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06/05/2002 | LUXEMBOURG | N°14177

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 mai 2002, 14177


Tribunal administratif N° 14177 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 novembre 2001 Audience publique du 6 mai 2002

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Recours formé par Madame …, … contre une décision de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 en matière d’aides au logement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14177 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 nov

embre 2001 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Lux...

Tribunal administratif N° 14177 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 novembre 2001 Audience publique du 6 mai 2002

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Recours formé par Madame …, … contre une décision de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 en matière d’aides au logement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14177 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 15 novembre 2001 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision prise en date du 16 août 2001 présentée comme émanant du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, l’ayant invitée au remboursement de sa part d’aides au logement touchées à raison de 97.094.- francs, du fait de ne plus habiter le logement subventionné sis à …, Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom de la demanderesse au greffe du tribunal administratif en date du 25 février 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Maître Christian-Charles LAUER, en remplacement de Maître Henri FRANK, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 avril 2002.

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En vertu d’une décision du 4 octobre 1994 émanant de la commission instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 fixant les mesures d’exécution relatives aux primes et subventions d’intérêt en faveur du logement prévues par la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, ci-après désignée par « la commission », les époux … et … ont obtenu une prime d’acquisition d’un montant de 140.000.- francs en raison de l’acquisition par eux faite d’un logement sis à …, logement destiné à servir d’habitation principale et permanente dans leur chef.

D’après les informations concordantes des parties, les époux …-… se sont séparés et Madame … a quitté le logement subventionné préindiqué.

Par décision du 16 août 2001, signée par Monsieur Jean-Paul BOUR, président, « pour les membres de la commission », pourvue de la mention « vu et approuvé – pour le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement – Daniel MILTGEN, conseiller de Gouvernement 1ère classe », Madame … s’est vu réclamer le remboursement des aides étatiques par elle perçues concernant ledit logement subventionné dans les termes suivants :

« Madame, Le 4 octobre 1994, vous avez bénéficié ensemble avec votre conjoint Monsieur …, d’une prime d’acquisition au montant de 140.000.- francs à condition d’habiter ensemble le logement subventionné sis à …, pendant un délai de 10 ans.

Etant donné que vous n’habitez plus ensemble le logement susmentionné, les aides au logement au montant total de 194.189.- francs (contrevaleur en euro : 4.813,82 euros), y compris les intérêts au montant de 54.189.- francs (5,75% / an), sont à rembourser au Trésor.

La commission, instituée sur base du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 concernant les aides au logement et composée de MM. Constant KIFFER, Jean-Paul BOUR et Romain ALFF, vous prie de bien vouloir virer le montant de 97.094.- francs, votre part, (contrevaleur en euro : 2.406,90 euros) au compte de la Trésorerie de l’Etat, Service des Aides au Logement numéro 1023/1106-2 auprès de la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat à Luxembourg.

La présente décision a été prise à l’unanimité des voix.

En outre la commission vous informe que la bonification d’intérêt au montant de 152.488.- francs (contrevaleur en euro : 3.780,08 euros) votre part, pour la période du 1er septembre 1994 au 31 janvier 2001, est seulement à rembourser en cas d’octroi d’une nouvelle bonification d’intérêt.

De plus, il reste à rembourser un montant de 4.606.- francs (non compris dans le montant reprise ci-dessus) provenant d’un indûment touché.

Si, pour l’une ou l’autre raison, il ne vous était actuellement pas possible de régulariser cette situation, n’hésitez pas à contacter Monsieur Jean-Paul BOUR (tél. : 478-

4857) du service des Aides au Logement. Il recherchera bien volontiers avec vous, parmi la gamme des facilités possibles, celle qui pourrait le mieux répondre à vos moyens.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes sentiments distingués. » ;

Par requête déposée en date du 15 novembre 2001, Madame … sollicite la réformation, sinon l’annulation de la décision du 16 août 2001 énoncée comme émanant du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement.

Aucun recours en pleine juridiction n’étant prévu en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, la partie demanderesse conclut à voir déclarer la décision critiquée du 16 août 2001 « nulle et de nul effet » et estime en tout état de cause que la demande en remboursement des intérêts manque de fondement légal pour se voir décharger du paiement dudit montant.

La demanderesse estime en effet que le remboursement de la prime en question ne se justifierait pas au motif que la prime continuerait à se justifier dans le chef de Monsieur … qui continue à habiter le logement en question. La demanderesse estime encore que la condition de l’habitation en commun du logement ne serait pas légale et que tant qu’un membre du couple continuerait à habiter le logement pour lequel la prime a été accordée, la condition du remboursement ne serait pas remplie. Finalement la demanderesse est d’avis qu’il ne saurait être question de rembourser à l’Etat les intérêts échus à raison de 54.149.- francs, étant donné qu’aucune disposition légale ne justifierait un tel remboursement et que la prime resterait valablement acquise pendant la durée d’occupation commune du logement sans qu’il ne pourrait y avoir remboursement du montant avec effet rétroactif.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que l’article 11 alinéa 3 de la loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement dispose « qu’un règlement grand-ducal précisera les conditions et modalités d’octroi et le montant des primes d’acquisition ainsi que les sanctions applicables en cas d’inobservation des conditions d’octroi » et que l’article 9 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 fixant les mesures d’exécution relatives aux primes et subventions d’intérêts en faveur du logement, dans sa teneur actuelle, dispose que « le logement pour lequel une aide est accordée doit, sous peine de restitution de celle-ci, servir d’habitation principale et permanente au ménage bénéficiaire pendant un délai d’au moins dix ans après la date de l’achèvement des travaux de construction ou de l’acte authentique documentant l’acquisition de ce logement ».

