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02/10/2002 | LUXEMBOURG | N°14738

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 octobre 2002, 14738


Tribunal administratif N° 14738 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2002 Audience publique du 2 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur et Madame … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 14738 et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2002 par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de M …., né le … à Bérane (Monténégro/Yougoslavie), et de son épouse, Mme …, née...

Tribunal administratif N° 14738 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mars 2002 Audience publique du 2 octobre 2002

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Recours formé par Monsieur et Madame … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 14738 et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2002 par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M …., né le … à Bérane (Monténégro/Yougoslavie), et de son épouse, Mme …, née le … à Bérane, agissant en leur nom personnel, ainsi qu’en celui de leurs enfants mineurs …, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 17 décembre 2001, notifiée le 22 janvier 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 26 février 2002 suite à un recours gracieux des demandeurs ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Barbara NAJDI, en remplacement de Maître Jean-Georges GREMLING, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 4 juin 1999, M. … et son épouse, Mme …, agissant en leur nom personnel, ainsi qu’en celui de leurs enfants mineurs …, introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. et Mme … furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent en outre entendus séparément en date du 5 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile et leurs explications additionnelles y relativement furent encore recueillies lors d’auditions complémentaires en date du 11 octobre 2001.

Par décision du 17 décembre 2001, notifiée le 22 janvier 2002, le ministre de la Justice les informa que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Il résulte de vos déclarations, Madame, Monsieur, que vous seriez tous originaires du Monténégro. Vous auriez quitté votre domicile à Bérane/Monténégro début 1996 et vous seriez allés vous installer à Pec/Kosovo pour des raisons économiques. Vos enfants vous y auraient rejoints plus tard.

Monsieur, il résulte de votre audition du 5 juillet 1999 que vous auriez reçu un appel écrit pour aller à la réserve en février 1999. La police serait également venue vous chercher plusieurs fois. Vous vous seriez alors enfui parce que vous auriez été certain d’être envoyé à la guerre au Kosovo. Vous risqueriez maintenant d’être condamné à une peine d’emprisonnement.

Lors de l’audition du 11 octobre 2001, vous déclarez que vous et votre famille auraient quitté le Kosovo pendant les premiers bombardements, vers février-mars 1999.

Vous expliquez, en outre, que vous auriez eu une convocation pour aller à la réserve, le lendemain de votre départ du Kosovo. Vous apportez comme preuve une convocation du « Ministère des affaires intérieures », numéro 1357/99 en date du 3 février 1999 que vous avez déposée auprès de l’agent du Ministère de la Justice le 4 juin 1999. Vous précisez que votre mère, qui aurait été en visite chez vous à Pec à cette époque et qui serait restée à votre domicile après votre départ, aurait pris réception de cette convocation. Elle vous aurait apporté la convocation à Rozaje/Monténégro où vous vous seriez installés provisoirement.

A ce même sujet, Madame, vous invoquez aussi bien lors de l’audition du 5 juillet 1999, que de celle du 11 octobre 2001, que vous auriez quitté le Kosovo à la suite de la réception d’une convocation invitant votre mari à se présenter à la réserve. Vous spécifiez avoir été présente avec votre belle-mère à votre domicile quand la police serait venue remettre la convocation. Vous ne vous rappelez plus de la date exacte. Ce serait votre belle-

mère qui aurait accepté la convocation. Vous ajoutez qu’à ce moment votre mari aurait été absent. Vous précisez avoir quitté le Kosovo, après réception de la convocation, au mois d’avril 1999. Selon vos déclarations, votre belle-mère aurait quitté le Kosovo bien avant vous.

Monsieur, selon vos allégations vous auriez d’abord trouvé, en février 1999, refuge à Rozaje, dans un camp de réfugiés. Vous ne vous rappelez plus combien de temps vous y êtes restés, mais cela devrait être moins [d’]un mois. Vous avez déposé à l’agent du Ministère de la Justice une « carte humanitaire » de Rozaje qu’on vous aurait remis pour recevoir des paquets humanitaires. La dernière inscription dans cette carte date pourtant du 2 avril 1999.

Vous seriez restés, toujours selon les inscriptions de cette carte humanitaire environ du 15 février au 2 avril 1999, donc presque 2 mois.

