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16/05/2002 | LUXEMBOURG | N°13754,13902

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 mai 2002, 13754,13902


Tribunal administratif Nos 13754 et 13902 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 23 juillet et 21 août 2001 Audience publique du 16 mai 2002

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Recours formés par l'administration communale de Colmar-Berg contre une décision du ministre de l'Environnement et contre une décision du ministre du Travail et de l'Emploi en présence de l'Entreprise des Postes et Télécommunications en matière d'établissements classés

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JUGEMENT

I.

Vu la requête déposée le 23 juille

t 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tabl...

Tribunal administratif Nos 13754 et 13902 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 23 juillet et 21 août 2001 Audience publique du 16 mai 2002

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Recours formés par l'administration communale de Colmar-Berg contre une décision du ministre de l'Environnement et contre une décision du ministre du Travail et de l'Emploi en présence de l'Entreprise des Postes et Télécommunications en matière d'établissements classés

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JUGEMENT

I.

Vu la requête déposée le 23 juillet 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l'administration communale de Colmar-Berg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à la mairie de Colmar-Berg, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre de l'Environnement du 21 juin 2001 (n° 3/01/0057) portant autorisation de l'Entreprise des Postes et Télécommunications d'installer et d'exploiter dans la commune de Colmar-Berg, section BB de Berg, rue de Mertzig, sur la toiture du "Power House" du château grand-ducal, un ensemble émetteur d'ondes électromagnétiques se composant de deux émetteurs d'ondes électromagnétiques GSM 900 MHz antenne 1 : p.i.r.e. 1409 W (31,5 dBW), azimut 30°, tilt 0° et antenne 2 : p.i.r.e. 1409 W (31,5 dBW), azimut 150°, tilt 0°;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du lendemain, portant signification dudit recours à l'Entreprise des Postes et Télécommunications, établissement public, avec siège à L-2163 Luxembourg, 8A, avenue Monterey, représentée par son comité de direction actuellement en fonctions;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2001;

Vu le mémoire en réponse déposé le 14 décembre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, pour le compte de l'Entreprise des Postes et Télécommunications, préqualifiée;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du même jour, portant signification dudit mémoire en réponse à l'administration communale de Colmar-

Berg, préqualifiée;

2 Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal le 10 janvier 2002 par Maître Roger NOTHAR au nom de l'administration communale de Colmar-Berg, préqualifiée;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 16 janvier 2002, portant signification dudit mémoire en réplique à l'Entreprise des Postes et Télécommunications, préqualifiée;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal le 13 février 2002 par Maître Georges KRIEGER au nom de l'Entreprise des Postes et Télécommunications;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 18 février 2002, portant signification dudit mémoire en duplique à l'administration communale de Colmar-Berg, préqualifiée;

Vu la rupture du délibéré prononcée le 8 mars 2002 par le tribunal, portant invitation des parties à déposer un mémoire supplémentaire;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 15 mars 2002 par Maître Roger NOTHAR au nom de l'administration communale de Colmar-Berg;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 19 mars 2002, portant signification dudit mémoire supplémentaire à l'Entreprise des Postes et Télécommunications, préqualifiée;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2002;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 4 avril 2002 par Maître Georges KRIEGER au nom de l'Entreprise des Postes et Télécommunications;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

II.

Vu la requête déposée le 21 août 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, préqualifié, au nom de l'administration communale de Colmar-Berg, préqualifiée, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre du Travail et de l'Emploi du 27 juillet 2001 (n° 3/2001/0057/39200/106) portant autorisation de l'Entreprise des Postes et Télécommunications d'installer et d'exploiter une station d'émission du réseau de communication GSM 900 sur un terrain à Colmar-Berg, inscrit sous le numéro cadastral 156/371 de la section BB de Berg, portant sur deux antennes d'émission fonctionnant à une fréquence de 900 MHz et ayant une puissance rayonnée unitaire maximale de 1409 W (31,5 dBW), azimuts 30° resp. 150°, tilt des antennes 0;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du lendemain, portant signification dudit recours à l'Entreprise des Postes et Télécommunications, préqualifiée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2001;

