Tribunal administratif N° 14378 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 décembre 2001 Audience publique du 10 juillet 2002
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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en matière d’aménagement des agglomérations
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 14378 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 décembre 2001 par Maître Marc KERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 18 octobre 2001, par laquelle celui-ci a refusé d’approuver, sur base de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, la délibération du conseil communal de Flaxweiler du 15 juin 2001 portant adoption définitive du projet de modification du plan d’aménagement général et extension du périmètre d’agglomération au lieu-dit « Ober Gehschelt », présenté par l’architecte M.N. pour compte de Monsieur … et concernant un terrain situé à Flaxweiler, inscrit au cadastre de la commune sous le numéro … ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 février 2002 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 21 mars 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc KERGER au nom de Monsieur … ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2002 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Marc KERGER ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 8 septembre 2000, Monsieur … introduisit, par l’intermédiaire de son architecte, une demande d’avis auprès de la commission d’aménagement, prévue par la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, instituée auprès du ministre de l’Intérieur, tendant à l’extension du périmètre d’agglomération pour y inclure un terrain situé dans la commune de Flaxweiler, au lieu dit « Ober Gehschelt », portant le numéro cadastral …, classé en zone verte au moment de l’introduction de la prédite demande.
Nonobstant l’avis négatif émis le 18 décembre 2000 par la commission d’aménagement, basé sur la considération que cette dernière s’opposerait à toute extension du périmètre d’agglomération le long d’une route nationale, dans la mesure où une telle extension serait de nature à favoriser le développement désordonné et tentaculaire des localités, le conseil communal de Flaxweiler, dénommé ci-après le « conseil communal », décida, dans sa séance du 23 février 2001, d’approuver provisoirement le « projet de modification du périmètre d’agglomération présenté par l’architecte M. N. pour compte de M. … (…) concernant des fonds sis dans la section –A – de Flaxweiler, au lieu-dit « Ober Gehschelt », afin que le terrain précité, situé en zone verte, soit inclus dans le périmètre d’agglomération de la commune de Flaxweiler.
Aucune objection n’ayant été formulée à l’encontre de l’approbation provisoire précitée du 23 février 2001, le conseil communal approuva définitivement le projet d’extension du périmètre d’agglomération précité en date du 15 juin 2001.
Par un transmis lui adressé de la part du commissaire de district, l’administration communale de Flaxweiler fut informée de la décision prise par le ministre de l’Intérieur en date du 18 octobre 2001 suivant laquelle celui-ci n’était pas « en mesure d’approuver sur la base de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, la délibération du 15 juin 2001 du conseil communal portant adoption définitive du projet de modification du plan d’aménagement général concernant des fonds sis à Flaxweiler, au lieu-dit « ober Gehschelt », présenté par M.
… », au motif que « l’extension projetée serait de nature à contribuer au développement désordonné et tentaculaire de la localité de Flaxweiler, ce qui est contraire à un urbanisme bien conçu ». Le ministre précisa encore dans ladite décision qu’il serait important d’éviter le développement tentaculaire de la localité et de favoriser le développement concentrique des villages autour de leur noyau. Cette mesure ne serait réalisable que par une urbanisation primaire des fonds non bâtis situés à l’intérieur du périmètre d’agglomération. En outre, il importerait que les axes routiers interlocaux, en l’occurrence le CR 122, destinés essentiellement à la circulation automobile, resteraient libres de toute construction. Il fait finalement valoir à cet effet qu’il s’agirait d’éviter de faire subir au réseau national un changement de destination en transformant les routes de l’Etat en voies de desserte avec toutes les conséquences négatives que cela impliquerait pour la fluidité et la sécurité de la circulation sur ces grands axes routiers. Il conviendrait également d’éviter de faire subir aux habitants de tels logements les conséquences « néfastes » d’un trafic intense. Il conclut que dans cet ordre d’idées, il s’opposerait à la création de nouvelles zones d’habitation le long des routes interlocales.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 décembre 2001, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation contre la décision précitée du ministre de l’Intérieur du 18 octobre 2001.
Il convient en premier lieu de constater que le tribunal est appelé à examiner le mérite d’un recours qui porte sur une modification du plan d’aménagement général de la commune de Flaxweiler relative à une extension du périmètre d’agglomération afin d’y inclure un terrain. En effet, la demande d’inclusion de terrains situés hors du périmètre d’agglomération en zone d’habitation constitue en définitive une demande de modification du plan d’aménagement général de la commune concernée. A ce titre, il est indifférent de savoir si la modification du plan d’aménagement général est provoquée par des particuliers, dans la mesure où, comme en l’espèce, cette initiative est ensuite épaulée par la commune qui fait sienne la demande des particuliers tendant à une extension du périmètre d’agglomération. Partant, les dispositions légales et réglementaires applicables aux plans d’aménagement généraux trouvent application en l’espèce.
