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02/10/2002 | LUXEMBOURG | N°14756

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 octobre 2002, 14756


Tribunal administratif N° 14756 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2002 Audience publique du 2 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14756 du rôle et déposée le 29 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur

…, né le …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du minist...

Tribunal administratif N° 14756 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2002 Audience publique du 2 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14756 du rôle et déposée le 29 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Transports du 17 décembre 2001 portant retrait de son permis de conduire un véhicule automoteur et un cycle à moteur auxiliaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 14 juin 2002 au greffe du tribunal administratif au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc WALCH et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 9 février 2000, Monsieur … reçut délivrance d’un permis de conduire de la catégorie B. C’est également à partir de la prédite date que commença sa période de stage, telle que définie par l’article 83 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques.

Au cours de la première année de stage, Monsieur … fit l’objet, d’une part, le 15 septembre 2000, d’un avertissement taxé d’un import de 2000 francs pour avoir dépassé la limite de vitesse telle que délimitée pendant la première année de stage par l’article 139-23 de l’arrêté grand-ducal précité du 23 novembre 1955 et, d’autre part, d’un procès-verbal qui a été dressé à sa charge le 3 janvier 2001, duquel il se dégage que « Am 26. Dezember 2000 um 01.00 Uhr wurde zu ERPELDINGEN/ETTELBRUCK gelegentlich einer Kontrolle festgestellt, dass … Benoît, Student, geboren am … zu Luxemburg, wohnhaft zu L-…, im Besitz von etwa 2 Gramm Marihuana war. Er sass zu dem Zeitpunkt auf dem Beifahrersitz eines Pkw’s welcher an dem Tag von seinem Freund M. P. gesteuert wurde (…). … wollte mit M. Marihuana konsumieren. Aus den Aussagen von … geht hervor, dass derselbe bereits seit 2 Jahren Marihuanakonsument ist. Haschisch hat er auch schon konsumiert. (…) ».

Le 30 mars 2001, le procureur général d’Etat informa le ministre des Transports qu’il était d’avis « qu’il y a lieu de limiter la validité du permis de conduire à 12 mois ».

Le 20 septembre 2001, après avoir entendu Monsieur … en ses explications et moyens de défense, la commission spéciale prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal précité du 23 novembre 1955, ci-après dénommée la « commission spéciale », proposa à l’unanimité de retirer le permis de conduire de l’intéressé « et de faire dépendre une éventuelle restitution du permis de conduire de l’intéressé d’un avis favorable de la commission médicale concernant sa consommation de drogues ».

Par arrêté ministériel du 17 décembre 2001, le ministre des Transports retira le permis de conduire un véhicule automoteur et un cyclomoteur de Monsieur …, de même que les permis de conduire internationaux lui délivrés sur le vu de son permis national. L'arrêté en question se réfère aux avis du procureur général d’Etat et de la commission spéciale et il retient que Monsieur … « a à plusieurs reprises enfreint les règles de la circulation » et qu’il « présente des signes manifestes d’intoxication ». – Ledit arrêté ajoute encore qu’un « réexamen du dossier pourra en principe avoir lieu à la demande de l’intéressé, au plus tôt douze mois après la prise d’effet du présent arrêté », tout en relevant que la restitution serait conditionnée par l’obtention d’un avis favorable de la commission médicale.

Par requête déposée le 29 mars 2002, M. … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 17 décembre 2001.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Le délégué du gouvernement relevant à juste titre qu’aucun texte de loi ne prévoit un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.

Concernant le recours principal en annulation, le délégué estime qu’il serait irrecevable pour avoir été introduit plus de trois mois après la notification de la décision litigieuse, au motif que la décision date du 17 décembre 2001, alors que le recours n’a été introduit que le 29 mars 2002.

Or, étant donné que le représentant étatique n’indique ni a fortiori n’établit la date de notification de la décision critiquée, c’est-à-dire le point de départ du délai contentieux de recours et que le demandeur soutient que la notification ne serait intervenue que « début janvier 2002 », il y a lieu de rejeter le moyen d’irrecevabilité tiré de la prétendue tardiveté du recours.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que l’arrêté ministériel serait insuffisamment motivé, qu’il ne serait pas justifié en fait et que la décision ne serait nullement proportionnée par rapport à la gravité des faits et éléments contenus dans son dossier.