3 Vu le mémoire en réponse déposé le 14 décembre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, pour le compte de l'Entreprise des Postes et Télécommunications, préqualifiée;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du même jour, portant signification dudit mémoire en réponse à l'administration communale de Colmar-

Berg, préqualifiée;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal le 10 janvier 2002 par Maître Roger NOTHAR au nom de l'administration communale de Colmar-Berg, préqualifiée;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 16 janvier 2002, portant signification dudit mémoire en réplique à l'Entreprise des Postes et Télécommunications, préqualifiée;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal le 13 février 2002 par Maître Georges KRIEGER au nom de l'Entreprise des Postes et Télécommunications, préqualifiée;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du même jour, portant signification dudit mémoire en duplique à l'administration communale de Colmar-Berg, préqualifiée;

Vu la rupture du délibéré prononcée le 8 mars 2002 par le tribunal, portant invitation des parties à déposer un mémoire supplémentaire;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 15 mars 2002 par Maître Roger NOTHAR au nom de l'administration communale de Colmar-Berg;

Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2002;

Vu le mémoire supplémentaire déposé le 4 avril 2002 par Maître Georges KRIEGER au nom de l'Entreprise des Postes et Télécommunications;

Vu les pièces versées et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, et Maîtres Roger NOTHAR et Georges KRIEGER ainsi que Messieurs les délégués du gouvernement Guy SCHLEDER et Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 7 mai 2001, l'Entreprise des Postes et Télécommunications, ci après dénommée "les P & T", sollicita de la part de l'administration de l'Environnement, service des établissements classés, l'autorisation d'installer et d'exploiter une station GSM à Colmar-Berg, section BB de Berg, rue de Mertzig, sur la toiture du "Power House" du château grand-ducal.

Le 21 juin 2001, le ministre de l'Environnement délivra l'autorisation sollicitée.

4 Se basant sur la demande des P & T du 7 mai 2001, le ministre du Travail et de l'Emploi, par décision du 27 juillet 2001, délivra à son tour l'autorisation d'exploitation exigée par les dispositions de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés.

Par requête du 23 juillet 2001, l'administration communale de Colmar-Berg, ci-après dénommée "la commune", a introduit un recours en réformation contre la décision du ministre de l'Environnement du 21 juin 2001, et par requête déposée le 21 août 2001, elle a introduit un recours en réformation contre la décision du ministre du Travail et de l'Emploi du 27 juillet 2001.

Les P & T soulèvent l'irrecevabilité des deux recours au motif qu'ils ont été introduits au nom de l'administration communale, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, alors que les questions touchant la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques seraient de la compétence du seul bourgmestre, ce qui entraînerait que seul ce dernier aurait pu introduire les recours dont le tribunal se trouve actuellement saisi.

En vertu de l'article 83 de la loi communale du 12 décembre 1988, les actions dans lesquelles la commune intervient comme demanderesse sont intentées par l'administration communale, représentée par le collège échevinal. Ceci est encore vrai lorsque le droit litigieux relève de la compétence exclusive du bourgmestre.

Il s'ensuit que le moyen d'irrecevabilité tiré d'une représentation en justice irrégulière de la commune est à rejeter.

Les P & T invoquent ensuite l'irrecevabilité du recours introduit le 21 août 2001 contre la décision du ministre du Travail et de l'Emploi pour défaut d'ester en justice de la commune.

Ils expliquent que la délibération du conseil communal de Colmar-Berg portant autorisation d'agir en justice ne vise que le recours dirigé contre la décision du ministre de l'Environnement du 21 juin 2001.

