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02/10/2002 | LUXEMBOURG | N°15389

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 octobre 2002, 15389


Tribunal administratif N° 15389 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2002 Audience publique du 2 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15389 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2002 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité cap-v...

Tribunal administratif N° 15389 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2002 Audience publique du 2 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15389 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2002 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité cap-verdienne, ayant été placé au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de trois décisions du ministre de la Justice datant respectivement des 12 juillet, 8 août et 6 septembre 2002, lui notifiées en date respectivement des 12 juillet, 9 août et 6 septembre 2002, par lesquelles une mesure de placement fut d’abord ordonnée et ensuite prorogée à deux reprises à son égard ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en sa plaidoirie à l’audience publique du 30 septembre 2002.

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Le 12 juillet 2002, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre pénitentiaire de Luxembourg pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

Cette décision de placement était fondée sur les considérations et motifs suivants:

« Considérant qu’en date du 12 juillet 2002, l’intéressé a été contrôlé par la Police Grand-Ducale Service de Police Judiciaire ;

- que l’intéressé a fait usage d’un passeport portugais falsifié ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il constitue un danger pour l’ordre public ;

- que l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant que des raisons tenant à un risque de fuite nécessitent que l’intéressé soit placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg en attendant son rapatriement ».

Par requête déposée le 30 juillet 2002, Monsieur … avait introduit un recours tendant à la réformation de la prédite décision ministérielle de placement. Ledit recours fut toisé par jugement du 31 juillet 2002, le tribunal administratif ayant reçu ledit recours en la forme, mais au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Par arrêté ministériel du 8 août 2002, notifié en date du 9 août 2002 à Monsieur …, le ministre de la Justice a prorogé le placement ordonné par arrêté ministériel prévisé du 12 juillet 2002 pour une nouvelle durée d’un mois à partir de sa notification aux motifs suivants :

« Considérant que l’intéressé a été contrôlé par la Police grand-ducale en date du 12 juillet 2002 ;

- qu’il a fait usage d’un passeport portugais falsifié ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ;

Considérant que l’intéressé est susceptible de constituer un danger pour l’ordre et la sécurité publics et que pour cette raison un placement au Centre Pénitentiaire de Luxembourg s’impose ».

Le placement de Monsieur … fut prorogé une deuxième fois et sur base des mêmes motifs pour une nouvelle durée d’un mois suivant arrêté ministériel du 6 septembre 2002, lui notifié le même jour suivant procès-verbal de notification versé au dossier, étant entendu que suivant les explications non contestées en cause fournies par le délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse, la date du 8 août 2002 figurant sur ladite décision relève d’une erreur purement matérielle.

Par requête déposée le 25 septembre 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des trois arrêtés ministériels prévisés des 12 juillet, 8 août et 6 septembre 2002.

L’article 15 paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, instituant un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Encore que le mandataire du demandeur n’était pas représenté à l’audience publique à laquelle l’affaire fut plaidée, le tribunal est amené à statuer contradictoirement en l’espèce, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite.

La question de la recevabilité du recours étant à considérer comme étant d’ordre public pour toucher à l’organisation juridictionnelle, elle fut soulevée oralement à l’audience à laquelle l’affaire fut plaidée.

Le délégué du Gouvernement a conclu à l’irrecevabilité du recours en réformation pour autant que dirigé contre l’arrêté ministériel déféré du 12 juillet 2002, au motif que celui-

ci a déjà fait l’objet d’un recours contentieux lequel fut toisé par jugement du tribunal administratif du 31 juillet 2002.

Le demandeur ayant en effet épuisé la voie de recours lui ouverte à l’encontre de l’arrêté ministériel du 12 juillet 2002 ordonnant une mesure de placement au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig à son égard à travers l’introduction de sa requête du 30 juillet 2002 et le tribunal administratif ayant toisé ledit recours suivant jugement rendu en date du 31 juillet 2002 ayant entre-temps acquis force de chose jugée, le recours sous examen, pour autant que dirigé contre la même décision initiale de placement du 12 juillet 2002, est irrecevable.

La même conclusion s’impose relativement à la première décision de prorogation de placement du demandeur datant du 8 août 2002 lui notifiée en date du 9 août 2002, étant donné que le délai de recours d’un mois à partir de la notification inscrit à l’article 15 (9) de la loi précitée du 28 mars 1972 avait déjà expiré à la date de l’introduction du recours contentieux sous examen en date du 25 septembre 2002.

Le recours en réformation dirigé contre la deuxième décision de prorogation de la mesure de placement du 6 septembre 2002 est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait soutenir que ni la mesure de prorogation litigieuse, ni encore la mesure de placement initiale du 12 juillet 2002 et la première décision de prorogation du 8 août 2002 n’auraient été précédées d’un arrêté d’expulsion ou de refoulement, de manière à ne pas répondre aux prescriptions de l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972. Il reproche en outre à la décision ministérielle déférée de ne pas être motivée, sinon d’être motivée de manière insuffisante, ainsi que, plus subsidiairement, de ne pas respecter les conditions justifiant un placement en vue de son éloignement, étant donné qu’il résiderait depuis plus de dix ans au Luxembourg, qu’il n’aurait jamais quitté ce pays sauf pour les vacances, et que toute sa famille y résiderait. Le demandeur déduit de ces circonstances qu’il n’existerait dans son chef aucune raison de se soustraire à la mesure d’éloignement.

Quant à l’absence alléguée de moyens d’existence personnels dans son chef, le demandeur fait valoir que cette appréciation relèverait d’une erreur, étant donné qu’il aurait toujours travaillé avec succès dans la gastronomie et qu’il disposerait encore, si nécessaire, du soutien financier de sa sœur.