Concernant ce deuxième moyen d’annulation, il admet avoir été - dans le passé, mais non plus à l’heure actuelle - un consommateur occasionnel de drogues « douces », mais qu’il ne serait pas dénué du sens des responsabilités et surtout qu’il n’aurait jamais conduit un véhicule sous l’influence de drogues.

Le délégué du gouvernement estime que l’arrêté litigieux serait suffisamment motivé et que même si tel ne devait pas être le cas, pareil manquement ne saurait impliquer l’annulation de la décision administrative, mais que cela ne saurait avoir d’influence que sur les délais pour agir en justice.

Le délégué soutient en outre que le retrait du permis de conduire de Monsieur … serait intervenu dans un « souci évident de la sécurité routière » et sur base de deux faits, documentés par les pièces produites en cause, à savoir un dépassement de la vitesse (90 km/h au lieu de 70 km/h), ainsi qu’un aveu de l’intéressé d’être un consommateur de stupéfiants.

Le premier moyen d’annulation invoqué par le demandeur basé sur une motivation insuffisante de l’arrêté ministériel litigieux est à écarter, étant donné qu’il se dégage dudit arrêté que le ministre a pris le soin, d’une part, de préciser la base légale sur laquelle il a fondé sa décision et, d’autre part, de relever que Monsieur … aurait, à plusieurs reprises, enfreint les règles de la circulation routière et qu’il présenterait des signes manifestes d’intoxication. Il s’est en plus référé à l'avis négatif du procureur général d'Etat, ainsi qu'à l'avis émis par la commission spéciale en matière de permis de conduire, pour décider, sur base de ces éléments, qui ont pu être librement discutés au cours de la procédure contentieuse, le retrait du permis de conduire de l’intéressé.

Concernant le reproche basé sur une erreur manifeste d’appréciation, l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques prévoit que le ministre des Transports ou son délégué peut retirer le permis de conduire, notamment lorsque le conducteur d’un véhicule « 1) présente des signes manifestes d’alcoolisme ou d’autres intoxications ; 2) n’offre pas, compte tenu des faits d’inhabilité ou de maladresse, suffisamment concluants constatés à sa charge, les garanties nécessaires à la sécurité routière » ou s’il « 3) est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule ».

Il convient encore de rappeler que le but assigné à un retrait administratif du permis de conduire est de protéger, pour l'avenir, la sécurité des usagers de la route contre des personnes représentant un danger potentiel à leur égard et non celui de sanctionner les personnes concernées pour des faits commis dans le passé et que dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif peut vérifier les faits formant la base des décisions administratives qui lui sont soumises et examiner si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis (cf. trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807, Pas. adm. 2001, V° Recours en annulation, n° 10, Cour adm. 8 janvier 2002, n° 13891C, non encore publié).

Ceci étant, il y a lieu de retenir qu’en l’espèce, ni le constat de la détention de substances hallucinogènes ni encore l’aveu du demandeur de sa consommation occasionnelle de telles substances sont suffisants pour établir à eux-seuls dans le chef de l’intéressé un état de toxicomanie, tel que visé par l’article 2 point 2) de la loi prévisée du 14 février 1955, c’est-

à-dire un état de dépendance psychique ou physique de substances hallucinogènes à un tel point que la personne atteinte constitue de ce seul fait un risque pour la sécurité routière.

Par ailleurs, en présence d’une infraction unique aux règles de la circulation, en l’occurrence un dépassement de la vitesse, et du simple constat qu’à un moment donné l’intéressé a été trouvé en possession d’une certaine quantité de drogues et qu’il a admis en avoir consommées dans le passé, sans qu’il ne se dégage cependant d’un élément du dossier qu’à un quelconque moment l’intéressé a effectivement circulé sous influence de substances hallucinogènes - ce que le demandeur conteste énergiquement -, un retrait pur et simple du permis de conduire sans limitation de temps, même s’il précise qu’une demande de restitution pourrait être introduite après un an, doit être qualifié de mesure disproportionnée non justifiée par les éléments concrets de l’affaire.

Il s’ensuit que le ministre a commis en l’occurrence une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2 de la loi prérelatée du 14 février 1955, de sorte que l’arrêté ministériel litigieux du 17 décembre 2001 encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié ;

partant annule l’arrêté ministériel du 17 décembre 2001 et renvoie l’affaire devant le ministre des Transports ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 2 octobre 2002, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14756
Date de la décision : 02/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-02;14756 ?

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