Madame, il ressort de vos déclarations que vous auriez été à Rozaje à partir d’avril 1999. Pourtant, il résulte de votre « carte humanitaire » que vous seriez déjà arrivés à Rozaje le 15 février 1999.

Monsieur, vous déclarez vous avoir ensuite rendu avec votre famille à Sarajevo. Vous y auriez logé dans la maison de votre beau-père dans le quartier Ilizha pendant environ un mois.

Vous, Madame, de votre côté, précisez lors de l’audition du 11 octobre 2001 que vous auriez été placés dans un camp de réfugiés de la Croix-Rouge à Sarajevo.

Monsieur, vous ajoutez encore que votre épouse aurait été harcelée verbalement par des policiers, mais que tous les deux vous n’auriez pas été maltraités physiquement. Vous auriez également souvent dû payer des amendes injustifiées. Votre maison aurait par ailleurs été incendiée. Votre peur de la police de Milosevic serait liée au fait que vous êtes de confession musulmane.

Enfin, vous admettez ne pas être membre d’un parti politique.

Madame, vous confirmez avoir été harcelée par des policiers quand ils seraient venus chercher votre mari. Votre peur de l’armée et de la police serait motivée par le fait que votre mari n’aurait pas répondu à l’appel à la réserve. Vous expliquez aussi que votre maison aurait été incendiée.

Enfin, vous n’êtes pas membre d’un parti politique.

Il y a lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doi[ven]t établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je me dois tout d’abord de constater que les nombreuses contradictions et incohérences contenues dans vos récits respectifs, Madame, Monsieur, laissent planer des doutes sérieux quant à la crédibilité de vos déclarations, surtout en ce qui concerne les circonstances et la date de votre départ du Kosovo.

A cela s’ajoute, Monsieur que l’insoumission, même à la supposer établie dans votre cas, est insuffisante pour constituer une crainte justifiée de persécution au sens de l’article 1er, A., § 2 de la Convention de Genève de 1951. De même, la seule crainte de peines du chef d’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte de persécution au sens de la prédite Convention. J’ajoute dans ce contexte que l’armée fédérale yougoslave, les rangs de laquelle vous auriez dû rejoindre, a quitté le territoire du Kosovo, de sorte que vous ne risquez plus une sanction de sa part.

L’incendie de votre maison et le fait d’avoir dû payer plusieurs amendes injustifiées, même à supposer ces faits établis, ne sont pas de nature à constituer une crainte justifiée de persécution pour un des motifs énoncés à la Convention de Genève. Il en est de même des harcèlements verbaux dont vous dites avoir été victime, Madame.

Force est de constater que ces motifs traduisent plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution. Or, un sentiment général d’insécurité n’est pas de nature à constituer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il ne faut pas oublier non plus que les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine des répressions et des exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire. Une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, est installée au Kosovo pour assurer la coexistence pacifique entre les différentes communautés et une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, a été mise en place.

Par ailleurs, alors qu’une situation de paix s’est établie dans votre région d’origine, des centaines de milliers de personnes, qui avaient quitté le Kosovo pour se réfugier en Albanie et dans l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, ont réintégré leurs foyers après l’entrée des forces internationales sur le territoire.

Enfin, la situation des minorités ethniques du Kosovo s’est améliorée par rapport à l’année 1999. Les élections municipales du 28 octobre 2000 se sont conclues avec la victoire des partis modérés et une défaite des partis extrémistes. Ainsi une persécution systématique de minorités ethniques est actuellement à exclure.

Vous n’avez à aucun moment apporté un élément de preuve permettant d’établir des raisons pour lesquelles vous ne seriez pas en mesure de vous installer au Monténégro, dont vous êtes tous les deux originaires et où vous avez vécu jusqu’en 1996. Dans ce contexte, force est de constater que le régime politique en Yougoslavie a changé au mois d’octobre 2000 avec la venue au pouvoir d’un président élu démocratiquement. Un nouveau gouvernement a été mis en place en novembre 2000 sans la participation des partisans de l’ancien régime. La Yougoslavie a retrouvé sa place dans la communauté internationale ce qui se traduit notamment par sa réadmission à l’ONU et à l’OSCE. Enfin, rappelons également qu’une loi d’amnistie a été adoptée par le Parlement de la République fédérale yougoslave au mois de février 2001.

