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23/10/2002 | LUXEMBOURG | N°14663

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 octobre 2002, 14663


Tribunal administratif N° 14663 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2002 Audience publique du 23 octobre 2002

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg en matière de reclassement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14663 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2002 par Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, technicien principal

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Tribunal administratif N° 14663 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 mars 2002 Audience publique du 23 octobre 2002

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg en matière de reclassement

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14663 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2002 par Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, technicien principal au service municipal des parcs et promenades de la Ville de Luxembourg, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision prise par le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg en date du 12 décembre 2001 par laquelle celui-ci a refusé de procéder au réajustement de sa carrière en la reclassant au grade 12 à partir du jour de son engagement et de procéder au recalcul de sa carrière sur base d’un classement initial au grade 12 sinon avec effet au 24 septembre 2001, date d’un arrêté de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche lui conférant le titre de gradué en architecture de jardins et du paysage ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Roland FUNK, demeurant à Luxembourg, du 11 mars 2002 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte de constitution d’avocat de Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2002, par lequel il déclare avoir mandat d’occuper pour l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 7 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean KAUFFMAN pour l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 6 juin 2002 portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Lydie LORANG ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 13 juin 2002, par lequel le prédit mémoire en réponse a été signifié à Madame … en son domicile élu ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2002 par Maître Lydie LORANG au nom de Madame … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 11 juillet 2002, par lequel le prédit mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale de la Ville de Luxembourg en son domicile élu ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 août 2002 par Maître Jean KAUFFMAN au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges NICKTS, demeurant à Luxembourg, du 14 août 2002, par lequel le prédit mémoire en duplique a été signifié à Madame … en son domicile élu ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 9 octobre 2002 invitant l’Administration communale de la Ville de Luxembourg à verser en cours de délibéré la délibération du collège des bourgmestre et échevins respectivement la consignation par écrit de l’accord de chaque membre du collège échevinal visant la décision du collège échevinal du 12 décembre 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maîtres Lydie LORANG et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 octobre 2002.

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Madame …, titulaire du certificat de fin d’études secondaires, obtint en date du 10 septembre 1975 le diplôme de graduat en architecture de jardins et du paysage de l’Institut principal d’enseignement horticole à Anderlecht.

Suivant délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 14 novembre 1977, Madame … fut nommée à titre provisoire dans la carrière de technicien diplômé au grade 7, nomination provisoire qui fut suivie d’une nomination définitive en date du 21 janvier 1980 avec effet rétroactif au 1er janvier 1980.

Suivant arrêté ministériel du 24 septembre 2001 de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le titre de gradué en architecture de jardins et du paysage de Madame … fut inscrit au registre des diplômes prévu à l’article 1er de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur.

Suite à cette inscription, Madame … sollicita, par lettre recommandée du 18 octobre 2001 de la part du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg le réajustement de sa carrière par reclassement « ab initio » au grade 12 avec recalcul de sa carrière sur base d’un classement initial au grade correspondant à ses titres, sinon à partir du 24 septembre 2001, date du prédit arrêté ministériel.

Suivant décision du 12 décembre 2001, l’administration communale de la Ville de Luxembourg, ci-après dénommée « l’administration communale », informa Madame … que « le collège des bourgmestre et échevins n’est pas en mesure de réserver une quelconque suite à votre requête ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 mars 2002, Madame … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du 12 décembre 2001.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours en pleine juridiction contre des décisions intervenues en matière de reclassement d’un technicien principal, fonctionnaire communal dans un grade déterminé, le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours en annulation, qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant aux moyens tirés des dépôts tardifs du mémoire en réponse de Maître Jean KAUFFMAN et du mémoire en réplique de Maître Lydie LORANG Il convient en premier lieu d’examiner le moyen de « forclusion » soulevé par la demanderesse dans son mémoire en réplique par rapport au mémoire en réponse déposé au nom de l’administration communale le 7 juin 2002 au greffe du tribunal.

