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14/10/2002 | LUXEMBOURG | N°14485

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 octobre 2002, 14485


Tribunal administratif N° 14485 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 janvier 2002 Audience publique du 14 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur …, Wecker contre une décision du bourgmestre de la commune de Biwer en matière d’inscription au registre de la population

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14485 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du

23 janvier 2002 par Maître Rhett SINNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des a...

Tribunal administratif N° 14485 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 janvier 2002 Audience publique du 14 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur …, Wecker contre une décision du bourgmestre de la commune de Biwer en matière d’inscription au registre de la population

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14485 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 janvier 2002 par Maître Rhett SINNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ayant demeuré jusqu’au 13 juin 2001 à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du bourgmestre de la commune de Biwer du 20 novembre 2001 portant refus de l’inscrire au registre de la population du fait de son transfert de domicile déclaré à L-6852 Wecker, …, Cité Syrdall ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 11 janvier 2002 portant signification de ce recours à l’administration communale de Biwer, ainsi qu’au bourgmestre de ladite commune ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 avril 2002 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de l’administration communale de Biwer, ainsi qu’au bourgmestre de ladite commune ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Marcel HERBER, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 12 avril 2002 portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur …, Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 juillet 2002 par Maître Rhett SINNER au nom de Monsieur … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 13 juin 2002 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de Biwer, ainsi qu’au bourgmestre de ladite commune ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 juillet 2002 par Maître Albert RODESCH au nom de l’administration communale de Biwer, ainsi que du bourgmestre de la commune ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Yves TAPELLA, agissant en remplacement de l’huissier de justice Pierre BIEL, les deux demeurant à Luxembourg, du 12 juillet 2002 portant signification de ce mémoire en duplique à Monsieur … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Rhett SINNER et Alex PENNING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 septembre 2002.

Vu l’avis de rupture du délibéré du 20 septembre 2002 portant réouverture des débats aux fins de permettre aux parties de prendre position sur l’admissibilité du mémoire en réponse, conditionnant également celle des mémoires en réplique et en duplique, sous l’angle des dispositions de l’article 5 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu le courrier de Maître Albert RODESCH du 27 septembre 2002, suivant lequel celui-ci n’entend plus prendre de mémoire ;

Vu la prise de l’affaire en délibéré, sans autres formalités, à l’audience publique du 2 octobre 2002 à la demande de Maître Paul TRIERWEILER en remplacement de Maître Rhett SINNER et de l’accord de Maître Albert RODESCH ;

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Considérant qu’en date du 13 juin 2001, Monsieur …, préqualifié, s’est présenté auprès des services de l’administration communale de Kayl pour déclarer le transfert de son domicile à partir du n° … à L-… vers le n° …, Cité Syrdall à L-6852 …, maison d’habitation dont il a indiqué être le propriétaire ;

Qu’il déclare s’être présenté le 9 août 2001 auprès de l’administration communale de Biwer pour s’y voir inscrire au registre de la population ;

Que cette inscription lui aurait été refusée sans motif indiqué ;

Que par lettre recommandée de son mandataire du 24 août 2001, il a réitéré sa demande d’inscription au registre de la population de la commune de Biwer auprès du bourgmestre compétent ;

Que par lettre recommandée du 20 novembre 2001, le bourgmestre de la commune de Biwer a pris position comme suit :

« Monsieur SINNER, Par votre lettre citée sous rubrique vous avez réitéré la demande de M. … de se faire inscrire au registre de la population de la commune de Biwer.

A l’appui de votre demande vous affirmez que la loi du 10 décembre 1998 portant création de l’établissement public dénommé « Fonds d’assainissement de la Cité Syrdall » ne nous autorise actuellement plus à refuser à votre mandant l’inscription au registre de la population de notre commune.

Par la présente nous vous informons que nous ne pouvons pas partager votre conclusion. En effet, l’article 5 de la loi du 10 décembre 1998 stipule qu’après l’achèvement des travaux d’infrastructure les voies publiques et les aires d’agrément sont gratuitement cédées par le fonds à la commune de Biwer, conformément aux dispositions de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes.

Or, à ce jour les travaux d’assainissement sont loin d’être terminés de sorte que les parcelles cadastrales énumérées à l’article 2 de la loi du 10 décembre 1998 restent inscrites comme zone à restructurer dans le plan d’aménagement général de la commune de Biwer.

