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08/05/2002 | LUXEMBOURG | N°13514

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 mai 2002, 13514


Tribunal administratif N° 13514 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mai 2001 Audience publique du 8 mai 2002

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Recours formé par la société à responsabilité limitée …, …, contre une « décision » du directeur de l’administration des Bâtiments publics, en présence de la société de droit allemand … en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 31 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, ins

crit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée …, établie e...

Tribunal administratif N° 13514 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 mai 2001 Audience publique du 8 mai 2002

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Recours formé par la société à responsabilité limitée …, …, contre une « décision » du directeur de l’administration des Bâtiments publics, en présence de la société de droit allemand … en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 31 mai 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son gérant actuellement en fonction, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une « décision » du directeur de l’administration des Bâtiments publics du 12 février 2001 informant la demanderesse de ce que son offre de prix introduite dans le cadre de la soumission publique relative à la fourniture d’équipements de nettoyage à exécuter dans l’intérêt du lycée technique à Esch-sur-Alzette – ateliers près du CNFPC - n’avait pas été retenue ;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 15 juin 2001, portant signification de cette requête introductive d’instance à la société de droit allemand …, , établie et ayant son siège social à D-… ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal par le délégué du gouvernement le 30 octobre 2001 ;

Vu la requête formée en application de l’article 5 (7) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, déposée au greffe du tribunal le 23 novembre 2001 par Maître Fernand ENTRINGER tendant à obtenir une prorogation de deux mois de son délai de réplique, laquelle requête a été signifiée par exploit de l’huissier de justice Marc GRASER, demeurant à Luxembourg, du 28 novembre 2001 à la société … et notifiée par voie de greffe au délégué du gouvernement ;

2 Vu l’ordonnance présidentielle du 28 novembre 2001 portant prorogation du délai de réplique de la partie demanderesse jusqu’au 23 janvier 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse le 17 janvier 2002 ;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Pierre BIEL du 22 janvier 2002 portant signification de ce mémoire à la société … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la « décision » critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Fernand ENTRINGER, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 17 novembre 2000, une soumission publique fut ouverte pour des fournitures d’équipements de nettoyage à exécuter dans l’intérêt du lycée technique à Esch-sur-Alzette – ateliers près du CNFPC.

D’après le résultat non vérifié de ladite soumission, deux adjudicataires y avaient participé, à savoir les sociétés … et …, la première, la moins-disante, offrant les fournitures demandées pour un prix de 5.854.500.- francs et la seconde pour 5.873.340.- francs, montants hors TVA.

Par arrêté du 1er février 2001, sur proposition du directeur de l’administration des Bâtiments publics du 18 janvier 2001, le ministre des Travaux publics approuva le procès-

verbal d’adjudication publique suivant lequel la société … s’engagea à exécuter la fourniture des équipements susvisés pour un montant de 6.732.675.- francs (5.854.500.- + 878.175.-

(15% TVA)).

Par lettre du 12 février 2001, le directeur de l’administration des Bâtiments publics informa la société … de ce que son offre n’avait pas été retenue « faute d’avoir été la plus avantageuse ».

Le 31 mai 2001, la société … a introduit un recours tendant en substance à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre des Travaux publics du 1er février 2001 portant rejet de son offre, décision qui s’est matérialisée par la susdite lettre du directeur de l’administration des Bâtiments publics du 12 février 2001.

Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du recours dans les formes et délai légalement prévus.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 6, et autres références y citées).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.

3 Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, la demanderesse soutient que le matériel offert en vente par la société … ne correspondrait pas aux desiderata techniques du commettant, de sorte que l’offre de celle-ci aurait dû être écartée et la sienne retenue.

Elle fait valoir plus particulièrement que, d’une part, en ce qui concerne les « Reinigungsgeräte aussen », l’appareil offert par l’adjudicataire dans le cadre du poste 9.2.1.

du cahier des charges relativement au « Mehrzweckfahrzeug mit Kehrsaugkombination » ne remplirait pas les conditions techniques suivantes :

