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30/09/2002 | LUXEMBOURG | N°14899C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 00 octobre 2002, 14899C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 14899 C Inscrit le 13 mai 2002 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 17 OCTOBRE 2002 Requête d’appel de … contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique (jugement entrepris du 10 avril 2002, no du rôle 14029)  Vu la requête déposée le 13 mai 2002 par laquelle Maître Guy Thomas, avocat à la Cour,

a relevé appel au nom de …, né le … à Berane (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant à L- … contre le ministre de la Justice d’un jugement rendu le 10 avril 2002 par le tribunal administrat...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 14899 C Inscrit le 13 mai 2002 ———————————————————————————————————— AUDIENCE PUBLIQUE DU JEUDI 17 OCTOBRE 2002 Requête d’appel de … contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique (jugement entrepris du 10 avril 2002, no du rôle 14029)  Vu la requête déposée le 13 mai 2002 par laquelle Maître Guy Thomas, avocat à la Cour, a relevé appel au nom de …, né le … à Berane (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant à L- … contre le ministre de la Justice d’un jugement rendu le 10 avril 2002 par le tribunal administratif dans la cause inscrite sous le numéro 14029 du rôle ;

vu le mémoire en réponse déposé le 29 mai 2002 par le délégué du Gouvernement ;

vu le mémoire en réplique déposé le 27 juin 2002 par Maître Guy Thomas ;

vu les pièces régulièrement versées ainsi que le jugement entrepris;

ouï le conseiller dans la lecture du rapport d’audience ainsi que Maître Guy Thomas et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc Mathékowitsch en leurs plaidoiries.

1 Par requête inscrite sous le numéro 14029 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2001 par Maître Guy Thomas, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, …, né le … à Bérane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , a demandé la réformation, sinon l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 15 mai 2001, lui notifiée le 7 juin 2001, portant refus de sa demande en obtention du statut de réfugié et l’invitant à quitter le territoire luxembourgeois, confirmée sur recours gracieux par décision du même ministre du 23 août 2001.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement en date du 10 avril 2002, a reçu le recours en réformation en la forme, au fond, l’a déclaré non justifié et en a débouté.

Maître Guy Thomas, avocat à la Cour, a déposé une requête d’appel au greffe de la Cour administrative en date du 13 mai 2002.

Le jugement est entrepris par rapport aux décisions ministérielles déférées pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits, à savoir notamment l’insoumission de l’appelant et l’application imparfaite de la loi d’amnistie.

L’appelant reproche encore aux premiers juges de ne pas avoir retenu que le principe de non-refoulement notamment consacré par l’article 14, alinéa 3 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère s’opposerait à ce qu’il soit obligé de retourner dans son pays où sa vie et son intégrité physique et morale seraient compromises.

Le délégué du gouvernement a déposé un mémoire en réponse en date du 29 mai 2002 dans lequel il demande la confirmation du premier jugement.

La partie appelante a encore déposé un mémoire en réplique en date du 27 juin 2002 dans lequel elle approfondit son argumentation antérieurement développée.

Quant au bien-fondé du refus de reconnaissance du statut de réfugié L’appelant réexpose en instance d’appel qu’il serait originaire du Monténégro et qu’il appartiendrait à la minorité des musulmans slaves, à l’encontre desquels les autorités yougoslaves pratiqueraient une politique d’épuration ethnique. Il estime que les décisions ministérielles attaquées seraient le résultat d’une erreur manifeste d’appréciation des éléments de fait et de droit en cause et il fait valoir plus particulièrement à cet égard que c’était face à la « politique de purification ethnique » menée par les Serbes dans son pays d’origine qu’il aurait préféré quitter son pays et se réfugier à l’étranger.

Dans ce contexte, il relève encore qu’il aurait été appelé par l’armée fédérale yougoslave pour la réserve militaire et qu’il aurait refusé de donner suite à cette convocation parce qu’il refuserait « de servir sous les drapeaux de l’oppresseur serbe pour participer à des violences contre des civils et coreligionnaires 2 musulmans », de sorte qu’il serait considéré comme insoumis et qu’il risquerait d’être traduit devant un tribunal militaire serbe et d’être condamné à une peine de prison lourde et disproportionnée par rapport à la gravité de son infraction, cette peine risquant d’être d’autant plus grave en raison de sa religion musulmane.