Les décisions portant sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des territoires qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever, ont un caractère réglementaire (cf.
Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2001, V° Actes réglementaires, I.
Principes, n° 13, p. 33 et autres références y citées). La décision d’approbation ou du refus d’approbation du ministre de l’Intérieur, intervenue le cas échéant après réclamation de particuliers, s’inscrivant dans le cadre de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, participe au caractère réglementaire de l’acte à approuver (cf. ibidem).
En vertu de l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, seul un recours en annulation est prévu à l’encontre d’un acte administratif à caractère réglementaire qui doit être introduit dans les trois mois de la publication de l’acte administratif attaqué.
A défaut d’existence d’un recours en réformation en la présente matière, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.
Le recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle précitée du 18 octobre 2001, ayant été introduit dans les formes et délai de loi, est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir en premier lieu que les considérations du ministre ne relèveraient pas de sa sphère de compétence, sans préciser autrement ce moyen.
Il conteste ensuite que l’extension du périmètre d’agglomération sollicitée à son profit serait de nature à contribuer au développement désordonné et tentaculaire de la localité de Flaxweiler.
A ce sujet, il fait valoir qu’il se dégagerait des « parties graphiques du dossier » qu’il s’agirait en l’espèce de deux terrains adjacents, l’un se trouvant à l’intérieur du périmètre d’agglomération et l’autre se trouvant en dehors dudit périmètre. Néanmoins, il devrait utiliser les deux terrains pour ériger une maison unifamiliale, étant donné que le terrain se trouvant à l’intérieur du périmètre d’agglomération et abritant actuellement un vieux hangar, ne serait pas suffisamment large pour recevoir la construction projetée. Il soutient que le terrain litigieux ne serait pas détaché du village, au motif qu’il existerait des constructions autour de ce terrain et que par ailleurs, le périmètre d’agglomération s’étendrait bien au-delà du terrain litigieux, quoi que de l’autre côté de la rue.
Le demandeur soutient encore que la localité de Flaxweiler serait caractérisée par le fait de son ordonnancement tentaculaire, de sorte qu’il n’y aurait pas de risque de développement tentaculaire, ce caractère lui étant déjà acquis.
Il expose ensuite qu’un développement concentrique d’un village ne serait envisageable que dans la mesure où l’on serait en présence d’un village qui, dès le départ, aurait été conçu autour d’un noyau. Il existerait par contre beaucoup de villages qui se seraient développés le long d’une route. Il soutient que « donner maintenant à tout prix une forme circulaire à ces villages-ci n’est ni conforme à l’esprit de la loi, ni opportun d’un point de vue urbanistique ».
Il estime que le refus d’intégrer son terrain à l’intérieur du périmètre d’agglomération au motif d’une prétendue évolution tentaculaire et pour éviter toute urbanisation le long des voies principales, ne serait pas conforme avec une bonne politique d’urbanisation. Dans ce contexte, il fait valoir que la localité de Flaxweiler se serait développée le long d’une route, que son terrain se situerait encore à « l’intérieur du village » et qu’il serait connecté au réseau public de distribution de gaz, d’électricité, d’eau potable, d’éclairage ainsi qu’à la canalisation et collecte des ordures, de sorte qu’il n’existerait aucun motif valable pour ne pas intégrer son terrain dans le périmètre d’agglomération.
Il fait encore valoir que le développement concentrique tel qu’envisagé par le ministre aurait un impact négatif sur la nature et serait contraire à une utilisation rationnelle du sol.
Il soulève finalement la violation du principe de l’égalité, dans la mesure où un lotissement important aurait été autorisé à quelques mètres de sa propriété et qui donnerait également sur la rue principale. Il estime qu’aucune raison objective ne justifierait une telle discrimination.
Le délégué du gouvernement conteste que la motivation avancée par la décision ministérielle serait contraire à l’intérêt général ou à un urbanisme bien conçu et il complète exhaustivement les motifs à la base de la prédite décision, en se référant notamment à une décision du gouvernement en conseil du 11 juillet 1986 concernant la révision des directives générales du programme directeur de l’aménagement du territoire, à l’exposé des motifs contenu au projet de loi n°1979 limitant les accès de la voirie de l’Etat, ainsi qu’à la jurisprudence fournie en la matière par la Cour administrative.
