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19/09/2002 | LUXEMBOURG | N°13933

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 septembre 2002, 13933


Tribunal administratif N° 13933 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2001 Audience publique du 19 septembre 2002 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l.

contre une décision du bourgmestre de la commune d’Ermsdorf en présence de l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV FIR D’GEMENG IERMSDREF, NATIERLICH a.s.b.l. et consorts en matière de permis de construire et de fermeture de chantier

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13933 du rôle et

déposée le 29 août 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Co...

Tribunal administratif N° 13933 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 août 2001 Audience publique du 19 septembre 2002 Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l.

contre une décision du bourgmestre de la commune d’Ermsdorf en présence de l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV FIR D’GEMENG IERMSDREF, NATIERLICH a.s.b.l. et consorts en matière de permis de construire et de fermeture de chantier

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 13933 du rôle et déposée le 29 août 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-… tendant à l’annulation d’une décision du bourgmestre de la commune d’Ermsdorf du 22 août 2001 par laquelle a été ordonnée la fermeture du chantier relatif à l’aménagement d’un centre régional de gestion de déchets inertes sur des terrains sis sur le territoire de la commune d’Ermsdorf, et plus particulièrement à Folkendange, aux lieux-dits « Brücherhof », « Im Drauvenfeld » et « Kohlenberg », inscrits sous les numéros cadastraux 402 (partie de la parcelle) et 405, 398/128 et 393/202 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 3 septembre 2001, par lequel cette requête a été signifiée à Monsieur Jean-Marc CLESEN, bourgmestre de la commune d’Ermsdorf, demeurant à L-9186 Stegen, rue de Folkendange, 3 et « pour autant que de besoin » à l’administration communale d’Ermsdorf, établie en la maison communale à L-9366 Ermsdorf, Gilsduerferstrooss, 23 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 27 novembre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale d’Ermsdorf ;Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 30 novembre 2001, par lequel ce mémoire en réponse a été signifié à la société à responsabilité limitée … s.à r.l., préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 12 décembre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l.;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 7 décembre 2001, par lequel ce mémoire en réplique a été signifié à l’administration communale d’Ermsdorf ;

Vu le mémoire en duplique déposé le 7 janvier 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR au nom de l’administration communale d’Ermsdorf ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, préqualifié, du 8 janvier 2002, par lequel le prédit mémoire en duplique a été signifié à la société à responsabilité limitée … s.à r.l. ;

Vu la requête en intervention volontaire déposée le 4 février 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de :

1. l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV FIR D’GEMENG IERMSDREF, NATIERLICH a.s.b.l., ayant son siège social à L-9368 Folkendange, Maison 1, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, sinon par qui de droit, 2. – 28 … 3.

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, préqualifié, du 12 février 2002, par lequel cette requête en intervention volontaire a été signifiée à la société à responsabilité limitée … s. à r.l. ;

Vu les deux exploits de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 13 février 2002, par lesquels la prédite requête en intervention volontaire a été signifiée tant à l’administration communale d’Ermsdorf qu’à la société à responsabilité limitée … s.à r.l., chaque fois en leur domicile élu ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, préqualifié, du 14 février 2002, par lequel cette requête en intervention volontaire a été signifiée à l’administration communale d’Ermsdorf ;

Vu le « mémoire en réponse devant le tribunal administratif suite à la requête en intervention volontaire » déposé le 14 février 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, préqualifié, du 14 février 2002, par lequel le prédit mémoire en réponse supplémentaire a été signifié à l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV FIR D’GEMENG IERMSDREF, NATIERLICH a.s.b.l. ainsi qu’aux 25 autres consorts préqualifiés, à l’exception des époux … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, préqualifié, du 14 février 2002, par lequel le prédit mémoire en réponse supplémentaire a été signifié à l’administration communale d’Ermsdorf ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 18 février 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR au nom de l’administration communale d’Ermsdorf ;

Vu les actes d’avocat à avocat du 18 février 2002 portant notification de ce mémoire supplémentaire à Maîtres Pol URBANY et Gaston VOGEL ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maîtres Marc MODERT, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, Roger NOTHAR et Pol URBANY en leurs plaidoiries respectives.

Par un arrêté du 22 août 2001, le bourgmestre de la commune d’Ermsdorf, dénommé ci-après le « bourgmestre », a ordonné la fermeture, avec effet immédiat, du chantier de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., concernant l’aménagement d’un centre régional de gestion de déchets inertes sur des terrains sis sur le territoire de la commune d’Ermsdorf, et plus particulièrement à Folkendange, aux lieux-dits « Brücherhof », « Im Drauvenfeld » et « Kohlenberg », inscrits sous les numéros cadastraux 402 (partie de la parcelle) et 405, 398/128 et 393/202, au vu d’un constat dressé par l’huissier de justice Alex MERTZIG de Diekirch en date du 21 août 2001 et en considération du fait que depuis la date du 20 août 2001, la prédite société aurait entrepris des travaux en vue d’aménager le prédit centre régional de gestion de déchets inertes, comportant l’abattage d’arbres le long du CR 356, ainsi que le « remblai du terrain pour permettre l’accès par camions et machines vers les parcelles concernées », sans être en possession d’une autorisation et sans même avoir sollicité une autorisation de bâtir qui serait légalement requise « pour toute nouvelle construction, pour toute démolition, pour tout changement d’utilisation d’immeuble ainsi que pour les travaux de déblai et de remblai ». Dans le prédit arrêté, le bourgmestre a encore constaté qu’il y aurait « péril en la demeure » du fait que les travaux « non autorisés » auraient été commencés à la date du 20 août 2001 et que partant, il y aurait lieu de les faire cesser avec effet immédiat.

