Tribunal administratif N° 14105 du rôle du .Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2001 Audience publique du 30 mai 2002
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Recours formé par la société N. … sàrl et Cie secs, Monsieur … et consorts contre deux bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et trois bulletins d’établissement de la valeur unitaire émis par le bureau d’imposition Sociétés III en matière d’impôt sur le revenu d’entreprises collectives
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 14105 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 octobre 2001 par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la société … sàrl et Cie secs, établie et ayant son siège social à L-…, 2) Monsieur…, …, demeurant à L-…, 3) Monsieur …, …, demeurant à L-…, et 4) Monsieur …., …., demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de deux bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les exercices 1996 et 1997, émis le 13 juillet 2000, et, pour autant que de besoin, de trois bulletins d’établissement de la valeur unitaire pour les exercices 1996, 1997 et 1998 émis respectivement en date des 12 mars 1998 et 13 juillet 2000 par le bureau d’imposition Sociétés III ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2002 ;
Vu le mémoire en réplique déposé le 26 février 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître ENTRINGER ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les bulletins déférés ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Fernand ENTRINGER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.
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Le bureau d’imposition Sociétés III émit le 13 juillet 2000 deux bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés portant sur les années 1996 et 1997. En date du même jour, ledit bureau d’imposition émit deux bulletins d’établissement de la valeur unitaire respectivement au 1er janvier 1997 et au 1er janvier 1998, étant précisé que le bulletin relatif au 1er janvier 1996 fut émis le 12 mars 1998.
Contre les deux bulletins précités relatifs aux années 1996 et 1997, ainsi qu’à l’encontre des bulletins d’établissement de la valeur unitaire, la société… sàrl et Cie secs, Messieurs … …, … et …, ont introduit, le 29 août 2000, une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommé « le directeur », tendant à voir dire que les revenus tirés de la location d’un immeuble sis … doivent être considérés comme des revenus de location de biens et non comme constituant un bénéfice commercial.
En l’absence d’une décision directoriale à la suite de la susdite réclamation du 29 août 2000, la société … sàrl et Cie secs, ainsi que Messieurs … …, … … et …, déclarant agir en leur qualité d’associés commanditaires de la société … sàrl et Cie secs, ont déposé le 30 octobre 2001 une requête auprès du tribunal administratif, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives pour les exercices 1996 et 1997 et, pour autant que de besoin, des bulletins d’établissement de la valeur unitaire pour les exercices 1996, 1997 et 1998.
QUANT A LA COMPETENCE DU TRIBUNAL Aux termes des dispositions combinées des articles 8 (3) 1. et 3. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et du paragraphe 228 de la loi générale des impôts modifiée du 21 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », le tribunal administratif est compétent pour statuer comme juge du fond sur les recours contre des bulletins d’établissement des revenus d’entreprises collectives ainsi que sur les recours contre les bulletins d’établissement de la valeur unitaire en cas de silence du directeur pendant plus de six mois suite à une réclamation dûment introduite.
Le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours en réformation dans la mesure où il est dirigé contre les bulletins d’impôt prévisés. Le recours subsidiaire en annulation est partant à déclarer irrecevable.
QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours dans le chef, d’une part, de la société … sàrl et Cie secs, au motif qu’aux fins des impôts directs, elle ne posséderait pas de personnalité juridique distincte de celle de ses associés et, d’autre part, des associés commanditaires, à savoir Messieurs …, … et …, au motif qu’au titre du paragraphe 239 alinéa 1er AO, ils n’auraient pas qualité pour exercer les voies de recours contre un bulletin d’établissement séparé et en commun des revenus d’une entreprise commerciale collective ou de la valeur unitaire d’une entreprise commerciale collective, cette faculté résidant dans le seul chef de l’associé commandité de la société.
Les demandeurs font rétorquer dans leur mémoire en réplique qu’ils ne contestent pas qu’une société en commandite simple n’a pas de personnalité juridique propre « fiscalement parlant », mais que néanmoins les entreprises collectives figureraient parmi les sociétés à imposer dans le cadre du paragraphe 215 AO. Ils relèvent que la société … sàrl et Cie secs serait le destinataire direct des bulletins d’impôts déférés, étant donné que ceux-ci lui auraient été adressés. Dans cet ordre d’idées, ils se réfèrent au paragraphe 238 AO pour soutenir que ce serait à bon droit que le recours a été exercé au nom de la société … sàrl et Cie secs. Ils ajoutent encore que « conformément au principe de sécurité juridique, (…) l’administration ne peut contester une pratique qu’elle a initiée elle-même par l’émission des bulletins ».
