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12/06/2002 | LUXEMBOURG | N°13110a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juin 2002, 13110a


Numéro 13110a du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2001 Audience publique du 12 juin 2002 Recours formé par la société anonyme … S.A., contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Revu la requête, inscrite sous le numéro 13110 du rôle, déposée le 22 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme de droit lu...

Numéro 13110a du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 mars 2001 Audience publique du 12 juin 2002 Recours formé par la société anonyme … S.A., contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés

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JUGEMENT

Revu la requête, inscrite sous le numéro 13110 du rôle, déposée le 22 mars 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme de droit luxembourgeois … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation d’un arrêté n° 1/99/0016 du ministre de l’Environnement du 4 octobre 2000 portant refus d’autorisation pour démolir et reconstruire une station de distribution d’essence et de gasoil située à Mertert, route de Wasserbillig, ainsi que d’une décision implicite de rejet du recours gracieux introduit le 13 novembre 2000, se dégageant du silence observé pendant plus de trois mois par le dit ministre;

Vu le jugement du 20 mars 2002;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2002;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2002 par Maître Marc ELVINGER pour compte de la société anonyme … S.A.;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maîtres Marc ELVINGER, Luc BIRGEN, en remplacement de Maître Roy REDING, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mai 2002.

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En date du 12 janvier 1999, la société anonyme … S.A., ci-après désignée par « la société …», fit introduire, par l’intermédiaire du bureau d’études …, auprès de l’Inspection du Travail et des Mines un dossier portant demande d’autorisation, sur base de la loi modifiée du 9 mai 1990 concernant les établissements dangereux, insalubres ou incommodes, pour un projet de démolition et de reconstruction d’une station de distribution d’essence et de gasoil avec installation de lavage à portique pour voitures, située à Mertert, route de Wasserbillig, sur la parcelle cadastrale n° …, commune de Mertert, section C de Mertert, étant relevé d’emblée que la station ainsi projetée se trouverait immédiatement à côté d’une autre station-service affichant l’enseigne commerciale …se trouvant du même côté de cette voie publique, mais ayant un autre propriétaire.

Par courrier du 24 mai 2000, l’administration de l’Environnement informa le bureau d’études … de ce que le dossier de demande d’autorisation pouvait être considéré comme complet tant en ce qui concerne les aspects de la protection de l’environnement que ceux de sécurité, de santé et d’hygiène sur le lieu de travail.

Cette demande d’autorisation fit l’objet d’un affichage aux tableaux d’affichage publics et habituels à Wasserbillig et à Mertert durant la période du 22 juin au 11 juillet 2000, outre une publication dans quatre quotidiens imprimés et publiés au Grand-Duché. A l’encontre du projet en cause, cinq réclamations écrites furent déposées à l’administration communale de Mertert, tandis qu’aucun intéressé ne s’était présenté lors de l’enquête de commodo et incommodo tenue le 11 juillet 2000 par le bourgmestre de la commune de Mertert.

En date du 24 août 2000, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Mertert émit, quant au projet de la société … l’avis de ne pas accorder l’autorisation sollicitée en motivant cette position comme suit :

« 1. Le conseil communal, dans sa séance du 18.06.1996, a ajouté à son P.A.G. l'article 14.1. (approuvé par M. le Ministre de l'Intérieur le 28.8.1996) qui stipule clairement: "Dans les zones d'activités communales, de nouvelles stations de service … sont interdites". Dans l'intérêt de l'urbanisme, le Collège Echevinal ne peut se déclarer d'accord avec une nouvelle construction, pour autant qu'elle remplace une station existante. Nous parlons de "transfert" de station. Il est dès lors exclu que la station projetée soit mise en service avant que la station à transférer ne soit définitivement fermée et donc démolie. En aucun cas la Commune ne tolérera une exploitation concomitante des deux stations.

En outre, le Collège Echevinal exigera le moment venu de la part de la s.a. …les garanties nécessaires pour avoir la certitude que le site de l'immeuble à démolir sera assaini suivant les règles de l'art.

2. L’article 14.1 dont question ci-avant stipule en plus que des postes de carburant supplémentaires sont interdits. Or, la présente demande prévoit d’ajouter 3 colonnes de distribution de carburant supplémentaires.

3. La demande n’est pas conforme au P.A.G. de la commune de Mertert concernant :

3.1. les zones de verdure à respecter 3.2.les marges de recul par rapport aux voisins ».