Il ressort d’un procès-verbal de constat établi en date des 21 et 30 août 2001 par l’huissier de justice Alex MERTZIG, à la requête de l’administration communale d’Ermsdorf, que lors d’une visite des lieux en date du 21 août 2001 à 16.30 heures, il a pu constater que sur les terrains inscrits au cadastre sous les numéros 398/128 et 393/202, sur « une surface de +/- 20 x 10 m, des arbres et arbustes ont été abattus », qu’« à cet endroit le terrain a été remblayé par de la terre et des pierres » et que « des travaux d’aménagement d’un chemin d’une longueur de +/- 60 m ont été commencés ». Audit constat ont été annexées, pour en faire partie intégrante, des photos prises à l’occasion du prédit constat et témoignant de l’état des lieux à ce moment.

Il ressort encore d’un procès verbal établi par un chef-brigadier forestier, officier de police judiciaire, de l’administration des Eaux et Forêts en date du 23 août 2001 qu’en date dudit jour, Monsieur Robert …, en sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. a commis une violation de la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, en ce qu’il a abattu sur la parcelle portant le numéro cadastral 393/202, 114 m2 d’arbustes en vue de l’aménagement du prédit centre régional de gestion de déchets inertes, en violation de la condition numéro 3 incluse dans une autorisation du ministre de l’Environnement du 16 juillet 2001, interdisant tous travaux d’abattage de la végétation entre le 1er octobre et le 28 février. Le prédit procès -verbal mentionne encore que lesdits travaux ont été arrêtés par l’administration des Eaux et Forêts en date du 21 août 2001.

Il ressort enfin dudit procès-verbal que Monsieur … a été interrogé en date du 29 août 2001 sur les faits se trouvant à la base du prédit procès-verbal, et que sans nier avoir fait abattre des arbustes, en vue de préparer un accès au chantier, il a déclaré avoir agi sans « mauvaise intention » (schlechte Absichten).

Les mêmes constats que ceux effectués par le prédit huissier de justice Alex MERTZIG ont également été effectués par un officier de police judiciaire du service régional de police spéciale Diekirch, tel que cela ressort de son procès-verbal du 21 août 2001, relatant que lors d’un transport sur les lieux en date du 21 août 2001 à 16.30 heures, il a pu être constaté que les travaux suivants avaient été effectués sur les prédits terrains : « Eine Schneise zwecks Anlegen einer Einfahrt wurde geschlagen, Muttererde wurde bewegt und mit Erde und Steinen aufgefüllt ». Interrogé sur les faits, Monsieur … a déclaré au prédit officier de police judiciaire, en date du 27 août 2001, qu’il serait en possession de toutes les autorisations légalement requises et qu’il n’aurait pas connaissance du fait qu’il devrait également solliciter un permis de construire de la part du bourgmestre de la commune d’Ermsdorf, au motif que les prédits terrains seraient situés en zone verte, partant à l’extérieur du périmètre d’agglomération.

Par courrier du 22 août 2001 adressé au bourgmestre de la commune d’Ermsdorf, le mandataire de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., à la réception du prédit arrêté de fermeture de chantier du 22 août 2001, et « sans aucune espèce de reconnaissance préjudiciable et uniquement pour le cas où par impossible une autorisation était requise de sa part », sollicita « l’autorisation de remblayer et de terrasser pour autant que de besoin le terrain afin de permettre l’accès aux camions et machines sur les fonds litigieux ».

Par courrier du 24 août 2001, le mandataire de l’administration communale d’Ermsdorf répliqua en rappelant qu’«une autorisation de bâtir est requise pour toute nouvelle construction, pour toute démolition, pour tout changement d’utilisation d’immeuble, pour tous les agrandissements, exhaussements et transformations des constructions existantes, de même que pour toutes autres modifications apportées aux murs extérieurs, éléments porteurs et toitures ou à l’affectation des locaux, pour l’installation d’auvents et de marquises en bordure des voies et places publiques, pour l’établissement et la modification de clôtures de toute nature le long des voies publiques, pour la construction de puits, citernes à eau, silos à eau, silos à fourrage, fosse à fumier et à purin, pour les travaux de déblai et de remblai et la construction des murs de soutènement ainsi que pour l’aménagement de rues ou trottoirs privés » et en l’informant que « la mise en place de la décharge pour déchets inertes est une opération technique complexe qui comporte des nouvelles constructions, des changements d’utilisation des fonds concernés, des travaux de déblai et de remblai sur une grande échelle, sans préjudice d’autres travaux à préciser par les techniciens », de sorte que « la procédure pour l’octroi des autorisations de bâtir lui est applicable ».

A la suite du prédit courrier, le bureau d’ingénieurs-conseils B. introduisit, en date du 30 août 2001, auprès de l’administration communale d’Ermsdorf, au nom et pour compte de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., une demande en vue de l’obtention d’un permis de construire concernant l’aménagement du centre de gestion de déchets inertes sur les parcelles précitées inscrites sous les numéros cadastraux 393/202, 398/128, 402 (partie) et 405.

Il ressort encore d’un courrier du mandataire de la commune d’Ermsdorf, ainsi que d’une lettre du bourgmestre de la commune d’Ermsdorf adressée au bureau d’ingénieurs précité, qu’à la date du 23 novembre 2001, la société à responsabilité limitée … s.à r.l., n’avait pas encore introduit un « dossier complet comprenant toutes les pièces prévues au règlement sur les bâtisses », de sorte que le bourgmestre aurait été dans l’impossibilité de prendre une décision.

