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10/07/2002 | LUXEMBOURG | N°14598

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 juillet 2002, 14598


Tribunal administratif N° 14598 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 février 2002 Audience publique du 10 juillet 2002 Recours formé par la société anonyme … S.A., …, contre le règlement grand-ducal du 9 novembre 2001 instituant une prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel et à l’encouragement d’une agriculture respectueuse de l’environnement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14598 du rôle et déposée au greffe

du tribunal administratif en date du 22 février 2002 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour...

Tribunal administratif N° 14598 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 février 2002 Audience publique du 10 juillet 2002 Recours formé par la société anonyme … S.A., …, contre le règlement grand-ducal du 9 novembre 2001 instituant une prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel et à l’encouragement d’une agriculture respectueuse de l’environnement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14598 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 février 2002 par Maître Victor ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme de droit belge … S.A., établie et ayant son siège social à B-…, …, tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 9 novembre 2001 instituant une prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel et à l’encouragement d’une agriculture respectueuse de l’environnement ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 avril 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2002 par Maître Victor ELVINGER pour compte de la société … S.A. ;

Vu les pièces versées au dossier ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Hervé MICHEL, en remplacement de Maître Victor ELVINGER, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 juin 2002.

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Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 février 2002, la société anonyme de droit belge … S.A., ci-après désignée par « la société », a introduit un recours en annulation sur base de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif contre le règlement grand-ducal du 9 novembre 2001 instituant une prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel et à l’encouragement d’une agriculture respectueuse de l’environnement.

A l’appui de son recours la société expose avoir pour objet l’étude des possibilités de recyclage en agriculture de déchets provenant des secteurs industriels et publics, l’organisation du recyclage en agriculture au quotidien, soit l’évacuation, le transport et l’épandage du produit recyclé, ainsi que le suivi agronomique et environnemental des chantiers d’épandage, ce suivi s’accompagnant d’analyses, de contrôles, de la fourniture de conseils de fertilisation aux agriculteurs, ainsi que du traitement administratif du recyclage.

Elle signale plus particulièrement recycler les boues d’épuration des stations d’épuration de Beggen, de Pétange, d’Hespérange et de Mertzig et expose que ces boues font l’objet d’un traitement réalisé sur le site des stations, lequel aurait pour avantage, d’une part, de stériliser le produit (hygiénisation) et, d’autre part, d’augmenter la valeur agronomique des fertilisants déjà contenus dans les boues. Dans le cadre de ces activités, elle expose écouler pour le compte de la Ville de Luxembourg l’entièreté de la production de boues déshydratées, soit 7.000 à 7.500 tonnes de boues chaulées par an, l’écoulement des boues des autres stations représentant pour Pétange environ 1.000 tonnes par an, pour Hespérange environ 1.200 m3 par an et pour Mertzig environ 100 m3 par an, l’ensemble de ces boues étant épandu sur les cultures par ses propres soins. Elle signale que son chiffre d’affaires au Grand-Duché de Luxembourg se serait élevé pour l’année 2001 à 13.886.560.- Luf, soit à 11.652.773.- Luf pour Beggen, 1.439.720.- Luf pour Pétange, 719.083.- Luf pour Hesperange et 74.984.- Luf pour Mertzig. La société signale par ailleurs recycler et épandre les boues compostées de la société … à … et avoir tiré de cette activité pour l’année 2001 un chiffre d’affaires de 465.732.- Luf.

Dans la mesure où la société ne pourrait plus écouler, à partir de l’année culturale 2003/ 2004, des boues chaulées et compostées auprès d’exploitants agricoles qui auront choisi de bénéficier d’une prime annuelle conformément aux dispositions du règlement grand-ducal attaqué, elle estime justifier d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain à l’annulation dudit acte, étant donné que celui-ci aurait un impact déterminant sur elle.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt personnel et direct dans le chef de la demanderesse en faisant valoir que l’intérêt commercial ou le préjudice invoqué par la société serait indirect dans la mesure où il trouverait sa source immédiate non pas dans l’interdiction d’épandage prévue par le règlement grand-ducal du 9 novembre 2001, mais dans la volonté des agriculteurs, qui sont les uniques et véritables destinataires de la mesure d’aide, de s’engager dans le régime de prime institué par ce même règlement grand-ducal.

Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse fait valoir que par intérêt direct il faudrait comprendre un intérêt personnel et légitime pour agir, de sorte que dans la mesure où la plupart de ses clients luxembourgeois bénéficient déjà à l’heure actuelle de primes dans le cadre des règlements grand-ducaux en vigueur, qui sont abrogés par le règlement attaqué, elle pourrait légitimement craindre que les bénéficiaires de ces primes voudront toujours en bénéficier à l’avenir, quand bien même ils seraient obligés d’abandonner l’épandage de boues d’épuration sur leurs parcelles. Elle signale par ailleurs que la quarantaine d’agriculteurs luxembourgeois, pour lesquels elle a travaillé au cours de l’année 2000, auraient, à l’exception d’un seul, tous bénéficié de la prime et aurait déclaré avoir fait la demande pour bénéficier en 2002 de primes conformément au règlement attaqué. Dans ces conditions, le préjudice par elle allégué serait raisonnablement prévisible et son intérêt à obtenir l’annulation du règlement grand-ducal déféré serait à considérer comme suffisant pour justifier la recevabilité de sa demande.

Avant de procéder à l’examen de la recevabilité et du bien fondé du recours, le tribunal est amené à examiner en premier lieu la question de sa compétence pour connaître de l’acte déféré.

D’après l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée, le tribunal administratif est actuellement appelé à statuer « sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent ».

Le critère de distinction regroupant les actes administratifs à caractère réglementaire est à rechercher au-delà de leur seule nature réglementaire – ces actes formant un sous-

ensemble des normes réglementaires – et s’opère à la fois par rapport à la nature administrative de l’acte déféré et par rapport à l’existence d’un effet direct susceptible d’affecter les intérêts privés d’une ou de plusieurs personnes, sans nécessiter pour autant la prise d’un acte administratif individuel d’exécution, abstraction faite à ce stade de la question de l’intérêt à agir spécifique de la personne qui agit devant le tribunal, lequel ne s’apprécie qu’au niveau de la recevabilité du recours par elle introduit. La compétence du tribunal est ainsi vérifiée si l’acte administratif à caractère réglementaire déféré à un effet direct sur les intérêts privés, ne fût-ce que d’une personne, dont il affecte immédiatement la situation, sans nécessiter pour autant la prise d’un acte individuel d’exécution et sans que la personne ainsi affectée par l’acte déféré ne soit nécessairement demanderesse dans l’instance portée devant le tribunal et dirigée contre ledit acte sur base de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée (cf. trib. adm. 19 juin 2000, n° 10009 du rôle, confirmé par Cour adm. 21 décembre 2000, n° 12162C du rôle, Pas. adm. 2001, V° Actes réglementaires, n° 4, et autres décisions y citées, p.30).

Dans la mesure où le règlement grand-ducal déféré énonce au titre des conditions générales pour bénéficier d’une prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel et à l’encouragement d’une agriculture respectueuse de l’environnement, toute une série d’interdictions et de conditions directement applicables aux personnes qui entendent bénéficier de cette prime, et auxquelles ces personnes ne peuvent se soustraire sous peine d’enfreindre la loi, ledit règlement grand-ducal constitue un acte administratif à caractère réglementaire de nature à produire un effet direct sur les intérêts privés des bénéficiaires de la prime mise en place sans nécessiter pour autant la prise d’une décision administrative individuelle d’exécution.

Il s’ensuit que le tribunal administratif est compétent pour connaître du recours sous examen.

