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19/06/2002 | LUXEMBOURG | N°14680

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juin 2002, 14680


Tribunal administratif N° 14680 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mars 2002 Audience publique du 19 juin 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2002 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, cha

uffeur d’autobus, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision d...

Tribunal administratif N° 14680 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 mars 2002 Audience publique du 19 juin 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2002 par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, chauffeur d’autobus, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 18 décembre 2001, portant refus d’autorisation de séjour au profit de Monsieur … et l’invitant à quitter le territoire sans délai ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 avril 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Jean-Luc GONNER au nom de Monsieur … au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean-Luc GONNER, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 juin 2002.

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Suivant courrier du 15 avril 1999 à l’adresse de Madame…, demeurant à L-…, une autorisation de séjour fut accordée à Monsieur … jusqu’au 1er avril 2000.

Par courrier du 4 avril 2000 le ministre de la Justice demanda à Monsieur … de lui faire parvenir la preuve qu’il est en possession de moyens d’existence personnels et suffisants lui permettant d’assurer son séjour au pays, indépendamment de l’aide matérielle ou de secours financiers que de tierces personnes pourraient lui faire parvenir.

Par courrier recommandé du 14 juillet 2000, le ministre de la Justice refusa à Monsieur … la prolongation de son autorisation de séjour.

Par courrier de son mandataire du 9 août 2000, Monsieur … fit parvenir une copie du certificat de travail daté du 3 juillet 2000 et établi par son employeur, la société … S.A., attestant son engagement en tant que chauffeur d’autobus à partir du 9 août 1999 ainsi que des copies de ses fiches de salaire pour les mois d’avril à juin 2000.

Par courrier du 29 août 2000, le ministre de la Justice accusa réception du courrier de Maître GONNER du 9 août 2000 et l’informa de la confirmation de la décision du 14 juillet 2000.

Par courrier du 7 septembre 2000, le mandataire de Monsieur … demanda au ministre de la Justice d’intervenir auprès du ministre du Travail et de l’Emploi afin de clarifier la situation de son mandant et de revoir la teneur de la décision du 14 juillet 2000.

Par décision du 12 décembre 2000, le ministre de la Justice refusa la prolongation de l’autorisation de séjour de Monsieur … en les termes suivants :

« En date du 15 avril 1999 une autorisation de séjour valable pour 12 mois, soit jusqu’au 1er avril 2000, avait été accordée à votre mandant suite à son mariage avec la dame … …. Vu l’octroi de cette autorisation de séjour, un permis de travail « A » fut accordé pour la même période par le ministre du Travail et de l’Emploi.

Or, par un rapport de police daté du 17 février 2000, je fus informé que la communauté de vie entre les époux …-… n’existait plus.

Cet état de fait s’est concrétisé par la suite, alors que votre mandant, depuis le 1er septembre 2000 a quitté le foyer conjugal pour s’établir à L-….

La communauté de vie entre les époux …-… n’existant donc définitivement plus, votre mandant ne disposant pas, pour le surplus de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis pour supporter ses frais de séjour, alors qu’un nouveau permis de travail n’a pas été octroyé, je ne me vois pas en mesure, conformément à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. L’entrée et le séjour des étrangers ; 2. Le contrôle médical des étrangers ; 3. L’emploi de la main d’œuvre étrangère, de procéder à la prolongation de son autorisation de séjour… ».

Sur ce refus, Monsieur … fit déposer un recours en annulation contre la décision ministérielle du 12 décembre 2000.

Suivant jugement du 14 novembre 2001, le tribunal administratif de Luxembourg annula la décision ministérielle du 12 décembre 2000 au motif que le ministre de la Justice n’a pas pu valablement se fonder sur l’absence d’un nouveau permis de travail pour en déduire l’absence de moyens de subsistance personnels suffisants et refuser l’autorisation de séjour à Monsieur …, au motif qu’une demande en renouvellement du permis de travail introduite dès le 10 mars 2000 était toujours pendante en date du 12 décembre 2000.

Par décision du 18 décembre 2001, le ministre de la Justice, statuant sur renvoi du dssier, refusa une nouvelle fois la prolongation de l’autorisation de séjour de Monsieur … en les termes suivants :

« Suite à un réexamen de votre dossier, j’ai le regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre demande alors que le permis de travail vous a été refusé par le ministère du Travail en date du 5 février 2001.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, concernant l’entrée et le séjour des étrangers, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence suffisants permettant à l’étranger d’assurer son séjour au Grand-Duché indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

En outre, vous constituez un danger pour l’ordre et la sécurité publics. Vous vous trouvez enfin en séjour irrégulier au pays et je vous prie de bien vouloir quitter le territoire sans délai. (…) ».