Par courrier du 18 décembre 2001 à l’adresse du prédit bureau d’ingénieurs, le bourgmestre rappela encore une fois que le dossier lui remis en vue de l’émission d’un permis de construire n’était toujours pas complété, tel que sollicité dans la lettre précitée du 23 novembre 2001, entraînant qu’il n’était pas en mesure de prendre une décision afférente, sans violer les dispositions de l’article 79 du règlement sur les bâtisses de la commune d’Ermsdorf, énumérant les différents documents et pièces devant figurer à l’appui de la demande.

Par requête déposée le 29 août 2001, la société à responsabilité limitée … s.à r.l. a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du bourgmestre de la commune d’Ermsdorf prise en date du 22 août 2001.

Par une requête en intervention volontaire déposée au greffe du tribunal administratif le 4 février 2002, l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV FIR D’GEMENG IERMSDREF, NATIERLICH a.s.b.l., l’association sans but lucratif MOUVEMENT ECOLOGIQUE, … ont déclaré intervenir dans le litige précité introduit par la requête précitée de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., inscrite sous le numéro 13933 du rôle.

Etant donné que la loi ne prévoit aucun recours de pleine juridiction en matière de permis de construire et de fermeture de chantier, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision litigieuse du 22 août 2001.

Le recours en annulation introduit par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., en sa qualité de destinataire direct de la décision litigieuse, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

En ce qui concerne la recevabilité de la requête en intervention volontaire, tant la société à responsabilité limitée … s.à r.l. que l’administration communale d’Ermsdorf se rapportent à la sagesse du tribunal quant à sa recevabilité et plus particulièrement quant à sa recevabilité du point de vue de l’intérêt à agir des requérants y indiqués.

Comme un libellé pareil équivaut à une contestation de la recevabilité de la requête en intervention volontaire, il appartient au tribunal d’analyser la forme de ladite requête, le respect du délai dans lequel elle a été introduite ainsi que l’intérêt à agir des tiers intervenants.

L’intérêt à agir conditionne la recevabilité d’un recours administratif. Il doit être personnel et direct, né et actuel, effectif et légitime.

Quant aux tiers-intervenants sub.1) et 2) énumérés dans la requête introductive d’instance, à savoir l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV FIR D’GEMENG IERMSDREF, NATIERLICH a.s.b.l. et l’association sans but lucratif MOUVEMENT ECOLOGIQUE, il convient de rappeler que les groupements régulièrement constitués sous forme d’associations sans but lucratif, qui entendent demander en justice la réparation de l’atteinte aux intérêts collectifs qu’ils défendent, sont admis à agir du moment que l’action collective est dictée par un intérêt corporatif caractérisé et que ces actions collectives ont pour objet de profiter à l’ensemble des associés. En revanche, dès lors que l’intérêt collectif en défense duquel les associations prétendent agir, même en conformité avec leur objet social, se confond avec l’intérêt général de la collectivité, le droit d’agir leur est en principe refusé, étant donné que par leur action, elles empiètent sur les attributions des autorités étatiques, administratives et répressives, auxquelles est réservée la défense de l’intérêt général.

Par ailleurs, il est vrai que le législateur a été amené à intervenir dans certains domaines déterminés pour reconnaître à certains groupements la faculté de se constituer partie civile devant les juridictions répressives pour des faits incriminés par la loi pénale et qui portent un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’ils ont pour objet de défendre, et cela même s’ils ne justifient pas de l’intérêt matériel et si l’intérêt collectif défendu se couvre avec l’intérêt social assuré par le ministère public. Certaines dispositions légales confèrent par ailleurs à des groupements déterminés le droit d’agir dans un but d’intérêt général devant les juridictions civiles et administratives.

Concernant le droit d’action devant les juridictions administratives, l’article 7, alinéa 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif reconnaît aux associations d’importance nationale et légalement agréées le droit d’exercer un recours contre les actes administratifs à caractère réglementaire. En revanche, restent exclues de l’intervention législative en faveur d’une reconnaissance des actions dirigées par des associations contre des décisions à caractère individuel. A défaut de la preuve d’une lésion d’un droit à caractère individuel ou corporatif dérivant directement de l’acte litigieux et distinct de l’intérêt général de la collectivité, de telles actions ne sont pas admissibles à l’heure actuelle.

Il est vrai que ceci aboutit à exclure pratiquement tout droit d’action des associations en matière d’autorisations administratives illégales, et cela même à l’égard des associations autorisées par la loi à se constituer partie civile ou à agir contre des actes à portée réglementaire.