L’appelant fait encore ajouter que la loi d’amnistie votée en Yougoslavie ne serait pas de nature à le garantir contre un risque de condamnation, étant donné qu’elle ne viserait pas le cas des insoumis, qui se sont réfugiés à l’étranger pour échapper à leurs obligations militaires. Dans ce contexte, il fait état d’un avis juridique d’un juriste yougoslave et du cas d’un déserteur monténégrin qui aurait été arrêté et emprisonné postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi d’amnistie. Concernant la situation générale dans son pays, il estime qu’il serait faux de soutenir qu’elle serait redevenue normale, mais que malgré un début d’amélioration, la situation resterait instable et dangereuse surtout pour les membres de minorités ethniques.

La Cour estime, sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux premiers juges, que ceux-ci ont, dans un examen complet et minutieux de tous les éléments recueillis, apprécié ces derniers à leur juste valeur et en ont tiré les conclusions juridiques exactes.

Ils ont notamment souligné à juste titre que l’insoumission ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève et renvoyé à la loi d’amnistie entrée en vigueur le 3 mars 2001 dont bénéficient les déserteurs et les insoumis et au sujet de laquelle le Haut Commissariat pour les Réfugiés est « d’avis que les termes de la loi d’amnistie témoignent de la volonté des autorités yougoslaves de mettre en place une amnistie effective. A ce jour, il n’a pas eu connaissance de cas d’insoumis ou de déserteurs (n’ayant pas reçu de nouvel appel après le 7 octobre 2000) qui n’auraient pu bénéficier de cette loi.

Dès lors, le HCR n’a pas de raison de penser que celle-ci ne serait pas appliquée aux personnes étant à l’étranger après le 7 octobre 2000 et n’ayant pas reçu de nouvel appel après cette date » (avis du 19 juin 2001 à l’attention du ministère de la Justice).

Concernant ensuite les craintes de persécution de l’appelant en raison de son appartenance à la minorité des musulmans slaves, force est de constater que si la situation générale des membres des minorités ethniques en Yougoslavie est certes difficile, c’est à juste titre que le tribunal administrative a décidé qu’il n’est cependant pas établi qu’elle serait telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des traitements discriminatoires.

Or, l’appelant se réfère essentiellement au climat politique général dans son pays d’origine sans apporter des éléments particuliers le touchant directement dans sa situation personnelle, de sorte qu’une crainte de persécution afférente laisse d’être établie dans son chef.

3 Le jugement du 10 avril 2002 est partant à confirmer sous cet aspect.

Quant à l’invitation à quitter le territoire luxembourgeois L’appelant soutient que le principe de non-refoulement notamment consacré par l’article 14, alinéa 3 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère s’opposerait à ce qu’il soit obligé de retourner dans son pays où sa vie et son intégrité physique et morale seraient compromises.

Conformément aux dispositions de l’article 14, alinéa 3 de la loi précitée du 28 mars 1972, « l’étranger ne peut être expulsé, ni éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacés ou qu’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

C’est à juste titre que les premiers juges ont retenu à ce titre que la notion de risque applicable, conformément à la jurisprudence européenne, est celle du risque réel et que le risque catégoriel n’est pas pris en considération, le demandeur devant prouver non seulement la réalité de sa situation particulière, mais aussi l’existence d’un risque individuel dans son chef (cf. Jean-François Renucci, Droit européen des droits de l’homme, 2e édition, L.G.D.J, p. 82).

La charge de la preuve incombant par ailleurs au demandeur en matière d’éloignement des étrangers, c’est à bon escient que le tribunal administratif a décidé que force est de constater en l’espèce que le demandeur reste en défaut d’établir l’existence dans son chef d’un risque concret et individuel de menace grave à sa vie ou à sa liberté dans son pays d’origine. Les craintes par lui invoquées reposent en effet essentiellement sur la situation générale au Monténégro, sans qu’il ne fournisse des éléments permettant de dégager que considéré individuellement il serait exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme dans son pays d’origine.

Le jugement du 10 avril 2002 est donc également à confirmer en ce qu’il a déclaré ce volet de la demande non justifié.

Par ces motifs, la Cour, statuant contradictoirement ;

reçoit l’acte d’appel du 13 mai 2002 ;

le dit non fondé et en déboute ;

4 partant confirme le jugement entrepris du 10 avril 2002 dans toute sa teneur ;

condamne l’ appelant aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par Georges KILL, président, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur et lu par le président en audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier en chef de la Cour.

Le greffier en chef Le président 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14899C
Date de la décision : 30/09/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-10-00;14899c ?

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