Conformément à l’esprit et au texte de la prédite loi du 25 février 1979 et de l’article 9 du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 la condition d’habitation serait à respecter par tous les bénéficiaires d’une prime ou d’une subvention d’intérêt et non pas uniquement par l’un des bénéficiaires. Comme Madame … n’aurait pas respecté les conditions légales, elle devrait procéder au remboursement de sa part des aides au logement reçues, l’obligation de remboursement étant déclenchée dans la mesure où l’un des bénéficiaires des aides au logement cesserait de faire partie du ménage auquel le logement subventionné sert d’habitation principale et permanente.

Le délégué du Gouvernement fait encore ajouter que le remboursement des intérêts se justifierait eu égard aux termes de l’article 10 du règlement grand-ducal modifié du 23 juillet 1983 qui dispose « si le remboursement de l’aide est exigé, celle-ci est restituée au Trésor avec les intérêts au taux de 7,5% / an à partir du jour de l’octroi ».

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse expose que c’est le couple …-…, pris en tant qu’unité, qui se serait vu accorder la prime en question et qu’au moment de l’octroi de la prime les conditions auraient dû être remplies dans le chef du couple et non pas dans le chef des membres dudit couple pris individuellement. Si les conditions d’octroi n’existaient plus, la prime entière serait à rembourser par le couple et non pas seulement la part du membre du couple qui aurait quitté l’immeuble, étant donné qu’il serait inéquitable et discriminatoire de vouloir imposer le remboursement de la moitié de la prime à celui qui a quitté l’immeuble, tandis que le membre qui continue à habiter le logement ne serait pas contraint au remboursement, pour conclure qu’il y aurait « excès de pouvoir » à solliciter le remboursement auprès d’une seule personne du couple.

La loi modifiée du 25 février 1979 concernant l’aide au logement, dispose en son article 11 que :

« L’Etat est autorisé à encourager l’accession à la propriété d’un logement par l’octroi de primes d’épargne, de primes de construction et de primes d’acquisition différenciées suivant le revenu, la fortune, et la situation de famille des bénéficiaires.

Ces primes ne peuvent être accordées qu’aux ménages a) auxquels le logement en question sert d’habitation principale et permanente ;

b) qui ne sont ni propriétaires ni usufruitiers d’un autre logement, sauf si la construction ou l’acquisition doit permettre à deux générations exploitant en commun une entreprise agricole, artisanale ou commerciale, de vivre dans les logements séparés ;

c) qui répondent aux conditions de revenu à fixer par règlement grand-ducal ;

d) qui respectent les critères de surface utile d’habitation à fixer par règlement grand-ducal.

Un règlement grand-ducal précisera les conditions et modalités d’octroi et le montant des primes d’épargne, des primes de construction et des primes d’acquisition, ainsi que les sanctions applicables en cas d’inobservation des conditions d’octroi ».

L’article 14 de la loi modifiée du 25 février 1979 fixe les critères généraux à la base des subventions d’intérêt à accorder comme suit :

« L’Etat est autorisé à accorder des subventions d’intérêt aux personnes qui ont contracté des dettes en vue de la construction, de l’acquisition et de l’amélioration d’un logement et qui remplissent les conditions pour l’octroi des primes prévu à l’article 11 ci-

dessus.

Les subventions d’intérêt sont différenciées suivant la situation de revenu et de famille, de façon à réduire la charge d’intérêt en fonction de la capacité de remboursement des emprunteurs.

Un règlement grand-ducal fixera les modalités d’exécution du présent article, et notamment un montant jusqu’à concurrence duquel les prêts sont pris en considération pour l’octroi des subventions d’intérêt ».

L’article 9 du règlement grand-ducal d’exécution précité du 23 juillet 1983, tel que modifié en dernier lieu par le règlement grand-ducal du 19 mai 2000, est libellé comme suit :

« Le logement pour lequel une aide est accordée doit, sous peine de restitution de celle-ci, servir d’habitation principale et permanente au ménage bénéficiaire pendant un délai d’au moins dix ans, après la date de l’achèvement des travaux de construction ou de l’acte authentique documentant l’acquisition de ce logement.

La condition de la résidence effective et permanente est à documenter notamment moyennant la production d’un extrait du registre de la population émanant de l’autorité compétente de la commune sur le territoire de laquelle se trouve le logement faisant l’objet de l’aide.

Toutefois, le Ministre ayant le logement social dans ses attributions peut dispenser de cette condition dans le cas où celle-ci ne peut être respectée pour des raisons de force majeure.

