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02/10/2002 | LUXEMBOURG | N°14720

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 octobre 2002, 14720


Tribunal administratif Numéro 14720 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2002 Audience publique du 2 octobre 2002 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14720 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2002 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité macédonienne, demeurant actuellement à L-

…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 novembre 2001,...

Tribunal administratif Numéro 14720 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2002 Audience publique du 2 octobre 2002 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14720 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2002 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité macédonienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 12 novembre 2001, notifiée le 15 janvier 2002, portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 26 février 2002 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 juin 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Georges WEILAND, en remplacement de Maître Pascale PETOUD, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 septembre 2002.

Le 28 janvier 1999, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 9 novembre 1999, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 12 novembre 2001, notifiée le 15 janvier 2002, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande a été refusée comme non fondée aux motifs que ses déclarations concernant sa sortie légale de la Macédoine en mars 1998 en tant que déserteur et sa rentrée au pays, illégale cette fois-ci, une semaine plus tard, jetteraient un doute sur la crédibilité de son récit, qu’il semblerait improbable qu’après une semaine de séjour en Allemagne, il serait retourné illégalement en Macédoine où il serait recherché par la police et que son récit relatif au fait qu’il serait resté caché dix mois en Macédoine, sans être découvert, pour se rendre ensuite illégalement au Luxembourg, semblerait également douteux quant à sa véracité. Le ministre a relevé en outre que sa désertion, à la supposer établie, serait insuffisante pour constituer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef et que, par ailleurs, ses arguments relatifs à sa situation particulière en tant que musulman en Macédoine auraient trait à la situation générale dans son pays d’origine, mais n’établiraient pas concrètement que sa situation individuelle serait telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef. Quant aux autres motifs invoqués par Monsieur …, en l’occurrence sa peur d’une guerre civile et sa peur de mourir, le ministre a retenu qu’ils traduiraient l’expression d’un sentiment général d’insécurité non constitutif en tant que tel d’une crainte justifiée de persécution.

Par courrier de son mandataire datant du 13 février 2002, Monsieur … a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 12 novembre 2001.

Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 26 février 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre les décisions ministérielles des 12 novembre 2001 et 26 février 2002 par requête déposée en date du 22 mars 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur … fait exposer qu’il est de nationalité macédonienne et qu’il appartient à la minorité des slaves musulmans, qu’il aurait effectué neuf mois de service militaire en 1996/1997 et qu’il aurait été appelé à la réserve en septembre-octobre 1997, ainsi qu’en février 1998. Il signale qu’après ce deuxième appel de la réserve, il se serait enfui par crainte de subir le même sort qu’un de ses amis albanais, tué par des passeurs de la filière de l’immigration clandestine, alors que son unité se serait trouvée à la frontière yougoslave, au monastère de Prohor Pcinki. Le demandeur estime que dans ces conditions il ne ferait aucun doute qu’en cas de retour en Macédoine il serait poursuivi pour désertion et que compte tenu des différences de traitement dont feraient l’objet les musulmans de Macédoine de la part des autorités, il semblerait évident qu’en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement, les conditions de détention risqueraient d’être discriminatoires à son égard en raison de son appartenance à la communauté musulmane. Il fait en outre état de provocations verbales personnellement subies de la part de macédoniens qui l’auraient traité de « turc » ainsi que du traitement réservé à certains membres de sa famille, en l’occurrence son père qui aurait été frappé dans un autobus par d’autres passagers au seul motif qu’il est musulman.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition du 9 novembre 1999, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le motif invoqué de l’insoumission, il convient de rappeler que celle-ci n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. Le tribunal constate que la décision ministérielle de refus est légalement justifiée, étant donné qu’il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur … risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. Il convient par ailleurs de relever que Monsieur … n’établit pas à suffisance de droit qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à son encontre de ce chef, ceci au vu notamment de la référence faite par le délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse à une loi d’amnistie élaborée en avril 2002 par les autorités macédoniennes.

Quant aux provocations verbales subies par Monsieur … ainsi qu’à sa crainte de persécution afférente, basée notamment sur le sort réservé à d’autres musulmans, force est de constater que même à supposer les déclarations afférentes établies, ces évènements relatés ne revêtent pas une gravité suffisante pour valoir comme motif d’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, ceci au-delà même de la considération qu’une persécution émanant non pas de l’Etat, mais de groupes de la population ne peut être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays d’origine pour l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève et que le demandeur reste en l’espèce en défaut d’établir qu’en cas de retour dans son pays pareille protection appropriée lui serait refusée.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Le recours en réformation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 octobre 2002 par :

Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge M. Spielmann, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14720
Date de la décision : 02/10/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-02;14720 ?

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