Par ailleurs, à l'heure actuelle du moins, la position du législateur est non équivoque à cet égard en ce qu’il vient de témoigner une fois de plus, récemment, de son intention de ne pas vouloir pour l'instant reconnaître aux associations un droit d'action généralisé pour la défense de l'intérêt général, la reconnaissance d'un tel droit constituant par ailleurs un certain abandon, de la part de l'Etat, à sa prétention à représenter et à défendre de manière suffisamment efficace l'intérêt général. On peut relever à cet effet la position adoptée par la commission de l'environnement et de l'aménagement du territoire de la chambre des députés adoptée le 22 avril 1999 à l'occasion de l'élaboration de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés. Après avoir relevé, en effet, que la nouvelle loi reconnaîtra désormais aux associations agréées ayant pour objet social la protection de l'environnement le droit de se constituer partie civile dans les instances pénales et d'agir, devant les juridictions administratives, contre les actes à caractère réglementaire, la commission relève que « s'agissant des recours dirigés contre les décisions administratives à caractère individuel, la problématique reste exactement la même après la loi de 1996 [qui a introduit le droit d'agir contre les actes administratifs à caractère réglementaire] qu’avant. Ainsi, les plaintes des associations de protection de l'environnement risquent de rester irrecevables à l'encontre de décisions administratives individuelles, à moins que la jurisprudence des nouvelles juridictions administratives ne s'écarte de celle de l'ancien Comité du Contentieux du Conseil d'Etat. – Il ne faut pas se leurrer. Par les dispositions retenues actuellement dans la loi il sera possible d'exercer des recours contre les règlements grand-ducaux d'exécution de la loi, ce qui n'a qu'une portée minime. Ce qui importerait ici, ce serait de pouvoir exercer un recours contre les autorisations d'exploitation individuelles délivrées par le Ministre de l'Environnement. Le ministre y fut favorable un certain moment, tout comme le président/rapporteur de la Commission et plusieurs membres. Mais il n'y avait pas de majorité politique pour faire ce pas supplémentaire. – Gageons que ce n'est que partie remise et que dans quelques années on ajoutera une telle disposition même si on pourra en limiter la portée, par exemple en limitant cette forme de recours aux seuls établissements de la classe I. » (doc. parl. n° 3837A5, p. 12).

Il en découle qu'encore que le législateur en ait eu la possibilité et l'ait envisagé, il s'est délibérément refusé, à défaut d’accord politique afférent, à accorder aux associations le droit d'agir contre les autorisations individuelles pour la défense de l'intérêt général.

Il se dégage des considérations qui précèdent qu’étant donné que la requête en intervention volontaire dont le tribunal est actuellement saisi dans le cadre de l’instance sous analyse, de la part de l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV FIR D’GEMENG IERMSDREF, NATIERLICH a.s.b.l. et de l’association sans but lucratif MOUVEMENT ECOLOGIQUE est dirigée contre une décision individuelle et en ce qu’elle est basée sur des considérations d’intérêt général, il y a lieu de déclarer la requête en intervention irrecevable pour défaut d’intérêt à agir en tant qu’elle a été introduite par ces deux groupements, d’autant plus qu’ils restent en défaut d’alléguer et d’établir un intérêt individuel.

En ce qui concerne la requête en intervention volontaire introduite par les tiers-

intervenants sub. 3) à 28), il importe de rappeler que, d’une part, un tiers-intervenant doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général, d’autre part, concernant le caractère direct de l’intérêt à agir, pour qu’un demandeur puisse être reçu à agir contre un acte administratif à caractère individuel conférant ou reconnaissant des droits à un tiers, il ne suffit pas qu’il fasse état d’une affectation de sa situation, mais il doit établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre la décision querellée et sa situation personnelle et, de troisième part, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire un caractère suffisamment certain, de l’intérêt invoqué implique qu’un intérêt simplement éventuel ne suffit pas pour que la requête en intervention volontaire introduite dans le cadre d’un litige dirigé contre un acte individuel soit déclarée recevable.

Il convient encore de relever que le juge est appelé à examiner si l’intérêt que le tiers-

intervenant met en exergue pour justifier son action en justice lui confère une qualité suffisante pour ce faire.

Le juge ne doit - ni ne peut - s’intéresser à un quelconque autre intérêt qu’on pourrait le cas échéant reconnaître aux tiers-intervenants.

Or, les tiers-intervenants, personnes physiques sub. 3) à 28) de la requête en intervention volontaire entendent justifier leur qualité pour agir en justice en soutenant respectivement qu’ils habitent à proximité du site litigieux sur lequel est projeté le centre de gestion de déchets inertes ou qu’ils sont propriétaires de terrains se situant dans les environs immédiats de celui-ci.

Les tiers-intervenants exposent dans ce contexte qu’ils seraient tous respectivement des habitants ou des propriétaires d’immeubles situés dans les villages d’Ermsdorf, de Stegen, de Folkendange et d’Eppeldorf et que certains d’entre eux seraient cultivateurs et posséderaient en cette qualité des propriétés agricoles situées dans les environs immédiats du site litigieux. Ainsi, Madame …, serait propriétaire d’un bois d’environ 7 ha immédiatement adjacent à la décharge projetée et les époux … et Monsieur … seraient propriétaires de plusieurs parcelles agricoles qui seraient contiguës à la décharge, lesquelles seraient utilisées en vue du pâturage de vaches à lait ainsi que pour le fauchage en vue de l’ensilage, ces dernières parties estimant que l’exploitation d’une décharge de matières inertes dans les environs immédiats de leurs parcelles agricoles aurait nécessairement des répercussions négatives sur la qualité de l’herbe destinée à l’ensilage ainsi que sur la production du lait.

Par ailleurs, en ce qui concerne les tiers-intervenants domiciliés à Ermsdorf, à Stegen et à Eppeldorf, il y aurait lieu de tenir compte non seulement des nuisances causées par les émissions de bruit et de poussières émanant de l’exploitation de la décharge projetée, mais également d’un accroissement significatif du trafic de poids lourds transportant les matières inertes pour être déposées sur le site litigieux. A ce titre, ils estiment qu’il faudrait compter avec un passage quotidien d’environ 50 camions qui traverseraient les agglomérations précitées afin d’accéder au site litigieux pour y déposer environ 500 m3 de déchets inertes par jour.