Dans l’espoir que ces informations vous permettent de comprendre qu’il m’est impossible de donner droit à votre demande, je vous prie d’agréer, Monsieur Sinner, l’expression de mes sentiments les meilleurs » ;

Considérant que par requête déposée en date du 23 janvier 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du refus du bourgmestre de la commune de Biwer prérelaté du 20 novembre 2001 ;

Quant à l’admissibilité des mémoires déposés Considérant que l’administration communale de Biwer a fait déposer un mémoire en réponse en date du 10 avril 2002, lequel a été signifié le 12 avril suivant, non pas au domicile élu de Monsieur …, ni à personne, mais à domicile, sans que la réalité et la régularité intrinsèque de cette signification ne soient mises en cause ;

Que le mandataire du demandeur ayant pris connaissance de ce mémoire en réponse lors du premier appel de l’affaire en date du 3 juin 2002, il a fait signifier un mémoire en réplique le 13 suivant, déposé le 8 juillet 2002, à travers lequel il critique la régularité de la signification intervenue du mémoire en réponse du fait que celui-ci n’aurait pas été dûment communiqué à l’avocat constitué alors que pourtant la représentation par un avocat inscrit est obligatoire en matière administrative ;

Qu’en invoquant les dispositions des articles 4 (5), 5 (1), 8 (1) et 10 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ainsi que celles de l’article 169 du nouveau code de procédure civile, le demandeur conclut à voir « éliminer » le mémoire en réponse des débats pour ne pas avoir été signifié valablement à l’avocat constitué du demandeur ;

Considérant que les délais de production des mémoires prévus par l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée tenant à l’organisation juridictionnelle, le tribunal a été amené à soulever d’office la question préalable de la communication dans les délais du mémoire en réponse suivant avis de rupture de délibéré du 20 septembre 2002 ;

Considérant que l’article 5 (1) de ladite loi modifiée du 21 juin 1999 porte que « sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive » ;

Que d’après son article 3 « au regard des délais de procédure, seule la date du dépôt au greffe est prise en considération » ;

Considérant que le texte légal clair et précis de l’article 5 (1) prérelaté fixe la seule date de la signification de la requête introductive comme point de départ du délai de trois mois accordé respectivement au défendeur et au tiers intéressé, en vue de la communication utile d’un mémoire en réponse, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prendre égard, sous l’aspect précis de la communication du mémoire en réponse y visée, à la date du dépôt de la requête introductive d’instance au greffe ;

Considérant que s’il est vrai que d’après les dispositions de l’article 3 prérelaté seule la date du dépôt au greffe est prise en considération au regard des délais de procédure, force est de retenir que les délais de procédure ainsi visés ne recouvrent pas les délais de communication d’un mémoire en réponse, tels que prévus à l’article 5 (1) prérelaté, étant donné que le respect des droits de la défense est effectivement garanti dans le chef respectivement du défendeur et du tiers intéressé si ceux-ci voient courir le délai utile pour communiquer un mémoire en réponse à partir du moment où ils ont pu avoir connaissance du contenu de la requête introductive à travers la signification qui leur en a été faite, le tout sans préjudice des règles spéciales prévues par ladite loi modifiée du 21 juin 1999 concernant l’Etat partie à une instance devant les juridictions administratives, telles que résultant notamment de son article 4 (3) ;

Considérant qu’en l’espèce la requête introductive d’instance a été déposée au greffe en date du 23 janvier 2002 alors que la signification à la partie défenderesse date du 11 janvier 2002 ;

Que le mémoire en réponse de la commune de Biwer, bien qu’ayant été déposé le 10 avril 2002 n’a été signifié au demandeur que le vendredi 12 avril suivant ;

Considérant que le caractère strict des délais de fourniture des mémoires prévus par l’article 5 de ladite loi modifiée du 21 juin 1999, tenant à l’organisation juridictionnelle, emporte que la fourniture de la réponse à intervenir dans les trois mois de la signification de la requête introductive d’instance inclut non seulement son dépôt, mais également sa signification ;

Qu’il suit de ce qui précède qu’au vœu des exigences de l’article 5 (1) en question tant le dépôt que la signification du mémoire en réponse auraient dû intervenir dans les trois mois de la signification de la requête introductive d’instance, intervenue le 11 janvier 2002, soit à la date du jeudi 11 avril 2002 au plus tard ;

Que partant le mémoire en réponse signifié le 12 avril 2002 est en toute occurrence tardif, au-delà de toute question se posant par ailleurs relativement à la régularité de cette signification ;

Considérant que le mémoire en réponse devant être écarté, le même sort est appelé à frapper les mémoires en réplique et en duplique fournis à sa suite, ces trois mémoires n’entrant point en taxe, étant entendu que les frais respectivement exposés à leur égard restent à charge des parties au nom desquelles ces mémoires ont été respectivement fournis ;

Considérant que même s’il vient d’être dégagé que la partie défenderesse n’a pas comparu utilement dans le délai prévu à l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999, le tribunal est néanmoins amené à statuer à l’égard de toutes les parties conformément aux dispositions de son article 6 ;

Quant à la recevabilité du recours Considérant que la loi ne prévoyant aucun recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le recours en annulation formé en ordre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Quant au fond Considérant qu’au fond, le demandeur s’appuie sur les dispositions de l’article 1er de l’arrêté grand-ducal du 30 août 1939 portant introduction de la carte d’identité obligatoire pour faire valoir que les administrations communales seraient tenues de délivrer à toute personne âgée de plus de 15 ans une carte d’identité et de procéder à son inscription au registre de la population, tout en invoquant l’article 2 du même texte réglementaire ayant trait à la résidence habituelle des personnes dans une commune du territoire du Grand-Duché ;

