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07/10/2002 | LUXEMBOURG | N°13987

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 2002, 13987


Tribunal administratif N° 13987 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 septembre 2001 Audience publique du 7 octobre 2002 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13987 du rôle, déposée le 12 septembre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne LAMBE, avocat à la Cour, assistée de Maître Linda SCHUMACHER, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocat

s à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro/Yougoslavie), et...

Tribunal administratif N° 13987 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 septembre 2001 Audience publique du 7 octobre 2002 Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, et consorts contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13987 du rôle, déposée le 12 septembre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Anne LAMBE, avocat à la Cour, assistée de Maître Linda SCHUMACHER, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro/Yougoslavie), et de son épouse, Madame …, née le … à Berane, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, née le … et …, né le …, ainsi que leur fils majeur …, né le …, tous les cinq de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-1130 Luxembourg, 12, rue d’Anvers, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice prise en date du 23 mai 2001, notifiée le 22 juin 2001, portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative prise sur recours gracieux par ledit ministre en date du 13 août 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Linda SCHUMACHER en ses plaidoiries.

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En dates respectivement des 10 novembre 1998 et 10 février 1999 Madame …, agissant tant en son nom personnel qu’en nom et pour compte de ses enfants mineurs …, … et … … et son époux, Monsieur …, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les époux …-… furent entendus respectivement en dates des prédits jours par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent en outre entendus séparément en date du 22 octobre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice les informa par lettre du 23 mai 2001, notifiée en date du 22 juin 2001, que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit : « En ce qui vous concerne, Monsieur, vous dites que vous avez quitté l’Angleterre en date du 5 février 1999. Le trajet de Lille à Bruxelles vous l’avez fait en train. A Bruxelles vous avez été interpellé par la police, qui, le lendemain, vous a placé dans le train pour Lille. Après avoir été contrôlé par les autorités françaises, vous dites qu’on vous a relâché. Vous avez alors acheté un billet de train pour le Luxembourg.

Vous avez déposé une demande en obtention du statut de réfugié le jour de votre arrivée.

Vous, Monsieur, vous exposez que vous avez quitté votre pays natal en 1990, au moment de la guerre en Croatie. Vous savez que depuis votre départ vous avez à plusieurs reprises été convoqué pour la réserve, notamment au moment de la guerre en Bosnie. Vous n’excluez pas d’être condamné à votre retour au Monténégro, à moins que celui-ci ne devienne indépendant.

Il résulte également de vos déclarations qu’avant de partir en Allemagne, vous avez été membre du parti SDA et qu’en raison de cette adhésion vous étiez mal vu dans le voisinage.

Vous dites que vous n’avez pas seulement quitté le Monténégro en 1990 en raison de la guerre qui était sur le point d’éclater en Croatie, guerre à laquelle vous ne vouliez pas participer, mais également en raison de l’esprit nationaliste qui règne dans votre pays. Ainsi vous dites que les ressortissants de confession musulmane ne v…t rien au Monténégro où ils se font même insulter par les enfants serbes. Vous soulignez cependant que vous n’avez jamais fait l’objet de persécutions par la police, mais seulement par les nationalistes.

En ce qui vous concerne, Madame, vous exposez que, quand votre mari avait quitté le Monténégro pour l’Allemagne, vous l’auriez rejoint avec vos enfants parce que la police se serait présentée à plusieurs reprises à votre domicile pour savoir où se trouve votre mari.

Les policiers soupçonnaient votre mari d’être allé faire la guerre en Bosnie contre les Serbes.

Vous êtes donc allée en Allemagne que vous avez quittée en 1997 pour retourner au Monténégro. Vous vouliez d’abord vous rendre compte de la situation sur place avant de faire revenir votre mari. A votre retour, vous avez dû constater que vous rencontriez pas mal de problèmes, notamment pour faire inscrire vos enfants à l’école.

