La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/10/2002 | LUXEMBOURG | N°14677

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 2002, 14677


Tribunal administratif N° 14677 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mars 2002 Audience publique du 7 octobre 2002

==============================

Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du collège échevinal de la Ville de Luxembourg en matière d’indemnité congé non pris

----------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14677 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2002 par Ma

ître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif N° 14677 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 mars 2002 Audience publique du 7 octobre 2002

==============================

Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du collège échevinal de la Ville de Luxembourg en matière d’indemnité congé non pris

----------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14677 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2002 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision portant refus de lui allouer une indemnité compensatoire pour congé de recréation non pris au cours des années 2000 et 2001 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 14 mars 2002 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2002 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 17 juin 2002 portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 juillet 2002 par Maître Charles KAUFHOLD au nom de Monsieur … ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 16 juillet 2002 portant notification de ce mémoire en réplique à Maître Jean KAUFFMAN ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 septembre 2002 par Maître Jean KAUFFMAN au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 25 septembre 2002 portant modification de ce mémoire en duplique à Maître Charles KAUFHOLD ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les deux décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Charles OSSOLA et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 octobre 2002.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Considérant que Monsieur …, préqualifié, … au service … de la Ville de Luxembourg, s’est vu accorder démission honorable de ses fonctions avec effet au 1er janvier 2002 suite à un accident du travail subi le 10 novembre 1999 ;

Qu’en date du 26 octobre 2001, il a saisi le collège échevinal de la Ville de Luxembourg d’une demande en allocation d’une indemnité compensatoire pour le congé de récréation non pris durant les années 2000 et 2001 ;

Qu’en s’appuyant sur les dispositions des articles 3, 6 paragraphe 1, 9, 10 et 12 du règlement grand-ducal modifié du 21 octobre 1987 concernant le temps de travail et les congés des fonctionnaires communaux, le collège échevinal de la Ville de Luxembourg, par décision du 16 novembre 2001, a retenu que Monsieur … ne se trouvait d’aucune manière dans une des situations de report de congé prévues par la loi, de sorte à ne pouvoir bénéficier d’une indemnité compensatoire de congé non pris telle que par lui sollicitée ;

Qu’à travers son recours gracieux du 21 novembre 2001, Monsieur … a précisé que son accident de travail avait eu lieu le 10 novembre 1999 et non pas le 10 octobre de la même année et que son état de santé en résultant ne lui a permis ni de travailler, ni de prendre un congé de récréation au courant des années 2000 et 2001 ;

Qu’il a encore mis l’accent sur le fait que la fiche de congé versée en annexe à sa demande susdite du 26 octobre 2001 et émise par le service d’… de la Ville comprenait, de façon indifférenciée, à côté des heures de congé non pris proprement dites, des heures supplémentaires prestées au courant des années 1998 et 1999 « converties en heures de congé, tel qu’il est d’usage au service … » ;

Que par décision du 12 décembre 2001, le collège échevinal de la Ville de Luxembourg a confirmé le refus précité du 16 novembre 2001 en indiquant avoir pris note des arguments de Monsieur …, tout en estimant que ceux-ci n’étaient pas de nature à le faire revenir sur son premier refus ;

Considérant que par requête déposée en date du 12 mars 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation dirigé contre les deux décisions de refus précitées du collège échevinal de la Ville de Luxembourg des 16 novembre et 12 décembre 2001 ;

Considérant que d’après l’article 41 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, désignée ci-après par « le statut général », le recours en réformation est réservé aux décisions administratives relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments, à la mise à la retraite ou à la pension des fonctionnaires communaux ;

Que la matière des congés de récréation ne rentrant dans aucune des catégories prémentionnées, aucun recours de pleine juridiction n’est ouvert en vue de la toiser (cf. C.E.

20 décembre 1994, Thilges-Regalli, n° 9058 du rôle ; trib. adm. 3 mars 1999, Bastian, n° 10698 du rôle, trib. adm. 31 mai 2000, n° 11727 du rôle, Eck, Pas. adm. 2001, V° Fonction publique, n° 131, p. 199) ;

Qu’aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant qu’au fond, il convient de préciser préliminairement, suivant réponses confirmatives des mandataires des parties à l’audience, que la demande initiale de Monsieur … du 26 octobre 2001 et, à sa suite, les décisions déférées, ne portent que sur l’indemnité compensatoire pour congé de récréation non pris durant les années 2000 et 2001 proprement dit, à l’exclusion notamment des éléments compensatoires avancés par ailleurs concernant des heures supplémentaires prestées au courant des années 1998 et 1999, converties en heures de congé et reportées sur des années ultérieures ;