En effet, la demanderesse fait exposer qu’elle a reçu le 6 juin 2002 à 17.00 heures en son domicile élu de la part de Maître Jean KAUFFMAN un fax contenant en annexe le mémoire en réponse avec comme mention sur la page de transmission « document transmis :

mémoire en réponse en voie de signification (…) Pour information XXX », sans que cette page de transmission du fax n’aurait exigé du destinataire ni visa, ni demande de restitution.

Il s’ensuivrait que cette transmission par fax du 6 juin 2002 aurait eu pour seul but d’informer que le mémoire en réponse était en voie de signification, de sorte que le mandataire de la demanderesse aurait été en droit de ne pas en accuser réception, ni de renvoyer le fax dûment daté et visé comme prévu à l’article 10 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Comme la signification du mémoire en réponse par voie d’huissier ne serait intervenue que le 13 juin 2002, alors qu’elle aurait dû intervenir endéans le délai de trois mois à partir du 11 mars 2002, c’est-à-dire au plus tard le mardi 11 juin 2002, le délai serait révolu et le mémoire en réponse serait à écarter des débats.

L’administration communale fait exposer qu’en vertu de l’article 3 de la prédite loi du 21 juin 1999 seule la date du dépôt au greffe serait à prendre en considération. Etant donné que ce dépôt serait intervenu en date du 7 juin 2002, soit endéans le délai de trois mois à partir du 11 mars 2002, le dépôt du mémoire en réponse aurait été effectué endéans les délais. Pour le surplus, en vertu de l’article 4 (2) de la prédite loi du 21 juin 1999 un mémoire ne serait caduc qu’à défaut de sa signification dans le mois de son dépôt, de sorte qu’aucun délai ne serait révolu eu égard au fait que ce mémoire en réponse aurait été signifié en l’étude de Maître Lydie LORANG en date du 13 juin 2002, après une première notification intervenue le 6 juin 2002.

L’administration communale, dans son mémoire en duplique, soulève de son côté la tardiveté du mémoire en réplique de Maître Lydie LORANG déposé et signifié en date du 11 juillet 2002. Estimant que son mémoire en réponse aurait été communiqué endéans le délai légal en date du 6 juin 2002 vers 17.00 heures et en se basant sur l’article 5 (5) de la prédite loi du 21 juin 1999, la demanderesse aurait disposé d’un délai pour déposer son mémoire en réplique expirant le 6 juillet 2002. Partant, le mémoire en réplique de Maître Lydie LORANG déposé et signifié en date du 11 juillet 2002 serait à écarter des débats pour cause de dépôt tardif.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse, par anticipation, argumente à titre subsidiaire que le délai d’un mois visant son mémoire en réplique ne se computerait qu’à partir du 13 juin 2002, de sorte qu’il aurait été déposé et signifié endéans le délai légal.

L’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 prévoit en ses paragraphes (1) et (6) que :

« 1. Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive. (…) 6. Les délais prévus aux paragraphes 1 et 5 sont prévus à peine de forclusion. Ils ne sont pas susceptibles d’augmentation en raison de la distance. Ils sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre ».

Il convient encore de relever qu’aucune prorogation de délai n’a été demandée au président du tribunal conformément à l’article 5 (7) de la prédite loi du 21 juin 1999, ni, par la force des choses, accordée par ce dernier.

Il se dégage des dispositions de l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999 que la question de la communication des mémoires dans les délais prévus par la loi touche à l’organisation juridictionnelle, étant donné que le législateur a prévu les délais y émargés sous peine de forclusion.

Par ailleurs, au vœu de l’article 5 (1) précité, la fourniture du mémoire en réponse dans le délai de trois mois de la signification de la requête introductive inclut – implicitement, mais nécessairement – l’obligation cumulative de le déposer au greffe du tribunal et de le communiquer à la partie voire aux parties défenderesses dans ledit délai de trois mois (v. par analogie, trib. adm. 4 mars 2001, n° 11960 du rôle ; trib. adm. 12 juin 2002, n° 13063 du rôle, non encore publiés).