Par arrêté n° 1/99/0016 du 4 octobre 2000, le ministre de l’Environnement, sous la signature du secrétaire d’Etat, refusa l’autorisation sollicitée par la société …aux motifs suivants :

« Considérant que pendant le délai légal d'affichage cinq observations ont été présentées à l'encontre de la présente demande;

Considérant que les réclamants s'opposent à la réalisation du projet en question en raison de l'accroissement du trafic, des dangers résultant du stockage de liquides inflammables, de la charge polluante de l'air ambiant, des nuisances de bruit et de la dégradation de la qualité de vie redoutés;

Considérant que l'avis précité du Collège Echevinal de la Commune de Mertert stipule que l'établissement projeté est contraire à l'article 14.1 du plan d'aménagement général de la Commune de Mertert (approuvé par Monsieur le Ministre de l'Intérieur le 28.08.1996) et qui stipule: "Dans les zones d'activités communales, de nouvelles stations de services pour véhicules et des postes de carburant supplémentaires sont interdits";

Considérant que la demande précitée concerne la démolition et la construction d'une station, comprenant des postes de carburant supplémentaires;

Considérant que l'article 14.1, alinéa 2 du plan d'aménagement général stipule, e.a., que les activités à exercer dans les entreprises à établir dans les zones d'activités devront se faire à l'intérieur des bâtiments;

Considérant que la station de distribution d'essence et de gasoil projetée, accessible au publie, ne serait pas exploitée à l'intérieur d'un bâtiment;

Considérant qu'en vertu de l'article 17.2 de la loi précitée du 10 juin 1999, les autorisations requises en vertu de cette loi ne pourront être délivrées que lorsque l'établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins, notamment en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes;

Considérant que compte tenu de l'article 14.1 du plan d'aménagement général de la Commune de Mertert l'établissement projeté n'est pas situé dans une zone prévue à ces fins;

Considérant que par conséquent, la demande doit être refusée;

Considérant qu'il résulte de l'étude d'impact précitée au sujet des incidences de l'établissement projeté sur la qualité de l'air du 21 août 1999, étude par laquelle la demande d'autorisation a été complétée en date du 20 novembre 1999, que la charge supplémentaire de la qualité de l'air (Immissionszusatzbelastung) en benzène, due à l'exploitation de la station projetée, s'élève à 0,8 ug/m3 ;

Considérant qu'il résulte d'une campagne de mesures de la concentration en benzène sur le site des stations de distribution d'essence de Mertert, campagne effectuée entre mars 1996 et mars 1997 par l'organisme agréé MPU GmbH de Sarrebruck sur ordre de l'Administration de l'Environnement, que la valeur moyenne annuelle de la concentration en benzène dans l'air ambiant s'élève à 14,9 ug/m3 ;

Considérant que la cancérogénité du benzène est établie par des indices suffisants;

Considérant qu'en tenant compte des données de la recherche scientifique dans les domaines épidémiologiques et environnementaux concernés, la Commission des Communautés européennes propose aux Etats-membres de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les concentrations de benzène dans l'air ambiant ne dépassent la valeur limite pour la protection de la santé humaine, fixée entre 5 et 10 ug/m3 ;

Considérant que toute charge supplémentaire présente des causes de danger et d'inconvénients supplémentaires, notamment par rapport au public et au voisinage de l'établissement, pour l'environnement humain;

Considérant qu'en vertu des articles 1er et 13 de la loi précitée du 10 juin 1999, la demande doit être refusée ».

Comme suite à une demande afférente formulée par la société …le 10 octobre 2000, l’administration communiqua à celle-ci copies des réclamations écrites introduites auprès de l’administration communale de Mertert dans le cadre de l’enquête de commodo et incommodo et de l’avis du collège des bourgmestre et échevins de la commune de Mertert.

Moyennant courrier de son mandataire du 13 novembre 2000, la société …forma un recours gracieux contre l’arrêté ministériel précité du 4 octobre 2000.

En l’absence de décision ministérielle face à ce recours gracieux après une période de plus de trois mois, la société …a fait introduire, par requête déposée le 22 mars 2001, un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté précité du 4 octobre 2000 et de la décision ministérielle implicite de rejet du recours gracieux introduit le 13 novembre 2000, se dégageant du silence observé pendant plus de trois mois par le dit ministre.

Par jugement du 20 mars 2002, le tribunal administratif a retenu l’applicabilité au recours sous analyse de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après désignée par « la loi du 10 juin 1999 », et a reçu le recours en réformation en la forme.

