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12/06/2002 | LUXEMBOURG | N°14218

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juin 2002, 14218


Tribunal administratif No 14218 du rôle du Grand-Duché du Luxembourg Inscrit le 21 novembre 2001 AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 JUIN 2002 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’inscription au registre des diplômes Vu la requête inscrite sous le numéro 14218 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2001 par Maître Paul BEGHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le 8 mai 1940 à Dü

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Tribunal administratif No 14218 du rôle du Grand-Duché du Luxembourg Inscrit le 21 novembre 2001 AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 JUIN 2002 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’inscription au registre des diplômes Vu la requête inscrite sous le numéro 14218 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2001 par Maître Paul BEGHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le 8 mai 1940 à Düsseldorf, demeurant actuellement à D-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 20 août 2001, révoquant sa décision antérieure du 23 mai 2001 ayant porté inscription au registre des titres d’enseignement supérieur de son grade de « Doktor der Wirtschaftswissenschaften » et l’ayant autorisé à porter ledit titre ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 février 2002;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc LIMPACH, en remplacement de, Maître Paul BEGHIN, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 avril 2002.

Par arrêté du 23 mai 2001, la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ci-après dénommée « la ministre », décida que « le grade de « Doktor der Wirtschaftswissenschaften » de Monsieur … est inscrit au registre des diplômes prévu à l’article 1er de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres de l’enseignement supérieur ».

Après avoir informé Monsieur … par courrier du 20 juin 2001 de ce qu’elle s’est adressée à la « Zentralstelle für ausländisches Bildungswesen im Sekretariat der KMK » à Bonn en vue d’obtenir des informations supplémentaires indispensables pour la procédure de reconnaissance de ses diplômes, la ministre, par référence à un avis afférent émis par ladite autorité allemande en date du 23 juin 2001, s’adressa à Monsieur … par courrier datant du 1er août 2001 libellé comme suit : «Anbei sende ich Ihnen eine Abschrift des Schreibens des Sekretariats der ständigen Konferenz der Kultusminister der Länder in der BRD betreffend Ihres Bildungsnachweises. Leider geht aus diesem Schreiben hervor, dass es sich bei der Europäischen Fakultät der bulgarischen Universität für Bergbau und Geologie, wo Sie Ihr Diplom erworben haben, nicht um eine Hochschule handelt die einer deutschen Hochschule vergleichbar wäre. Folgedessen kann die Genehmigung zur Führung der von dieser Institution verliehenen Grade nicht befürwortet werden.

In Anbetracht der Ausführung der luxemburgischen Gesetzeslage (Gesetz vom 17 Juni 1963 betreffend den Schutz der Hochschulgrade) muss ich Sie folgerechtlich darauf hinweisen, dass ich unter diesen Umständen gezwungen bin meine Entscheidung vom 23 Mai 2001 rückgängig zu machen. In der Tat kann kein Diplom das nicht von einer anerkannten Hochschule ausgestellt wurde im luxemburger Register eingetragen werden.

Dieses Schreiben erfolgt auf Grund des Grossherzoglichen Beschlusses vom 8 Juni 1979, Art 9, betreffend der obligaten Prozedur für staatliche und kommunale Verwaltungen.

Eine Frist von 14 Tagen steht Ihnen zur Verfügung um Ihre Bemerkungen einzureichen. » Par arrêté datant du 20 août 2001, la ministre décida que « la décision ministérielle du 23 mai 2001 portant inscription au registre des titres du grade de « Doktor der Wirtschaftswissenschaften » de Monsieur … et donnant autorisation à l’intéressé de porter le titre de « Doktor der Wirtschaftswissenschaften » est révoquée ». Partant, le grade de « Doktor der Wirtschaftswissenschaften » de Monsieur … n’est pas inscrit au registre des diplômes prévu à l’article 1er de la loi du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur » au motif que la « European Faculty » ayant dispensé les études sanctionnées par le diplôme litigieux avec siège à Düsseldorf et à Sofia en Bulgarie ne possède pas le statut d’un établissement d’enseignement supérieur reconnu en Allemagne. » Par requête déposée en date du 21 novembre 2001, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 20 août 2001.