Pour le surplus l’article 10 de la loi précitée du 21 juin 1999 dispose que : « Les communications entre avocats constitués et entre le délégué du Gouvernement et les avocats constitués peuvent être faites moyennant signification par ministère d’huissier ou notification par voie postale ou par voie directe ou par voie de greffe en ce qui concerne les communications avec le délégué du Gouvernement.

La signification est constatée par l’apposition du cachet et de la signature de l’huissier de justice sur l’acte et sa copie avec l’indication de la date et du nom du délégué du Gouvernement ou de l’avocat destinataire. La notification directe s’opère par la remise de l’acte en double exemplaire au délégué du Gouvernement ou à l’avocat destinataire, lequel restitue aussitôt l’un des exemplaires après l’avoir daté et visé ».

Le terme de « communication » constitue le terme générique qui englobe les notions de signification – qui s’opère par voie d’huissier – et de notification – qui est faite directement ou par l’intermédiaire de la poste. Les communications officielles (échanges des mémoires, communications de requêtes adressées au tribunal ou à son président) entre avocats et avec les délégués du Gouvernement, se font, au choix, soit par signification d’huissier ou par notification directe ou par voie postale. Il convient en outre d’admettre que la notification par télécopieur doit être assimilée à la notification par voie postale (cf. trib. adm. 6 novembre 2000, n° 11870 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure contentieuse, n° 189 et autre référence y citée).

En l’espèce, il est établi par les pièces produites en cause que le mandataire de la demanderesse a effectivement reçu communication du mémoire en réponse en date du 6 juin 2002, donc dans le délai de trois mois à partir de la signification de la requête introductive d’instance tel que prévu par l’article 5 de la loi précitée du 21 juin 1999. Le libellé ambigu de la page de transmission ayant accompagné ladite notification par télécopieur n’est cependant pas de nature à affecter la validité de la communication du mémoire en réponse et la signification par voie d’huissier intervenue en date du 13 juin 2002 n’est en réalité qu’une simple communication confirmative de la notification par télécopieur intervenue en date du 6 juin 2002, le tout sous la réserve que les droits de la défense de la demanderesse ne s’en trouvent pas affectés.

Au vu de cette double communication du mémoire en réponse, au vu du libellé ambigu de la prédite feuille de transmission ayant accompagné la télécopie du mémoire en réponse intervenue en date du 6 juin 2002 et au vu de la finalité des délais inscrits à la prédite loi du 21 juin 1999, à savoir une évacuation prompte des affaires en respectant les droits de la défense, la partie demanderesse a légitimement pu estimer que le point de départ du délai d’un mois pour le mémoire en réplique ne se computerait qu’à partir du 13 juin 2002, jour de signification par exploit d’huissier du mémoire en réponse.

Les mémoires en réponse et en réplique ayant par conséquent été déposés et communiqués tous les deux, chacun en ce qui le concerne, endéans les délais impartis, ils sont tous les deux à prendre en considération.

Quant au fond La partie demanderesse estime en premier lieu que la décision attaquée est à annuler en raison du fait qu’elle ne contiendrait pas en elle-même la preuve de sa validité. Comme la décision serait signée par le président du collège échevinal dont l’identité n’est pas autrement indiquée, il ne serait pas établi si la décision en question a été prise conformément à la loi et par un organe compétent pour la prendre.

L’administration communale renvoie sur ce point à l’article 49 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, d’après lequel le bourgmestre est de droit président du collège des bourgmestre et échevins pour soutenir que partant il ne saurait y avoir le moindre doute sur l’identité de la personne ayant apposé sa signature manuscrite à côté de la mention « président », à savoir le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, de sorte que la régularité de ladite décision ne saurait être contestée.

A la suite de l’avis du tribunal du 9 octobre 2002 communiqué aux mandataires respectifs des parties, Maître Jean KAUFFMAN a déposé en date du 16 octobre 2002 au greffe du tribunal administratif la confirmation de l’accord écrit de chaque membre du collège échevinal visant la décision de refus attaquée du 12 décembre 2001.

Comme ladite décision de refus a fait l’unanimité, les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 53 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 sont d’application, de sorte que la consignation par écrit de l’accord de chaque membre du collège échevinal est suffisante pour attester la légalité de la décision prise.

