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15/05/2002 | LUXEMBOURG | N°14494

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 mai 2002, 14494


Tribunal administratif N° 14494 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 janvier 2002 Audience publique du 15 mai 2002 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision de la ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’employé de l’Etat (classement)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14494 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2002 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, employé de l’Etat...

Tribunal administratif N° 14494 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 janvier 2002 Audience publique du 15 mai 2002 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision de la ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’employé de l’Etat (classement)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14494 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2002 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, employé de l’Etat, demeurant à L…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté de la ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 26 octobre 2001, pris sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère, en ce qu’il porte classement dans son chef dans la carrière C, grade 4 de l’employé de l’Etat et non dans la carrière D, grade 7, tel que par lui sollicité ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 mars 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par Maître Gilbert REUTER au nom de Monsieur … en date du 11 avril 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Gilbert REUTER et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 mai 2002.

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Considérant que Monsieur …, préqualifié, a été engagé à tâche complète en la qualité d’employé de l’Etat affecté à l’administration de l’Emploi avec effet à partir du 1er mai 2001 suivant contrat d’emploi signé en date du 24 avril 2001 ;

Que par arrêté de la ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 26 octobre 2001, sous la signature du secrétaire d’Etat audit ministère, l’indemnité de Monsieur … a été fixée comme relevant de la carrière C, grade 4 en exécution du règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 fixant le régime des indemnités des employés occupés dans les administrations et services de l’Etat.

Considérant que par requête déposée en date du 25 janvier 2002 Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 26 octobre 2001, en sollicitant son classement dans la carrière D, avec comme grade de début de carrière le grade 7 à valoir à partir du 1er mai 2001, date de son engagement, sinon l’attribution d’une rémunération correspondant à la carrière D ;

Qu’à l’appui de son recours, il fait valoir en fait que suivant annonce parue au journal Luxemburger Wort au courant du mois de mars 2001, l’administration de l’Emploi s’est proposée d’engager un employé de la carrière D en vue d’être intégré dans son service « Micro et Réseaux » ;

Qu’il expose que dès l’interview auquel il a été invité suite à l’envoi de son dossier, le classement dans la carrière D lui a été promis par les fonctionnaires interlocuteurs, condition sous laquelle il aurait accepté le poste vacant lui offert ;

Que c’est ainsi que lors de la signature du contrat d’emploi le 24 avril 2001 mentionnant son classement sous la carrière C, des promesses concrètes auraient été faites en vue de son intégration dans la carrière D ;

Qu’à partir de son niveau d’études documenté par le diplôme de technicien électronique lui délivré, Monsieur … estime avoir droit au classement dans la carrière D en application des textes légaux pertinents, dont notamment la loi modifiée du 4 septembre 1990 portant réforme de l’enseignement secondaire technique et de la formation professionnelle continue, mettant sur un pied d’égalité son diplôme avec le diplôme de fin d’études secondaires, toile de fond par rapport à laquelle il conviendrait d’analyser le caractère applicable des dispositions invoquées à travers la décision critiquée du règlement grand-ducal du 28 juillet 2000, texte réglementaire à scruter quant à sa légalité sur base de l’article 95 de la Constitution ;

Considérant que le délégué du Gouvernement demande a voir rejeter le recours comme n’étant pas fondé en s’appuyant sur les motifs suivants :

« Il est exact que le diplôme de technicien confère les mêmes droits que le diplôme de fin d’études secondaires. Par application de ce principe, les détenteurs du diplôme de technicien ont d’ailleurs toujours été admis au concours d’admission au stage du rédacteur.

Or, parmi les candidats qui s’y sont présentés, aucun n’a réussi les épreuves de ce concours.

Il serait donc hautement injuste de classer les employés détenteurs d’un diplôme de technicien, qui ne doivent passer aucun examen-concours, dans la carrière D (qui est équivalente à celle du rédacteur) alors qu’on refuse précisément ce classement aux candidats aux examens-concours pour l’admission au stage de rédacteur (parce qu’ils échouent aux épreuves du concours).

