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07/10/2002 | LUXEMBOURG | N°13439

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 2002, 13439


Tribunal administratif Numéro 13439 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mai 2001 Audience publique du 7 octobre 2002 Recours formé par Monsieur … et Madame … contre une décision du bourgmestre de la commune de Bastendorf en présence de Monsieur … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13439 du rôle et déposée le 11 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Lony THILLEN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre

des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, professeur, et de Madame …, professeur, deme...

Tribunal administratif Numéro 13439 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 mai 2001 Audience publique du 7 octobre 2002 Recours formé par Monsieur … et Madame … contre une décision du bourgmestre de la commune de Bastendorf en présence de Monsieur … en matière de permis de construire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13439 du rôle et déposée le 11 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Lony THILLEN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, professeur, et de Madame …, professeur, demeurant ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune de Bastendorf du 12 mars 2001, par laquelle Monsieur …, demeurant à L-…, a été autorisé à construire une installation de biogaz sur un fond sis à Tandel, inscrit sous les numéros cadastraux … de la section E de Tandel ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 22 mai 2001, portant signification de ce recours à l’administration communale de Bastendorf, ainsi qu’à Monsieur …, préqualifié ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 août 2001 par Maître Alain BINGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’administration communale de Bastendorf ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, demeurant à Diekirch, du 21 août 2001, portant signification de ce mémoire en réponse aux consorts …/…, ainsi qu’à Monsieur …, tous préqualifiés ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2001 au nom des consorts …/… ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, préqualifié, du 22 octobre 2001, par lequel le prédit mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale de Bastendorf ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 25 octobre 2001, portant signification de ce mémoire en réplique à Monsieur … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 octobre 2001 par Maître Jean-Jacques SCHONCKERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, préqualifié ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Gilbert RUKAVINA, préqualifié, du 19 octobre 2001, portant signification de ce mémoire en réponse aux consorts …/…, ainsi qu’à l’administration communale de Bastendorf ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2001 par Maître BINGEN au nom de l’administration communale de Bastendorf ;

Vu les actes d’avocat à avocat du 22 novembre 2001 par lesquels le prédit mémoire en duplique a été notifié à Maîtres THILLEN et SCHONCKERT ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Lony THILLEN, Alain BINGEN et Jean-Jacques SCHONCKERT en leurs plaidoiries respectives.

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Le 12 mars 2001, le bourgmestre de la commune de Bastendorf délivra à Monsieur … une autorisation en vue de la construction d’une station de biogaz sur un fonds situé à Tandel, inscrit sous les numéros cadastraux …, de la section E de Tandel.

Par requête déposée le 11 mai 2001 au greffe du tribunal administratif, les consorts …/… ont introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision précitée du bourgmestre de la commune de Bastendorf du 12 mars 2001.

Tant l’administration communale de Bastendorf que Monsieur … concluent en premier lieu à l’irrecevabilité du recours, au motif que les demandeurs n’auraient indiqué aucun moyen à l’appui de leur recours dans leur requête introductive d’instance, celle-ci étant à considérer comme étant obscure, de sorte qu’ils n’auraient pas été mis en mesure d’assurer leurs droits de la défense, en ce que ladite requête ne contiendrait aucune indication quant aux règles concrètes qui auraient été violées par le bourgmestre dans le cadre de la décision sous analyse du 12 mars 2001. De ce fait, et à défaut de connaître les reproches concrets dont la décision litigieuse ferait l’objet, la commune de Bastendorf, ainsi que Monsieur … auraient été dans l’impossibilité de prendre position. Dans ce contexte, ils font valoir que notamment aucune violation du règlement des bâtisses de la commune de Bastendorf n’aurait été alléguée par les demandeurs.

Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs soutiennent au contraire que la commune de Bastendorf aurait clairement pu retracer leurs arguments, en ce qu’elle les aurait énumérés dans son mémoire en réponse, de sorte qu’elle aurait été en mesure d’assurer ses droits de la défense. Quant au reproche qu’ils n’auraient invoqué aucun moyen de droit dans leur requête introductive d’instance, ils exposent que « les moyens invoqués ne ressortent évidemment pas d’une incompétence du bourgmestre, ni d’un détournement de pouvoir, ni d’ailleurs d’une violation des formes », en soutenant qu’il serait toutefois « loisible à la partie défenderesse de les qualifier de violation de la loi ou alors d’excès de pouvoir qui (…) se confondent largement ».

Enfin, ils ajoutent que par son autorisation de construire, le bourgmestre aurait violé « le principe général de l’égalité de tous par l’entrave à la qualité de la vie et à leur sécurité qu’entraîne pour les requérants la décision attaquée ».

Dans son mémoire en duplique, la commune de Bastendorf, après avoir rappelé que les demandeurs n’auraient indiqué aucun moyen d’annulation dans leur requête introductive d’instance, conclut qu’ils seraient irrecevables à régulariser cette omission en cours de procédure. Elle conclut partant au rejet des moyens nouveaux qui auraient été indiqués dans le mémoire en réplique des demandeurs et tirés d’une violation de la loi, ainsi que d’une violation du « principe général de l’égalité de tous par l’entrave à la qualité de la vie et à la sécurité ».

Elle admet avoir été en mesure de résumer, dans son mémoire en réponse, les arguments tels qu’indiqués dans la requête introductive d’instance, mais qu’elle aurait été dans l’impossibilité de vérifier la pertinence juridique de ces arguments en l’absence de l’indication de l’un quelconque des moyens d’annulation susceptibles d’être soumis au juge administratif.