« - 4-Zylinder-4-Takt-Diesel-Turbo-Motor (42 PS) - Hydrostatischer Allradantrieb über 4 gleich grosse Räder - Digitalelektronische Steuerung - Stuffenlose Geschwindigkeitswahl mit insgesamt 5 vorwählbaren Fahrstufen - Komplettkabine inklusive Heizung - Differentialsperre vorne und hinten gleichzeitig elektrisch schaltbar - Radlastausgleich - Motorzapfwelle vorn elektrisch lastschaltbar 1.000 min-1 - Anlaufverzögerungsrelais für Zapfwelle - Betriebs- und Feststellbremse als Trommelbremse - Frontaushebung mit Wegeventil einfachwirkend ; Kat. IN und Kat. I mit Druckspeicher - ein doppelwirkendes Wegeventil mit 2 Steckkupplungen nach vorn - mit Kreuzsteuerhebel für Frontaushebung - Multifunktionsanzeige « digital » (Drehzahlmesser, Betriebsstundenzähler, Fahrgeschwindigkeits- und Kraftstoffvorratsanzeige) - Saugmund inkl. 2 gegenläufigen Kehrbürsten - Drehbares Rohr /Schlauchsystem zur verstopfungsfreien Förderung - Mehrzweckeignung des Fahrzeuges bleibt erhalten - Zugmaul ohne Einschränkung möglich - Fahrgeschwindigkeit 20 / 40 km/h - Zapfwellen : lastschaltbare, unabhängige Motorzapfwelle, Drehrichtung auf - Zapfwellenende gesehen, vorne und hinten « rechts », vorne 1000 1/min, hinten 540 1/min getrennt schaltbar - Aushebungen : Normdreipunkt, stufenlose Verstellung von KAT IN auf KAT I (vorn Serie / hinten Option) - Aushubkraft : vorn 800 kg / hinten 800 kg - Differentialsperre : vorne und hinten - Fahrgeschwindigkeit : 20 / 40 km /h - Spur : 882 – 1210 mm - Zapfwellen : lastschaltbare, unabhängige Zapfwellen vorne und hinten rechts drehend vorne 1000 1/min hinten 540 1/min - Aushebungen : Normdreipunkt, stufenlose Verstellung von KAT IN auf KAT I, vorn Serie, hinten Option - Aushubkraft : vorn 800 kg / hinten 800 kg (sic) ».

4 D’autre part, l’appareil offert par l’adjudicataire dans le cadre du poste 9.2.2. du dossier de soumission relativement au « Mehrzweckfahrzeug » ne remplirait pas les conditions techniques suivantes :

« - 4-Zylinder-4-Takt-Diesel-Turbo-Motor (42 PS) - Hydrostatischer Allradantrieb über 4 gleich grosse Räder - Digitalelektronische Steuerung - Stufenlose Geschwindigkeitswahl mit insgesamt 5 vorwählbaren Fahrstufen - Differentialsperre vorne und hinten gleichzeitig elektrisch schaltbar - Radlastausgleich - Motorzapfwelle vorn elektrisch lastschaltbar 1.000 min-1 - Anlaufverzögerungsrelais für Zapfwelle - Bauart : Knicklenker, Rahmenkonstruktion - Lenkung : vollhydrostat. Knicklenkung (Load-Sensing) - Bauart : Knicklenker - Differentialsperre : vorne und hinten - Fahrgeschwindigkeit : 20 / 40 km/h - Radstand : 1530 mm ».

Elle sollicite en outre la communication intégrale du dossier administratif, ce que l’Etat aurait omis de faire, le délégué du gouvernement n’ayant produit que certaines pièces et de surcroît de manière incomplète et, pour autant que de besoin, elle offre de prouver la non-

conformité de l’offre de la société … par une expertise technique.

Le délégué du gouvernement rétorque que lors du contrôle technique et qualitatif des offres concurrentes, l’offre de la société … se serait révélée conforme « aux exigences fondamentales et essentielles de fonctionnement et d’utilisation de cet appareillage utilitaire » et surtout que le matériel offert par l’adjudicataire dépasserait les performances minimales exigées dans le cahier des charges, assurant une meilleure aisance d’utilisation, une plus grande efficience de travail et un meilleur rendement.

Concernant la demande en communication de l’intégralité du dossier administratif formulée par la partie demanderesse, il est vrai que le dossier administratif n’a pas été communiqué dans son intégralité par l’administration, comme l’exige expressément l’article 8 (5) de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, cependant eu égard au fait que la présente affaire n’a pas pour objet une question d’accès au dossier tenu par l’administration et que les pièces produites en cause par la partie demanderesse et le délégué du gouvernement mettent le tribunal en mesure de statuer par rapport au recours et aux moyens soulevés, il n’y a pas lieu de retarder inutilement la solution du litige et d’ordonner que ledit dossier soit produit.

Au fond, comme la contestation de la demanderesse porte sur la conformité aux conditions techniques du cahier des charges de l’offre de la société …, il y a lieu de relever qu’indépendamment du mode de passation d’un marché adopté par le commettant public, l’offre retenue par le pouvoir adjudicateur doit être régulière, c’est-à-dire qu’elle doit être conforme aux clauses et conditions substantielles du cahier des charges.

5 Ainsi, tout non-respect par un soumissionnaire des prescriptions essentielles d’une adjudication publique, notamment celles relatives aux prix, délais ou encore aux conditions techniques jugées substantielles, implique le rejet de l’offre non-conforme.

A défaut de stipulations contractuelles expresses de nullité, il appartient au pouvoir adjudicateur d’apprécier – sous le contrôle du juge – l’importance des irrégularités.

Concernant la mission de contrôle du juge administratif, celle-ci s’exerce en la présente matière dans le cadre d’un recours en annulation, c’est-à-dire que le pouvoir du juge administratif se limite à la vérification du caractère raisonnable de l’appréciation discrétionnaire du maître d’ouvrage adjudicateur.