Ce moyen est à son tour à abjuger, étant donné que la délibération du conseil communal du 13 juillet 2001 a autorisé le collège des bourgmestre et échevins, d'une part, à "charger un avocat d'introduire auprès du Tribunal administratif recours contre la décision de Monsieur le Ministre de l'Environnement du 21 juin 2001 autorisant l'Entreprise des Postes et Télécommunications à installer et exploiter dans la commune de Colmar-Berg, section B de Berg, rue de Mertzig, sur la toiture du Power House de la Cour Grand-Ducale d'un ensemble d'émetteurs d'ondes électromagnétiques se composant de 2 émetteurs d'ondes électromagnétiques", et, d'autre part, à "entreprendre toutes autres démarches judiciaires s'avérant nécessaires afin de remédier à cette situation illégale." Cette dernière précision inclut implicitement mais nécessairement la deuxième autorisation ministérielle nécessaire pour permettre l'installation et l'exploitation des antennes GSM litigieuses, de sorte que le collège échevinal disposait, en vertu du vote du conseil communal du 13 juillet 2001, non seulement de l'autorisation d'introduire un recours contre la décision du ministre de l'Environnement du 21 juin 2001, mais encore de celle d'agir contre celle du ministre du Travail du 27 juillet 2001.

Le délégué du gouvernement ainsi que les P & T soulèvent l'irrecevabilité des deux recours pour défaut d'intérêt dans le chef de la demanderesse. Ils estiment que la commune n'établit pas la lésion d'un intérêt personnel direct, à défaut de preuve que les autorisations litigieuses sont de nature à lui porter préjudice.

5 La commune explique qu'elle est propriétaire d'un terrain servant comme aire de jeu pour enfants situé dans un rayon de moins de 100 mètres des antennes GSM litigieuses – fait contesté par les P & T, mais d'une manière qui ne convainc pas le tribunal –, et que, par ailleurs, de nombreuses maisons d'habitation se trouvent dans un rayon de moins de 200 mètres et qu'une grande partie des maisons de la cité rue Martzen se trouvent implantées dans un rayon de moins de 300 mètres. Elle estime que les voisins directs d'un établissement projeté, de même que les propriétaires de terrains situés à proximité peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet, et que la commune doit veiller à ce que l'établissement classé soit installé de manière à ne pas polluer l'environnement.

Une commune doit avoir à charge de veiller à ce que l'installation d'un établissement classé soit effectuée dans le respect des dispositions légales et réglementaires en vigueur. Elle justifie partant d'un intérêt personnel suffisant à agir, devant le juge administratif, contre l'autorisation d'installer et d'exploiter, sur son territoire, ou sur des terrains dont elle est limitrophe, un établissement dont elle estime qu'il compromettra l'environnement.

En reprochant aux antennes GSM litigieuses d'affecter négativement l'environnement humain, en compromettant notamment la santé de ses habitants, la commune justifie partant d'un intérêt suffisant pour agir judiciairement contre les décisions administratives qui autorisent un tel établissement.

Les deux recours étant par ailleurs conformes aux exigences de délai et de forme, ils sont recevables.

Etant donné que les deux recours se rapportent à des autorisations concernant le même établissement, il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de les joindre pour y statuer par un seul et même jugement, cela malgré la demande contraire des P & T, motivée par la différence des problèmes juridiques, concernant notamment la recevabilité, dès lors qu'il vient d'être constaté que l'un et l'autre sont recevables.

