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07/10/2002 | LUXEMBOURG | N°14757

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 2002, 14757


Tribunal administratif N° 14757 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2002 Audience publique du 7 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées en matière de changement d’affectation

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 29 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau d

e l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, ...

Tribunal administratif N° 14757 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2002 Audience publique du 7 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées en matière de changement d’affectation

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 29 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées du 28 janvier 2002 le déchargeant avec effet au 1er février 2002 de la direction de la brigade II de Dahlem ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé en date du 27 mai 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nicolas DECKER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par courrier du 7 février 2002, émanant de l’ingénieur technicien principal Monsieur F.K.

des Ponts et Chaussées, division des services régionaux de la voirie, service régional de Capellen, Monsieur … fut informé que par décision du 28 janvier 2002, le directeur de l’administration des Ponts et Chaussées l’avait déchargé, avec effet au 1er février 2002, de la direction de la brigade II de Dahlem. Le prédit courrier du 7 février 2002 retient comme motivation à la base de la décision directoriale que : « Vous n’êtes manifestement pas à même de répondre aux sollicitations du poste de chef de brigade. Vous ne savez pas organiser le travail, ne voyez pas ce qu’il y a à faire, n’arrivez guère à vous faire respecter par les ouvriers de la brigade et vous éprouvez des difficultés à vous confirmer [sic] aux ordres reçus par vos supérieurs hiérarchiques. Dès à présent vous êtes chargé de la fonction d’adjoint de Monsieur J. S., chef de brigade, chargé de la direction de la brigade II de Dahlem ».

Par requête déposée en date du 29 mars 2002, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées du 28 janvier 2002 le déchargeant avec effet au 1er février 2002 de la direction de la brigade II de Dahlem.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que la décision critiquée impliquerait un changement dans sa fonction dans la mesure où, à partir du 1er février 2002, il ne serait plus chargé de la direction de la brigade II des Ponts et Chaussées de Dahlem, mais n’exercerait que la fonction d’adjoint de la prédite brigade.

Il fait valoir que le directeur ne lui aurait adressé que de « vagues reproches ayant trait à la qualité de son travail », de sorte que la décision critiquée devrait être annulée pour défaut de motivation.

Il soutient ensuite que la décision critiquée serait en fait constitutive d’une sanction disciplinaire déguisée à son égard, étant donné qu’elle aurait été prise pour le punir. Dans cet ordre d’idées, il estime que le directeur des Ponts et Chaussées serait incompétent pour prononcer une telle sanction disciplinaire, prévue à l’article 47 (5) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé « le statut général » et qu’à aucun moment, il n’aurait été mis en mesure de présenter sa défense, tel que prévu par l’article 51 du prédit statut.

En ordre subsidiaire, le demandeur considère que les reproches qui lui seraient adressés seraient inexacts et controuvés.

Le délégué du gouvernement se réfère à la lettre précitée du 7 février 2002, ainsi qu’à une lettre du 19 avril 2002 émanant du préposé du service régional des Ponts et Chaussées à Capellen, pour compléter, si besoin en était, la motivation de la décision litigieuse. Il estime que ces deux documents seraient « éloquents » et ne nécessiteraient pas de commentaires plus amples.

Il fait ensuite valoir qu’il appartiendrait au directeur d’une administration d’organiser ses services de manière à ce qu’ils fonctionnent d’une façon optimale. Dans cette logique, le directeur pourrait, et même devrait, charger de la direction d’un service la personne « valable et assidu au travail, quel que soit son titre administratif ». Dans le cas d’espèce, les deux cantonniers affectés à la brigade de Dahlem II porteraient le titre de chef de brigade. Il conclut ainsi qu’après maintes discussions avec le demandeur et dans l’intérêt du service, le demandeur a été déchargé de la direction, ce qui ne constituerait pas une sanction disciplinaire tombant dans le champ d’application de l’article 47 du statut général. Il fait encore préciser que cette réorganisation du service n’aurait rétrogradé le demandeur ni en grade, ni en échelon.

Le tribunal doit en premier lieu examiner s’il est compétent pour connaître du présent recours. Dans ce contexte, il est appelé à qualifier la décision litigieuse. En effet, il importe de déterminer si elle a trait à un changement d’affectation ou de fonction ou bien si elle constitue en réalité une sanction disciplinaire, étant donné que dans le premier cas de figure, seul un recours en annulation est prévu tandis que dans le deuxième cas de figure un recours en réformation est prévu.