En novembre 1998, vous avez reçu la visite de membres de votre famille habitant au Kosovo. Interpellée à ce sujet par la police et constatant que la situation générale en Yougoslavie allait en se dégradant, vous avez décidé de quitter le Monténégro pour rejoindre votre mari qui entre-temps était allé en Angleterre. Ne réussissant pas à ce faire, vous vous êtes finalement retrouvée avec vos enfants au Luxembourg. Comme votre mari, vous estimez qu’au Monténégro la situation des musulmans est mauvaise en raison des agressions dont ils font l’objet de la part des Serbes.

Quant au premier motif invoqué par vous, Monsieur, à l’appui de votre demande d’asile, à savoir l’insoumission, à condition que vous ayez réellement été convoqué, je souligne que l’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécutions au sens de la Convention de Genève. De même la crainte d’une sanction pénale pour insoumission ne constitue pas une persécution au sens de la Convention de Genève.

Concernant la situation particulière des ressortissants de confession musulmane dans votre pays, je souligne que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile, qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, il ne résulte pas de vos allégations à tous les deux, qui ne sont d’ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risquiez ou risquez d’être persécutés dans votre pays d’origine pour un des motifs énumérés par l’aricle 1er, A., §2 de la Convention de Genève.

Je souligne également qu’en octobre 2000 le régime politique a changé en République Fédérale de Yougoslavie par la venue au pouvoir d’un président élu démocratiquement et qu’un nouveau gouvernement a été mis en place sans la participation des partisans de l’ancien régime. La République Fédérale de Yougoslavie retrouve actuellement sa place dans la communauté internationale ce qui se traduit notamment par sa réadmission à l’ONU et à l’OSCE.

Par conséquent vous n’alléguez tous les deux aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Le recours gracieux introduit par le mandataire des consorts …-… en date du 17 juillet 2001 à l’encontre de la décision ministérielle précitée fut rencontré par une décision confirmative du 13 août 2001.

Par requête déposée en date du 12 septembre 2001, les consorts …-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions précitées du ministre de la Justice des 23 mai et 13 août 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles déférées. Ledit recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs reprochent au ministre de la Justice d’avoir commis une erreur d’appréciation de leur situation de fait, étant donné que leur situation spécifique et subjective serait telle qu’elle laisserait supposer une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur pays d’origine.

Ils font exposer plus particulièrement qu’ils seraient originaires de Berane au Monténégro et de confession musulmane, que leur départ de leur pays d’origine serait motivé par le fait qu’ils auraient subi des insultes et des violences de la part de nationalistes serbes, ainsi que des persécutions « sans raison légitime » de la part de la police, que Monsieur … aurait eu des problèmes en raison de sa qualité de membre du parti musulman SDA, qu’il n’aurait pas voulu servir dans les forces militaires yougoslaves en tant que réserviste et participer à la guerre en Croatie. D’une manière générale, ils font état de leurs craintes de persécution en raison de leur appartenance à la communauté religieuse des musulmans et du climat d’insécurité régnant dans leur pays d’origine. Enfin, ils estiment que le fait par les autorités de leur pays d’origine de violer les droits inscrits non seulement à la déclaration universelle des droits de l’homme, telle qu’adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, mais également dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, devrait être considéré comme constituant une persécution justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Au cours des plaidoiries, sur question afférente du tribunal, au vu d’une renonciation de Monsieur … …, né le 16 mai 1983, à sa demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, datée du 14 février 2002, figurant au dossier administratif, le litismandataire a confirmé que Monsieur … … renonce à sa demande, mais que la demande en obtention du prédit statut est formellement maintenue dans le chef des autres membres de la famille. Il échet de constater que par l’effet de ladite renonciation expresse, Monsieur … … a explicitement manifesté son intention d’abandonner son action judiciaire relativement à l’obtention du statut de réfugié, de sorte que le recours est devenu sans objet à son égard.

Le litismandataire des demandeurs a encore pris position par rapport à une nouvelle pièce déposée au greffe du tribunal le 28 mars 2002 et portant sur un certificat de grossesse dans le chef de Madame … …, en soutenant que le fait que Madame … … est enceinte devrait justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib.adm. 1er octobre 1997, n°9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n°11).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs.