Quant à l’intérêt à agir de la société demanderesse mis en cause par le représentant étatique au motif que celle-ci ne ferait état que d’un intérêt commercial et non pas d’un préjudice direct, il y a lieu de relever d’abord que l’article 8 du règlement grand-ducal déféré énonce parmi les conditions générales à respecter sur l’ensemble de l’exploitation agricole par l’exploitant agricole pour bénéficier de la prime annuelle qu’« aucun épandage de boues d’épuration pures ou transformées notamment par compostage ne peut être effectué sur les pairies et pâturages permanents et temporaires, dans les vignobles et vignobles en pente raide ou en terrasse ainsi que sur les surfaces horticoles. A partir de l’année culturale 2003/2004, tout épandage de boues d’épuration pures ou transformées est interdit », de manière à exclure dans le chef des bénéficiaires de la prime instituée la possibilité d’épandre les boues d’épuration commercialisées par la société demanderesse.

S’il est certes vrai que les répercussions commerciales du règlement grand-ducal déféré sur la demanderesse ne sont qu’indirectes en ce sens que c’est uniquement dans l’hypothèse où les exploitants agricoles décident effectivement de demander le bénéfice de la prime litigieuse que la société en ressentira un impact commercial, force est cependant de constater qu’en l’espèce la perte commerciale alléguée n’est pas de nature purement hypothétique, mais se trouve concrètement prétracée à partir des explications fournies en cause.

Il se dégage en effet des affirmations non contestées en cause de la société demanderesse et confortées par des déclarations écrites afférentes versées au dossier, que la grande majorité des clients de la demanderesse au Luxembourg avaient d’ores et déjà présenté une demande en vue de bénéficier pour l’année 2002 des primes instituées par le règlement grand-ducal litigieux, de sorte qu’au regard de l’importance de l’impact financier actuellement prédéterminé, à défaut d’élément probable établi en cause tendant à accréditer l’éventualité d’un dédit de la part des agriculteurs concernés ou de grande partie d’entres eux, la demanderesse justifie d’un intérêt à agir suffisamment caractérisé au regard des exigences posées par la loi.

Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, la demanderesse soulève d’abord le moyen consistant à contester la légalité du règlement grand-ducal attaqué pour absence de respect des dispositions prévues à l’article 2 (1) de la loi du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d’Etat, en ce que, au mépris de ces dispositions, l’acte attaqué a été pris sans l’avis dudit Conseil, sur invocation de l’urgence.

Ce moyen est à analyser préalablement à toutes les autres contestations soumises au tribunal, alors qu’ayant trait à une des donnés fondamentales de la procédure d’élaboration de l’acte déféré, il conditionne son existence légale même, au-delà de question de pur fond.

L’article 2 (1) prémentionné prévoit qu’« aucun projet ni aucune proposition de loi ne sont présentés à la Chambre des Députés et, sauf le cas d’urgence à apprécier par le Grand-

Duc, aucun projet de règlement pris pour l’exécution des lois et des traités ne sont soumis au Grand-Duc qu’après que le Conseil d’Etat a été entendu en son avis. » Le délégué du Gouvernement rencontre ce moyen en faisant valoir que la procédure d’urgence invoquée au profit du règlement grand-ducal déféré trouverait sa justification, d’une part, dans le retard qu’avait pris la mise en vigueur de la loi du 24 juillet 2001 concernant le soutien au développement rural par rapport au délai d’exécution prévu par le règlement (CE) numéro 1257/99, à savoir le 1er janvier 2000, cette loi constituant un préalable au règlement attaqué, de sorte qu’il aurait importé de mettre en application ce règlement le plus rapidement possible pour des raison de mise en conformité de la législation par rapport au règlement communautaire, et, d’autre part, dans la nécessité de respecter le rythme des années culturales débutant et se terminant respectivement le 1er novembre et le 31 octobre, comme indiqué à l’article 35 du règlement grand-ducal déféré et qui, à cet effet, prévoit à titre exceptionnel une dérogation pour le délai des présentations des demandes.

Il signale en outre que les procédures de mise en vigueur d’un règlement grand-ducal prévoient la saisine et l’accord du Conseil du Gouvernement qui se prononce également sur le caractère urgent du projet et sur la demande d’avis des chambres professionnelles concernées et, finalement, la saisine du Conseil d’Etat, sauf le cas d’urgence. Il relève par ailleurs que le Gouvernement ne disposerait pas de moyen coercitif direct pour requérir l’avis d’une chambre professionnelle dans un délai déterminé, sachant qu’en l’espèce et eu égard à l’impact et à l’importance de la mesure envisagée, il aurait importé au Gouvernement de prendre connaissance de l’avis de la chambre d’agriculture.