Au cas où le logement pour lequel une aide a été accordée est aliéné avant le délai prévu ci-dessus, celle-ci est immédiatement remboursable.

La transmission du logement subventionnée par changement de régime matrimonial ou par mariage n’est pas à considérer comme aliénation au sens de l’alinéa 3 pour autant que le logement demeure celui de la famille.

Le Ministre ayant le logement social dans ses attributions peut dispenser du remboursement des aides en tenant compte notamment du prix réalisé, de la durée d’occupation et de la situation familiale. Dans ce cas, une nouvelle aide ne peut plus être accordée ».

Il ressort à l’exclusion de tout doute des dispositions légales et réglementaires précitées que tant les bénéficiaires de primes d’épargne, de primes de construction et de primes d’acquisition, que les bénéficiaires de subventions d’intérêt doivent obligatoirement faire partie d’un ménage, pour lequel le logement subventionné sert d’habitation principale et permanente et que la restitution de l’aide accordée est déclenchée dès que le logement subventionné ne sert plus d’habitation principale et permanente au ménage bénéficiaire. Il convient de noter dans ce contexte que le règlement grand-ducal du 19 mai 2000 a modifié l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 23 juillet 1983 en précisant que le logement doit servir d’habitation principale et permanente au « ménage bénéficiaire », le texte dans sa version antérieure ne faisant référence qu’au « bénéficiaire ».

Il est de même indiscutable que la demanderesse doit être considérée comme bénéficiaire des aides au logement au même titre que Monsieur … comme ayant fait partie du même ménage. C’est dès lors à tort que la demanderesse soutient que pour l’hypothèse d’un remboursement des aides au logement, le choix du destinataire de la demande de remboursement dans son chef serait arbitraire eu égard au fait que Monsieur … continuerait à habiter le logement en question, étant donné que la qualité de bénéficiaire est nécessairement appréciée au moment de l’octroi des aides au logement.

Il est encore constant que Monsieur … continue à résider dans l’immeuble sis à …, que l’immeuble litigieux n’a pas été aliéné et que Monsieur … remplit partant toujours la condition de résidence figurant à l’alinéa 1er de l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 23 juillet 1983.

Si dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 19 mai 2000, l’emploi au singulier du terme « bénéficiaire » utilisé par l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 23 juillet 1983 tendait à rencontrer également la situation où une seule personne bénéficiaire, ayant fait jusque-là partie du ménage jouissant des aides au logement concernées, ne remplit plus les conditions légales et réglementaires en la matière, dont plus précisément celle exigeant que le logement subventionné lui serve d’habitation principale et permanente (voir trib. adm. 12 juillet 2000, n° 11824, Pas. adm. 2001, V° Logement, n° 4), le tribunal estime, au vu du libellé actuel du prédit article 9, que le « ménage bénéficiaire » continue à habiter en partie à travers le(s) membre(s) restant sur place dans le logement en question en cas de départ du logement d’un des deux conjoints bénéficiaires des aides au logement.

Pour le surplus, les articles 13 et 14 du règlement grand-ducal d’exécution du 23 juillet 1983 seraient vidés en partie de leur substance, en ce qu’ils prévoient la possibilité d’adaptation des aides en cas de changement de la situation familiale des intéressés, pareil changement pouvant se produire aussi bien dans le chef des adultes et non pas seulement dans le chef des enfants à charge pour l’hypothèse d’un couple avec enfants à charge.

Il convient encore d’ajouter que la ratio legis des dispositions légales et réglementaires en relation avec la condition de résidence effective et permanente, à savoir l’absence de tout motif de spéculation, se trouve respectée en l’espèce, alors que l’immeuble n’a pas été aliéné à un tiers et continue à être habité par Monsieur … qui a composé ensemble avec Madame … le ménage bénéficiaire au moment de l’octroi des aides au logement et continue à le représenter dans les lieux après la séparation des époux et le départ de la demanderesse.

Finalement, il ressort des tableaux annexés au règlement grand-ducal précité du 23 juillet 1983 que les aides au logement sont notamment accordées en tenant compte du revenu et de la situation de famille des bénéficiaires et qu’elles sont attribuées aussi bien à une personne seule, qu’à un ménage sans enfants, mais non dans la proportion du simple au double. Même si dans le langage courant il paraît difficile de parler de « ménage » en présence d’une seule personne continuant à habiter le logement subventionné, il est contraire au système de calcul des subventions d’exiger le remboursement de la moitié des aides allouées de la part du bénéficiaire ayant quitté le logement en question, alors que le montant des aides n’est pas du simple au double au moment de l’octroi en comparant la situation d’une personne seule avec celle d’un ménage sans enfants.

Si, en l’espèce, le principe même d’un remboursement partiel des aides au logement peut être admis au vu du non-respect de la condition de résidence dans le chef de Madame …, le différentiel réclamé à hauteur de la moitié du montant principal et de la moitié des intérêts de retard ne se justifie pas, au regard des développements ci-avant.

Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que la décision ministérielle déférée encourt l’annulation pour violation de la loi.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond, le dit justifié ;

partant, annule la décision ministérielle déférée ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 mai 2002 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14177
Date de la décision : 06/05/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-05-06;14177 ?

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