Au fond, la commune soulève en premier lieu la violation de l'article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes en vertu duquel l'autorité administrative doit donner une publicité adéquate mettant en mesure les tiers de faire valoir leurs moyens lorsqu'une décision administrative est de nature à affecter les droits et intérêts de ceux-ci, et que, dans la mesure du possible, elle doit rendre publique l'ouverture de la procédure aboutissant à une telle décision et porter la décision définitive, par tous les moyens appropriés, à la connaissance des personnes ayant présenté des observations. Elle estime que la disposition en question, à vocation subsidiaire dans ce sens qu'elle n'est destinée qu'à s'appliquer, au voeu de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, qu'aux décisions pour lesquelles un texte particulier n'organise pas de procédure spéciale présentant au moins des garanties équivalentes pour l'administré, a vocation à s'appliquer en l'espèce, et cela alors même que la loi du 10 juin 1999 sur les établissements classés prévoit à son tour des mesures de publicité de la procédure préliminaire devant aboutir à l'autorisation, ainsi que de l'autorisation intervenue, étant donné que par rapport aux établissements de la classe 3, dont relèvent les antennes litigieuses, la loi n'organise pas de procédure de publicité présentant des garanties équivalentes à celles découlant du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité. En effet, les demandes d'autorisation introduites concernant des établissements de la classe 3 ne font pas l'objet, selon les dispositions de la loi du 10 juin 1999, d'une procédure de 6 consultation publique, la loi se bornant à prévoir en son article 7, 3., que les demandes afférentes sont adressées à l'administration de l'Environnement, à l'Inspection du travail ainsi qu'au bourgmestre de la commune où l'établissement est projeté, sans même exiger expressément une publication de la demande, et en son article 16, alinéa 4, que les décisions d'autorisation sont affichées à la maison communale pendant 40 jours.

S'il est bien vrai qu'en matière d'établissements de la classe 3, la loi du 10 juin 1999 ne prévoit pas des mesures de consultation et d'information du public équivalentes à celles se dégageant de l'article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité, il y a lieu de constater que l'objectif de la disposition en question consiste dans une information préalable des parties intéressées, leur permettant ainsi de présenter leurs observations dès avant la prise de la décision de nature à affecter leurs droits. Or, s'il est vrai que la commune fut informée de l'existence de la demande d'autorisation – déposée le 7 mai 2001 – par courrier simple du 18 juin 2001, ainsi qu'elle le déclare elle-même dans son mémoire en réplique – la loi exigeant par ailleurs un courrier recommandé – et que l'autorisation fut délivrée trois jours plus tard, avec une célérité qui aurait rendu illusoire le droit des tiers de faire valoir leurs observations, il faut constater, à partir des éléments du dossier, que la commune était au courant de l'installation de l'antenne – opérée sans aucune autorisation administrative quelconque – dès le 16 mai 2001, ainsi qu'en témoigne une lettre de protestation envoyée au Palais grand-ducal de cette date, bien avant la communication de la demande d'autorisation et de la délivrance de l'autorisation par le ministre de l'Environnement, le 21 juin 2001.

A la différence des autres parties intéressées, qui n'ont cependant pas exercé de recours, la commune avait donc largement la possibilité de faire connaître son point de vue dès avant la délivrance des autorisations litigieuses, et elle ne saurait utilement se prévaloir de la violation de l'article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, précité.

La commune invoque ensuite la violation de l'article 17, 2. de la loi du 10 juin 1999 qui dispose que "dans le cas où l'établissement est projeté dans des immeubles existants dont la construction a été dûment autorisée, les autorisations requises en vertu de la présente loi ne pourront être délivrées que lorsque l'établissement projeté se situe dans une zone prévue à ces fins en conformité avec la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes ou avec un plan d'aménagement établi en exécution de la loi du 20 mars 1974 concernant l'aménagement général du territoire ou avec la loi du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Il en est de même lorsque l'établissement est projeté dans un immeuble à construire." Elle fait plaider que l'antenne est projetée sur un bâtiment situé dans une zone de faible densité selon le plan d'aménagement général communal réservée, selon l'article 2.1.3. du règlement sur les bâtisses, aux maisons d'habitation isolées ou jumelées et aux édifices servant les besoins propres du quartier, et que, par voie de conséquence, la construction d'antennes GSM ne serait pas permise dans ces zones. Par voie de conséquence, les ministres concernés auraient dû refuser de délivrer les autorisations d'installation et d'exploitation sollicitées.