A la suite de ce refus Monsieur … a fait déposer un recours en annulation contre la décision ministérielle du 18 décembre 2001 par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 mars 2002.

Le recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait exposer qu’il disposerait de moyens d’existence personnels suffisants dégagés de l’exercice d’une occupation rémunérée auprès de la société anonyme … S.A., que suite au refus du ministre du Travail et de l’Emploi du 5 février 2001 de lui délivrer un permis de travail, il aurait présenté en date du 19 novembre 2001 une nouvelle demande en obtention d’un permis de travail, demande sur laquelle le ministre du Travail et de l’Emploi n’avait pas encore statué au moment de la prise de décision du ministre de la Justice en date du 18 décembre 2001, de sorte que ce dernier n’aurait pas pu se fonder sur l’absence de moyens personnels suffisants pour motiver son refus. Pour le surplus, le demandeur estime que le motif de refus tiré du fait qu’il constituerait un danger pour l’ordre et la sécurité publics serait constitutif d’une « absence flagrante de motivation » équivalente à une absence de justification, le ministre n’ayant pas précisé en quoi il constituerait un danger pour l’ordre et la sécurité publics, ce qui mettrait le juge administratif dans l’impossibilité de contrôler la légalité de l’acte, de sorte que la décision serait à annuler.

A cela s’ajouterait qu’il n’aurait jamais eu à faire à la justice luxembourgeoise, qu’il travaillerait honnêtement au Luxembourg et y paierait ses impôts et cotisations sociales et exécuterait à l’entière satisfaction de son employeur son travail, de sorte que les arguments présentés par le ministre de la Justice seraient dénoués de tout fondement.

Le représentant étatique insiste sur le fait que l’épouse du demandeur, la dénommée … …, suivant courrier du 8 février 2000, avait informé le ministère de la Justice qu’elle aurait l’intention de se séparer de son époux pour des raisons de violences conjugales. Dans cet ordre d’idées, elle a été autorisée à résider séparément de son époux suivant ordonnance du juge des référés du tribunal de Diekirch du 11 juillet 2000. Madame … aurait une nouvelle fois exposé sa situation personnelle aux autorités luxembourgeoises suivant courrier du 16 avril 2001 et le demandeur aurait d’ailleurs fait l’objet d’un procès verbal pour coups et blessures volontaires en date du 16 mai 2001. En relation avec les motifs du refus proprement dits, il serait établi qu’au moment de la prise de décision du 18 décembre 2001, l’arrêté ministériel du 5 février 2001 avait acquis « autorité de chose décidée » et le fait que le demandeur présenterait à d’itératives reprises une nouvelle demande n’y changerait rien. Pour le surplus, il ressortirait du dossier administratif que le demandeur aurait exercé des violences physiques et psychiques sur son épouse, de sorte que le danger pour l’ordre public luxembourgeois serait clairement établi. Finalement le délégué du Gouvernement insiste sur le fait que Monsieur … se trouverait en séjour illégal au pays depuis le 1er avril 2000, date à laquelle son autorisation de séjour a expiré et qu’il n’aurait réservé aucune suite à plusieurs invitations à quitter le pays.

Ce serait dès lors à bon droit et pour de justes motifs que le ministre de la Justice lui a refusé l’autorisation de séjour.

Le demandeur fait répliquer que ce serait à tort que le ministre de la Justice a pris la décision déférée antérieurement à la décision du ministre du Travail et de l’Emploi relative à son permis de travail et qu’il aurait pu légalement travailler au pays en attendant la nouvelle décision du ministre du Travail et de l’Emploi, suite à la nouvelle demande du 19 novembre 2001. Pour le surplus, le demandeur estime qu’il ne constitue pas un danger pour l’ordre public luxembourgeois, eu égard au fait qu’il n’a jamais été cité devant un quelconque tribunal répressif, que son épouse aurait annulé la demande en divorce suite à une réconciliation et que s’il résidait toujours officiellement séparé de son épouse, tel ne serait le cas qu’en raison du fait qu’il avait dû conclure un contrat de bail pour une certaine durée déterminée. Finalement le demandeur estime encore que le motif tiré d’un séjour irrégulier au pays ne saurait servir de justification pour refuser l’autorisation de séjour, étant donné que ce motif n’aurait jamais été mentionné dans le cadre du refus de l’autorisation de séjour.

