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08/05/2002 | LUXEMBOURG | N°14025

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 mai 2002, 14025


Tribunal administratif N° 14025 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2001 Audience publique du 8 mai 2002 Recours formé par la société … S.à r.l., … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14025 du rôle, déposée le 26 septembre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Romain LUTGE

N, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la so...

Tribunal administratif N° 14025 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2001 Audience publique du 8 mai 2002 Recours formé par la société … S.à r.l., … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14025 du rôle, déposée le 26 septembre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Romain LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … S.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 juin 2001 déclarant irrecevable sa réclamation du 7 février 2001 dirigée contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des années 1996 et 1997, émis le 3 novembre 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Romain LUTGEN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Par courrier du 7 février 2001, M. F. D., agissant en sa qualité d’administrateur délégué de la Fiduciaire …. ., introduisit en nom et pour compte de la société … S.à r.l., une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », contre les bulletins de l'impôt sur le revenu des années 1996 et 1997, émis le 3 novembre 2000 par le bureau d'imposition Luxembourg sociétés 5 à l’encontre de la société … S.à r.l..

Suivant courrier datant du 9 mai 2001, le secrétaire de la division du contentieux de la direction des Contributions adressa à M. F. D. demande de compléter le dossier en produisant la procuration qui établit son mandat exprès et spécial pour l’instance introduite « étant entendu qu’une société n’est qu’une abstraction inhabile à postuler devant une juridiction des impôts ou devant le directeur des contributions ».

Suite à cette demande, la société … S.à r.l. envoya à la direction des Contributions, division du contentieux, un courrier daté au 22 mai 2001, libellé comme suit :

« Par la présente, je soussigné …, gérant de la société à responsabilité limitée … S.à r.l., donne pouvoir à Monsieur F. D., administrateur délégué de la société anonyme FIDUCIAIRE … S.A., de poursuivre l’instance de réclamation introduite contre les bulletins d’impôt des années 1996 et 1997, procédure entamée par la lettre de la Fiduciaire en date du 7 février 2001 ».

Par décision du 25 juin 2001, le directeur déclara la réclamation introduite par M. F.

D. au nom de la société … S.à r.l. irrecevable faute de qualité aux motifs suivants :

« Vu les paragraphes 107, 238 et 254 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant qu’en toutes matières pour pouvoir exercer l’action d’autrui, il faut avoir reçu mandat exprès à cette fin ;

Considérant qu’en l’espèce, faute de procuration jointe à la requête, le déposant a été invité par lettre du 9 mai 2001 à justifier de son pouvoir d’agir en versant au dossier la procuration qui établit son mandat exprès et spécial pour l’instance introduite ;

qu’il n’a cependant donné aucune suite à cette invitation de régularisation de la procédure ;

qu’en conséquence l’existence d’un mandat ad litem pour l’instance introduite répondant aux conditions légales n’est pas établie ;

qu’il s’ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable (cf. Conseil d’Etat, arrêt du 14.01.1986, n° 6514) ».

A l’encontre de cette décision directoriale, la société … S.à r.l. a fait introduire un recours en réformation par requête déposée en date du 26 septembre 2001.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8 (3) 1. de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant tranché sur les mérites d’une réclamation contre un bulletin de l'impôt sur le revenu. Le recours en réformation est dès lors recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait exposer que par courrier du 7 février 2001, M. F. D., expert-comptable, aurait introduit une réclamation contre les bulletins de l'impôt sur le revenu pour les années 1996 et 1997, émis le 3 novembre 2000 par le bureau d'imposition Luxembourg sociétés 5 à l’encontre de la société … S.à r.l. et que suite à la demande de l’administration des Contributions directes de justifier de son mandat, une lettre de mandat lui aurait été envoyée en date du 22 mai 2001.

En droit, la demanderesse fait valoir que « la décision n’est pas justifiée dans la mesure où par la lettre du 22 mai 2001, la société contribuable a formellement donné procuration à Monsieur F. D. pour la réclamation introduite ». Elle fait valoir ensuite que dans l’hypothèse où le mandat ne serait pas parvenu en temps utile à l’administration des Contributions directes « une éventuelle déficience de mandat formel peut toujours être couverte par une ratification ultérieure des actes des personnes ayant agi dans l’intérêt du contribuable, de sorte qu’une éventuelle irrecevabilité initiale de la réclamation est couverte par le présent recours ».

Le délégué du gouvernement rétorque d’abord que le directeur n’aurait pas déclaré irrecevable une réclamation introduite par la société … S.à r.l., mais la réclamation introduite par M. F. D.. Il soutient ensuite que M. F. D. aurait fait état, lors de sa réclamation, d’un mandat reçu de la part de la demanderesse, mais qu’il n’aurait pas produit ce mandat lorsqu’il en a été requis par lettre du 9 mai 2001. En effet, il considère que le document qui a été adressé le 22 mai 2001 à la direction des Contributions, n’aurait « soufflé mot » d’un mandat qui aurait été donné en vue de l’introduction de la réclamation du 7 février 2001 et que ce document donnerait seulement pouvoir à M. F. D. de poursuivre l’instance déjà pendante.