Le délégué du gouvernement rétorque que l'établissement qui fait l'objet du présent litige n'est pas projeté dans un immeuble, mais que les antennes GSM concernées sont érigées sur un immeuble, de sorte que la disposition en question ne serait pas applicable.

La loi n'opère pas la distinction proposée. La formule "dans les immeubles existants" s'oppose à "immeuble à construire" et signifie que les établissements classés ne peuvent être autorisés, lorsqu'ils s'intègrent dans un immeuble existant, que lorsque ce dernier se trouve 7 implanté dans une zone destinée à accueillir des immeubles répondant à la destination de l'établissement projeté. Il est indifférent, à ce sujet, que l'établissement soit projeté dans l'immeuble, sur celui-ci ou encore adossé à celui-ci.

Le moyen afférent est partant à rejeter.

Les P & T font valoir que les ministres compétents n'auraient pas pu vérifier la conformité du lieu d'implantation de l'établissement projeté avec les dispositions du plan d'aménagement général communal, la commune de Colmar-Berg ne disposant pas d'un plan d'aménagement général définitivement approuvé en bonne et due forme.

Il se dégage en effet des renseignements concordants fournis par les parties que le plan d'aménagement général sur lequel la commune se base actuellement a fait l'objet d'un vote provisoire du conseil communal le 11 février 1993 et que le ministre de l'Intérieur ne s'est pas vu, entre-temps, soumettre le dossier en vue de l'approbation tutélaire.

La commune soutient qu'en cas d'absence d'opposition formulée à l'encontre d'un projet ayant fait l'objet d'un vote d'approbation provisoire, celui-ci devient automatiquement définitif à l'expiration du délai visé par l'article 9, alinéa 2 de la loi du 12 juin 1937, précitée, et qu'en l'espèce, le plan d'aménagement général de la commune de Colmar-Berg serait actuellement définitivement en vigueur, même en l'absence d'un second vote du conseil communal et d'une approbation par le ministre de l'Intérieur.

Il est vrai que le vote provisoire d'un conseil communal concernant un projet d'aménagement communal a un effet négatif, dès le dépôt du projet provisoirement approuvé à la maison communale, en dehors de toute autre étape dans la procédure d'approbation définitive du plan, dans ce sens que, conformément à l'article 12 de la loi du 12 juin 1937, précitée, toutes implantations de constructions et tous travaux contraires aux dispositions dudit projet sont interdites.

En revanche, un tel projet ne saurait avoir un effet positif dans ce sens qu'il autoriserait des implantations ou travaux non prévus sous l'ancienne réglementation. En effet, le vote d'un conseil communal portant approbation provisoire d'un projet d'aménagement constitue un acte réglementaire préparatoire et intérimaire nécessitant l'approbation de l'autorité de tutelle, et cela même si ce projet n'a pas fait l'objet de réclamations dans le délai légalement prévu (Cour administrative 16 novembre 2000, Pas. adm. 2001, V° Tutelle administrative, n° 17).

Il convient d'ajouter qu'en toute hypothèse, la commune ne saurait utilement se prévaloir, en l'espèce, de ce qu'un projet d'aménagement n'ayant pas fait l'objet d'objections dans le délai légal deviendrait automatiquement définitif à l'expiration de ce délai, étant donné qu'elle affirme elle-même, dans son mémoire supplémentaire du 15 mars 2002, que "les réclamants ont été entendus par le collège échevinal à partir du 2 juin 1993." Il suit de ce qui précède que le plan d'aménagement général de la commune de Colmar-Berg sur lequel celle-ci se base actuellement pour dénier aux ministres compétents le droit de délivrer les autorisations litigieuses ne saurait produire, en l'état actuel de sa phase d'approbation, que les effets négatifs découlant de l'article 12 précité de la loi du 12 juin 1937.