Par ailleurs, la carrière du technicien proprement dite a certes été introduite auprès de l’Etat par la loi du 27 août 1986 modifiant et complétant la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat dans son article 15 paragraphe II actuel qui prévoit que « les règlements grand-ducaux pourront créer la carrière du technicien dans les cadres légaux des administrations et des établissements scolaires, pour autant que les nécessités de service l’exigent. » L’article 17, paragraphe VIII, point 1 énonce l’évolution de cette carrière, alors que le point 2 dispose que « les conditions et la forme des nominations aux emplois de la carrière de technicien visée ci-dessus, ainsi que les modalités de l’examen auquel sera subordonnée la promotion aux fonctions supérieures à celles de technicien principal, seront déterminées par règlement grand-ducal, sans préjudice de l’application des règles générales relatives au statut du fonctionnaire. » Or, les règlements grand-ducaux dont question ci-dessus n’ont pas encore été élaborés jusqu’à présent. C’est pour cette raison que le Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative a admis l’accès de tous les détenteurs du diplôme de technicien à l’examen-concours du rédacteur. Or, l’expérience a démontré qu’en principe, un technicien ne réussit pas cet examen de sorte que tous les détenteurs du diplôme de technicien sont actuellement classés dans la carrière de l’expéditionnaire technique (équivalent à la carrière C des employés de l’Etat).

Comme complément à ces considérations, et en référence à la remarque faite par Me Reuter dans son recours que Monsieur … aurait acquis un « droit contractuel en sa faveur pour l’affectation à ladite carrière D (D) (étant donné qu’une proposition concrète pour cette affectation lui a été faite par les fonctionnaires responsables du Ministère du Travail et de l’Emploi), condition sous laquelle le requérant a accepté le poste vacant offert », on peut ajouter que, d’une part, le contrat signé par Monsieur … le 24 avril 2001 mentionne clairement qu’il est engagé en qualité d’employé de la carrière C et que, d’autre part, il appartient au seul Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative de prendre les décisions de classement individuelles des employés de l’Etat conformément à l’article 23 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 fixant le régime des indemnités des employés occupés dans les administrations et services de l’Etat, quelles que soient par ailleurs les « promesses » faites apparemment par les fonctionnaires de l’Administration de l’Emploi. » Considérant que le classement de Monsieur … en tant qu’employé de l’Etat constitue une contestation au sens de l’article 11. 1 de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Eat ayant trait à la fois à son contrat d’emploi et à sa rémunération, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Que le recours en réformation introduit suivant les formes et délai prévus par la loi est recevable ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées que Monsieur … s’est vu délivrer en date du 2 juillet 1998 le diplôme de technicien dans la division électro-technique, section communication ;

Considérant que d’après l’article 19 de la loi modifiée du 4 septembre 1990 précitée, le régime de la formation de technicien du cycle supérieur prépare les élèves à la vie active et leur permet de poursuivre des études techniques supérieures;

Qu’en vertu de l’article 23 de la dite loi, en vue de l’accès à des professions réglementées et de l’admission aux emplois du secteur public, les diplômes spécifiés aux articles 20 et 22, à savoir le diplôme de technicien et le diplôme de fin d’études secondaires techniques, confèrent les mêmes droits que le diplôme de fin d’études secondaires;

Considérant que l’article 21 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 précité dispose que « sans préjudice de l’application des dispositions du chapitre 1er ci-dessus, les employés administratifs et techniques assimilés aux fonctionnaires de l’Etat des carrières inférieures, moyennes et supérieures sont classés par application des tableaux des carrières annexés au présent règlement et suivant les dispositions du présent chapitre » ;

Considérant que suivant l’annexe prévisée contenant plus précisément les tableaux des carrières des employés administratifs et techniques, le degré d’études exigé pour l’accès à la carrière D est fixé comme suit :

« pour être classé dans cette carrière l’employé doit ou bien être détenteur soit du certificat luxembourgeois de fin d’études secondaires, soit du certificat luxembourgeois de fin d’études secondaires techniques, soit du diplôme luxembourgeois d’ingénieur-technicien, ou bien présenter un certificat sanctionnant des études reconnues équivalentes par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative » ;

Considérant qu’il appert de la description des études requises pour accéder à la carrière D des employés administratifs et techniques de l’Etat que le certificat luxembourgeois de fin d’études secondaires techniques y est expressément prévu comme diplôme suffisant, à la différence du diplôme de technicien ;

Considérant que dans un souci de conformité à l’article 95 de la Constitution, les dispositions du règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 ne peuvent être appliquées par le tribunal que pour autant qu’elles sont conformes à la loi;

Que l’article 23 de la loi modifiée du 4 septembre 1990 précité ne confère pas au détenteur du diplôme de technicien de façon abstraite les mêmes droits qu’au détenteur du diplôme de fin d’études secondaires, mais prend soin de préciser que cette égalité de droits conférés est établie par la loi « en vue de l’accès à des professions réglementées et de l’admission aux emplois du secteur public »;

Que la loi permet ainsi de façon formelle au détenteur du diplôme de technicien l’admission aux emplois du secteur public à l’instar du détenteur du diplôme de fin d’études secondaires;

