Tribunal administratif N° 14523 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 janvier 2002 Audience publique du 15 mai 2002
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Recours formé par Monsieur …, … (B) contre une décision du ministre de la Justice en matière de gardiennage et surveillance
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 14523 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 janvier 2002 par Maître Claudie PISANA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, employé privé, demeurant à B-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de la Justice du 9 janvier 2002 portant refus d’agrément d’exercer une activité de gardiennage et de surveillance dans son chef pour le compte de la société … sàrl ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2002 ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle entreprise ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Claudie PISANA et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 mai 2002.
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Considérant que la demande de la société … sàrl du 29 novembre 2000 sollicitant l’agrément d’exercer une activité de gardiennage et de surveillance dans le chef de Monsieur …, préqualifié, a été rencontrée le 9 janvier 2002 par un refus du ministre de la Justice motivé comme suit :
« L’enquête menée à ce sujet a révélé que vous avez fait l’objet de deux condamnations récentes, à savoir d’une part par un jugement du 22 octobre 1998 du Tribunal de Police d’Arlon pour conduite sans permis de conduire et d’autre part par un jugement du 25 juillet 1999 du Tribunal correctionnel de Luxembourg pour destruction de clôture.
Ces condamnations s’opposent à la délivrance de l’agrément ministériel sollicité, alors qu’elles témoignent d’un comportement irresponsable, incompatible avec la mission consistant à protéger les biens d’autrui.
Par conséquent, l’autorisation prévue par l’article 5 de la loi du 6 juin 1990 relative aux activités privées de gardiennage et de surveillance est refusée. » Considérant que par requête déposée en date du 31 janvier 2002 Monsieur … a fait introduire un recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle de refus prérelatée du 9 janvier 2002 ;
Considérant que dans la mesure où d’après l’article 4 (5) de la loi du 6 juin 1990 relative aux activités privées de gardiennage et de surveillance les juridictions de l’ordre administratif sont appelées à statuer comme juge du fond à l’encontre des décisions ministérielles concernant l’octroi, le refus ou la révocation des autorisations prévues par ladite loi, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision entreprise portant refus de pareille autorisation ;
Que le recours en réformation, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable ;
Considérant qu’à l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que concernant l’affaire de permis de conduire toisée par le tribunal de police d’Arlon en date du 22 octobre 1998 il subsisterait une erreur, en ce que d’un côté un non-lieu à poursuivre a été prononcé et que de l'autre côté une amende de 200 francs avec sursis aurait été néanmoins prononcée, les faits étant de toute évidence d’une gravité minime, de sorte à ne pas justifier le refus ministériel déféré ;
Que relativement à la condamnation essuyée à travers le jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 15 juillet 1999 du chef de destruction de clôture, Monsieur … de faire souligner que les faits matériels à la base de cette condamnation n’auraient « absolument rien à y voir avec une volonté délibérée de porter atteinte à la propriété d’autrui pour le plaisir, mais [seraient] à rattacher à la réaction, - certes juvénile et inadaptée - à l’humiliation subie auparavant ainsi qu’à un certain effet de groupe » ;
Que le demandeur de renvoyer tout spécialement au repentir actif retenu par ledit jugement ainsi qu’aux circonstances atténuantes largement concédées dans son chef pour faire valoir en plus qu’aucune partie civile n’a été présentée, ni aucune réclamation formulée à ce sujet de la part du propriétaire de l’établissement ;
Qu’en toute occurrence cette peccadille de jeunesse ne laisserait en rien craindre une tendance malsaine incompatible avec la mission de protection des biens d’autrui inhérente à l’activité pour laquelle l’agrément lui aurait été dès lors à tort refusé ;
Que le délégué du Gouvernement de reprendre l’argumentaire de la décision ministérielle déférée tout en faisant valoir plus particulièrement qu’elle a été prise sur base des deux condamnations y relatées ensemble les avis négatifs du procureur d’Etat et du procureur général d’Etat ;
Que la condition d’honorabilité prévue par la loi serait à apprécier d’autant plus strictement qu’il s’agirait en l’espèce d’une infraction retenue en relation avec la protection des biens d’autrui, laquelle justement ferait partie essentielle de la mission pour laquelle l’agrément ministériel est sollicité ;
Que le représentant étatique de conclure qu’ayant été condamné à deux reprises et faisant plaider que les faits à la base de ces condamnations constitueraient des peccadilles de jeunesse, Monsieur … ne se rendrait « manifestement » pas compte de la portée de ses actes et ne remplirait « manifestement » pas les conditions de moralité indispensables pour l’exercice de la profession d’agent de sécurité qui l’oblige à porter une arme et à veiller à la sécurité de la propriété d’autrui ;
Que dans la mesure où les faits à la base de la décision ministérielle entreprise seraient documentés par les pièces versées en cause, aucune erreur d’appréciation manifeste ne saurait être reprochée au ministre en l’espèce.