S’il est vrai que la décision du 12 décembre 2001 ne porte que les signatures illisibles des « Président » et « Secrétaire » pour compte du collège échevinal et s’il est encore vrai que le bourgmestre est de droit le président du collège échevinal, il n’en reste pas moins qu’à défaut de contestations concernant l’accord effectif de tous les membres du collège, la question posée est sans caractère pertinent en l’espèce dans la mesure du caractère unanime de la décision prise, la lettre du 12 décembre 2001 ne constituant en réalité que la matérialisation extérieure de la décision du collège échevinal régulièrement prise.

Il s’ensuit que le premier moyen laisse d’être fondé.

La partie demanderesse soulève ensuite une absence de motivation résultant du silence de l’administration communale à répondre à sa requête, sinon une insuffisance respectivement une fausseté au niveau de la motivation qui constitueraient des vices entachant la décision attaquée et susceptibles d’entraîner l’annulation pour violation de la loi.

Plus précisément la partie demanderesse reproche à l’administration communale de ne pas avoir répondu à sa requête qui tendait, d’après elle, non pas à obtenir une promotion dans le contexte de la carrière dans laquelle elle est actuellement classée, mais un reclassement total dès le début de ses fonctions, donc « ab initio », dans un grade correspondant à sa formation, en ce qu’elle est titulaire d’un graduat en architecture. Dans ce contexte, elle reproche encore à l’administration communale de ne pas avoir indiqué les bases légales en vertu desquelles elle disposerait d’un pouvoir discrétionnaire en relation avec la demande de reclassement.

Concernant ce moyen, l’administration communale estime qu’elle aurait fourni une motivation adéquate à la demande de Madame … en renvoyant à la carrière fixée lors de la publication externe du poste à pourvoir et que la reconnaissance de la réussite à un examen ne lui conférerait pas automatiquement le droit d’être reclassé dans une autre carrière que celle préconisée par l’appel des candidatures, et ceci en vertu du pouvoir discrétionnaire du conseil communal qui effectuerait les nominations provisoires par vote secret. Dans ce contexte, la reconnaissance du titre de gradué en architecture de jardins et du paysage obtenu par Madame … serait irrelevante et ne lui conférerait pas automatiquement un droit d’être classée dans une autre carrière que celle préconisée par l’appel des candidatures au moment de sa nomination.

La seule possibilité pour accéder à des fonctions supérieures à cette carrière, à savoir aux grades 9 à 13, consisterait en la réussite de l’examen de promotion auquel la demanderesse ne se serait pas présentée. Il s’ensuivrait que la décision attaquée aurait été correctement et suffisamment motivée et ne contiendrait aucun vice susceptible d’entraîner son annulation pour violation de la loi.

Le reproche tiré d’une absence de motivation d’un acte administratif est à abjuger, dès lors que la décision attaquée, ensemble avec les lettres antérieures adressées au même destinataire, indique de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels l’administration s’est basée pour justifier sa décision, ces motifs ayant ainsi été portés à suffisance de droit à la connaissance de l’administré (trib. adm. 13 novembre 1997, n° 10268 du rôle, confirmé par arrêt du 24 mars 1998, n° 10458C du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 28).

Le défaut d’indiquer dans une décision administrative la disposition légale qui constitue son fondement n’encourt pas de sanction, dès lors que les raisons fournies sont suffisamment explicites pour permettre au destinataire de la décision de les rattacher à la disposition légale visée par l’administration (trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10157 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 33).