Il reste que ce que recherche la commune dans le cadre du présent litige est précisément une des conséquences négatives découlant du projet d'aménagement tel qu'il a été 8 provisoirement adopté par le conseil communal le 11 février 1993, à savoir l'interdiction d'installer un ouvrage dans un sens incompatible avec ces dispositions provisoires.

Selon le plan d'aménagement général provisoirement adopté, l'immeuble devant accueillir les antennes litigieuses – et les ayant en fait déjà accueillies – est situé dans un secteur d'habitation à faible densité réservé aux maisons d'habitation isolées ou jumelées et aux édifices et aménagements servant les besoins propres du quartier.

Or, eu égard au développement de la culture du téléphone mobile, l'absence de réseau GSM à certains endroits étant ressentie par une majorité de la population comme une nuisance plutôt comme un bienfait, un aménagement garantissant la couverture locale par le réseau satisfait désormais les besoins propres des différents quartiers d'habitation et autres.

C'est partant à tort que la commune se base sur les dispositions de son plan d'aménagement général communal instituant des secteurs d'habitation à faible densité pour exclure de ces secteurs l'aménagement d'antennes GSM.

Par voie de conséquence, les ministres de l'Environnement d'une part, et du Travail et de l'Emploi d'autre part, ont pu délivrer les autorisations d'installation et d'exploitation des antennes GSM litigieuses sans violer la disposition de l'article 17, 2. précité de la loi du 10 juin 1999.

La commune se plaint ensuite de ce que la demande d'autorisation, contrairement aux exigences découlant des articles 7 et 13, 3. de la loi du 10 juin 1999, ne fournirait pas les précisions nécessaires concernant les mesures envisagées en vue de prévenir ou d'atténuer les risques et les inconvénients auxquels l'établissement projeté pourrait donner lieu tant pour les personnes attachées à l'exploitation que pour les voisins, le public et l'environnement. Elle reproche en particulier aux P & T d'omettre d'envisager concrètement les conditions d'aménagement et d'exploitation de l'établissement au site concret retenu, qui se trouve dans la zone d'habitation de faible densité.

Il se dégage cependant d'une étude réalisée le 12 juin 2001 par le chef du département "services mobiles" des P & T, intitulée "Analyse détaillée de la valeur du champ électrique dans l'entourage immédiat de la station, dans les endroits où des gens peuvent séjourner", que l'implantation concrète, sur l'immeuble "Power House", des antennes litigieuses a été examinée et que la minimisation des risques en découlant a été recherchée.

La commune invoque finalement la violation du principe de précaution et d'action préventive. Elle estime que la périphérie des pylônes de relais des opérateurs de téléphonie mobile serait dangereuse pour la santé, ainsi que le feraient craindre des études scientifiques.

Le principe de précaution exigerait que toute menace d'atteinte grave et irréversible pour l'environnement, qui ne serait pas confirmée par la preuve scientifique, justifierait l'adoption immédiate de mesures de prévention appropriées. La commune conteste les mesurages invoqués par le gouvernement. Tout en concédant qu'à l'heure actuelle les risques à long terme de cette nouvelle technologie par radiation non ionisante ne sont pas encore connus dans leur totalité, elle est d'avis qu'au stade actuel de la science les risques d'ores et déjà connus sont suffisamment établis pour obliger les autorités à respecter le principe de précaution. Subsidiairement à la demande de réformation des autorisations délivrées, elle sollicite l'institution d'une expertise, aux frais des P & T, destinée à évaluer les incidences de 9 l'établissement autorisé sur l'homme et l'environnement en raison de sa nature, de ses caractéristiques et de sa localisation.

La loi du 10 juin 1999 a pour objet, entre autres, en vertu de son article 1er, de protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements classés, la santé et la sécurité des travailleurs au travail ainsi que l'environnement humain et naturel. Les autorités compétentes sont appelées à fixer, conformément à l'article 13 de la loi, les conditions d'aménagement et d'exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts ci-avant visés.

