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23/09/2002 | LUXEMBOURG | N°15302

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 septembre 2002, 15302


Numéro 15302 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 août 2002 Audience publique du 23 septembre 2002 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15302 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 août 2002 par Maître Philippine RICOTTA PERI, avocat à la Cour, inscrit au tablea

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Numéro 15302 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 août 2002 Audience publique du 23 septembre 2002 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15302 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 27 août 2002 par Maître Philippine RICOTTA PERI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 14 juin 2002, notifiée le 18 juin 2002, par laquelle il a déclaré manifestement infondée une demande en obtention du statut de réfugié introduite par le demandeur et d’une décision confirmative prise par le prédit ministre le 23 juillet 2002 suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 septembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Philippine RICOTTA PERI et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 septembre 2002.

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Le 26 avril 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 15 mai 2002, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur …, par lettre du 14 juin 2002, notifiée en date du 18 juin 2002, que sa demande d’asile avait été rejetée aux motifs suivants : « Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté le Monténégro parce que vous vous seriez disputé avec une personne lors d’un match de foot. Cette personne vous aurait alors menacé et ensemble avec sa famille endommagé votre maison. Vous auriez maintenant peur de cette famille. Vous craigniez également que vous ou un autre membre de votre famille se fasse tuer.

Enfin, vous admettez ne pas être membre d’un parti politique.

Selon l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Par ailleurs, l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 précitée, dispose que « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

En effet, force est de constater que vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève. Ainsi, le fait que vous auriez une dispute avec des personnes privées et de ce fait craindriez d’être tué ne constitue pas un acte de persécution car il ne rentre pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève de 1951. Votre demande est donc à considérer comme abusive.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. » Le recours gracieux formé par le mandataire de Monsieur … à l’encontre de la décision ministérielle précitée à travers un courrier datant du 12 juillet 2002 ayant été rencontré par une décision ministérielle confirmative du 23 juillet 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation sinon à la réformation des décisions ministérielles prévisées des 14 juin et 23 juillet 2002 par requête déposée le 27 août 2002.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, prévoyant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le tribunal est partant incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, tandis que le recours principal en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre de la Justice a déclaré sa demande manifestement infondée et que les décisions attaquées devraient être annulées pour violation de la loi, sinon excès de pouvoir, sinon détournement de pouvoir. Le demandeur fait valoir qu’il aurait quitté le Monténégro en raison du fait qu’il aurait été menacé de mort à plusieurs reprises suite à un incident qui aurait éclaté lors d’un match de football. Par la suite, sa maison aurait également été endommagée. Dans la mesure où et la police du Monténégro ne se soucierait guère de ce genre de faits, il estime que son retour dans son pays d’origine serait des plus périlleux et ne saurait être envisagé au vu du risque certain pour lui d’y perdre la vie. Le demandeur estime partant que les craintes de persécution seraient réelles et justifiées et que les décisions déférées devraient encourir l’annulation.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement (…) ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial et non sur un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas.

adm. 2001, V° Etrangers, n° 59 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater que les faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile trouvent leur origine dans un fait divers, à savoir une dispute avec un autre joueur lors d’un match de football. Lors de son interrogatoire en date du 15 mai 2002, Monsieur … a pour le surplus déclaré ne pas avoir d’activités politiques, ni avoir été membre d’un quelconque parti politique. A cela s’ajoute que le demandeur lors de sa prédite audition du 15 mai 2002 a expressément déclaré avoir uniquement peur « de la famille de l’autre joueur », sans faire état pour le surplus de traitements discriminatoires de la part des autorités monténégrines.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 septembre 2002 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15302
Date de la décision : 23/09/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-09-23;15302 ?

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