Considérant qu’à l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que s’il était de principe que d’après les dispositions du règlement grand-ducal du 21 octobre 1987 précité les congés des fonctionnaires communaux s’exercent en nature, il y aurait lieu de suivre néanmoins en l’occurrence la loi modifiée du 22 avril 1966 portant réglementation uniforme du congé annuel payé des salariés du secteur privé, laquelle prévoirait un droit à une indemnité compensatoire pour le congé de récréation non pris ;

Qu’il invoque encore à l’appui de sa demande des dispositions de l’article 5.4 de la Convention n° 132 concernant les congés annuels payés, adoptée à Genève le 24 juin 1970 par la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail à sa cinquante quatrième session, approuvée par la loi du 15 février 1979, d’après lesquelles il aurait droit au congé légal ;

Qu’il insiste pour dire qu’il s’est trouvé dans une situation exceptionnelle et imprévisible due à son accident de travail du 10 novembre 1999, laquelle ne lui aurait pas permis de faire les démarches nécessaires pour demander un report de congé, sinon une indemnité compensatoire afférente ;

Qu’il précise que sa demande en indemnité compensatoire pour congé non pris serait encore justifiée du fait qu’il serait passé directement d’une situation de congé de maladie à la retraite anticipée ;

Qu’en l’occurrence il ne s’agirait pas d’une question de report de congé, de sorte que tous les arguments afférents avancés par le collège échevinal seraient non pertinents ;

Que d’après les dispositions du règlement grand-ducal du 21 octobre 1987 prévisé les demandes de congé présentées après l’expiration des délais seraient encore à accepter dans le cas de circonstances exceptionnelles et imprévisibles, parmi lesquelles devraient figurer sa situation due à l’accident de travail dont s’agit ;

Que les décisions de refus déférées devraient dès lors encourir l’annulation pour défaut de motivation ;

Considérant que la Ville de Luxembourg de reprendre son argumentaire déployé à la base des décisions déférées tout en l’étayant par référence notamment aux développements du jugement précité de ce tribunal du 31 mai 2000 (Eck, n° 11727 du rôle) ;

Qu’à travers son mémoire en réplique, la partie demanderesse de signaler que dans une situation quelque peu similaire, l’administration communale de la Ville de Luxembourg avait accordé en octobre 1997 à un de ses collègues de travail le paiement de congés de récréation non pris, de sorte qu’il demande à bénéficier tout simplement de la même tolérance, voire de ce précédent, lequel aurait fait naître un droit, sinon une légitime croyance en pareil droit dans son chef ;

Considérant qu’en fait les parties convergent pour dire qu’aucune prestation de travail n’a eu lieu de la part de Monsieur … au profit de son employeur, la Ville de Luxembourg, durant les années civiles 2000 et 2001, sa mise à la retraite prenant effet au 1er janvier 2002 ;

Considérant que l’article 29.1 du statut général prévoit de façon limitative les congés dont peut bénéficier le fonctionnaire communal, lesquels sont énumérés en son alinéa second sous 12 points, dont en premier lieu sub a) le congé annuel de récréation et sub b) le congé pour raisons de santé ;

Considérant que le congé de récréation est annuel dans la mesure où d’après l’article 3 du règlement grand-ducal modifié du 21 octobre 1987 précité chaque année le fonctionnaire a droit à un congé de récréation, l’année de congé étant l’année civile ;

Considérant que par essence le droit au congé de récréation est un droit réservé à l’usage exclusif du travailleur auquel il ménage des périodes de repos par suite à des périodes d’occupation (C.E. 20 décembre 1994, trib. adm. 3 mars 1999 et 31 mai 2000, précités) ;

Considérant que d’après l’article 5. 3 de la Convention n° 132 OIT, approuvée par la loi du 15 février 1979 précitée, applicable en tous ses éléments aux fonctionnaires étatiques et communaux à défaut de dispositions d’exclusion prises sur base de l’article 2 de ladite Convention, le mode de calcul de la période de service, aux fins de déterminer le droit au congé, sera fixé par l’autorité compétente ou par l’organisme approprié dans chaque pays ;

Que le même article 5 prévoit en son point 4 que dans des conditions à déterminer par l’autorité compétente ou par l’organisme approprié dans chaque pays, les absences du travail pour des motifs indépendants de la volonté de la personne employée intéressée, telles que les absences dues à une maladie, seront comptées dans la période de service ;

Considérant que le statut général, ensemble le règlement grand-ducal modifié du 21 octobre 1987 ne sont pas contraires à l’article 5 de la Convention n° 132 OIT précitée dans la mesure où ils admettent le principe que les absences du travail dues à une maladie sont comprises dans la période de service prise en considération pour le calcul du congé annuel ;

Considérant que suivant l’article 9 du règlement grand-ducal modifié du 21 octobre 1987 précité, le congé de récréation est accordé sur demande à adresser au plus tard le 30 novembre de l’année pour laquelle le congé est dû au collège des bourgmestre et échevins ou au chef du service délégué à ces fins ;