D’une manière générale, les tiers-intervenants estiment qu’ils ont intérêt à agir contre la décision litigieuse en vue de la sauvegarde de l’environnement naturel dans la commune dans laquelle ils habitent.

Enfin, les tiers-intervenants entendent justifier leur intérêt à agir par la situation juridique créée par l’ordonnance présidentielle du 13 septembre 2001, par laquelle ont été déclarées irrecevables deux requêtes en obtention d’un sursis à exécution introduites par eux à l’encontre des décisions ministérielles rendues en matière de protection de la nature et d’établissements classés, par lesquelles l’aménagement et l’exploitation du centre de gestion de déchets inertes ont été autorisés par respectivement le ministre de l’Environnement et le ministre du Travail et de l’Emploi, au motif que le bourgmestre de la commune d’Ermsdorf avait pris l’arrêté de fermeture de chantier sous analyse du 22 août 2001, de sorte que le sursis à exécution des prédites autorisations n’était plus requis pour éviter l’avancement des travaux d’aménagement, étant donné qu’au cas où le présent recours serait déclaré justifié au fond, entraînant l’annulation de l’arrêté de fermeture de chantier, la société à responsabilité limitée … s.à r.l. pourrait être amenée à entamer « immédiatement » l’aménagement et l’exploitation de ladite décharge, ce qui leur causerait préjudice, nonobstant les recours introduits par leurs soins, dirigés contre les décisions rendues par le ministre de l’Environnement et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’établissements classés, de protection de la nature et de prévention et de gestion des déchets.

La jurisprudence administrative retient que les voisins directs par rapport à un établissement projeté peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet. Ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière de permis de construire, du moins dans la mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé (v. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas.

adm. 2001, V° Procédure contentieuse, I. Intérêt à agir, n° 19, page 353 et autres références y citées).

Il se dégage de ces décisions qu’en matière de recours introduits par les propriétaires ou habitants d’immeubles situés dans les environs d’une exploitation litigieuse, la condition d’un intérêt « direct » implique que la recevabilité d’un recours ou d’une requête en intervention volontaire dirigés contre une décision de fermeture d’un chantier relatif à l’aménagement d’un établissement classé est conditionnée par une proximité suffisante, laquelle doit être examinée au regard des circonstances du cas d’espèce. Il convient d’ajouter que la notion de « proximité suffisante » des propriétaires ou habitants par rapport à une installation insalubre ou incommode est, entre autres, fonction de l’envergure de l’installation en cause et de l’importance des nuisances ou risques de nuisances qui peuvent en émaner.

Concernant la proximité d’installation des tiers-intervenants sub. 3) à 28), il échet de relever qu’il se dégage des pièces et éléments du dossier ainsi que des informations soumises au tribunal par les parties à l’instance, de sorte que le tribunal est amené à les considérer comme données constantes en cause, que les tiers-intervenants sont installés, par ordre croissant de la distance existant entre leur lieu d’habitation et le site litigieux sur lequel est projetée la décharge de matières inertes, comme suit :

tiers-intervenants sub 3 et 4 :

0,80 km tiers-intervenants sub 5 et 6 :

0,90 km tiers-intervenants sub 10 et 14 :

1,54 km tiers-intervenants sub 7, 8, 9 et 13 :

1,60 km tiers-intervenants sub 16, 17, 18, 21, 22 et 28 :

1,84 km tiers-intervenants sub 19 et 20 :

1,90 km tiers-intervenants sub 23, 24, 25 et 26 :

2,10 km tiers-intervenant sub 27 :

2,14 km tiers-intervenant sub 15 :

2,16 km tiers-intervenants sub 11 et 12 :

3,70 km Or, force est de constater que les distances situées entre 0,8 et 3,7 km du site appelé à héberger l’installation litigieuse, qui certes est d’une envergure considérable, ne suffisent pas pour justifier de l’existence d’une cause de danger ou d’inconvénients pour la sécurité, la salubrité ou la commodité des tiers-intervenants, suffisamment caractérisée pouvant être constitutive d’un intérêt personnel, distinct de l’intérêt général, en rapport avec l’aménagement d’un centre de gestion de déchets inertes et plus particulièrement avec une décision de fermeture du chantier ayant pour objet l’aménagement dudit centre. Dans ce contexte, il échet tout d’abord de relever qu’il n’est pas contesté par les tiers-intervenants et il ne ressort par ailleurs pas des pièces et éléments du dossier, que ceux-ci aient une vue directe sur le site litigieux. Par ailleurs, il ne ressort ni de l’étude de l’Oeko-Institut Darmstadt établie en date du 13 décembre 2000 à la demande de la commune d’Ermsdorf ni des développements soumis au tribunal par les tiers-intervenants, que ceux-ci risquent un quelconque inconvénient du fait de l’installation et de l’exploitation du centre de déchets litigieux aux lieux de leurs habitations respectives. A ce titre, il y a encore lieu de relever que les risques allégués d’une manière très générale et sommaire de la part des tiers - intervenants sont somme toute relativement hypothétiques eu égard non seulement aux types de matières inertes dont le dépôt a été autorisé sur le site litigieux, composées exclusivement de déchets de démolition inertes (sans déchets de chantier) non contaminés et de terres et roches déblayées, non contaminées, mais également aux conditions et mesures de précaution y afférentes contenues dans les autorisations d’exploitation ministérielles émises en matière de protection de la nature, d’établissements classés et de prévention et de gestion de déchets, ces éléments de précaution n’ayant pas été utilement mis en doute par les documents produits par les tiers-intervenants, en ce qui concerne plus particulièrement les préjudices qu’ils seraient susceptibles d’encourir aux lieux de leurs habitations respectives. Il y a encore lieu de relever qu’il est constant en cause, au vu des développements écrits et oraux soumis au tribunal notamment au cours des plaidoiries, qu’aucun camion transportant des déchets à déposer sur le site litigieux ne traversera les agglomérations de Folkendange, d’Ermsdorf, de Stegen et d’Eppeldorf, de sorte que les tiers-intervenants n’ont pas à craindre une augmentation de la circulation aux lieux de leurs habitations respectives.