Force est de constater en l’espèce que la décision attaquée du 12 décembre 2001, de même qu’un courrier du 24 février 2000 à l’adresse de l’ancien mandataire de Madame …, indiquent de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait sur lesquels l’administration communale s’est basée pour justifier son refus de procéder au reclassement de la carrière de la demanderesse. En effet, dans ces prédits courriers, l’administration communale a fait savoir à la demanderesse que seule la réussite à l’examen de promotion lui donnerait le droit d’accéder à des fonctions supérieures à celles de technicien diplômé ou principal, qu’elle ne saurait comparer sa situation professionnelle à celle de deux autres fonctionnaires par elle cités, étant donné que ceux-ci appartiendraient à une autre carrière, que seule la carrière fixée lors de la publication externe du poste serait pertinente et que la réussite à un examen externe ne conférerait pas automatiquement le droit à un fonctionnaire d’être classé dans une autre carrière que celle préconisée par l’appel de candidatures. Finalement dans la décision attaquée, l’administration communale signale encore que la demanderesse n’aurait présentée au cours des deux dernières décennies aucune demande de changement de carrière et qu’elle n’aurait pas non plus posé sa candidature lors de l’appel de candidatures pour des postes occupés actuellement par des fonctionnaires vis-à-vis desquels elle se dit discriminée.

Il s’ensuit qu’indépendamment de la considération que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste en la suspension des délais de recours, l’administration communale a mis le tribunal en mesure de contrôler la légalité de la décision administrative attaquée en y indiquant de manière détaillée et circonstanciée, tant en fait qu’en droit, les motifs de refus, de sorte que le deuxième moyen laisse également d’être fondé.

La partie demanderesse estime ensuite que l’administration communale aurait violé la loi, étant donné qu’en présence d’une demande en reclassement d’un fonctionnaire communal, le conseil communal serait investi d’une compétence liée comme en matière de nomination définitive et ne disposerait pas d’un pouvoir discrétionnaire, contrairement à d’autres hypothèses voisines comme la nomination provisoire ou la promotion. Ainsi, l’administration communale aurait simplement dû constater que les diplômes présentés justifieraient un classement dans un grade supérieur et procéder au reclassement de la carrière aux grades 9 à 13.

L’administration communale estime de son côté que la décision qui confère à un fonctionnaire communal le droit d’être classé dans une carrière autre que celle préconisée par l’appel des candidatures relèverait du pouvoir discrétionnaire du conseil communal qui effectuerait les nominations provisoires par vote secret. Pour le surplus, l’administration communale estime que la justification du refus de reclassement de Madame … en raison de sa non-présentation à un examen de promotion dans sa carrière actuelle, ainsi que du fait qu’aucune demande de changement de carrière n’a été présentée au cours des deux dernières décennies, équivaudrait à une application correcte de la loi.

La demanderesse allègue encore une prétendue violation du principe de l’égalité devant la loi, ainsi que du principe d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes tiré de la violation de l’article 10bis de la Constitution, alors qu’elle serait confinée à un grade inférieur à celui que sa formation impliquerait, de sorte que l’administration communale aurait adopté une attitude discriminatoire à son égard par rapport à des collègues masculins porteurs de diplômes identiques et/ou équivalents. Dans ce contexte, elle fait référence à deux collègues de travail, à savoir les sieurs K. et L., appartenant depuis 1987, sans préjudice quant à la date exacte, à la carrière hors cadre d’agent horticole, tout en étant professionnellement moins qualifiés. En effet, tout porterait à croire qu’elle aurait été victime d’une attitude discriminatoire et que l’administration communale donnerait préférence aux hommes pour pouvoir aux postes à responsabilité dans l’administration. Dans son mémoire en réplique, la demanderesse cite encore comme exemple le collègue de travail en charge de l’aménagement des aires de jeux dans la cour des écoles et qui serait classé au grade 12, tout en effectuant un travail « égal » au sien, étant donné que suivant décision de l’administration communale du 7 juin 2002 elle aurait été chargée de la coordination des aires de jeux dans les cours d’écoles, tout en restant confinée à un grade inférieur.

L’administration communale de son côté réfute le reproche d’un traitement discriminatoire en affirmant que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi ne s’entendrait pas dans un sens absolu, mais exigerait uniquement que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon et que la spécificité se justifierait si la différence de conditions est effective et objective. Or, en l’espèce il s’agirait de constater que l’exemple cité par la demanderesse ne serait pas pertinent, étant donné que les deux fonctionnaires K. et L., tout en étant porteurs de diplômes équivalents à celui de la demanderesse, appartiendraient à la carrière de l’agent horticole, tandis que la demanderesse appartiendrait à la carrière du technicien diplômé, de sorte que la situation des deux fonctionnaires cités serait effectivement et objectivement différente de celle de la demanderesse. Partant, il ne saurait y avoir violation du principe de l’égalité des citoyens devant la loi, et ceci d’autant plus que ces nominations auraient été opérées dans le strict respect de la loi, suite à un appel de candidatures externes pour lequel la demanderesse n’avait pas posé sa candidature.