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et les éléments du dossier, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

Aux termes de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main d’œuvre étrangère: « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

L’étranger qui, au moment de la prise de décision ministérielle, n’est pas en possession d’un permis de travail et, qui n’est partant, pas autorisé à occuper un emploi au Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi, ne justifie pas de l’existence de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour (cf. trib. adm. 28 juillet 1999, n° 10841 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Etrangers, n° 102 et autre références y citées).

Il convient dès lors de vérifier si Monsieur …, au moment de la prise de la décision de refus de l’autorisation de séjour en date du 18 décembre 2001, disposait de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

Les moyens d’existence personnels suffisants peuvent être dégagés à partir de l’exercice d’une occupation rémunérée. En l’espèce, il se dégage des pièces versées au dossier que Monsieur … a travaillé en tant que chauffeur d’autobus auprès de la société anonyme … S.A. à partir du 9 août 1999 et qu’un permis de travail lui avait été délivré jusqu’au 30 mars 2000. La demande tendant à l’obtention d’un nouveau permis de travail sollicité antérieurement à l’expiration du premier permis de travail, a été vidée par l’arrêté ministériel du 5 février 2001 portant refus d’obtention d’un permis de travail au profit du demandeur, confirmé par un jugement du tribunal administratif du 12 novembre 2001.

S’il est exact qu’une première décision ministérielle de refus de prolongation de l’autorisation de séjour au profit du sieur … du 12 décembre 2000, fut annulée suivant jugement du tribunal administratif en date 14 novembre 2001 et renvoyée devant le ministre compétent, toujours est-il qu’en date du 18 décembre 2001, l’examen de la demande de renouvellement du premier permis de travail de Monsieur … n’était plus pendante, de sorte que le ministre de la Justice a pu valablement fonder sa décision de refus de l’autorisation de séjour sur l’absence de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour. Le tribunal ne saurait accueillir l’argumentation du demandeur consistant à soutenir qu’une nouvelle demande de permis de travail, introduite le 19 novembre 2001, était toujours pendante, étant donné qu’il suffirait dans cette logique de formuler continuellement de nouvelles demandes en vue de l’obtention d’un permis de travail pour tenir en échec des refus ministériels antérieurs, confirmés pour le surplus par les juridictions administratives.

La seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes pour permettre à l’intéressé d’assurer ses frais de séjour au pays, est insuffisante; il faut encore que les revenus soit légalement perçus. – Ne remplissent pas cette condition les revenus perçus par un étranger qui occupe un emploi alors qu’il n’est pas en possession d’un permis de travail et qu’il n’est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi (cf. trib. adm. 30 avril 1998, n° 10508 du rôle, Pas. adm.

2001, V° Etrangers, n° 103 et autre références y citées).

Il s’ensuit que Monsieur … ne saurait tirer argument du fait qu’il a travaillé auprès de la société … au moment de la prise de décision ministérielle, étant donné que les sommes tirées de cette occupation ne peuvent être considérées comme des revenus légalement perçus.

A cela s’ajoute que l’on ne peut pas considérer que la communauté de vie suite au mariage avec la dame … puisse avoir valu justification, au moment de la prise de décision litigieuse, de moyens personnels suffisants dans le chef du demandeur, étant donné que le ministre a valablement pu considérer cette communauté de vie comme étant dissoute en fait.

En effet, même s’il ressort d’un certificat délivré par le greffe du tribunal d’arrondissement de Diekirch en date du 30 avril 2002 qu’aucune instance en divorce concernant les époux …-… n’est pendante devant le tribunal d’arrondissement de Diekirch, il n’empêche que suivant ordonnance de référé du président du tribunal d’arrondissement de Diekirch du 11 juillet 2000 le demandeur a été condamné à déguerpir du domicile conjugal pour le 1er août 2000 au plus tard et qu’il a déménagé par la suite à …, adresse à laquelle il résidait toujours au moment de la prise de décision ministérielle et à l’heure actuelle.

Pour le surplus, il ressort d’un procès verbal numéro 2000/9461/261 de la police grand-ducale du 15 février 2000 que, d’après la dame …, le mariage contracté avec Monsieur … ne fut que fictif, de sorte que le tribunal est amené à constater que la preuve de la communauté de vie entre époux est loin d’être établie.

Il s’ensuit qu’en l’espèce le ministre de la Justice a pu valablement se fonder sur l’absence de moyens de subsistance personnels suffisants pour refuser l’autorisation de séjour à Monsieur …, de sorte que l’examen des autres motifs de refus est surabondant.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 juin 2002 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14680
Date de la décision : 19/06/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-06-19;14680 ?

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