Considérant que les conditions de moralité pouvant être légitimement posées à l’encontre d’un candidat à l’exercice d’une activité de gardiennage et de surveillance pour le compte de tiers sont mesurées par rapport aux exigences spécifiques posées dans le chef du futur agent de sécurité en raison de la nature même de la mission dont il désire être revêtu ;
Considérant que d’après l’article 2 de la loi du 6 juin 1990 précitée, les activités de gardiennage et de surveillance y visées comprennent :
« a) la surveillance de biens mobiliers et immobiliers ;
b) la protection de personnes ;
c)le transport, le convoyage et la surveillance de transports de fonds et d’objets mobiliers ;
d)l’installation et la gestion de centres d’alarmes privés » ;
Considérant qu’il découle de cette définition des tâches que les critères de moralité posés par l’article 5 alinéa 2 point c) prérelaté appellent une appréciation d’autant plus stricte que le comportement du candidat par rapport à l’intégrité physique ainsi qu’à la propriété d’autrui est visé ;
Considérant que dans le cadre de cette analyse la gravité des peines prononcées n’est pas à elle seule déterminante pour apprécier les conséquences à tirer des faits perpétrés au regard des exigences spécifiques des conditions de moralité ci-avant posées ;
Considérant que s’il résulte de la motivation du jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 15 juillet 1999 précité qu’eu égard au comportement provocateur du videur n’ayant pas pu fournir des explications convaincantes pour quelle raison il a refusé au début l’entrée de la discothèque dont s’agissait à Monsieur … et en raison du repentir actif dudit prévenu, la condamnation lui infligée à une simple amende a été adaptée à sa situation financière, il n’en reste pas moins que l’intéressé a été convaincu comme auteur ayant lui-
même exécuté l’infraction d’avoir détruit des clôtures de quelques matériaux qu’elles soient faites, en l’espèce, en brisant les vitres de la porte d’entrée de la discothèque en question de coups de « club de baseball » et d’autres ustensiles ou outils ;
Considérant que le tribunal est amené à retenir qu’au regard des faits délibérement attentatoires à la propriété d’autrui se focalisant en l’espèce pour le surplus sur les vitres d’une porte d’entrée d’un établissement ouvert au public, ensemble la démonstration à retenir, au-delà de toutes autres considérations d’ordre juridiquement technique, que les faits toisés par les autorités judiciaires d’Arlon également invoqués à son encontre dénotent pour le moins un comportement peu soucieux de sa propre sécurité par sa conduite sans ceinture de sécurité ainsi que de celle des autres usagers de la route - difficultés d’exhiber un permis de conduire valable - le ministre, eu égard essentiellement à la condamnation pour destruction de clôture corroborée par les faits complémentaires par lui invoqués, a pu, sans commettre une erreur d’appréciation manifeste, ni arrêter une mesure disproportionnée, mais en tenant compte de l’ensemble des éléments produits en cause, prononcer le refus d’agrément actuellement déféré ;
Qu’il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en la forme ;
au fond le dit non justifié;
partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais ;
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 mai 2002 par :
M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef Schmit Delaporte 4