La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2002 | LUXEMBOURG | N°14526

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juin 2002, 14526


Numéro 14526 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er février 2002 Audience publique du 12 juin 2002 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14526 du rôle, déposée le 1er février 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrit au tab

leau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, demeurant à L-…,...

Numéro 14526 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er février 2002 Audience publique du 12 juin 2002 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14526 du rôle, déposée le 1er février 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Sandra VION, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 20 août 2001, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 8 janvier 2002, les deux portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2002;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2002 par Maître Sandra VION pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sandra VION et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mai 2002.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 16 janvier 2001, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut entendu en date du 6 février 2001 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 20 août 2001, notifiée en date du 6 décembre 2001, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’il n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par courrier de son mandataire du 21 décembre 2001 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 8 janvier 2002, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles initiale du 20 août 2001 et confirmative du 8 janvier 2002 par requête déposée le 1er février 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, originaire du Monténégro et de confession musulmane, fait valoir qu’il éprouverait une crainte de persécution non seulement sous forme de représailles de l’Etat, mais aussi de persécutions de la part de la famille de son père. Il précise qu’il aurait accompli son service militaire durant les années 1994 et 1995 en Serbie, mais qu’il aurait refusé de donner suite à un appel à la réserve en 1999 pour échapper à la guerre au Kosovo et ne pas être amené à tuer des civils et qu’il aurait été arrêté et maltraité par la police militaire avant d’avoir pu prendre la fuite. Le demandeur affirme qu’il serait légitime de s’interroger sur la réalité de l’application de la loi d’amnistie votée en février 2001 par le parlement yougoslave. Quant à sa situation familiale, il expose que sa famille l’aurait menacé suite au meurtre de son père par son oncle. Il ajoute que la situation générale des musulmans du Monténégro resterait difficile et que « les bonnes attentions des nouveaux dirigeants » ne sauraient garantir une absence de toute discrimination à leur égard.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11, p. 407).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 5 avril 2001, n° 12801C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition en date du 6 février 2001, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte-rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces versées en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le moyen fondé sur l’insoumission du demandeur, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que l’insoumission n’est pas, en elle-

même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En outre, il n’est établi à suffisance de droit ni qu’actuellement le demandeur risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance à une minorité religieuse, risquent de lui être infligés, ni qu’il subsiste encore à l’heure actuelle un risque de poursuites en raison de son insoumission, ni encore qu’une condamnation d’ores et déjà prononcée de ce chef serait encore effectivement exécutée. Concernant ce dernier point, il convient d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans le passé à l’égard de déserteurs et d’insoumis, le demandeur n’établit pas que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des condamnations prononcées sont encore effectivement exécutées, ceci compte tenu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par les deux chambres du parlement de la République fédérale yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave, dont également ceux qui ont quitté le pays pour se soustraire à leurs obligations militaires.

Concernant l’interrogation du demandeur relative à une non-application généralisée de ladite loi d’amnistie, il y a lieu de relever que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés a au contraire exprimé l’avis que les termes de la loi d’amnistie témoignent de la volonté des autorités yougoslaves de mettre en place une amnistie effective et qu’il n’a pas eu connaissance de cas d’insoumis ou de déserteurs n’ayant pas reçu de nouvel appel après le 7 octobre 2000 qui n’auraient pas pu bénéficier de cette loi (cf. Cour adm. 16 octobre 2001, n° 13853C du rôle, non encore publié).

Les allégations du demandeur tirées de la situation générale au Monténégro et plus particulièrement de celle de la minorité musulmane constituent en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans que le demandeur n’ait établi qu’il risque individuellement de faire l’objet de discriminations ou de maltraitances, voire que les autorités actuellement en place seraient incapables de lui fournir une protection adéquate ou toléreraient des actes de persécution commis à son encontre.

Concernant les problèmes familiaux avancés par le demandeur suite au meurtre de son père par son oncle, force est de constater qu’ils trouvent leur cause dans les liens familiaux du demandeur et s’analysent en une infraction de droit commun, de manière qu’elles ne sont pas fondées sur la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou l’opinion politique du demandeur.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 juin 2002 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, M. SPIELMANN, juge en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14526
Date de la décision : 12/06/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-06-12;14526 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award