Concernant le premier moyen d’annulation avancé par le demandeur tiré de ce que les considérations à la base de la décision ministérielle litigieuse ne relèveraient pas de sa sphère de compétence, force est de retenir que la décision prise par le ministre indique comme motif à la base de son refus d’approbation des délibérations communales, d’une part, que l’extension projetée serait de nature à contribuer au développement désordonné et tentaculaire de la localité de Flaxweiler, ce qui serait contraire à un urbanisme bien conçu et, d’autre part, qu’il faudrait éviter de faire subir au réseau national routier un changement de destination en transformant les routes de l’Etat en voies de desserte avec toutes les conséquences négatives que cela comporte pour la fluidité et la sécurité de la circulation sur ces grands axes routiers.
Le tribunal retient que ces deux motifs constituent des considérations qui ont trait à la matière de l’urbanisme et rentrant dans les attributions de l’autorité de tutelle que constitue le ministre de l’Intérieur, de sorte que ce moyen est à rejeter.
Il convient encore de relever que les dispositions d’un plan d’aménagement général doivent reposer sur des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général.
La mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 exclut le contrôle des considérations d’opportunité, notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué, mais inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute (cf. trib.adm. 7 mars 2001, n°12282 du rôle, confirmé par Cour adm. 23 octobre 2001, n°13319C, non encore publié).
Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée (trib.adm. 25 juillet 2001, n°12318a du rôle, confirmé par Cour adm. 8 janvier 2002, n°13891C du rôle, non encore publiés), une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée, dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité (Cour adm. 21 mars 2002, n°14261C du rôle, non encore publié).
A la lumière des considérations qui précèdent, il convient d’analyser le motif tiré de ce que l’extension du périmètre d’agglomération sollicitée par le demandeur contribuerait à un développement désordonné et tentaculaire de la localité de Flaxweiler.
Il ressort des pièces déposées au greffe du tribunal, et notamment d’un plan de situation et des photos versés en cause, que le terrain concerné se situe à l’extrémité sud de la localité de Flaxweiler, le long du CR 122 en direction de Wormeldange et que l’extension sollicitée entraînerait indéniablement un développement de la localité le long du CR 122. S’il est vrai que le tissu urbain de la localité de Flaxweiler n’est pas à proprement dire concentrique pour ne pas être disposé à partir d’un noyau central, il n’en reste pas moins qu’une extension au niveau du seul terrain du demandeur, loin de simplifier un aménagement valable, contribuerait encore à rendre plus difficile un développement cohérent et concentrique tel que souhaité par les autorités étatiques.
Cette conclusion n’est pas énervée par le fait qu’en face du terrain litigieux se trouve déjà une construction, dans la mesure où cet état de choses ne consacre pas le droit d’un administré de revendiquer le même droit, étant donné qu’il est constant que l’extension sollicitée revient à occuper de front un côté du CR 122 ce qui aboutit à un prolongement du village, contraire aux concepts urbanistiques exposés par le ministre.
Pour le surplus, l’objectif affiché par le ministre à travers sa décision litigieuse s’inscrit entièrement dans le cadre de la décision du gouvernement en conseil du 11 juillet 1986 concernant la révision des directives générales du programme directeur de l’aménagement du territoire.
Il y a encore lieu de retenir que l’argumentaire tiré de la nécessité d’un développement concentrique de la localité de Flaxweiler, de nature à éviter toute extension tentaculaire du tissu urbain, sous-tend entièrement le refus ministériel déféré et que les motifs présentés en relation avec le réseau routier interlocal revêtent un caractère complémentaire et accessoire, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer plus amplement à leur égard.
Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que loin d’avoir versé dans une erreur d’appréciation à sanctionner par le tribunal, le ministre a agi sur base de considérations légales d’ordre urbanistiques tendant à une finalité d’intérêt général.
Concernant finalement le moyen tiré d’une prétendue violation du principe d’égalité, dans la mesure où un lotissement important aurait été autorisé à proximité du terrain du demandeur et avec accès direct sur le CR 122, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité devant la loi interdit de traiter de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée.
Comme l’a relevé à bon droit le délégué du gouvernement, le lotissement en cause, autorisé sous forme d’un plan d’aménagement particulier, concerne des terrains situés à l’intérieur du périmètre d’agglomération, classés en secteur d’aménagement particulier depuis deux décennies, tandis que le terrain litigieux est situé en dehors du périmètre d’agglomération et est classé en zone verte. Les deux situations n’étant pas comparables, il ne saurait donc être question d’une violation du principe d’égalité devant la loi.
Le recours laisse partant d’être fondé.
Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 10 juillet 2002 par le vice-président, en présence de M.
Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 7