie demanderesse est à déclarer non fondée ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

met hors cause le bourgmestre de la commune de Bettembourg ;

déclare le recours irrecevable ;

écarte la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 octobre 2002 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14950
Date de la décision : 23/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-23;14950 ?

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