Considérant qu’au-delà de la question de savoir si les demandes de congé de récréation ont été introduites en temps utile pour les deux années 2000 et 2001 sous analyse, il convient de toiser la question de fond consistant à savoir si du fait du congé de maladie perdurant durant ces deux années et de l’absence de reprise de travail jusqu’à la mise à la retraite un quelconque droit à une indemnité compensatoire de congé a pu exister dans le chef de Monsieur … pour les deux années concernées ;

Considérant que l’article 6.1 du règlement grand-ducal modifié du 21 octobre 1987 dispose que « pour le fonctionnaire qui a quitté le service et qui peut prétendre à pension conformément à la législation qui lui est applicable, l’intégralité du congé annuel de récréation est accordée, sans que la durée totale ne puisse cependant dépasser le nombre de jours ouvrables se situant entre le 1er janvier et la date de la mise à la retraite ;

Toutefois le congé qui n’est ni sollicité, ni pris entre le premier janvier et la date de la mise à la retraite n’est plus dû » ;

Considérant que les textes légaux et réglementaires doivent être interprétés de préférence de façon à dégager un sens concordant, en conciliant les termes de leurs dispositions plutôt que d’en voir dégager des significations contradictoires ;

Considérant que dans la mesure où l’article 6. 1 prérelaté dispose en son second alinéa que le congé qui n’est ni sollicité, ni pris entre le 1er janvier et la date de la mise à la retraite n’est plus dû, le pouvoir réglementaire a clairement fixé le cadre de l’exercice effectif du droit au congé de récréation légal ;

Considérant que le congé de récréation s’analysant comme période de repos promérité par suite à des périodes d’occupation, il ne se conçoit, par nature, que relativement à des périodes d’activité de service effective (trib. adm. 31 mai 2000, précité) ;

Que c’est dès lors de façon conséquente que l’article 6.1 alinéa second prérelaté prévoit de façon impérative que le congé de récréation doit être pris avant la date de la mise à la retraite, c’est-à-dire tant que le fonctionnaire a été en activité de service effective, sinon il n’est plus dû, étant donné qu’une fois à la retraite, la période d’occupation aura cessé dans le chef dudit fonctionnaire ;

Considérant que par essence le congé de récréation s’exerce en nature, à travers des périodes de repos légalement fixées ;

Considérant que ce n’est qu’à titre d’exception et dans la mesure seulement où celle-ci est prévue par les textes légaux et réglementaires applicables que peut valoir la possibilité d’une indemnité compensatoire de congés non pris telle que réclamée en l’espèce par la partie demanderesse ;

Considérant qu’il est constant que la loi modifiée précitée du 22 avril 1966 portant réglementation uniforme du congé annuel payé des salariés du secteur privé ne s’applique pas par référence aux fonctionnaires communaux, soumis au seul statut général et à ses dispositions d’exécution, étant entendu que ladite loi du 22 avril 1966 ne prévoit le droit à une indemnité compensatoire de congés non pris que de façon ponctuelle et strictement délimitée ;

Considérant qu’il s’ensuit qu’à défaut d’indemnité compensatoire de congés non pris prévue par le statut général et ses règlements d’exécution, dont le règlement grand-ducal modifié du 21 octobre 1987 précité, seule la possibilité d’un congé de récréation pris en nature est ouverte dans le chef d’un fonctionnaire communal (cf. trib. adm. 31 mai 2000, précité) ;

Considérant que dans la mesure où la partie demanderesse, en raison de l’absence, certes justifiée, pour toute la période de fonction durant les années 2000 et 2001, n’a pas été matériellement en mesure de prendre un congé de récréation, son congé, abstraction faite de la question de savoir s’il a été sollicité en temps utile avant la mise à la retraite, n’est plus dû, pour ne pas avoir été matériellement pris entre le 1er janvier 2000 et la date de la mise à la retraite, le tout conformément à l’article 6.1 du règlement grand-ducal modifié du 21 octobre 1987 prérelaté ;

Considérant qu’une indemnité compensatoire de congé non pris accordée dans le chef d’un autre fonctionnaire communal, soit contra legem, soit praeter legem, fût-ce même à titre de simple tolérance, à supposer ce fait établi, ne saurait être de nature à invalider des décisions légalement prises, telles celles sous analyse, ni à voir naître dans le chef d’un autre fonctionnaire, tel le demandeur, un droit acquis subjectif, soit immédiatement, soit médiatement à travers la croyance qu’il aurait pu avoir à voir traiter son cas de la même façon, au-delà des limites de la légalité ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours laisse d’être fondé ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 octobre 2002 par :

M. Delaporte, premier vice-président, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14677
Date de la décision : 07/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-07;14677 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award