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06/05/2002 | LUXEMBOURG | N°14447

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 mai 2002, 14447


Tribunal administratif N° 14447 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 janvier 2002 Audience publique du 6 mai 2002

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Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., … contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’enseignes publicitaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14447 du rôle et déposée au greffe du tribuna

l administratif en date du 15 janvier 2002 par Maître Edith REIFF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de...

Tribunal administratif N° 14447 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 janvier 2002 Audience publique du 6 mai 2002

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Recours formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., … contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’enseignes publicitaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14447 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2002 par Maître Edith REIFF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, faisant le commerce à l’adresse préindiquée sous la dénomination sociale « …», tendant à l’annulation de la décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 21 mai 2001, dans la mesure du refus y exprimé portant sur une enseigne lumineuse fixée à plat sur la façade latérale donnant sur l’axe routier …-…, format 230 x 475 cm, et sur quatre hampes/drapeaux sur le terrain avant du bâtiment aux dimensions totales de 600 x 120 cm, ainsi que pour autant que de besoin de la décision confirmative de refus intervenue sur son recours gracieux en date du 16 octobre 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 mars 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Edith REIFF, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 avril 2002.

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Considérant que suite à la demande présentée par la société à responsabilité limitée … s.à r.l., préqualifiée, la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, désignée ci-après par « la ministre », a, en date du 21 mai 2001, accordé l’autorisation sollicitée pour deux enseignes lumineuses apposées à plat sur la façade principale de l’immeuble concerné dans la zone d’activités « …» à … d’un format de 150 x 400 cm chacune, tout en refusant la demande en dérogation du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité visée aux articles 37 et suivants de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, concernant, d’une part, une enseigne lumineuse fixée à plat sur la façade latérale dudit immeuble donnant sur l’axe routier …/… au format de 230 x 475 cm et, d’autre part, quatre hampes/drapeaux sur le terrain avant dudit bâtiment aux dimensions totales indiquées par 600 x 120 cm ;

Considérant que sur recours gracieux formulé par la mandataire de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. le 14 août 2001, la ministre a, par courrier du 16 octobre 2001, retenu qu’il n’y avait pas lieu d’accorder des dérogations supplémentaires à celles résultant de sa décision précitée du 21 mai 2001 ;

Considérant que par requête déposée en date du 15 janvier 2002 la société … s.à r.l. a fait introduire un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle précitée du 21 mai 2001, ainsi que pour autant que de besoin contre celle confirmative de refus du 16 octobre 2001, dans les limites des refus y exprimés ;

Que la partie demanderesse conclut à l’annulation des décisions déférées pour violation de la loi, sinon excès et détournement de pouvoir, pour autant qu’elles sont fondées sur les articles 9 et 10 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 précité, le tribunal devant refuser l’application de ces dispositions réglementaires en vertu de l’article 95 de la Constitution pour non conformité à la loi de base du 18 juillet 1983 précitée ;

Que les décisions ministérielles critiquées encourraient encore l’annulation pour violation de la loi, sinon excès et détournement de pouvoir en ce qu’elles manqueraient de base légale concernant les critères à la base du refus exprimé à travers le motif que « la surface des publicités litigieuses est excessive et porte préjudice à l’aspect du paysage » suite à la constatation ministérielle que la surface publicitaire autorisée à travers les deux enseignes lumineuses admises sur place « semble suffisant pour attirer l’attention du public et chargent déjà suffisamment l’aspect du paysage » ;

Considérant que dans son mémoire en réponse le délégué du Gouvernement se rapporte à prudence de justice ;

Considérant que ni la loi du 18 juillet 1983 précitée, ni aucune autre disposition légale ne prévoient un recours de pleine juridiction en la matière, de sorte que le recours en annulation, introduit dans les formes et délai de la loi, et d’ailleurs non autrement contesté à ce sujet, est recevable ;

Considérant qu’en vertu de l’article 37 de la loi du 18 juillet 1983 précitée, figurant sous le chapitre VI intitulé « De la publicité », « on entend par « publicité » tout dispositif optique établi en vue de la publicité, quels que soient l’objet de la publicité et l’emplacement du dispositif, à l’exception de la publicité produisant son effet exclusivement vers l’intérieur des immeubles » ;