Loin d'exclure péremptoirement la prise de tout risque, connu ou inconnu, et d'imposer l'abstention face à toute activité qui comporte un risque, le principe de précaution, tel qu'il est d'ailleurs consacré par l'article 174 du Traité de Rome, impose d'éliminer les risques dans la mesure du possible, et d'encadrer les activités qui comportent un risque qui ne peut pas être mesuré dans le sens d'en réduire au maximum les effets nocifs potentiels. En toute hypothèse, l'absence de certitudes ne doit ni conduire à un immobilisme, ni dispenser de l'adoption de mesures effectives et proportionnées à un coût économiquement acceptable, étant entendu qu'en cas de danger avéré pour la santé des individus ou pour l'environnement, même une impossibilité absolue d'éliminer ce danger ou des coûts prohibitifs pour le faire ne sauraient légitimer une telle activité dangereuse et justifier des autorisations administratives afférentes.

La loi du 10 juin 1999 fait application du principe de précaution en ce qu'elle ne nie pas l'existence de risques et ne cherche pas à interdire toute activité en comportant. Elle les reconnaît en revanche en essayant de les éliminer au maximum, mais non pas totalement, et à encadrer les risques résiduels. C'est ainsi que si, en vertu de l'article 13, 1., des conditions tendant à éliminer les effets nocifs d'une activité peuvent être prescrites, en tenant compte des meilleures techniques possibles, mais à condition que l'applicabilité de celles-ci n'entraîne pas de coûts excessifs, le législateur a envisagé l'exercice d'activités comportant des dangers et des risques qu'il serait trop coûteux d'éliminer. De plus, l'article 13, 6. prévoit que les autorisations peuvent prévoir que les entreprises qui suivant la nature de leur activité présentent un risque quant aux intérêts protégés par ailleurs par la loi, doivent contracter une assurance contre la responsabilité civile.

En l'espèce, il se dégage de l'autorisation délivrée par le ministre de l'Environnement que l'apport de chacun des éléments rayonnants d'un émetteur dans une direction déterminée autorisés ne doit pas dépasser l'intensité du champ électrique de 3 V/m dans les lieux où des gens peuvent séjourner, limitant ainsi l'effet nuisible de l'émetteur et restant en deçà des limitations proposées au niveau européen, notamment la recommandation 1999/519/CE du Conseil du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz).

L'autorisation du ministre de l'Environnement ainsi que celle du ministre du Travail et de l'Emploi contiennent encore une série de mesures de nature à limiter de manière raisonnable les risques liés à l'exploitation des antennes GSM, étant précisé que la potentialité de ces risques n'est ni niée ni totalement éliminée.

Contrairement aux appréhensions de la commune, le tribunal n'a aucune raison de mettre en doute la probité scientifique de l'agent des P & T qui a réalisé l'étude préalable relative à l'implantation de la station GSM à Colmar-Berg. Or, une expertise telle que 10 sollicitée par la commune ferait double emploi avec cette étude, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la demande afférente.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation dirigé contre les autorisations ministérielles relatives à l'installation et l'exploitation des antennes GSM litigieuses est à déclarer non fondé.

La demande des P & T d'une indemnité de procédure de LUF 75.000,- est à rejeter, les conditions d'application de l'article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives n'étant pas remplies.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit les recours en réformation principal et complémentaire, introduits sous les numéros respectifs 13754 et 13902 du rôle en la forme, les joint, au fond les déclare non justifiés et en déboute, rejette la demande en institution d'une expertise, déboute les P & T de leur demande en allocation d'une indemnité de procédure, condamne l'administration communale de Colmar-Berg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 16 mai 2002 par:

M. Ravarani, président, M. Schockweiler, vice-président, Mme Lamesch, juge en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13754,13902
Date de la décision : 16/05/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-05-16;13754.13902 ?

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