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09/10/2002 | LUXEMBOURG | N°15352

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 octobre 2002, 15352


Tribunal administratif N° 15352 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 septembre 2002 Audience publique du 9 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15352 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2002 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tablea

u de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité bosniaque, dem...

Tribunal administratif N° 15352 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 septembre 2002 Audience publique du 9 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15352 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 septembre 2002 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité bosniaque, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 14 août 2002, notifiée en date du 16 août 2002, par laquelle il a déclaré manifestement infondé une demande en obtention du statut de réfugié introduite par le demandeur, et d’une décision confirmative prise par le prédit ministre le 29 août 2002 suite à un recours gracieux du demandeur du 20 août 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en sa plaidoirie à l’audience publique du 7 octobre 2002.

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Le 1er juillet 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Par courrier du 31 juillet 2002, notifié le même jour, Monsieur … fut invité à se présenter le 13 août 2002 à 14.00 heures au bureau d’accueil pour demandeurs d’asile pour l’audition concernant sa demande d’asile.

Il ressort du procès-verbal d’audition du 13 août 2002 que « l’intéressé refuse de faire n’importe quelle déclaration le concernant, ni de signer quoi que ce soit, à moins qu’un avocat soit présent ».

Le ministre de la Justice informa Monsieur …, par lettre du 14 août 2002, notifiée le 16 août 2002, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : « Il résulte de notre dossier que vous avez été convoqué pour une audition concernant votre demande d’asile le 13 août 2002, mais que, lors de cette audition vous avez purement et simplement refusé de répondre à la moindre question, prétextant n’avoir pas choisi d’avocat.

Or, l’article 6 f) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile dispose comme suit : « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Tel est le cas notamment lorsque le demandeur a omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ».

Le fait de refuser de répondre aux questions qui vous sont posées et qui sont destinées à éclairer le Ministère de la Justice sur vos problèmes, constitue une omission manifeste de vous acquitter d’obligations imposées. En ce qui concerne la présence d’un avocat à vos côtés pour l’audition, je constate que, bien qu’arrivé au Luxembourg le 1er juillet et que mis a courant de votre droit à une assistance juridique ce jour-là, vous n’avez fait aucune démarche en ce sens.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est donc refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. » Le recours gracieux formé par le mandataire de Monsieur … à l’encontre de la décision ministérielle précitée à travers un courrier datant du 20 août 2002 ayant été rencontré par une décision ministérielle confirmative du 29 août 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 14 et 29 août 2002 par requête déposée le 17 septembre 2002.

Etant donné que l’article 10 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996 dispose expressément qu'en matière de demandes d'asile déclarées manifestement infondées au sens de l'article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation, tandis que le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

Le demandeur critique la décision déférée en premier lieu pour cause de violation de ses droits de la défense et plus particulièrement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qu’elle ne mentionnerait pas la présence d’un traducteur qui aurait traduit le contenu de ladite décision.

Pour le surplus, le demandeur estime que la décision déférée devrait encore être annulée en raison du fait que lors de son audition en date du 13 août 2002, il aurait obtenu la remise de cette audition au 16 août 2002, afin de se faire assister et conseiller par un avocat, mais que contre toute attente il se serait vu notifier en date du 16 août 2002 la décision du 14 août 2002, décision qui se bornerait à affirmer son refus de répondre aux questions lors de la prédite audition du 13 août 2002, questions auxquelles il aurait voulu répondre mais uniquement en présence d’un avocat, ce qui serait son droit le plus élémentaire. Dans ce contexte, le demandeur signale encore avoir demandé dans le cadre de son recours gracieux du 20 août 2002 une nouvelle audition en présence de son avocat, ce qui lui aurait cependant été refusé par la décision confirmative du 29 août 2002. Il s’ensuivrait qu’il n’aurait pas encore été entendu en bonne et due forme à l’heure actuelle et il estime pour le surplus remplir les conditions posées par la Convention de Genève pour bénéficier de l’asile politique.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que son recours laisserait d’être fondé.