L’article 4 de la loi modifiée du 17 juin 1963 ayant pour objet de protéger les titres d’enseignement supérieur prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur fait exposer qu’il a effectué des études universitaires sous l’égide de la « University of Mining and Geology St. Ivan Rilski », ci-après désignée par « UMG », dont le siège est à Sofia en Bulgarie et que cette faculté délivrerait notamment des diplômes dans les domaines de la géologie, de la technologie minière et de l’électromécanique, les matières plus particulièrement enseignées étant la géologie économique, la géologie d’hydrogéologie et de technologie, la géophysique appliquée, ainsi que l’écologie et la protection de l’environnement. Il signale plus particulièrement que la faculté européenne ( European Faculty) sise à Düsseldorf serait rattachée à la UMG et aurait été fondée en 1992, sur base d’un partenariat entre une fondation néerlandaise et la UMG et constituée dans le cadre de la législation légale bulgare à laquelle elle resterait soumise. Il fait exposer en outre que conformément au droit national bulgare, le grade de « docteur » serait conféré non pas directement par l’université en cause, mais que l’examen final de doctorat aurait lieu devant une commision d’Etat sise à Sofia, seule habilitée à délivrer le diplôme et le titre de « docteur ».

Le demandeur critique la décision déférée d’abord en relevant que la ministre aurait commis une erreur en ce que le diplôme en cause n’aurait pas été délivré par la « European Faculty » sise à Düsseldorf, mais par la plus haute autorité bulgare en la matière, à savoir la « Haute Commission d’Homologation de Sofia ».

Le demandeur reproche ensuite à la ministre d’avoir procédé au retrait de son arrêté du 23 mai 2001 ayant opéré l’inscription du titre litigieux au registre des diplômes sans avoir consulté au préalable la commission des titres de l’enseignement supérieur prévue par l’article 2 de la loi modifiée du 17 juin 1963 précitée, laquelle aurait pourtant donné un avis favorable à l’inscription de ce titre en date du 15 mai 2001 et aurait, par souci de parallélisme des formes, également dû être consultée préalablement à la décision de retrait litigieuse.

Quant au fond, le demandeur estime qu’il n’aurait appartenu à la ministre ni d’examiner la qualité de l’enseignement sanctionné par son diplôme, ni sa durée, mais uniquement de constater si le diplôme représente un titre d’enseignement supérieur légalement conféré d’après les lois et règlements du pays où il a été conféré, à savoir la Bulgarie. Dans la mesure où ce serait l’autorité bulgare effectivement compétente en la matière qui lui a délivré son diplôme, il estime que ce serait à tort que la ministre a refusé l’inscription de ce grade au registre des titres d’enseignement supérieur. Le demandeur fait valoir ensuite que ce serait à tort que la ministre, s’est référée à un avis de la « Zentralstelle für ausländisches Bildungswesen », étant donné que cette autorité allemande n’aurait aucune habilitation à apprécier la valeur d’un diplôme délivré dans un pays étranger et que seule la conformité du diplôme présenté à l’inscription par rapport aux règles applicables dans le pays dans lequel il a été décerné, pourrait être sujette à appréciation. Ledit avis serait par ailleurs faiblement motivé et non fondé, alors que le ministre du « Land » en cause aurait au contraire pris position comme suit : « Es gibt keinen Grund die von der University of Mining and Geology und ihren Fakultäten in ordnungsgemäßen Prüfungsverfahren und unter Beachtung bulgarischer Rechtsvorschriften verliehenen akademischen Grade im Lande Nordrhein Westfalen nicht zur Führung zuzulassen. Das gilt für bulgarische und deutsche Absolventen gleichermaßen. » Le délégué du Gouvernement rétorque que la littérature spécialisée, tout en faisant état de l’Université St. Ivan Rilski, ne mentionnerait cependant aucune faculté de sciences économiques, ni de « European Faculty », de même que parmi les titres conférés par l’université en question seuls ceux de « Bachelor of Science, Master of Science, Doctor of Philosophy » seraient mentionnés, mais que le titre litigieux de « Master of European Law » n’y figurerait pas. Il relève en outre que le fait qu’une université manifestement spécialisée en sciences de l’extraction minière puisse conférer un titre de docteur ès sciences économiques n’aurait pas manqué d’engendrer des questions, de sorte que la décision a été prise de contacter les services compétents du « Sekretariat der ständigen Konferenz der Kultusminister der Länder in der BRD » avec prière de fournir des informations relatives au cycle d’études concerné. Dans la mesure où il ressortirait de la réponse de ladite autorité du 23 juillet 2000 que la « European Faculty » en question, implantée en Allemagne et aux Pays-Bas, ne posséderait pas le statut d’établissement d’enseignement supérieur conformément à la législation allemande sur l’enseignement supérieur (« Hochschulrahmengesetz »), et qu’elle ne serait de ce fait pas reconnue par les autorités allemandes, la ministre aurait pris la décision de ne pas inscrire ce titre, sans pour autant prendre en considération la qualité de l’enseignement dispensé.