En vertu de l’article 1er, alinéa 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, une requête introductive d’instance à déposer auprès du tribunal administratif doit notamment contenir, en dehors d’un exposé sommaire des faits, les moyens invoqués à l’appui du recours.

S’il suffit que l’exposé des faits et des moyens que doit contenir un recours soit sommaire, la requête introductive d’un recours ne doit cependant pas rester muette sur les moyens à l’appui de la réclamation, elle ne doit pas être dépourvue des indications indispensables et elle doit contenir des conclusions. L’omission d’indiquer des moyens entraîne l’irrecevabilité de la demande pour violation des droits de la défense, étant donné que la partie défenderesse ne saurait utilement préparer et assurer sa défense. En outre, un demandeur, dans le cadre d’un recours en annulation, doit formuler les moyens à la base de son recours avec une précision telle que le tribunal appelé à statuer soit mis en mesure d’analyser in concreto la légalité de la décision déférée. Ainsi, il lui incombe de fournir des éléments concrets sur lesquels il se base aux fins de voir établir l’illégalité qu’il allègue (cf.

trib. adm. 9 décembre 1997, n° 9683 du rôle et trib. adm. 22 janvier 1998, n° 10298 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure contentieuse, IV. Requête introductive d’instance, n°s 102 et 103 et autres références y citées).

En l’espèce, il échet de constater que dans leur requête introductive d’instance, les demandeurs se sont bornés à soulever trois ordres de « critiques » à l’encontre de la décision sous analyse, basées sur une distance insuffisante entre l’installation autorisée et leur propriété, sur des dangers et inconvénients résultant des caractéristiques des terrains appartenant respectivement à Monsieur … et à eux-mêmes, ainsi que sur des dangers et inconvénients résultant de la situation du terrain de Monsieur …, sans indiquer en quoi la décision du bourgmestre violerait une quelconque disposition réglementaire du plan d’aménagement général ou du règlement sur les bâtisses ou toute autre disposition légale ou réglementaire éventuellement applicable. Ils se sont en effet limités à faire état de certaines considérations de fait pour illustrer les inconvénients qu’ils craignent subir du fait de l’installation litigieuse sans fournir un quelconque moyen en droit susceptible d’aboutir à l’annulation du permis de construire litigieux.

Il se dégage de ce qui précède que la requête introductive d’instance ne contient aucun moyen à l’appui du recours des demandeurs, contrairement aux prescriptions de l’article 1er, alinéa 2 précité et il n’appartient pas au tribunal administratif de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base des conclusions des demandeurs.

Il est vrai que dans leur mémoire en réplique, les demandeurs ont tenté de réparer le vice initial en suggérant deux moyens qui se trouveraient à la base de leur demande, tirés, d’une part, d’une violation de la loi et, d’autre part, d’une violation du « principe général de l’égalité de tous », sans toutefois indiquer une quelconque disposition légale ou réglementaire qui aurait été violée par le bourgmestre et sans fournir une quelconque argumentation ou explication en quoi le principe précité aurait été violé par la décision sous analyse.

S’il est vrai que le tribunal peut prendre en considération des moyens nouveaux présentés en cours d’instance, même après l’écoulement du délai du recours contentieux, en contrepartie du droit de l’auteur de la décision administrative de fournir, également en cours d’instance, des motifs non indiqués dans la décision attaquée mais de nature à la justifier légalement, ainsi que du droit du tribunal de substituer à une décision administrative insuffisamment motivée des motifs légaux qui ne sont apparus qu’en cours d’instance (cf. trib.

adm. 9 juin 1997, n° 9332 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure contentieuse, VII. Echange de mémoires, et autres références y citées), il n’en reste pas moins qu’en l’espèce les deux moyens indiqués dans le mémoire en réplique, constituent des moyens simplement effleurés, sans être soulevés et explicités concrètement, de sorte qu’ils ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’ils ne constituent par ailleurs pas des moyens que le tribunal aurait pu soulever d’office (cf. trib. adm. 9 décembre 1998, n°s 9833 et 10188 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Procédure contentieuse, VII. Echange de mémoires, n° 199).

En l’espèce, tant les explications fournies dans la requête introductive d’instance que celles rajoutées dans le mémoire en réplique ont mis les autres parties à l’instance dans l’impossibilité d’assurer leurs droits de la défense, en ce que les reproches formulés par les demandeurs à l’encontre de la décision attaquée ne permettaient pas aux autres parties à l’instance de préparer utilement leur défense, en ce qu’il ne leur était pas possible de déceler à partir des indications fournies tant dans le recours que dans le mémoire ampliatif quels règles ou principes de droit auraient pu être violés par le bourgmestre. Il y a partant lieu de déclarer le recours sous analyse irrecevable pour cause de libellé obscur.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un import de 50.000.- francs, équivalant à 1239,47.- €, sollicitée par les demandeurs. Par contre, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 50.000.- francs sollicitée par Monsieur …, équivalant à 1239,47.- €, erronément basée sur l’article 240 du nouveau code de procédure civile, mais basée en réalité sur l’article 33 de la loi précitée du 21 juin 1999, en lui allouant une indemnité de 500,00.- €, étant donné qu’au vu de l’irrecevabilité du recours, il serait inéquitable de lui faire supporter l’intégralité des frais qu’il a dû engager dans le cadre de cette instance.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par les demandeurs comme étant non fondée ;

condamne les demandeurs à payer à Monsieur … une indemnité de procédure de 500,00.- € et rejette la demande en allocation d’une telle indemnité pour le surplus ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 7 octobre 2002 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13439
Date de la décision : 07/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-07;13439 ?

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