Quant au fond, le tribunal a retenu que, dans la mesure où le ministre a fondé son refus d’autorisation notamment sur la non-conformité du projet de la société …avec les dispositions du plan d’aménagement général de la commune de Mertert, ci-après désigné par « PAG » et où cette question d’application de l’article 17, 2. de la loi du 10 juin 1999 s’analyse en préalable par rapport au caractère autorisable ou non de l’établissement au vu de ses incidences sur l’environnement humain et naturel (trib. adm. 12 février 2001, Adehm, Walerius, n° 12231, confirmé par Cour adm. 20 décembre 2001, nos 13002C et 13128C, non encore publiés), il y a lieu d’examiner en premier lieu les griefs portés par la partie demanderesse à l’encontre de ce motif à la base des décisions entreprises. A cet égard, le tribunal a encore dit que le bâtiment principal, le hangar comportant l’installation de lavage de voitures et l’auvent abritant les colonnes distributrices doivent être qualifiés d’immeubles au sens de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999, de sorte que le projet sous analyse rentre dans les prévisions de cette disposition et que le ministre était appelé à examiner la question de la compatibilité dudit projet avec la destination de la zone du PAG dans laquelle son implantation était envisagée.

Eu égard au fait, d’une part, que la société …a versé en cause une autorisation de construire n° 2335/99, émise le 2 avril 1999 par le bourgmestre de la commune de Mertert pour « effectuer des travaux de transformation et de modernisation de la station-service …située sur la parcelle … section C de Mertert, aux abords de la route de Wasserbillig à Mertert », donc pour le projet de démolition et de reconstruction litigieux sur base des mêmes plans graphiques que ceux faisant partie du dossier de la demande en obtention des autorisations requises au vœu de la loi du 10 juin 1999 et, d’autre part, que l’autorisation comporte la condition inscrite dans son numéro 8 imposant « d’achever les travaux endéans deux ans, faute de quoi la présente autorisation cessera de sortir ses effets », le tribunal a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de prendre position de façon contradictoire et circonstanciée sur la question de savoir si cette autorisation de construire déploie encore ses effets à l’heure actuelle, compte tenu de la condition inscrite dans son numéro 8, et si ses effets ont été prorogés et, dans l’affirmative, d’en cerner l’impact dans le cadre de l’analyse de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999.

Le délégué du Gouvernement précise dans son mémoire complémentaire que, d’après les renseignements obtenus auprès de l’administration communale de Mertert, l’autorisation de construire n° 2335/99 du 2 avril 1999 n’aurait pas été prorogée et que l’article 14.1 PAG s’opposerait à la réalisation du projet.

La société demanderesse admet dans son mémoire complémentaire que l’autorisation de construire prévisée du 2 avril 1999 n’a pas été prorogée, mais soutient qu’elle-même se serait trouvée dans l’impossibilité légale d’entamer les travaux de construction, étant donné que la construction n’aurait pu être commencée avant la délivrance des autorisations requises en vertu de la législation sur les établissements classés, de manière que le délai de deux ans, fixé par l’autorisation de construire prémentionnée du 2 avril 1999 sous peine de caducité, n’aurait pas pu courir à son encontre.

S’il est vrai que l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999 témoigne de l’interdépendance existant entre les différentes législations applicables en ce qui concerne l’implantation utile d’un établissement et prévient l’émission de décisions contradictoires sur base de différents corps de textes, il n’en reste pas moins que les législations et réglementations concernant respectivement les établissements classés et l’aménagement du territoire constituent en principe, hormis cette hypothèse de lien expressément établi par le législateur, des corps de législations indépendants et spécifiques, de manière que les autorités respectivement compétentes sous l’égide de ces législations doivent agir dans leur sphère de compétence propre et ne doivent empiéter sur le domaine de compétence de l’autorité compétente pour appliquer l’autre corps de législation (trib. adm. 27 octobre 1999, Commune de Boevange-sur-

Attert, n° 11231 et 11232, confirmé par Cour adm. 18 mai 2000, n° 11707C, Pas. adm. 2001, v° Etablissements classés, n° 25). Il s’ensuit également qu’un délai fixé pour la validité d’une autorisation par la législation y relative ou par l’autorisation elle-même, se trouve soumis aux seules conditions et modalités inscrites dans ces mêmes législation ou autorisation sans que, hormis l’hypothèse d’un renvoi exprès afférent, des interdictions érigées par d’autres législations ne puissent avoir pour effet d’interrompre ou de suspendre un délai ainsi fixé.

En l’espèce, le délai de deux ans pour achever les travaux, tel que fixé par l’autorisation prévisée du 2 avril 1999, n’a dès lors pas été interrompu par l’interdiction prescrite par l’article 17.1 de la loi du 10 juin 1999 d’entamer la construction d’un établissement classé avant la délivrance des autorisations prévues par cette loi. Par voie de conséquence, cette même autorisation doit être considérée comme étant actuellement caduque et la société demanderesse ne saurait plus en retirer un droit acquis en ce qui concerne la question de la conformité de son projet de reconstruction de station-service avec la zone concernée du PAG, cette question devant partant être toisée à partir des dispositions pertinentes du PAG.