Quant à l’omission de consulter préalablement à la décision de retrait la commission des titres, le représentant étatique signale que ladite commission ne siègerait pas pendant la période de mi-juillet à début septembre, de sorte qu’il aurait été impossible de la consulter en l’espèce sous peine de dépasser le délai du recours contentieux prévu par l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Les questions de procédure étant à analyser avant les questions de fond, il y a lieu d’examiner d’abord le moyen basé sur l’omission de la ministre de saisir préalablement à la décision de retrait litigieuse la commission des titres d’enseignement supérieur prévue à l’article 2 de la loi du 17 juin 1963 précitée.

Conformément aux dispositions dudit article « l’inscription des diplômes étrangers et la détermination du titre exact et complet à porter se feront à la demande des intéressés, par décision du ministre de l’éducation nationale prise sur avis d’une commission des titres d’enseignement supérieur ». Dans la mesure où la ministre est ainsi obligée de prendre l’avis de la commission des titres d’enseignement supérieur avant de décider de l’inscription d’un diplôme étranger au registre, elle ne saurait a fortiori décider de revenir sur une décision d’inscription sans avoir au préalable soumis le dossier une nouvelle fois pour avis à ladite commission, étant donné que cette dernière est appelée, de par la loi, à donner son avis au sujet de l’inscription d’un diplôme, la compétence consultative ainsi conférée à cette commission engendrant implicitement mais nécessairement toute question relative à la non-

inscription d’un diplôme.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la décision déférée est intervenue en dehors de l’initiative du demndeur au mépris de la formalité ainsi inscrite à l’article 2 de la loi du 17 juin 1963 précitée, sans que cette conclusion ne puisse être énervée par les considérations avancées en cause par le représentant étatique tenant au fait que ladite commission ne siégerait pas pendant la période de mi-juillet à début septembre, étant entendu que cette considération d’ordre purement organisationnel, si elle peut certes avoir une incidence en fait sur la possibilité même de poser en temps utile une décision de retrait au regard des délais inscrits à l’article 8 du règlement grand ducal du 8 juin 1979 précité, n’est cependant pas de nature à mettre en échec les garanties procédurales par ailleurs prévues par la loi en matière d’inscription d’un diplôme au registre.

Le tribunal ne pouvant remédier dans le cadre du recours de pleine juridiction sous analyse, à la carence de l’avis de la commission ci-avant dégagée, il y a lieu, dans le cadre du recours en réformation, de procéder à l’annulation de la décision litigieuse.

Par ces motifs, Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare également justifié ;

dans le cadre du recours en réformation, annule la décision déférée et renvoie l’affaire devant la ministre ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 juin 2002 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14218
Date de la décision : 12/06/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-06-12;14218 ?

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