Les cas de Madame …, des époux … et de Monsieur …, en leur qualité de propriétaires respectivement de bois et de parcelles agricoles dans les environs immédiats du site litigieux étant à analyser encore à ce titre dans la mesure où ils font valoir un intérêt à agir allant au-delà de leur simple qualité d’habitants des agglomérations environnantes du site d’implantation du centre de gestion de déchets inertes et comme un tel intérêt supplémentaire n’a pas été invoqué par les autres parties à l’instance, il y a d’ores et déjà lieu de déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt à agir contre la décision litigieuse la requête en intervention volontaire déposée dans le cadre du présent recours, dans la mesure où elle a été introduite par les tiers-intervenants sub. 3 à 15, sub 17 et sub 21 à 28.

En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties à l’instance et il ressort d’ailleurs des pièces des dossiers soumis au tribunal administratif que Monsieur … est propriétaire de parcelles agricoles, inscrites sous les numéros cadastraux 871/301, 894/1369, 900/1553, 327/1931 et 327/2014 de la section A de Stegen, respectivement de la section C d’Ermsdorf, aux lieux-dits « auf Spirberich », « auf Hierchenbach » « beim Stracksmoor » et « Bruecherbuesch » de superficies entre 0,326 ha et 14,9375 ha, situées respectivement soit de manière adjacente au site litigieux soit à une distance maximum de 200 m de celui-ci, que Madame … est propriétaire d’un bois d’une superficie de 7,6770 ha, inscrit sous le numéro cadastral 327/2015 de la section C d’Ermsdorf, situé à environ 75 m du site litigieux, et que les époux … sont propriétaires de parcelles agricoles inscrites sous les numéros 476/1149, 872/22, 873, 874, 883, 884, 886, 887, 888, 889/1153, 890/1154, 891 et 892 de la section A de Stegen, aux lieux-dits « im Kohlenberg », « Hasenlaerchen », « auf Spirberich », « in Hierchenbach », auf Hierchenbach », de superficies variant entre 0,18180 ha et 2,2490 ha, situées à une distance entre 0 et 340 m du site litigieux.

S’il est vrai que la seule qualité de propriétaire d’une parcelle contiguë ou se trouvant dans les environs immédiats par rapport à celle faisant l’objet de la décision déférée n’est pas suffisante en tant que telle pour générer à elle seule l’intérêt à agir, il y a néanmoins lieu de retenir en l’espèce à travers la nature et l’importance de l’établissement projeté, que les tiers-

intervenants énumérés sub 16, 18, 19 et 20 peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet. L’intérêt à agir se trouve être justifié à suffisance de droit dans le chef de Monsieur …, de Madame … et des époux … au vu des situations respectives des parcelles ci-avant énumérées qui leur appartiennent respectivement, et sans qu’il y ait lieu de prendre en considération celles louées par les époux ….

Ils ont en effet intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, dans la mesure du moins où la non-observation éventuelle de ces règles est de nature à leur causer un préjudice nettement individualisé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requête en intervention volontaire introduite dans le cadre de la présente instance est à déclarer irrecevable pour autant qu’elle a été introduite par l’association sans but lucratif BIERGERINITIATIV FIR D’GEMENG IERMSDREF, NATIERLICH a.s.b.l., l’association sans but lucratif MOUVEMENT ECOLOGIQUE, ….

La demanderesse reproche tout d’abord au bourgmestre de ne pas avoir fait application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, dans la mesure où il ne l’aurait pas informée de son intention de prendre une décision à son encontre et en dehors de son initiative. Dans ce contexte, elle estime qu’en l’espèce il n’y aurait eu aucun péril en la demeure qui aurait pu justifier l’absence de sa consultation par le bourgmestre, au motif qu’il n’y aurait eu aucune situation « où l’on court de grands risques ».

L’article 9, alinéa 1er du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 dispose ce qui suit : « Sauf s’il y a péril en la demeure, l’autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d’une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l’amènent à agir ».

C’est à bon droit que le mandataire de l’administration communale d’Ermsdorf constate qu’un arrêté de fermeture d’un chantier est, par définition, pris à la seule initiative du bourgmestre et qu’il n’a pas pour objet de révoquer ou de modifier d’office un permis de construire antérieurement délivré.

C’est toutefois à tort que le même mandataire entend résister à l’argumentation développée par la demanderesse en soutenant que l’observation des formalités prévues par le prédit article 9 ne s’imposerait pas en l’espèce, du fait que cet arrêté de fermeture de chantier ne constituerait pas une décision de nature à entraîner un bouleversement de la situation juridique de la demanderesse dont elle ne lèserait aucun intérêt légalement protégé, étant entendu qu’en décidant de fermer un chantier « non autorisé », le bourgmestre ne ferait que rappeler à l’administré l’interdiction réglementaire de travaux non couverts par les autorisations administratives requises. En effet, il échet de constater à la lecture de la disposition réglementaire précitée que celle-ci fait référence à « une décision à prendre en dehors d’une initiative de la partie concernée », sans que la disposition réglementaire procède à la distinction telle qu’envisagée par la commune d’Ermsdorf. Au contraire, cette disposition vise toutes les décisions prises en dehors de l’initiative de la partie concernée, peu importe si elles sont susceptibles d’avoir une influence sur la situation juridique de l’administré en question ou si elles sont susceptibles de léser un intérêt légalement protégé (v. en sens contraire : CE 25 janvier 1994, n° 8958 du rôle).