Le représentant étatique estime encore qu’en présence des termes clairs et précis du mandat litigieux, la question d’une éventuelle ratification ex post ne se poserait pas, abstraction faite de ce que cette ratification, pas plus que le mandat lui-même, ne saurait être postérieure à l’expiration du délai de forclusion « si l’on ne veut pas que le respect du délai soit abandonné au bon vouloir du contribuable ».

Le paragraphe 238 AO, qui prévoit notamment que le destinataire d’un bulletin de l’impôt est autorisé à introduire une réclamation contre celui-ci, dispose que ce destinataire du bulletin de l’impôt peut se faire représenter conformément au paragraphe 102 (2) AO, ce paragraphe disposant par ailleurs que les règles du droit civil sont applicables en droit fiscal quant à la capacité d’agir des personnes privées. Ce paragraphe renvoie donc aux règles du code civil sur le mandat en l’absence de dispositions spécifiques dans l’AO.

L’acte d’introduire une réclamation devant le directeur, eu égard plus particulièrement au risque y inhérent de voir l’imposition revue le cas échéant in pejus, présente un risque de voir modifier de manière permanente et irrévocable la situation de l’intéressé. Une procuration afférente doit dès lors être expresse et spéciale et renseigner clairement l’intention du mandant d’investir le mandataire du pouvoir d’agir par la voie d’une réclamation à l’encontre d’une décision déterminée avec toute la précision requise (trib. adm.

8 mai 2000, GTA s. à r.l., n° 11431, Pas. adm. 2001, v° Impôts, n° 243).

Il y a partant lieu d’examiner le libellé de la procuration du 22 mai 2001 pour déterminer si M. F. D. était effectivement investie du pouvoir d’introduire une réclamation pour compte de la demanderesse contre les bulletins d’impôt portant sur les années 1996 et 1997, émis le 3 novembre 2000 à l’égard de cette dernière, pour examiner ensuite, en cas d’existence d’un mandat ad litem répondant aux conditions légales, si la prédite procuration avait été transmise en temps utile au directeur, qui aurait alors dû en tenir compte.

Dans la mesure où la procuration en cause émise par la demanderesse en date du 22 mai 2001 investit M. F. D. du pouvoir « de poursuivre l’instance de réclamation introduite contre les bulletins d’impôt des années 1996 et 1997, procédure entamée par la lettre de la Fiduciaire en date du 7 février 2001 », elle doit être considérée comme avoir conféré à M. F.

D. le pouvoir de réclamer pour compte de la demanderesse devant le directeur contre les bulletins d’impôt en cause du 3 novembre 2000.

Concernant ensuite l’objection du directeur tirée du libellé de la procuration donnée en date du 22 mai 2001 à M. F. D., en ce que le mandat n’aurait été donné que postérieurement non seulement à la date de l’introduction de la réclamation, mais également à celle de l’expiration du délai contentieux ouvert contre les bulletins d’impôt déférés, il y a lieu de constater d’abord que par sa demande du 9 mai 2001 le directeur a agi sur base du paragraphe 254 alinéa 2 AO suivant lequel « Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen » pour voir produire devant lui une procuration documentant qu’à la date de l’introduction de la réclamation, en l’occurrence le 8 février 2001, le signataire de celle-ci fut déjà investi d’un mandat valable.

Or, il résulte du libellé susrelaté de la procuration litigieuse du 22 mai 2001 non autrement sujet à interprétation qu’elle est appelée à produire ses effets seulement à partir de sa date d’émission et ne comporte aucun élément habilitant à l’introduction de ladite réclamation antérieure en date (cf. trib. adm. 16 juin 1999, Thorn-Muller, n° 10724, confirmé par Cour adm. 21 décembre 1999, n° 11382C, Pas. adm. 2001, v° Impôts, n° 241, et autres décisions y citées).

Il ne se dégage non plus du même libellé de la procuration en cause du 22 mai 2001 que la demanderesse ait entendu ratifier ex post en connaissance de cause l’introduction antérieure en date de la réclamation du 7 février 2001 par M. F. D..

Si le contribuable est en effet en droit de produire matériellement une procuration, même suite à la demande du directeur en vue de la soumission d’une preuve écrite du mandat dans le chef de celui qui a introduit une réclamation, ce mandat doit néanmoins avoir existé dès l’introduction de la réclamation auprès du directeur et cette antériorité au dépôt de la réclamation, voire l’intention de ratification d’un tel acte déjà accompli, doit ressortir clairement du libellé de la procuration émanant du contribuable concerné.

A défaut de la preuve de l’existence d’un mandat conféré par la demanderesse à M. F.

D. au moment de l’introduction par ce dernier de la réclamation en cause du 7 février 2001 ou d’une ratification expresse ultérieure concernant cette même réclamation, c’est dès lors à bon droit que le directeur a déclaré ladite réclamation irrecevable faute de qualité. Il s’ensuit que le recours est à déclarer non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 8 mai 2002, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14025
Date de la décision : 08/05/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-05-08;14025 ?

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