Quant au fait relevé par la partie demanderesse que le règlement déféré aurait existé déjà en projet au moins deux jours avant la date de la promulgation de la loi du 24 juillet 2001 précitée, le représentant étatique estime que cette circonstance ne ferait que souligner le caractère urgent conféré audit règlement grand-ducal par le Gouvernement. Il en déduit que le recours à la procédure de l’urgence se trouverait amplement justifié en l’espèce et que selon le moyen afférent soulevé seraient partant à écarter.

Dans son mémoire en réplique la demanderesse fait valoir que le Gouvernement aurait attendu le dernier moment pour légiférer en la matière, étant donné que le délai d’exécution prévu par le règlement (CE) numéro 1257/99 était le 1er janvier 2000 et que ce serait dès lors « extrêmement pernicieux » que l’Etat puisse déjouer les règles relatives à l’adoption d’un règlement grand-ducal en retardant tout simplement la transposition des normes européennes et en brandissant finalement la notion d’urgence pour se dispenser de prendre l’avis du Conseil d’Etat. Elle reste par ailleurs convaincue qu’entre le 12 septembre 2001, date à laquelle la chambre d’agriculture a rendu son avis, et le 9 novembre 2001, date à laquelle le règlement grand-ducal attaqué a été pris, le Gouvernement aurait eu le temps de requérir l’avis du Conseil d’Etat. Elle fait observer en outre que même sans prendre l’avis du Conseil d’Etat, le Gouvernement n’aurait pas été en mesure d’adopter le règlement déféré dans le délai imposé par les dates de début et de fin de l’année culturale, le règlement grand-ducal datant en effet du 9 novembre 2001, de sorte que la consultation du Conseil d’Etat aurait eu pour seul effet éventuel de retarder de quelques jours la mise en œuvre du règlement attaqué.

S’y ajouterait que cela n’aurait eu aucune conséquence puisque le Gouvernement avait de toute façon prévu que pour l’année culturale 2001/2002 la demande initiale d’adhésion pouvait être introduite jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant l’entrée en vigueur du règlement.

Il appartient aux juridictions administratives de vérifier si, dans le cadre de la procédure d’élaboration d’un règlement grand-ducal, le cas d’urgence, actuellement inscrit à l’article 2 (1) de la loi du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d‘Etat à pu être invoqué légalement (cf. Cour adm. 7 décembre 2000, n° 11895 C du rôle, et 25 octobre 2001, n° 13349 C du rôle, non encore publiés).

Il est constant que le règlement grand-ducal déféré est intervenu en exécution de l’article 27 de la loi du 24 juillet 2001 concernant le soutien au développement rural disposant dans son paragraphe (1) qu’« en vue de contribuer à l’introduction ou au maintien de pratiques de production agricole compatibles avec les exigences de la protection et de l’amélioration de l’environnement et des ressources naturelles, du paysage, des sols et de la diversité génétique et afin de tenir compte des pertes de revenu agricole qui peuvent en résulter, des règlements grand-ducaux peuvent introduire des régimes d’aide en faveur de pratiques agricoles et de méthodes de production et d’élevage conçues pour la réalisation de ces objectifs. », et précisant plus particulièrement dans son paragraphe (2) que « ces règlements fixent notamment :

- les conditions à respecter par les demandeurs d’aide en ce qui concerne les pratiques agricoles et les méthodes de production et d’élevage visées au paragraphe 1 ;

- les formes et les montants des aides calculés en fonction de la perte de revenu encouru, des coûts additionnels résultant de l’engagement et de la nécessité de fournir une incitation financière. Les aides peuvent être limitées à un montant maximal par bénéficiaire et être modulées en fonction de la dimension des exploitations.