Concernant l’irrecevabilité du recours dans le chef des associés commanditaires, les demandeurs estiment que le paragraphe 239 alinéa 1er AO cité par le délégué du gouvernement à l’appui de son raisonnement devrait être complété par référence à son deuxième alinéa qui conférerait aux associés commanditaires le droit d’introduire un recours contre les bulletins déférés.
Quant à la recevabilité du recours dans le chef de la société N. … sàrl et Cie secs Au titre du paragraphe 11 bis de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, telle que modifiée par la suite, appelée communément « Steueranpassungs-Gesetz (StAnpG) », « les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple et les sociétés civiles sont considérées comme n’ayant pas de personnalité juridique distincte de celles des associés ». Il découle de ce paragraphe qu’au regard de la loi fiscale, les sociétés de personnes, parmi lesquelles sont rangées les sociétés en commandite simple, n’ont pas une individualité propre et ne sont pas passibles de l’impôt sur le revenu des collectivités (cf. CE 25 février 1959, n° 5568 du rôle). La société … sàrl et Cie secs n’ayant pas de personnalité juridique distincte de celles de ses associés et n’étant donc pas, en matière d’impôts directs, un sujet de droit fiscal, elle ne saurait être admise à introduire un recours à l’encontre des bulletins déférés.
Ainsi, force est de retenir que même si les bulletins déférés ont été adressés à la société … sàrl et Cie secs, celle-ci ne saurait être considérée comme étant un contribuable, c’est-à-dire un sujet de droit fiscal, qui disposerait du droit de réclamer ou d’introduire un recours, dans la mesure où ce n’est pas elle qui est matériellement imposée, mais ce sont les associés qui sont personnellement et directement imposables sur leurs parts dans les bénéfices de la société.
Le recours est partant à déclarer irrecevable dans la mesure où il a été introduit par la société … sàrl et Cie secs.
Quant à la recevabilité du recours dans le chef des associés commanditaires de la société … sàrl et Cie secs Il échet de relever qu’en matière de l’établissement séparé et en commun de revenus commerciaux collectifs, le paragraphe 239 alinéa 1er AO restreint par les chiffres 1 et 2, le champ d’application du paragraphe 238 AO à l’égard des sociétaires et indivisaires notamment d’une société de personnes telle la société en nom collectif, autres que les gérants ou administrateurs de celle-ci. En effet, à l’égard des bulletins qui établissent le bénéfice ou la valeur unitaire d’une exploitation commerciale, artisanale ou industrielle (Gewerbebetrieb) qui appartient en commun à plusieurs personnes, ces sociétaires ou indivisaires n’ont qualité pour réclamer qu’au sujet des causes visées aux chiffres 1 et 2. Au titre du chiffre 3, seul le sociétaire ou indivisaire chargé de la gestion de l’exploitation a qualité pour faire valoir les autres moyens contre le bulletin.
En l’espèce, il n’est ni allégué ni a fortiori établi que le recours introduit par les associés commanditaires de la société … sàrl et Cie secs tomberait sous les hypothèses énumérées aux chiffres 1 et 2 du paragraphe 239 alinéa 1er AO.
Les demandeurs soutiennent par contre que leur droit d’introduire un recours découlerait de l’alinéa 2 du paragraphe 239 AO précité qui dispose que dans tous les autres cas que ceux visés à l’alinéa 1er, chacun des sociétaires ou indivisaires a qualité pour interjeter réclamation contre le bulletin. Ce 2e alinéa vise partant les hypothèses autres que l’établissement séparé et en commun des revenus d’une entreprise commerciale collective et la fixation de la valeur unitaire d’une telle entreprise.
Force est de relever qu’en l’espèce, il s’agit d’un recours introduit contre des bulletins contenant respectivement l’établissement séparé et en commun des revenus d’une entreprise commerciale collective et fixation de la valeur unitaire d’une entreprise commerciale collective, hypothèse expressément visée par l’alinéa 1er du paragraphe 239 AO, de sorte que l’exercice des voies de recours appartient au seul sociétaire chargé de la gestion de l’exploitation, à savoir au commandité, qui est en l’espèce, la société … sàrl, société à responsabilité limitée, tel que cela résulte des statuts de la société versés en cause.
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours est également irrecevable pour défaut de qualité dans le chef des associés commanditaires, à savoir Monsieur … …, Monsieur … … et Monsieur ….
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;
déclare le recours irrecevable ;
déclare irrecevable le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 30 mai 2002 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
s.Legille s.Schockweiler 5