Pour le surplus, l’administration communale s’oppose à la demande de la partie demanderesse tendant à la production d’un listing des personnes engagées au service du parc ayant un diplôme de l’Institut Supérieur de Technologie ou équivalent et le classement qui était le leur au moment de leur nomination définitive comme n’étant pas pertinente.

Finalement, la partie demanderesse allègue encore une violation de l’article 36. 1 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, ci-

après désigné par « le statut général », qui dispose que : « dans l’application des dispositions du présent statut, le respect et la défense des intérêts légitimes du fonctionnaire et de sa famille doivent être la préoccupation de l’autorité communale et de l’autorité supérieure ».

Or, en l’espèce l’administration communale n’aurait ni respecté ni défendu ses intérêts légitimes en présence de son diplôme de graduat en architecture de jardins et du paysage en l’occupant largement en deçà de ses capacités et avec un salaire substantiellement moindre que celui qui normalement devrait être le sien. Etant donné que son diplôme universitaire n’avait pas été reconnu par l’Etat jusqu’au 24 septembre 2001, l’administration communale en aurait tiré profit, ce qui serait contraire au devoir de protection incombant à l’administration.

L’administration communale, sans vouloir contester l’existence du diplôme dont peut se prévaloir Madame …, estime que la carence au niveau de la reconnaissance de ce diplôme incomberait au ministère de l’Education nationale. Cependant, indépendamment de la question de la reconnaissance de ce diplôme, la demanderesse ne serait pas en droit de prétendre son appartenance à une carrière pour laquelle elle n’a pas postulé à l’époque.

L’homologation tardive du diplôme de Madame … n’affecterait en rien le pouvoir discrétionnaire dont disposeraient les autorités compétentes en matière de reclassement, de sorte qu’il n’y aurait pas eu méconnaissance du respect et de la défense des intérêts légitimes du fonctionnaire.

En premier lieu, il convient de rappeler les modalités de nomination d’un fonctionnaire communal tel que ressortant du chapitre 2 du statut général. Il résulte de l’agencement des articles du prédit chapitre que le conseil communal, sous l’approbation de l’autorité de tutelle, dispose d’un pouvoir discrétionnaire en matière de nomination provisoire, le tout sous respect des critères essentiels qu’il s’est donnés, nomination provisoire qui vaut en principe pour une durée de 2 ans. Par contre, le conseil communal n’a qu’une compétence liée à la fin de la période de service provisoire au moment de la nomination définitive du fonctionnaire communal, le cas échéant après réussite à l’examen d’admission définitive.

Or, il échet de constater en l’espèce que la demande de reclassement de Madame … ne saurait être assimilée à une demande en nomination provisoire dans la carrière postulée, en l’absence de vacance de poste dans cette carrière. Elle ne saurait non plus être considérée comme une demande de nomination définitive, étant donné que dans cette hypothèse la condition ayant trait à la période de service provisoire de deux ans minimum dans cette nouvelle carrière serait abrogée. A défaut de vacance de poste dans la carrière postulée et en l’absence d’un examen de promotion, la demanderesse ne saurait dès lors solliciter utilement de l’administration communale son classement au grade 12 qui correspond au cadre fermé.

S’il est exact que Madame …, au vu de ses qualifications professionnelles, aurait pu, au début de son engagement, prétendre le cas échéant à un poste plus élevé en rang avec un classement dans une carrière au grade supérieur, à condition que pareil poste ait été déclaré vacant, il n’empêche qu’elle a postulé à l’époque de son engagement provisoire au courant de l’année 1977, sans préjudice quant à la date exacte, à un poste de la carrière du technicien diplômé ou principal, aucun article du statut général n’interdisant à l’administration communale d’engager une personne surqualifiée pour un poste déterminé.