Ces règlements peuvent limiter le bénéfice de certains régimes d’aides aux exploitants agricoles exerçant l’activité à titre principal ou différencié les montants des aides en fonction du statut des demandeurs d’aides. » Ladite loi du 24 juillet 2001 tend à la mise en œuvre d’une réorientation de la politique d’aide structurelle à l’agriculture telle qu’elle était définie au préalable dans la loi modifiée du 18 décembre 1986 promouvant le développement de l’agriculture, venue à échéance au 31 décembre 1999 à l’exception de certaines mesures expressément prorogées, ceci afin d’établir une nouvelle loi cadre agricole sur la toile de fond du règlement (CE) n° 1257/99 du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le fonds européen d’orientation et de garantie agricole. Il est encore constant que le délai d’exécution prévu par ledit règlement (CE) fût le 1er janvier 2000, de sorte que le plan de développement rural élaboré par le ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, approuvé par le Gouvernement en conseil en date du 14 janvier 2000 ainsi que par une décision de la Commission européenne du 29 septembre 2000, a connu un certain retard au niveau de sa mise en vigueur à travers la loi du 24 juillet 2001 précitée.

Si le retard ainsi accusé dans la mise en vigueur du dispositif légal et réglementaire national requis pour l’exécution du règlement (CE) n° 1257/99 est certes de nature à expliquer l’urgence ressentie et invoquée pour justifier la décision de recourir à la procédure d’urgence, force est de constater qu’il ne saurait être admis que le retard ainsi accusé par ailleurs par l’Etat au niveau de la mise en vigueur d’une loi-cadre puisse légalement motiver l’invocation de l’urgence au sens de l’article 2 (1) de la loi du 12 juillet 1996 précitée, ceci d’autant plus que dans ces circonstances, il aurait été loisible au Gouvernement de présenter aux instances consultatives respectivement appelées à intervenir, un projet d’instrument légal et réglementaire complet, comportant outre le projet de loi-cadre également un projet de réglementation d’exécution, susceptible d’être avisé d’une manière globale, le Conseil d’Etat ayant par ailleurs pris soin, dans son avis relatif au projet de loi concernant le soutien au développement rural (cf. doc. parl. n° 47785), de mettre en garde contre les dérapages possibles au niveau de l’exécution des articles 27 à 29 si les modalités de mise en œuvre des principes prévus par la loi ne sont pas déterminés avec une précision suffisamment détaillée, de même qu’il a exprimé, d’une manière générale, le souhait que la portée des aides envisagées soit mieux cernée.

Il y a par ailleurs lieu de constater que la priorité accordée à l’avis, certes utile mais non obligatoire, de la chambre d’agriculture, ne justifie en tout état de cause pas l’omission, sous prétexte de l’urgence, de soumettre le projet, serait-ce parallèlement, au Conseil d’Etat pourtant appelé, par la loi, à aviser un règlement grand-ducal d’exécution.

Quant au motif avancé en cause basé sur le fait qu’il y aurait eu urgence en raison de la nécessité de respecter le rythme des années culturales débutant et se terminant respectivement le 1er novembre et le 31 octobre, force est de constater que la donnée en question était connue par les autorités compétentes dès le début de l’élaboration de la loi-

cadre, de sorte que si urgence il y avait à cet égard, celle-ci, tout comme celle ayant trait au respect des délais de mise en application de la réglementation communautaire, est imputable au retard par ailleurs mis à jour dans la mise en œuvre de la loi-cadre servant de base légale au règlement grand-ducal déféré, de sorte que la considération afférente ne saurait encore être utilement invoquée par le Gouvernement pour justifier le recours à la procédure d’urgence.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours à l’urgence ne fut pas légalement justifié en l’espèce et que le règlement grand-ducal déféré est entaché d’illégalité, de sorte qu’il y a lieu de l’annuler.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement reçoit le recours en la forme;

au fond le dit justifié ;

partant annule le règlement grand-ducal déféré du 9 novembre 2001 instituant une prime à l’entretien du paysage et de l’espace naturel et à l’encouragement de l’agriculture respectueuse de l’environnement ;

ordonne la publication du présent jugement conformément aux dispositions de l’article 7 (3) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée ;

condamne l’Etat au frais ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 juillet 2002 ;

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef, s. Schmit s. Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14598
Date de la décision : 10/07/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-07-10;14598 ?

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