Que cette définition légale large de la publicité ne peut pas être limitée par le règlement grand-ducal du 4 juin 1984 précité, même si certains termes de ce règlement sont susceptibles d’être rapprochés du domaine commercial ;

Qu’en effet, le règlement est subordonné à la loi et doit se borner à mettre en œuvre celle-ci, ne pouvant ni l’étendre, ni la restreindre, ni la modifier ;

Que selon l’exposé des motifs de la loi du 18 juillet 1983, le règlement grand-ducal à prendre ne devait fixer que des détails techniques concernant notamment les dimensions des dispositifs publicitaires ;

Qu’il s’ensuit que tant la loi du 18 juillet 1983 que le règlement du 4 juin 1984, dans la mesure de sa légalité, sont applicables aux enseigne lumineuse et hampes/drapeaux concernés en l’espèce, formant un ensemble publicitaire répondant à des critères communs (cf. C.E . 3 février 1988, n°7928 du rôle, Office des Assurances sociales concernant l’enseigne « Assurances sociales ») ;

Considérant qu’il est constant que la décision ministérielle attaquée a trait à des publicités fixées sur supports immobiles autres que des maisons ;

Considérant qu’en vertu de l’article 38 de la loi du 17 juillet 1983 précitée « toute publicité qui n’est pas conforme aux critères à définir par règlement grand-ducal est interdite » ;

Considérant que l’article 10 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 précité dispose en son alinéa 1er que « toute publicité sur support immobile autre que les maisons est sujette à l’autorisation du ministre ayant les Affaires culturelles dans ses attributions » Considérant que l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 précitée ne confère au pouvoir exécutif que le seul droit de définir les critères auxquels toute publicité devra répondre pour être légalement permise ;

Qu’il n’habilite pas le pouvoir exécutif à subordonner certaines publicités à une autorisation ministérielle ;

Considérant qu’il s’en suit que l’article 10 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 ne trouve pas de base légale dans l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 ;

Considérant que l’article 39 de ladite loi prévoit qu’« un règlement grand-ducal désigne (…) les sites, les localités ou les parties de localités dans lesquels toute publicité est subordonnée à une autorisation du Ministre (ayant dans ses attributions les Affaires culturelles) » ;

Que ce texte n’habilite cependant pas le pouvoir exécutif à soumettre de manière générale à une autorisation ministérielle la publicité faite dans les localités non désignées par un règlement grand-ducal ;

Qu’il en découle que l’article 10 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 dépasse le cadre de la disposition habilitante de l’article 39 de la loi du 18 juillet 1983 ;

Considérant qu’en vertu de l’article 95 de la Constitution, aux termes duquel les Cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois et à défaut de toutes dispositions légales habilitantes, le tribunal administratif est amené à refuser l’application de l’article 10 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 (cf. C.E. 3 février 1988 précité ; C.E. 10 février 1988, Shell, n°s 7158 et 7160 du rôle ; C.E. 26 avril 1988, M & S Modes België, n° 7921 du rôle ; trib. adm. 24 septembre 1997 n° 9502 du rôle, Aral Luxembourg., Pas. adm. 2001 V° Sites et Monuments n°s 4 et 5, page 410 et autres décisions y citées) ;

Considérant que par ailleurs ni la localité de …, ni la zone d’activités « op der Héi » ne sont désignées parmi les endroits où la publicité est subordonnée à une autorisation ministérielle suivant l’article 13 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 ;

Considérant qu’il se dégage de ce qui précède a propos des publicités à établir dans la zone d’activités en question, que la ministre n’est habilitée ni à conférer une autorisation, ni à en refuser la délivrance ;

Que la ministre a partant excédé ses pouvoirs en statuant comme elle l’a fait en l’occurrence ;

Que ces décisions encourent par conséquent l’annulation dans la mesure déférée ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare justifié;

en conséquence annule les décisions ministérielles dans la mesure déférée;

condamne l’Etat aux frais ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 mai 2002 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef Schmit Delaporte 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14447
Date de la décision : 06/05/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-05-06;14447 ?

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