La société …fait valoir que la zone d’activités communale, dans laquelle l’établissement par elle projeté est situé, telle que définie par l’article 14.1 PAG, n’accueillerait actuellement que des stations-service, de manière qu’on ne saurait raisonnablement soutenir que cette zone ne serait pas prévue à ces fins. Elle estime que la modification apportée au plan d’aménagement par la commune de Mertert en 1996 et portant ajout dans les zones d’activités de la condition que l’exploitation se fasse à l’intérieur des bâtiments ne pourrait recevoir l’interprétation retenue par le ministre sous peine de bannir toute station-service de cette zone.

La société …se prévaut encore du fait qu’elle a obtenu de la part du bourgmestre de la commune de Mertert en date du 2 avril 1999 une autorisation de construire pour le projet litigieux, fondée sur les dispositions du PAG encore actuellement applicables telles quelles.

Le délégué du Gouvernement répond que la station à ériger présenterait un aspect totalement différent et comporterait des installations complémentaires par rapport à la station existante, telles 3 colonnes distributrices multi-produits supplémentaires, une augmentation de 100% de la surface de vente du magasin, une augmentation de la puissance de l’installation de chauffage au gasoil, l’ajout d’un four à baguettes et d’un transformateur MT/BT de 250 kVA et l’augmentation de la puissance calorifique des installations de réfrigération et de climatisation, de sorte que le projet litigieux devrait en réalité être qualifié comme l’aménagement d’une station nouvelle. Il soutient qu’il ressortirait du dossier de la demande que la station-service projetée serait exploitée du moins partiellement à l’extérieur, de manière à se trouver en contrariété avec l’article 14.1 alinéa 2 PAG imposant l’exercice d’activités à établir dans les zones d’activités à l’intérieur des bâtiments.

La société …fait répliquer qu’il serait de règle générale qu’une modification du PAG ne serait applicable que pour l’avenir sans affecter les constructions et établissements en place.

Elle en déduit que l’interdiction de nouvelles stations-service portée par l’article 14.1. PAG, dans sa teneur actuelle, ne ferait obstacle qu’à l’implantation de stations-service vraiment nouvelles i.e. supplémentaires, mais n’aurait pas pour finalité d’empêcher que les lieux d’implantation actuels de stations-service puissent continuer à accueillir de telles stations, même si elles sont sujettes à l’obtention d’une nouvelle autorisation de construire, étant donné que l’objectif poursuivi par le conseil communal de Mertert aurait été le maintien du statu quo concernant le nombre de stations-service et non pas une élimination progressive des stations déjà établies. La société demanderesse en déduit également que l’exigence de l’exercice des activités à l’intérieur des bâtiments ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle ferait obstacle à l’exploitation de stations-service, étant donné qu’elle se trouvait inscrite dans l’article 14 PAG déjà avant sa modification en l’année 1996 et n’a pas empêché les autorités communales, dans le passé, d’émettre des autorisations de construire pour des établissements similaires. Elle doute qu’on pourrait affirmer qu’une station-service serait exploitée à l’extérieur d’un bâtiment. La société …soulève encore le moyen de l’illégalité de l’article 14.1. alinéa 2 PAG en ce que l’article 2 alinéa 1er c) de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes ne permettrait pas à une commune de décréter une interdiction d’augmentation du nombre des postes de carburant d’une station-service. La société demanderesse conteste enfin que son projet de reconstruction de station-service puisse être qualifié de station nouvelle, vu qu’il tendrait à la modernisation d’une station existante sur son site actuel et que l’agrandissement du magasin serait admissible dans la zone d’activités.

Le délégué du Gouvernement de dupliquer que l’interprétation préconisée par la société …de l’application dans le temps des dispositions du PAG ne serait pas fondée et que celles-ci, une fois votées et approuvées, s’appliqueraient à toute autorisation de construire qui devrait nécessairement y être conforme. Le représentant étatique déclare contester l’interprétation de l’article 14.1 PAG avancée par la société …et fait valoir qu’on ne saurait « se référer à des prétendus errements du passé d’un conseil communal pour justifier la non-application d’une disposition de la partie écrite d’un PAG dans le cadre de la législation sur les établissements classés ». Dans la mesure où les dispositions d’un PAG constitueraient des mesures de police et auraient pour but et pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des agglomérations et le régime des constructions à y ériger, le délégué du Gouvernement conclut à voir écarter l’argument tiré de la prétendue illégalité de l’article 14.1 PAG comme n’étant pas pertinent.