Par conséquent vous n’alléguez tous les deux aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par lettre du 31 janvier 2002, les consorts … introduisirent, par le biais de leur mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 17 décembre 2001.

Par décision du 26 février 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 26 mars 2002, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation des décisions précitées du ministre de la Justice des 17 décembre 2001 et 26 février 2002.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles critiquées. Le recours en réformation formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.- Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Au fond, les demandeurs exposent qu’ils seraient originaires du Monténégro, mais qu’ils auraient habité en dernier lieu dans la ville de Pec au Kosovo et qu’ils seraient de confession musulmane, qu’ils auraient quitté leur pays d’origine parce qu’en février 1999, M.

… aurait été appelé par l’armée fédérale yougoslave pour la réserve militaire et qu’il aurait craint de devoir participer à la guerre qui sévissait au Kosovo, qu’en raison de son insoumission, M. … risquerait d’être traduit devant un tribunal militaire serbe et d’être condamné, que la loi d’amnistie votée en Yougoslavie ne serait pas appliquée en pratique et qu’elle ne le garantirait pas de menaces et mauvais traitements, qu’en tant que chauffeur professionnel, M. … aurait été arrêté à différentes reprises par la police, laquelle lui aurait réclamé le paiement d’amendes injustifiées, que Mme … aurait été victime de harcèlements de la part de la police et que pendant les bombardements, elle aurait craint pour son intégrité physique, ainsi que pour celle de leurs enfants.

En substance, ils reprochent au ministre de la Justice de ne pas avoir pris en considération les faits prérelatés en rapport avec l’insoumission de M. …, leur religion musulmane, ainsi que la mauvaise situation générale au Kosovo, qui établiraient des craintes raisonnables de persécution justifiant la reconnaissance du statut de réfugié.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des consorts … et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des époux ….

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par M. et Mme … lors de leurs auditions respectives en date des 5 juillet 1999 et 11 octobre 2001, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, il convient de prime abord de rappeler qu’en la présente matière, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle à l’égard des demandeurs d’asile dans leur pays de provenance en général et dans leur région d’origine en particulier – en l’occurrence, la province du Kosovo, où les demandeurs déclarent s’être installés depuis 1996 – et non pas uniquement eu égard à la situation telle qu’elle existait à l’époque de leur départ. - En ce qui concerne cette situation actuelle, il est constant en cause que, suite au départ de l’armée fédérale yougoslave et des forces de police dépendant des autorités serbes du Kosovo, une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée sur ce territoire, de même qu’une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, y a été mise en place. Or, même abstraction faite de l’existence d’une loi d’amnistie au niveau fédéral visant les insoumis et déserteurs de l’armée yougoslave, dont M. … peut bénéficier, il suit de ce constat que, dans la région du Kosovo, les demandeurs n’ont pas, à l’heure actuelle, de raison de craindre une persécution de la part des autorités serbes, notamment des poursuites en raison de l’insoumission de M. ….

Il convient d’ajouter que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence et qu’une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, il ne saurait en être autrement qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p.113, nos. 73-s).

En ce qui concerne la situation des membres des minorités au Kosovo, notamment de celle des musulmans slaves, il est vrai que leur situation générale est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discriminations ou agressions par des groupes de la population, elle n’est cependant pas telle que tout membre de la minorité ethnique visée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des traitements discriminatoires.

Il y a lieu d’ajouter dans ce contexte, qu’une situation de conflit interne violent ou généralisé ne peut, à elle seule, justifier la reconnaissance de la qualité de réfugié, étant donné que la crainte de persécution, outre de devoir toujours être fondée sur l’un des motifs de l’article 1er A de la Convention de Genève, doit avoir un caractère personnalisé.

Or, en l’espèce, les craintes exprimées par les demandeurs en raison de leur religion et de la situation générale tendue au Kosovo, s’analysent, en substance, en un sentiment général de peur, insuffisant à établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné que les demandeurs ne démontrent point que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants du Kosovo, étant entendu qu’ils n’ont pas fait état de l’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités actuellement en place.

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 2 octobre 2002, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14738
Date de la décision : 02/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-02;14738 ?

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