Il s’ensuit que l’article 9 est également applicable en matière d’arrêté de fermeture de chantier.

Il est vrai toutefois que le bourgmestre est dispensé de l’accomplissement de la formalité telle que prévue par l’article 9 précité, au cas où il y a « péril en la demeure », condition qui est manifestement remplie en l’espèce, au vu de l’abattage d’arbres sur le site litigieux et des travaux accomplis en vue de la mise en place d’un chemin d’accès et surtout de caractère irréversible attaché notamment à la destruction de ces arbres, ce qui a pu amener le bourgmestre à recourir à la procédure de la fermeture de chantier, en estimant notamment que les travaux en cours ne bénéficient pas des autorisations légalement requises, et de faire cesser immédiatement lesdits travaux, afin d’éviter une aggravation de la situation illégale du fait de l’avancement des travaux, ce degré de l’urgence constituant le « péril en la demeure », tel que visé à l’article 9 alinéa 1er précité.

Il suit des développements qui précèdent qu’au vu du fait que la condition du « péril en la demeure » est remplie en l’espèce, le bourgmestre n’était pas obligé de respecter la procédure de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 et le moyen afférent est partant à déclarer non fondé.

Concernant la justification au fond de l’arrêté de fermeture de chantier litigieux, la demanderesse estime qu’elle serait en possession de toutes les autorisations légalement requises, émises en matière de protection de la nature, d’établissements classés et de prévention et de gestion des déchets, qui « s’occuperaient exhaustivement des travaux de remblayage et de terrassement en les soumettant à des conditions rigoureuses » et qu’il n’appartiendrait pas au bourgmestre d’invoquer, sur base de l’article 37 du règlement des bâtisses, qui se trouverait à la base de la décision sous analyse d’après la demanderesse, « un aspect de prétendue esthétique du paysage à préserver ».

C’est tout d’abord à bon droit que la commune d’Ermsdorf relève que les fonds sur lesquels est projeté l’aménagement du centre de gestion de déchets inertes sont situés à l’extérieur du périmètre d’agglomération de la commune d’Ermsdorf et qu’en ce qui concerne la zone située à l’extérieur du périmètre d’agglomération, le bourgmestre ainsi que le ministre ayant dans ses attributions respectivement l’administration des Eaux et Forêts et l’administration de l’Environnement ont des compétences concurrentes, chacune de ces autorités administratives agissant dans la sphère de sa compétence propre et en application de ses lois et règlements spécifiques, de sorte qu’elles doivent tirer autorité des normes et conditions qui relèvent de leur sphère de compétences respectives (trib. adm. 24 juin 1998, n° 10381 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Environnement, I. Constructions en zone verte, n° 5, p.

101 et autres références y citées).

Il échet de relever par ailleurs qu’il est constant en cause, pour ressortir tant du procès verbal de constat de l’huissier de justice Alex MERTZIG précité des 21 et 30 août 2001, que du procès-verbal de l’administration des Eaux et Forêts précité du 23 août 2001, ainsi que du procès-verbal de la police grand-ducale, direction de la circonscription régionale Diekirch, service régional de polices spéciales du 21 août 2001, et pour ne pas avoir été contesté par la demanderesse, que les travaux prétendument non autorisés sur lesquels le bourgmestre s’est fondé pour prendre son arrêté précité comportaient, d’une part, l’abattage d’arbres et d’arbustes, le long du CR 356, sur une surface de +/- 20 x 10 m, d’autre part, le remblai du terrain par de la terre et des pierres et, de troisième part, des travaux d’aménagement d’un chemin d’une longueur de +/- 60 m.

D’ailleurs, ces mêmes faits ont fait l’objet d’un aveu de la part de Monsieur Robert …, en sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., lors de son interrogatoire par la police grand-ducale en date du 27 août 2001, avec la remarque toutefois qu’il estimait ne pas avoir à solliciter une autorisation de construire pour les travaux en question, sur recommandation de son bureau d’ingénieurs.

C’est par ailleurs à bon droit que la commune d’Ermsdorf se réfère à l’article 76 du règlement communal sur les bâtisses, qui dispose qu’une autorisation de bâtir est requise :

« 1. pour toute nouvelle construction ;

2. pour toute démolition ;

3. pour tout changement d’utilisation d’immeuble ;

4. pour tous les agrandissements, exhaussements et transformations de constructions existantes de même que pour toutes autres modifications apportées aux murs extérieurs, éléments porteurs et toitures, ou à l’affectation des locaux ;

5. pour l’installation d’auvents et de marquises en bordure des voies et places publiques ;

6. pour l’établissement et la modification de clôtures de toute nature le long des voies publiques ;

7. pour la construction de puits, citernes à eau, silos à eau, silos à fourrage, fosses à fumier et à purin ;

8. pour les travaux de déblai et de remblai et la construction de murs de soutènement ;

9. pour l’aménagement de rues ou trottoirs privés ».