Concernant d’abord le moyen d’annulation tiré du fait que la décision déférée du 14 août 2002 est rédigée en langue française et qu’elle n’aurait pas été traduite au demandeur dans une langue compréhensible par ce dernier, force est de constater que le français est l’une des trois langues officielles au Grand-Duché en matière administrative, contentieuse et non contentieuse, ainsi qu’en matière judiciaire, et qu’il n’existe aucun texte de loi spécial obligeant le ministre de la Justice à faire traduire ses décisions dans une langue compréhensible pour les destinataires (cf. trib. adm. 12 mars 1997, n° 9679 du rôle, Pas.

adm. 2001, V° Etrangers, n° 17 et autres références y citées).

Force est encore de constater que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ne s’applique qu’aux contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil et aux accusations en matière pénale et que les litiges relatifs à l’admission et au séjour des étrangers, et notamment à l’octroi ou au retrait du statut de réfugié ne rentrent dans aucune de ces catégories (trib. adm. 10 octobre 1999, n° 11204 du rôle, confirmé par Cour adm. 8 février 2000, n° 11654C du rôle, Pas. adm. 2001, V° Droits de l’Homme, n° 5 et autres références y citées).

Il s’ensuit que le premier moyen est à rejeter.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996, « 1) Une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile.

2) Tel est le cas notamment lorsque le demandeur a : (…) f) omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile … ».

Le processus de constatation et d’évaluation des faits implique que le demandeur d’asile doit dire la vérité et prêter tout son concours à l’examinateur pour l’établissement des faits.

Le demandeur, sans contester qu’il a effectivement refusé de faire une quelconque déclaration lors de son audition du 13 août 2002, estime justifier son refus de collaboration en raison de la non-présence d’un avocat à la prédite audition.

En l’espèce, force est cependant de constater que le demandeur a été informé dès son arrivée au Luxembourg en date du 1er juillet 2002, dans une langue lui compréhensible, qu’il a le droit de choisir un avocat inscrit au tableau de l’un des barreaux établis au Grand-Duché de Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’Ordre des avocats.

Force est encore de constater qu’il a été informé du déroulement de son audition par lettre remise en mains propres en date du 31 juillet 2002 pour le 13 août 2002, soit 13 jours avant la tenue de son audition. Il résulte encore du procès-verbal d’audition du 13 août 2002 et en l’absence d’une contestation sur ce point apportée en cours des procédures gracieuse et contentieuse que le demandeur n’avait en date du 13 août 2002 effectué la moindre démarche pour se faire assister par un avocat. Les éléments objectifs du dossier font encore ressortir que le demandeur, contrairement à ses affirmations, n’a pas bénéficié à la prédite date du 13 août 2002 d’une remise de son audition au 16 août 2002, date à laquelle il s’est effectivement vu notifier la décision de rejet de sa demande d’asile du 14 août 2002. Dans ce contexte, il convient encore de noter que le demandeur s’est une nouvelle fois présenté en date du 16 août 2002 sans la présence d’un avocat, malgré le fait qu’il affirme à l’heure actuelle avoir compris qu’une nouvelle audition aurait dû se dérouler à la prédite date du 16 août 2002.

Au vu de ces éléments, c’est à bon droit que le ministre de la Justice a estimé dans sa décision du 14 août 2002 que le demandeur ne s’est pas acquitté d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile, en considération du refus de ce dernier de répondre à la moindre question lors de son audition du 13 août 2002.

Au vu de l’attitude récalcitrante du demandeur constitutive d’un flagrant manque de collaboration, en ce qu’il a omis de contacter pendant 46 jours au moins un avocat et en refusant de prêter la moindre assistance aux autorités luxembourgeoises compétentes pour apprécier les éventuelles craintes de persécution à la base de sa demande d’asile, le ministre n’était pas non plus tenu de faire droit à la demande en audition du demandeur formulée dans son recours gracieux du 20 août 2002.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 octobre 2002 par :

M. Campill, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Campill 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15352
Date de la décision : 09/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-09;15352 ?

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