A travers son mémoire en intervention, la commune de Mertert fait d’abord exposer qu’ « en fait il y a actuellement UNE station-service sous l’enseigne « …» exploitée sur DEUX séries de terrains », à savoir, d’une part, sur les terrains appartenant aux consorts …, qu’un litige de longue date opposerait à la société … et, d’autre part, le terrain visé en l’espèce appartenant à Monsieur … …, et que des projets de constructions séparées pour ces deux exploitations auraient fait l’objet d’avis négatifs de la part du collège des bourgmestre et échevins. La commune de Mertert affirme ensuite que si elle n’interprète pas l’article 14.1 PAG de manière à ne pas permettre une modernisation, transformation ou reconstruction d’une station existante, sa crainte en l’espèce « réside dans le fait que les deux parties demandent un « transfert » de la station actuellement existante tout en augmentant toutes les deux la capacité actuelle, ne fut-ce que par un accroissement du nombre des pompes distributrices ». Elle résume sa position en énonçant que « la volonté politique de la Commune est de maintenir le statut [sic] quo dans ce secteur qui présente d’ailleurs également des maisons d’habitation et constitue l’artère principale du village ».

Le PAG de la commune de Mertert dispose dans son article 14.1 alinéas premier et second tels que documentés actuellement au dossier que « Les zones d’activités comprennent les parties du territoire de la commune dans lesquelles peuvent être maintenues, développées ou créées des installations administratives, artisanales, commerciales et industrie légère.

Les terrains de ces secteurs sont réservés aux activités ne dégageant pas de produits incommodants ou polluants et n’émettant pas de bruit excessif. Les activités des entreprises devront se faire à l’intérieur des bâtiments ».

Suivant votes provisoire du 2 avril 1996 et définitif du 18 juin 1996, approuvé par le ministre de l’Intérieur le 28 août 1996, l’article 14.1 prévisé fut complété par un alinéa final disposant que « dans les zones d’activités communales, de nouvelles stations de service pour véhicules et des postes de carburant supplémentaires sont interdits ».

Il échet d’analyser en premier lieu le motif de refus tiré par le délégué du Gouvernement du caractère nouveau de la station-service projetée par la société demanderesse.

Il ressort des éléments du dossier que le projet de station-service de la société demanderesse comporte plusieurs modifications primaires essentielles par rapport à la station préexistante, à savoir un dédoublement du nombre de colonnes distributrices multi-produits de 3 à 6 et un accroissement de la surface du shop de 145 à 344 m2, soit de plus de 100%, cette dernière modification emportant également une augmentation dépassant le doublement de la puissance calorifique des installations de réfrigération et de climatisation, tout comme un accroissement moins substantiel de la puissance de l’installation de chauffage au gasoil de 45 kW à 60 kW. S’il est vrai que la capacité de stockage d’essence et de gasoil de la station projetée ne sera point augmentée et qu’aucune nouvelle activité n’y sera ajoutée, il n’en reste pas moins que ces modifications ont une incidence sur l’envergure de la station-service en termes de besoins de constructions et d’infrastructures et de niveau d’activités qui est telle que le projet globalement considéré ne peut plus être qualifié de reconstruction d’une station-

service préexistante, étant entendu que si la notion de reconstruction n’exclut certes pas totalement certaines augmentations de capacités impliquées par le progrès technique, elle ne saurait pas pour autant être étendue de manière à couvrir le remplacement d’un établissement existant par un projet nouveau d’envergure considérablement supérieure. Le projet litigieux de la société …doit partant être qualifié, en l’état actuel du dossier, de construction d’une station-

service nouvelle prohibée par l’alinéa final de l’article 14.1 PAG.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que le ministre a refusé l’autorisation sollicitée par la société …dans son envergure projetée sur pied de l’article 17.2 de la loi du 10 juin 1999, ensemble l’article 14.1 PAG et que le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Etant donné que, conformément aux développements qui précèdent, la station-service litigieuse ne se heurte pas à une interdiction de principe d’un tel établissement, mais à l’augmentation excessive de son envergure et que la commune de Mertert avait déjà émis une autorisation de construire en faveur du projet en cause, il y a lieu de faire masse des frais et de les imposer à raison de la moitié à la société …et à raison d’un quart respectivement à l’Etat et à la commune de Mertert.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, vidant le jugement du 20 mars 2002, déclare le recours non justifié et en déboute, fait masse des frais et les impose à raison de la moitié à la société …et à raison d’un quart respectivement à l’Etat et à la commune de Mertert.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 juin 2002 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13110a
Date de la décision : 12/06/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-06-12;13110a ?

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