C’est dès lors à juste titre et pour de justes motifs que l’administration communale a estimé que le classement de la demanderesse dans la carrière fixée lors de la publication externe est pertinent. En soulignant l’absence de changement de carrière et l’omission de participer à l’examen de promotion de sa carrière, l’administration communale a correctement motivé sa décision de refus au vu des dispositions légales applicables.

Il s’ensuit que l’administration communale ne saurait non plus se voir reprocher une violation de l’article 36.1 du statut général, étant donné que les intérêts légitimes de la demanderesse en relation avec la carrière pour laquelle elle a postulé ont été respectés, aucune violation de ses droits en relation avec cette carrière n’ayant même été alléguée.

Finalement la demanderesse entend encore justifier sa demande de reclassement par rapport au principe constitutionnel de l’égalité devant la loi inscrit à l’article 10bis de la Constitution, disposition d’après laquelle les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.

Ce principe, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension des droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but (v.

trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Lois et règlements, n° 2).

En l’espèce, il convient de constater que les exemples cités par la demanderesse dans son recours introductif et dans son mémoire en réplique, destinés à illustrer un traitement discriminatoire dans son chef, ne sont pas pertinents, étant donné que les autres fonctionnaires, qui, aux dires de la demanderesse, ont été classés dans un grade supérieur pour un travail équivalent, ne se sont pas trouvés dans la même situation de fait et de droit au moment de leur engagement par l’administration communale. En effet, les fonctionnaires K.

et L. appartiennent, aux dires non contestés de l’administration communale, à la carrière de l’agent horticole, carrière spécifique créée en vertu d’une délibération du conseil communal du 5 mai 1986 et prévoyant en faveur des titulaires des avancements en traitement respectifs aux grades 9 et 11, tandis que la demanderesse appartient à une carrière différente, à savoir celle du technicien diplômé ou principal. Dans ce contexte, il échet d’ailleurs de souligner que la demanderesse ne conteste pas la décision de classement de ces deux fonctionnaires, mais aspire seulement au même traitement, demande à laquelle l’administration communale n’est cependant pas tenue de faire droit eu égard au propre choix de la demanderesse de postuler pour un poste de la carrière du technicien diplômé. Il en est de même de l’exemple cité par la demanderesse et visant le collègue de travail qui est chargé de l’aménagement des aires de jeux dans la cour des écoles et classé apparemment au grade 12, étant donné que les grades 11 et 12 correspondent au cadre fermé pour lequel la demanderesse ne remplit pas les conditions requises, à défaut de changement de carrière respectivement de réussite à l’examen de promotion.

Pour le surplus, aucune violation du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes, tirée des dispositions inscrites à la loi du 8 décembre 1981 assurant l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, n’est décelable à partir du moyen présenté par la demaderesse, la simple affirmation que des postes à responsabilité importante seraient toujours occupés majoritairement par des hommes dans la haute administration n’étant pas suffisante pour déduire en l’espèce une attitude discriminatoire, soit directe, soit indirecte de la part de l’administration communale fondée sur le sexe de la demanderesse, que ce soit au moment de son engagement ou au cours de sa carrière professionnelle.

Finalement, la demande en production du listing des personnes engagées au service du parc et titulaires d’un diplôme de l’Institut Supérieur de Technologie ou équivalent et leur classement afférent au moment de leur nomination définitive est à abjuger, étant donné que la demanderesse, au moment de sa nomination, a opté pour la carrière du technicien diplômé, de sorte qu’une comparaison éventuelle avec le classement de fonctionnaires ayant un diplôme moindre ou équivalent n’est pas concluante, la demanderesse n’alléguant pas avoir été discriminée par rapport à d’autres collègues e travail classés comme elle au sein de la carrière de technicien diplômé, pour laquelle elle a opté.

Il s’ensuit que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens et que la demanderesse est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 octobre 2002 par :

M. Delaporte, premier vice-président, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14663
Date de la décision : 23/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-23;14663 ?

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