Qu’il souligne pour le surplus que nulle part dans la loi ne serait inscrite une disposition autorisant la commune à refuser l’inscription au registre de la population, motif pris de dispositions tirées de son plan d’aménagement général ;

Que dès lors sa demande d’inscription au registre de la population de la commune de Biwer serait fondée, tout comme son recours sous analyse ;

Considérant que d’après l’article 103 du Code civil « le changement de domicile s’opérera par le fait d’une habitation réelle dans un autre lieu, joint à l’intention d’y fixer son principal établissement » ;

Que suivant l’article 104 du même code « la preuve de l’intention résultera d’une déclaration expresse, faite tant à la municipalité du lieu que l’on quittera, qu’à celle du lieu où on aura transféré son domicile » ;

Considérant que d’après l’article 8 de la loi modifiée du 22 décembre 1886 concernant les recensements de population à faire en exécution de la loi électorale « les administrations communales sont autorisées à prendre, sous réserve d’approbation par l’autorité supérieure, des règlements pour la tenue de registres de population dans les communes, et à édicter, dans les limites de la loi du 6 mars 1818, des pénalités pour assurer l’observation des dispositions de ces règlements.

Sera pareillement le Gouvernement autorisé à faire pour le même objet et sous les mêmes sanctions, des règlements d’administration générale » ;

Considérant que les registres de population sont des actes authentiques et publics, ayant pour objet de constater, dans un intérêt public, les déclarations de changement de résidence (Giron, dictionnaire de droit administratif et de droit public v° registres de population, tome III page 86) ;

Considérant que les registres de population ne fournissent ni présomption, ni preuve au sujet des mentions qu’ils renferment en tant qu’elles sont étrangères au domicile et à la résidence des citoyens ( Cour Cass. belge 22 juin 1925, Pas. b. I, 303) ;

Considérant que le demandeur affirme de façon non contestée avoir été le propriétaire de l’immeuble situé au n° … Cité Syrdall au moment de la prise de la décision déférée ;

Considérant que depuis la loi du 3 août 1998 portant modification des limites des communes de Biwer et de Manternach, les parcelles situées au lieu-dit Cité Syrdall relèvent de la commune de Biwer ;

Considérant que la loi modifiée du 8 décembre 1998 portant création de l’établissement public dénommé « Fonds d’assainissement de la Cité Syrdall » dispose dans son article 5, invoqué comme base légale du seul motif de refus exprimé à l’appui de la décision déférée qu’« après achèvement des travaux d’infrastructure, les voies publiques et les aires d’agrément sont gratuitement cédées par le fonds à la commune de Biwer, conformément aux dispositions de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes » ;

Que d’après la même décision déférée les terrains accueillant la propriété … se trouvaient, à l’époque où elle a été prise, toujours classés en zone à restructurer suivant les dispositions du plan d’aménagement général de la commune de Biwer ;

Considérant que les projets d’aménagement général ont pour objet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des parcelles qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever (Cour adm. 10 juillet 1997, Gloesener, n° 9804C du rôle Pas. adm. 2001 v° Urbanisme n° 5 page 447 et autres décisions y citées).

Considérant que les registres de population sont des actes authentiques et publics relatant les déclarations de changement de résidence faites par l’habitant d’une commune en exécution des dispositions légales et réglementaires applicables, une fois son changement de domicile décidé suivant son intention arrêtée conformément aux dispositions des articles 103 et 104 du Code civil ;

Considérant que dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un changement de domicile au sens de l’article 103 du code civil, seul le caractère réel d’une habitation dans un autre lieu est déterminant (trib.adm. 29 mai 2000, Jaouid, n° 11650 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Noms-Prénoms-Domicile, n° 5, p. 320), sans que l’inscription d’un changement de domicile ne puisse être directement conditionnée par des règles découlant du plan d’aménagement général de la commune d’accueil ;

Considérant qu’à défaut de s’appuyer sur les arguments tirés du caractère réel de l’habitation de Monsieur … sur le territoire de la commune de Biwer, le bourgmestre, à travers la décision déférée, n’a pas donné de base légale suffisante pour le refus y exprimé, de sorte que celle-ci encourt l’annulation au vu des éléments actuellement fournis au dossier ;

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte les mémoires en réponse, en réplique et en duplique ;

dit que ces mémoires n’entrent pas en taxe et laisse les frais afférents à charge des parties respectives au nom desquelles ils ont été fournis ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision déférée et renvoie l’affaire devant le bourgmestre de la commune de Biwer ;

condamne la commune de Biwer aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 octobre 2002 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14485
Date de la décision : 14/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-14;14485 ?

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