En l’espèce, il convient en premier lieu de relever que certaines non-conformités alléguées par la demanderesse relativement au matériel offert par la société … sont contredites par les pièces produites en cause. Il en est ainsi des critiques relativement au poste 9.2.1. du cahier des charges, relativement à l’absence d’une cabine chauffée, du défaut de la possibilité d’une « stufenlos einstellbare Fahrgeschwindigkeit » et d’une vitesse de pointe de 40 km/h.

Sur ce, il est vrai que les fournitures offertes par la société … relativement aux postes 9.2.1. et 9.2.2. du cahier des charges s’écartent sur plusieurs points des stipulations du cahier des charges.

Il est cependant vrai encore que les spécifications techniques du cahier des charges relativement aux dits postes et, plus particulièrement, au poste 9.2.1., ne s’analysent pas en une description des exigences qualitatives et fonctionnelles requises pour les fournitures demandées, mais elles s’apparentent plutôt, du moins en partie, à une description extraite d’un prospectus – tout portant à croire qu’il s’agissait en l’occurrence d’un prospectus relativement au produit offert par la société … -. Or, force est de constater que même s’il n’y avait pas intention de favoriser ou de défavoriser un concurrent dans le chef des rédacteurs du cahier des charges, son libellé est pour le moins d’une précision excessive, qui, à l’appliquer strictement, aurait eu pour effet d’éliminer un produit concurrent sur une spécification technique de détail, mais non pas sur une non-conformité fonctionnelle ou une caractéristique technique essentielle.

Ainsi, plutôt que de se tenir aux spécifications excessivement précises du cahier des charges, c’est à bon droit que le maître de l’ouvrage a procédé à une analyse de la conformité des matériels offerts par rapport aux performances fondamentales, légitimement souhaitées par lui, c’est-à-dire en examinant si les produits et matériels offerts sont d’une qualité égale à ceux demandés, ceci impliquant, entre autres, que les stipulations contractuelles soient interprétées comme des performances qualitatives et fonctionnelles minimales exigées relativement aux fournitures demandées et encore seulement dans la mesure où elles ont trait à des spécifications qui ont légitimement pu être jugées essentielles.

Or, sur base des pièces produites en cause et sans qu’il soit nécessaire de recourir à une mesure d’instruction, telle que celle demandée par la demanderesse, il appert que les écarts allégués, en ce qu’ils ont trait à des conditions techniques légitimement jugées essentielles par le commettant public, dépassent les performances minimales exigées dans le cahier des charges. Ainsi, le délégué du gouvernement a pu relever à bon droit que, concernant le poste 9.2.1. du cahier des charges, le volume du réservoir des déchets aspirés du matériel offert par 6 la société … est de 1,5 m3 (1500 litres) au lieu des 500 litres exigés, ce qui signifie que l’intervalle de vidange peut être triplé, augmentant ainsi d’autant l’efficience et le rendement du travail à effectuer, le volume du réservoir des eaux de nettoyage est plus grand que l’exigence contractuelle (300 litres au lieu de 250), le volume du réservoir de carburant est de 78 litres au lieu des 27 litres exigés ce qui augmente considérablement l’autonomie du matériel, un nettoyeur à haute pression est intégré dans le réservoir à déchets, des brosses qui peuvent être orientées horizontalement et verticalement permettent un meilleur nettoyage des caniveaux, la puissance de motorisation est de 50 PS contre 42 PS requis et le rayon de braquage est de 3,10 m au lieu des 5,20 m stipulés et que, concernant le poste 9.2.2. du cahier des charges, la puissance de motorisation est de 49 PS au lieu des 42 PS exigés, la masse remorquable est de 600 kg au lieu des 450 kg exigés, le levage hydraulique arrière est de 1400 kg (au lieu des 800 kg exigés).

Pour le surplus, les autres écarts constatés par le tribunal par rapport aux stipulations du cahier des charges ne concernent que des points qui, à juste titre, ont pu être considérés par le maître de l’ouvrage comme non-substantiels et ceci que l’on les considère individuellement ou encore dans leur ensemble.

En d’autres termes, après examen des non-conformités alléguées, le tribunal vient à la conclusion qu’aucune d’elles ne concerne un élément du marché à ce point essentiel qu’elle aurait incontestablement dû entraîner le rejet de l’offre de la société … et que l’appréciation discrétionnaire de l’importance des non-conformités par le commettant public n’encourt pas de reproche quant à son caractère raisonnable.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et qu’il est à rejeter.

Nonobstant le fait que la société …, quoi que valablement citée par exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL du 15 juin 2001, n’a pas déposé de mémoire en réponse, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare cependant non fondé ;

partant en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

7 Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 8 mai 2002, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13514
Date de la décision : 08/05/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-05-08;13514 ?

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