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17/06/2002 | LUXEMBOURG | N°14215

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 juin 2002, 14215


Tribunal administratif N° 14215 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2001 Audience publique du 17 juin 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14215 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2001 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, i

nscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, sans état particulier, de nation...

Tribunal administratif N° 14215 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 novembre 2001 Audience publique du 17 juin 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14215 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2001 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, sans état particulier, de nationalité algérienne, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi le 28 septembre 2001, notifiée le 9 octobre 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 février 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2002 au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Sandra CORTINOVIS, en remplacement de Maître François MOYSE, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 28 septembre 2001, notifiée le 9 octobre 2001, le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi, informèrent M. … de ce qui suit :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 10.07.2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou de secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Par ailleurs, le dossier tel qu’il a été soumis au service commun ne permet pas au Gouvernement de vous accorder la faveur d’une autorisation de séjour.

En conséquence, vous êtes invité à quitter le Luxembourg endéans un délai d’un mois.

A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois. (…) » Par requête déposée en date du 20 novembre 2001, M. … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de ladite décision du 28 septembre 2001.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le demandeur expose que, lorsqu’il aurait voulu introduire une demande en obtention d’un permis de séjour, il aurait été dirigé vers la cellule de régularisation commune du ministère du Travail et de l’Emploi, du ministère de la Justice et du ministère de la Famille et que faisant suite à cette invitation, il y aurait introduit une demande en obtention d’une autorisation de séjour conformément à la loi précitée du 28 mars 1972.

Il conclut en premier lieu à l’incompétence ratione materiae de l’un des auteurs ayant pris la décision de refus litigieuse, en l’occurrence celle du ministre du Travail et de l’Emploi, cosignataire de ladite décision. Dans cet ordre d’idées, il soutient que seul le ministre de la Justice serait compétent en matière d’octroi ou de refus d’un permis de séjour, c’est-à-dire en matière d’entrée et de séjour des étrangers, et que le fait qu’une autre autorité serait intervenue justifierait l’annulation de la décision déférée. Il ajoute que pareille irrégularité ne saurait être « ratifiée » par l’autorité compétente, au motif que « rien ne prouve que cette autorité aurait pris la décision de refus sans l’intervention du Ministre du Travail ».

En second lieu, le demandeur conclut à l’annulation de la décision querellée pour « détournement sinon excès de pouvoir et violation de la loi de la part du Ministre du Travail et de l’Emploi, sinon des deux ministres signataires ». Il soutient que sa demande aurait uniquement dû être examinée par les services du ministère de la Justice et que le ministre du Travail et de l’Emploi aurait volontairement usé de ses pouvoirs à des fins autres que celles en vue desquelles ils lui ont été conférés.

Dans un troisième ordre d’idées, qualifié de subsidiaire par lui, le demandeur critique l’absence de co-signature du ministre de la Famille. Ainsi, il estime pour le « cas où le tribunal estimerait qu’une telle décision peut-être cosignée par plusieurs Ministres, sans violer la loi et la répartition des pouvoirs ministériels, la logique veut que l’on saurait tout au plus concevoir une compétence en la matière du Ministère de la Famille, de la Sécurité Sociale et de la Jeunesse étant donné que parmi ses compétences figurent « l’intégration des étrangers et l’action sociale en faveur des étrangers (…) ». Constatant l’absence de signature dudit ministre, le demandeur soutient que la décision aurait également dû être signée par lui, en tant que membre de la cellule de régularisation et il conclut à l’annulation de la décision attaquée.

Enfin, en dernier lieu, le demandeur soutient que la décision serait illégalement motivée et violerait l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, étant donné qu’il disposerait d’un logement au Luxembourg depuis le 21 février 2001, qu’il disposerait d’un travail fixe et rémunéré auprès d’une exploitation agricole et que les ministres n’auraient pas pris en compte sa situation personnelle.