En effet, dans la mesure où les travaux sur lesquels le bourgmestre s’est fondé pour ordonner la fermeture de chantier constituent, d’une part, des travaux de remblai et, d’autre part, des travaux de construction en vue de l’aménagement d’un chemin d’accès sur le site sur lequel sera implanté le centre de gestion de déchets inertes litigieux, ledit article 76 leur est applicable. Dans ce contexte, c’est à tort que la demanderesse soutient que l’aménagement d’un chemin carrossable sur le site litigieux ne serait pas visé par le point 9 de l’article 76 précité, alors que la notion de « rue » y visée doit être prise au sens générique du terme en question, comprenant non seulement les voies carrossables accessibles au public mais également toutes autres voies carrossables y compris celles se trouvant sur des terrains privés, comme celle en l’espèce qualifiée de « voie d’accès » au chantier. En effet, les auteurs du règlement sur les bâtisses n’ont pas pu envisager de retenir le terme de « rue » au sens étroit, défini comme étant une « voie bordée, au moins en partie, de maisons, dans une agglomération » (Le Petit Robert, dictionnaire de la langue française, édition 1995), étant donné qu’une telle conception restrictive de ce terme exclurait notamment toutes les routes situées à l’extérieur des agglomérations, ainsi que les chemins vicinaux ou forestiers, ce qui aurait pour conséquence que la disposition en question se verrait de ce fait enlever une grande partie de son champ d’application, ce qui n’a manifestement pas pu correspondre à la volonté des prédits auteurs.

Il suit des considérations qui précèdent qu’en ce qui concerne le remblai ainsi que l’aménagement d’une voie carrossable, intitulée « chemin d’accès au chantier », la demanderesse a dû solliciter la délivrance d’un permis de construire par le bourgmestre de la commune d’Ermsdorf avant le commencement des travaux afférents. Il est à relever à ce stade que le tribunal n’a pas à prendre position par rapport à d’autres travaux et aménagements à effectuer dans le futur par la demanderesse en vue de l’installation du centre de gestion de déchets litigieux, sur lesquels les parties à l’instance ont pris position de manière prématurée, alors qu’il appartient au tribunal d’analyser exclusivement si, au moment où le bourgmestre a pris son arrêté litigieux, celui-ci était justifié par des faits qui étaient constants à la date de la signature dudit arrêté sans qu’à ce stade, il n’avait à prendre en compte d’éventuels futurs aménagements ou constructions à faire sur le site litigieux.

Il est par ailleurs constant, pour ressortir des pièces et éléments du dossier ainsi que des déclarations faites par Monsieur … lui-même en sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. qu’au moment où les travaux et aménagements avaient été effectués, à savoir en date des 20 et 21 août 2001, la prédite société n’était pas en possession d’un permis de construire. Or, il s’avère qu’en vertu de l’article 76 précité du règlement sur les bâtisses de la commune d’Ermsdorf, la demanderesse aurait dû solliciter un tel permis avant d’entamer les prédits aménagements et travaux, indépendamment des autorisations dont elle devait disposer en vertu d’autres réglementations applicables le cas échéant à l’aménagement et à l’installation d’un centre de gestion de déchets inertes à l’extérieur du périmètre d’agglomération de la commune d’Ermsdorf.

Cette conclusion n’est d’ailleurs pas énervée par l’argumentation de la demanderesse basée sur l’article 37 du règlement des bâtisses de la commune d’Ermsdorf, auquel le bourgmestre de ladite commune ne s’est d’ailleurs pas référé dans son arrêté litigieux, qui, sans remettre en cause le principe que pour les travaux de déblai et de remblai une autorisation est requise, mais, au contraire, en confirmant expressément l’obligation de requérir une telle autorisation, prévoit simplement des situations dans lesquelles une telle autorisation peut valablement être refusée par le bourgmestre. Il est par ailleurs inexact que le bourgmestre se soit référé à des considérations tirées de l’esthétique du paysage à préserver, tel qu’allégué par la demanderesse, étant donné qu’il ne ressort ni de l’arrêté litigieux ni d’un quelconque autre élément du dossier que le bourgmestre ait tenu compte, en prenant la mesure actuellement critiquée, du paysage, de la configuration du terrain ou d’autres aspects liés à l’esthétique.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision attaquée se trouve justifiée par le fait qu’au moment où elle a été prise, la demanderesse ne disposait pas du permis de construire légalement requis en vue d’effectuer les travaux de remblai et d’aménagement d’un chemin carrossable et que nonobstant cette absence d’autorisation, ces travaux avaient été entrepris depuis deux jours précédant la prise de l’arrêté de fermeture du chantier litigieux. Le recours n’est partant pas fondé, de sorte qu’il y a lieu de le rejeter.

Il n’y a par ailleurs pas lieu de faire droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 75.000.- francs, telle que formulée dans la requête introductive d’instance, réévaluée à 3.098,66 € dans le dispositif du mémoire en réponse déposé à la suite du dépôt de la requête en intervention volontaire, erronément formulée sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, qui se trouve être en réalité basée sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies en l’espèce en considération de l’issue du présent litige.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

déclare irrecevable la requête en intervention volontaire, dans la mesure où elle a été introduite par les associations sans but lucratif BIERGERINITIATIV FIR D’GEMENG IERMSDREF, NATIERLICH a.s.b.l. et MOUVEMENT ECOLOGIQUE ainsi que par … ;

la déclare recevable pour le surplus ;

déclare le recours en annulation non fondé, partant en déboute ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse aux frais, les frais liés à la requête en intervention volontaire restant à charge des tiers-intervenants.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 19 septembre 2002 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 15


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13933
Date de la décision : 19/09/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-09-19;13933 ?

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