Il appartient aux demandeurs d’asile d’établir avec la précision requise qu’ils remplissent les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (cf. Cour adm. 19 octobre 2000, n°12179C du rôle, Pas. adm. 2001, V°Etrangers, C. Convention de Genève, n°29).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux …-… lors de leurs auditions respectives en date du 22 octobre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les décisions ministérielles de refus sont légalement justifiées par le fait que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef des demandeurs d’asile une crainte justifiée d’être persécutés dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève. Il ne ressort par ailleurs pas des éléments du dossier que Monsieur … risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables et il reste en défaut d’expliquer et d’établir l’existence, à l’heure actuelle, d’un risque de persécution dans son chef en raison de sa prétendue insoumission.

Il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans le passé à l’égard de déserteurs et d’insoumis, les demandeurs n’établissent pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement en raison de la loi d’amnistie votée par le parlement yougoslave et entrée en vigueur le 3 mars 2001, visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave et incluant expressément l’hypothèse de ceux ayant quitté le pays pour se soustraire à leurs obligations militaires, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des condamnations prononcées sont encore effectivement exécutées.

Concernant les craintes de persécutions en raison de l’appartenance de Monsieur … au parti politique SDA, il convient de relever que la simple appartenance à un mouvement ou parti politique d’opposition ne saurait justifier la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, étant donné que le demandeur n’a fait état ni d’un rôle actif au sein dudit parti, ni encore d’une persécution vécue ou d’une crainte qui serait telle que sa vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine en raison de ladite appartenance politique. A ce sujet, il y a lieu de relever que les perquisitions effectuées à leur domicile par des policiers serbes ne constituent pas à eux seuls un motif valable de reconnaissance du statut de réfugié.

Il y a encore lieu de constater que les demandeurs font état de persécutions de la part d’un groupe de la population, à savoir de la part de nationalistes serbes, se matérialisant par des agressions verbales, des menaces et des violences de la part de voisins qui seraient des nationalistes serbes.

Or, un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population, ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

En ce qui concerne la situation des membres de la minorité musulmane au Monténégro, il est vrai que leur situation générale est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discriminations ou agressions par des groupes de la population, elle n’est cependant pas telle que tout membre de la minorité ethnique visée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Or, en l’espèce, les simples allégations des demandeurs relatives à des prétendues agressions verbales, menaces ou violences n’établissent pas un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine, respectivement sont insuffisantes pour établir que les nouvelles autorités qui sont au pouvoir en Yougoslavie ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de la Yougoslavie ou tolèrent voire encouragent des agressions notamment à l’encontre des musulmans. Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de leur départ et de mettre en lumière, qu’il est indéniable que depuis le départ des demandeurs, la situation politique en Yougoslavie s’est considérablement modifiée et qu’un processus de démocratisation est en cours et que les demandeurs n’ont pas fait état d’une raison suffisante justifiant à l’heure actuelle qu’ils ne puissent pas utilement se réclamer de la protection des nouvelles autorités.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’état de grossesse de Mademoiselle … …, il y a lieu de constater qu’il ne saurait justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève, étant donné que le fait d’être enceinte n’est pas de nature à justifier une crainte de persécution au sens de ladite Convention et qu’il n’est par ailleurs ni établi ni même allégué qu’elle ne saurait bénéficier d’un suivi médical approprié dans son pays d’origine pour une des raisons prévues à ladite Convention.

Enfin, la simple violation d’une des dispositions de la déclaration universelle des droits de l’homme ou du pacte international relatif aux droits civils et politiques ne saurait, en l’absence d’une disposition légale spécifique, constituer une persécution au sens de la Convention de Genève, sans que par ailleurs une persécution ou une crainte de persécution pour un des motifs prévus par ladite Convention de Genève ne soit établie en cause.

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique dans leur chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Il convient de relever que l’Etat, quoi que valablement informé par une notification par la voie du greffe du dépôt de la requête introductive d’instance des demandeurs, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse. Nonobstant ce fait, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, déclare ce même recours sans objet dans le chef de Monsieur … … et le déclare non justifié et en déboute pour le surplus ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 7 octobre 2002, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13987
Date de la décision : 07/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-07;13987 ?

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