Concernant les premier, deuxième et troisième moyens d’annulation pris ensemble, force est de constater qu’en l’état actuel de la législation, une décision relative à l’entrée et au séjour d’un étranger au Grand-Duché au sens de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, relève de la seule compétence du ministre de la Justice, ceci conformément aux dispositions de l’article 11 de ladite loi et sous les restrictions y énoncées tenant notamment au fait que les décisions afférentes sont prises sur proposition du ministre de la Santé lorsqu’elles sont motivées par des raisons de santé publique.

Il s’ensuit qu’en dépit du fait que la demande en obtention d’une autorisation de séjour du demandeur a été introduite auprès d’un service commun regroupant des représentants des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille et que cette demande a par ailleurs été traitée dans le cadre de la régularisation des sans-papiers ainsi désignée, seul le ministre de la Justice est légalement investi de la compétence pour statuer en la matière.

Ainsi, les premier et deuxième moyens soulevés par le demandeur, basés sur le fait qu’à côté de la signature du ministre de la Justice figure également celle du ministre du Travail et de l’Emploi sur la décision attaquée laissent d’être fondés, étant donné que la signature du ministre du Travail et de l’Emploi n’est pas de nature à mettre en échec, voire de relativiser la compétence en la matière du ministre de la Justice qui, à travers sa signature, a pleinement exercé son pouvoir de décision en la matière. Dans ce contexte, il convient d’ajouter qu’il n’est par ailleurs pas établi que le ministre du Travail et de l’Emploi ait influencé de quelque manière que ce soit la prise de décision du ministre de la Justice.

Par ailleurs, la même conclusion s’impose par rapport au troisième moyen d’annulation, étant donné que le défaut de signature du ministre de la Famille, face à la compétence exclusive du ministre de la Justice en la présente matière, n’est pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée, cette conclusion n’étant pas ébranlée par le fait que l’instruction du dossier a été faite, en tout ou partie, par un service commun regroupant des représentants de plusieurs ministères.

Ensuite, le moyen tiré d’une insuffisance, voire absence de motivation de la décision de refus déférée manque notamment en fait, étant donné qu’il y a lieu de constater qu’il se dégage clairement de la décision attaquée que l’autorisation de séjour a été refusée à M. … au motif que celui-ci ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis lui permettant de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle et des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir, ceci sur base des dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2001, V° Etrangers 2. Autorisations de séjour – Expulsions, n° 100 et autres références y citées, p.149).

En outre, la seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes pour permettre à l'intéressé d'assurer ses frais de séjour au pays, est insuffisante; il faut encore que les revenus soient légalement perçus (trib. adm. 15 avril 1998, n° 10376 du rôle, Pas. adm 2001, V° Etrangers, n° 103). Ne remplissent pas cette condition les revenus perçus par un étranger qui occupe un emploi alors qu'il n'est pas en possession d'un permis de travail et qu'il n'est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et toucher des revenus provenant de cet emploi (trib. adm. 30 avril 1998, n° 10508 du rôle, Pas. adm 2001, V° Etrangers, n° 103 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que M. … disposait de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis au moment où la décision attaquée fut prise.

Plus particulièrement, eu égard aux considérations ci-avant faites, le demandeur a tort de soutenir que le contrat de travail qu’il a conclu le 15 juillet 2001 avec l’entreprise A. F-M.

pour un poste d’ouvrier agricole établirait l’existence de moyens personnels suffisants dans son chef, étant donné qu’il reste en défaut d’établir l’existence d’un permis de travail, légalement requis en application de l’article 26 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, qui dispose qu’aucun étranger ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail. En, effet, le défaut d’un permis de travail fait obstacle à l’exécution légale et régulière du contrat de travail invoqué à l’appui de la demande en obtention d’une autorisation de séjour, de sorte que la rémunération y fixée ne saurait être considérée, au jour de la prise de la décision litigieuse, comme ayant été légalement acquise par le demandeur.

A défaut pour le demandeur d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels, le ministre de la Justice a dès lors valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée sur base de ce motif.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle est légalement fondée et que le demandeur doit être débouté de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 17 juin 2002, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14215
Date de la décision : 17/06/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-06-17;14215 ?

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