Le délégué du Gouvernement soutient que les conditions légales justifiant la prorogation litigieuse du placement du demandeur au Centre Pénitentiaire de Luxembourg seraient remplies en l’espèce et conclut au rejet du recours.

Concernant la justification, au fond, d’une mesure de placement, il se dégage de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 28 mars 1972 que lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre de la Justice, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Quant au premier moyen du demandeur basé sur l’absence d’une mesure d’expulsion ou de refoulement préalable à la mesure de placement ayant fait l’objet de la décision de prorogation litigieuse, force est de constater que cette condition préalable à la légalité de toute décision de placement fut déjà vérifiée dans le cadre du recours contentieux introduit par le demandeur à l’encontre de la décision initiale de placement ayant fait l’objet de la décision de prorogation litigieuse et fut toisée définitivement par le jugement prévisé du tribunal administratif du 31 juillet 2002 aux termes duquel il a été retenu qu’ « une telle décision de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de mise à la disposition du Gouvernement, à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion.

Encore faute-il que la mesure afférente soit prise légalement, c’est-à-dire pour un des motifs prévus par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972 auquel renvoie l’article 15.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier administratif que le demandeur n’était ni en possession de papiers de légitimation valables, ni de moyens personnels.

Il s’ensuit que les conditions justifiant un refoulement sont remplies en l’espèce. » Il se dégage des considérations qui précèdent que le tribunal ne saurait, dans le cadre du présent recours dirigé contre la deuxième décision de prorogation de la mesure de placement initiale, examiner à nouveau si les conditions ayant au départ justifié la prise d’une mesure de placement à l’égard du demandeur étaient remplies, le recours devant rester strictement circonscrit aux questions de légalité d’une décision de prorogation de placement, étant donné que celle-ci constitue un acte distinct, de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle de la personne faisant l’objet du placement, que la prorogation d’une mesure de placement n’est nullement automatique et que les conditions justifiant le maintien de cette mesure de placement doivent être appréciées à une époque différente de la décision de placement initiale.

La même conclusion s’impose relativement aux moyens du demandeur basés sur l’absence d’un risque dans son chef de se soustraire à la mesure d’éloignement décidée par le ministre de la Justice, ainsi que sur le caractère non justifié de son placement pour avoir résidé depuis plus de dix ans au Luxembourg, ces moyens ayant trait aux conditions justifiant au départ une mesure de placement du demandeur au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, lesquelles ont fait l’objet d’une vérification par le tribunal dans le cadre du recours contentieux introduit par le demandeur en date du 30 juillet 2002 à l’encontre de la décision du ministre de la Justice du 12 juillet 2002 ordonnant une mesure de placement à son égard et ont été toisées par le jugement prévisé du 31 juillet 2002 dans lequel le tribunal a retenu qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque qu’il essaie de se soustraire à la mesure d’éloignement ultérieure et que le Centre Pénitentiaire est à considérer comme constituant un établissement approprié tel que visé par l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, de même que le placement du demandeur audit Centre n’est pas à considérer comme une mesure disproportionnée tel que soutenu par lui dans le cadre dudit litige.

Dans ces conditions, il n’appartient en effet plus au tribunal, dans le cadre du litige sous examen, de procéder à un nouvel examen des moyens ainsi avancés, les vérifications à effectuer devant rester limitées aux circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées rendant une deuxième prorogation de la mesure de placement nécessaire.

En effet, conformément aux dispositions de l’article 15 (2) de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée « la décision de placement visée au paragraphe qui précède peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ». Il se dégage de la disposition légale prérelatée que le tribunal est amené à analyser en l’espèce si le ministre de la Justice a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier une nécessité absolue rendant la prorogation de la décision de placement inévitable.

Compte tenu d’une mesure de placement au Centre Pénitentiaire, l’autorité compétente doit veiller à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais. – La prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire (trib. adm. 22 mars 1999, n° 11190 du rôle, Pas.

adm. 2001, V° Etrangers, n° 167).

A cet égard, il y a lieu de constater que suivant les indications non contestées en cause d’un rapport datant du 27 septembre 2002 de la section police des étrangers et des jeux, service de police judiciaire, de la police grande-ducale, les autorités compétentes ont entrepris toute une série de démarches en vue d’assurer un éloignement du demandeur dans les meilleurs délais, de manière à écourter au maximum sa privation de liberté. En effet, il se dégage dudit rapport que l’ambassade du Cap-Vert fut contactée dès le mois de juillet 2002 en vue d’entreprendre les démarches nécessaires pour délivrer un titre d’identité ou un laissez-

passer permettant le rapatriement du demandeur, mais que cette démarche est restée sans suite jusqu’au début du mois de septembre. Il se dégage encore dudit rapport qu’en vue d’accélérer la procédure d’éloignement, une déclaration de prise en charge établie au début de l’année 1999 par le frère du demandeur fut demandée en copie à l’ambassade belge à Dakar et remise à l’ambassade du Cap-Vert dans la semaine suivant sa réception, de même que le service de police judiciaire est resté depuis lors en contact avec le chargé d’affaires à l’Ambassade du Cap-Vert.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la procédure en vue de l’émission d’un laissez-passer pour le demandeur a été lancée à plusieurs reprises et que partant aucun reproche à l’égard du ministre de la Justice quant à l’entreprise des démarches nécessaires et utiles pour assurer un éloignement du demandeur dans les meilleurs délais ne saurait être retenu.

Le recours en réformation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé. Le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 octobre 2002 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15389
Date de la décision : 02/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-02;15389 ?

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