Considérant que l’emploi administratif et technique conféré au demandeur, relatif à un emploi vacant de la carrière D, correspond au degré d’études requis pour être classé dans la carrière de l’employé administratif et technique considérée, de même qu’il appert dans le chef de Monsieur …, détenteur du diplôme de technicien, que sur base des dispositions conjuguées du règlement grand-ducal du 28 juillet 2000 et de la loi modifiée du 4 septembre 1990 précités, il est appelé à être classé en la carrière D, étant par ailleurs constant que le poste déclaré vacant auprès de l’administration de l’Emploi par lui revêtu à partir du 1er mai 2001 a été annoncé comme poste de la carrière D ;

Que son grade de début de carrière est le grade 7, prenant effet au 1er mai 2001, date de prise d’effet de son engagement, la même solution se dégageant par ailleurs des dispositions du règlement modifié du Gouvernement en Conseil du 1er mars 1974 ayant précédé le règlement grand-ducal prévisé du 28 juillet 2000 en la matière (cf. trib. adm. 22 juin 1998, Wolmering, n° 10520 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Fonction publique, n° 123, p.

197 ; trib. adm. 28 mars 2001, Thull, n° 12569 du rôle, trib. adm. 30 mai 2001, Hoffmann, n° 12844 du rôle, trib. adm. 11 mars 2002, Kinnen n°14071 du rôle, non encore publiés) ;

Considérant que cette solution découlant directement des dispositions légales et réglementaires applicables ne saurait être énervée par les éléments de fait comparatifs soulevés par l’Etat concernant un traitement différentiel plus favorable pour l’employé de l’Etat concerné par rapport à la carrière a priori pour le moins équivalente du rédacteur, fonctionnaire de l’Etat devant passer un examen-concours ;

Considérant que l’argument d’« injustice » invoqué en ce que les employés détenteurs du diplôme de technicien ne doivent passer aucun examen-concours pour accéder à la carrière D de l’employé de l’Etat, tandis que pour l’admission au stage du rédacteur un examen d’entrée est requis, ne saurait valoir de façon dirimante comme refus d’accès à l’égard de Monsieur …, vu notamment la différence fondamentale de statut entre la carrière de l’employé de l’Etat et celle du fonctionnaire de l’Etat, ainsi que les conditions d’accès divergentes résultant encore de leur organisation actuelle, à laquelle Monsieur …, à la différence de l’Etat, est étranger;

Considérant que la justification déployée par le délégué du Gouvernement, en quelque sorte à rebours, du classement déféré à partir de la situation des fonctionnaires de l’Etat, détenteurs du diplôme de technicien actuellement classés dans la carrière de l’expéditionnaire technique (équivalente à la carrière C des employés de l’Etat) en l’absence des règlements grand-ducaux d’exécution pris pour l’exécution de la loi prévoyant une carrière spécifique pour lesdits détenteurs du diplôme de technicien (carrière du technicien), ne saurait valoir à l’encontre des développements qui précèdent basés directement sur les dispositions légales et réglementaires applicables à la carrière spécifique de l’employé de l’Etat épousée en l’espèce par la demanderesse ;

Considérant en effet que l’Etat ne saurait valablement invoquer l’inaction plus que décennale de ses organes exécutifs tardant à prendre un règlement grand-ducal annoncé depuis 1986 pour réglementer une carrière dont les structures ont été clairement tracées par le législateur, pour en tirer un argument d’inégalité de traitement entre les fonctionnaires et les employés de l’Etat exerçant des fonctions analogues et classés dans des carrières différentes avec des rémunérations divergentes, du moment que le législateur a prévu, sans autre condition afférente, l’égalité d’accès aux emplois du secteur public pour les détenteurs des diplômes de fin d’études de l’enseignement secondaire, de l’enseignement secondaire technique, de technicien et par assimilation de technicien administratif et commercial, alors qu’un candidat remplit les conditions d’accès à la carrière D de l’employé technique et administratif de l’Etat, tel le cas d’espèce, les différences de statut entre les carrières du fonctionnaire de l’Etat et de l’employé de l’Etat étant constantes en cause;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que par réformation des décisions déférées, la carrière de référence de Monsieur … est la carrière D avec comme grade de début de carrière le grade 7 à valoir à partir de la prise d’effet de son engagement à la date du 1er mai 2001 ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond le dit justifié ;

partant, par réformation de la décision ministérielle déférée, dit que la carrière de référence de Monsieur … est la carrière D avec comme grade de début de carrière le grade 7 à valoir à partir du 1er mai 2001, date de la prise d’effet de son engagement en tant qu’employé de l’Etat auprès de l’administration de l’Emploi ;

renvoie l’affaire devant la ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative pour exécution ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 mai 2002 par:

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de Monsieur Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14494
Date de la décision : 15/05/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-05-15;14494 ?

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