Dans ce contexte, le juge administratif peut et doit rechercher si un changement d'affectation ou de fonction ne cache pas en réalité une sanction disciplinaire. A cette fin, il ne s'arrête pas à la lettre de la mesure prise par l'administration, mais lui restitue, s'il y a lieu, sa véritable qualification, pour sanctionner le cas échéant l'absence de garanties disciplinaires. Le tribunal doit s'interroger sur les effets de la mesure – existence d'une atteinte à la situation professionnelle du fonctionnaire – et sur ses motifs – grief contre le fonctionnaire -. La mesure prise constitue une sanction disciplinaire à partir du moment où la nature de la mesure est essentiellement répressive en ce sens qu'elle a pour objet de punir le manquement du fonctionnaire à l'une de ses obligations professionnelles (trib. adm. 16 février 98, n° 10264 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Fonction publique, n°36, p.179).

En l’espèce, force est de constater qu’il ressort du dossier administratif à disposition du tribunal, notamment de la lettre précitée du 7 février 2002, ainsi que de la prise de position précitée du 19 avril 2002, émanant du supérieur hiérarchique de M. …, que dans l’intérêt du service et pour garantir le bon fonctionnement de la brigade de Dahlem, M. … a été déchargé de la direction et de la coordination de la brigade d’entretien de la voirie à Dahlem. En tenant compte des éléments contenus au dossier personnel de M. …, notamment de son incapacité de diriger une brigade, se manifestant par le fait qu’il n’était pas à même de reconnaître les travaux qu’il fallait faire, qu’il n’avait aucun esprit d’organisation du travail, de sorte que l’efficacité de la brigade entière baissait et qu’il fallait avoir recours à de l’aide extérieure pour effectuer les travaux qui incombaient normalement à cette brigade, le directeur des Ponts et Chaussées a procédé à une réorganisation des tâches incombant aux cantonniers affectés à la brigade de Dahlem.

Cette réorganisation, par laquelle un autre cantonnier affecté à la brigade de Dahlem et portant le même titre de chef de brigade que M. …, a été chargé de la direction de la prédite brigade, constitue une mesure prise dans l’intérêt manifeste du service et ne constitue partant pas une sanction disciplinaire, au sens des dispositions de l’article 47 (5) du statut général.

Force est encore de relever que cette réorganisation n’a pas comporté l’attribution à M. … d’un emploi inférieur en rang ou en traitement.

Il y a finalement lieu de retenir que M. … n’apporte aucun élément concret de nature à établir qu’il s’agirait effectivement d’une sanction disciplinaire. Cette vision des choses est, au contraire, contredite par les éléments contenus dans le dossier administratif, duquel il ressort que M. … a par ailleurs fait l’objet d’une procédure disciplinaire séparée en raison du fait qu’il aurait mis à jour un comportement impertinent qui serait inacceptable et incompatible avec les devoirs de politesse cités au statut général, ainsi que pour avoir refusé d’obtempérer à un ordre reçu par un supérieur hiérarchique.

Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel ne s’inscrit pas, suivant les développements qui précèdent, dans les prévisions de l’article 54 du statut général.

Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est partant recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au moyen du demandeur tiré du défaut de motivation de la décision du directeur des Ponts et Chaussées du 28 janvier 2002, il y a lieu de rappeler que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours et non pas dans l’annulation de la décision en cause, de manière que celle-ci reste valable et que l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (trib. adm. 13 janvier 1998, n° 9652, confirmé par Cour adm. 8 octobre 1998, 10580C, Pas. adm. 2001, v° Procédure administrative non contentieuse, n° 36). Il s’ensuit qu’en l’espèce, même à admettre que la décision déférée du 28 janvier 2002 ait été prise en violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, le délégué du gouvernement a utilement pu compléter la motivation à la base de ladite décision, de sorte que le moyen du demandeur est à abjuger.

Quant au fond, le demandeur fait valoir que la décision déférée « équivaut à une sanction disciplinaire déguisée » et que le directeur des Ponts et Chaussées n’aurait pas respecté la procédure y afférente. Dans cette optique, il soutient qu’il y aurait eu violation de l’article 47 (5) du statut général, étant donné que le directeur des Ponts et Chaussées n’aurait aucune compétence pour prononcer une telle sanction et qu’il y aurait eu violation de l’article 51 du statut général, dans la mesure où il n’aurait pas été mis en mesure de présenter ses moyens de défense.

Néanmoins, au vu des développements qui précèdent, il y a lieu de retenir que la mesure prise à l’encontre du demandeur n’est pas constitutive d’une mesure disciplinaire, de sorte que les moyens d’annulation avancés par le demandeur, se mouvant dans le cadre d’une sanction disciplinaire qui aurait été prononcée à son encontre, sont à rejeter pour manquer de pertinence dans la présente affaire.

Il y a partant lieu de rejeter le recours en annulation comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 7 octobre 2002 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14757
Date de la décision : 07/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-07;14757 ?

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