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22/04/2002 | LUXEMBOURG | N°14112

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 avril 2002, 14112


Tribunal administratif N° 14112 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2001 Audience publique du 22 avril 2002

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions de la directrice de l’administration de l’Emploi en présence de Maître Anja REISDOERFER, prise en sa qualité de curateur de la société à responsabilité limitée … s. à r.l., … en matière de contrat de travail

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JUGE

MENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14112 du rôle et déposée au greffe du tribunal administra...

Tribunal administratif N° 14112 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 octobre 2001 Audience publique du 22 avril 2002

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions de la directrice de l’administration de l’Emploi en présence de Maître Anja REISDOERFER, prise en sa qualité de curateur de la société à responsabilité limitée … s. à r.l., … en matière de contrat de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14112 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 octobre 2001 par Maître Nicolas BAUER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, femme de charge, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision de la directrice de l’administration de l’Emploi du 11 juin 2001, ainsi que de sa décision implicite de rejet résultant du silence de l’administration pendant plus de trois mois suite à son recours gracieux du 20 juin 2001 portant refus de garantie salariale sur base des dispositions de l’article 46 (2) de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, son ancien employeur concerné, la société à responsabilité limitée … ayant été déclarée en état de faillite ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à …, du 7 novembre 2001 portant signification de ce recours à Maître Anja REISDOERFER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, demeurant à …, prise en sa qualité de curateur de la société à responsabilité limitée … s. à r.l. déclarée en état de faillite par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 28 mars 2001 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 décembre 2001 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclarant agir pour compte du directeur de l’administration de l’Emploi ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 18 décembre 2001 portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Nicolas BAUER ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 janvier 2002 par Maître Nicolas BAUER au nom de la demanderesse ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réplique à Maître Georges PIERRET ;

Vu le mémoire en réponse, intitulé « mémoire en réplique » déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 février 2002 par Maître Anja REISDOERFER, agissant qualitate qua ;

Vu les actes d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réponse à Maîtres Nicolas BAUER et Georges PIERRET ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 février 2002 par Maître Georges PIERRET déclarant agir au nom du directeur de l’administration de l’Emploi ;

Vu les actes d’avocat à avocat du 8 février 2002 portant notification de ce mémoire en duplique à Maîtres Nicolas BAUER et Anja REISDOERFER ;

Vu le mémoire en duplique intitulé « mémoire en réplique » déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 février 2002 par Maître Anja REISDOERFER ;

Vu les actes d’avocat à avocat du 20 février 2002 portant notification de ce mémoire en duplique à Maîtres Nicolas BAUER et Georges PIERRET ;

Vu l’ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif du 25 février 2001 accordant des délais aux parties au litige en vue de déposer des mémoires complémentaires sur base des dispositions de l’article 7 alinéa 3 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, compte tenu des éléments nouveaux véhiculés par le mémoire en duplique du curateur de la faillite de la s. à r.l. … ;

Vu le mémoire en réponse supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 mars 2002 par Maître Georges PIERRET déclarant agir au nom du directeur de l’administration de l’Emploi ;

Vu les actes d’avocat à avocat du 28 février 2002 portant notification de ce mémoire en réponse supplémentaire à Maîtres Nicolas BAUER et Anja REISDOERFER ;

Vu le mémoire en réponse supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 mars 2002 par Maître Nicolas BAUER au nom de la demanderesse ;

Vu les actes d’avocat à avocat du 1er mars 2002 portant notification de ce mémoire en réponse supplémentaire à Maîtres Georges PIERRET et Anja REISDOERFER ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée du 11 juin 2001 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Elisabeth ALEX, Gabrielle EYNARD et Anja REISDOERFER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 avril 2002.

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Considérant que suite à la mise en faillite de son employeur, la société à responsabilité limitée … s. à r.l. par jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 28 mars 2001, Madame …, préqualifiée, a fait déposer en date du 19 avril 2001 une déclaration de créance arguant de ce que son employeur ne lui a jamais payé le supplément de 20% de salaire au titre de travailleur qualifié sur base des dispositions de l’article 4 (4) de la loi du 12 mars 1973 portant réforme du salaire social minimum, en demandant pour la période d’avril 1998 à février 2001 l’admission au passif de ladite faillite à titre super-privilégié pour le montant de 95.893.- francs du chef d’arriérés de salaire, ainsi que de 100.000.- francs au titre de préjudice matériel et moral subi ;

Que le 23 avril 2001, Madame … a fait déposer devant le tribunal du travail de et à Luxembourg une requête tendant au paiement du prédit montant de 195.893.- francs ;

Que compte tenu de l’irrecevabilité que risquait d’encourir la requête en question, du fait de la suspension des poursuites à l’encontre de la s. à r.l. …, en faillite, et après tractations entre le curateur de la faillite et le mandataire de Madame …, cette dernière a marqué son accord à renoncer à faire valoir le montant de 100.000.- francs au titre de dommage moral et matériel pour ne maintenir sa déclaration de créance qu’à concurrence de 95.893.- francs concernant les montants non prescrits d’arriérés de salaires réclamés ;

Que lors de la vérification des créances du 22 mai 2001, la déclaration de créance de Madame … a de la sorte été admise au passif privilégié de la faillite … s. à r.l. à concurrence du montant de 95.893.- francs ;

Que la déclaration de créance transmise de suite par le curateur au Fonds pour l’emploi, aux fins de liquidation de la garantie salariale sur base des dispositions de l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail a été rencontrée par une décision de la directrice de l’administration de l’Emploi du 11 juin 2001 conçue comme suit :

« Madame, J’ai l’honneur de vous informer par la présente, que lors de l’instruction de votre demande de remboursement mes services ont constaté que le curateur de la faillite a admis au passif privilégié des arriérés de salaire sans toutefois être en possession d’un jugement de la juridiction du travail compétente déclarant justifié la requête déposée.

Or, à défaut d’un tel jugement, le bien-fondé de votre requête reste à établir, de sorte que vous ne pouvez pour l’instant faire valoir le droit aux sommes demandées.

Dans ces conditions, je me vois dans l’impossibilité de vous faire bénéficier des dispositions des articles 30, 42, 43 et 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail.

Contre la présente décision de refus du directeur de l’administration de l’Emploi un recours est admissible au titre de l’article 2 paragraphe 1 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif. Ce recours doit être introduit, sous peine d’irrecevabilité, dans un délai de 3 mois à partir de la notification de la présente décision, conformément à l’article 13 paragraphe 1 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Veuillez agréer, … » ;

Qu’aucune prise de position de l’administration face au recours gracieux introduit par le mandataire de Madame … le 20 juin 2001 ne figure au dossier ;

Considérant que par requête déposée en date du 30 octobre 2001, Madame … a fait introduire un recours en annulation dirigé à la fois contre la décision de la directrice de l’administration de l’Emploi du 11 juin 2001 prérelatée, ainsi que contre la décision implicite de refus se dégageant du silence observé, selon elle, par l’administration pendant un délai de plus de trois mois suite à son recours gracieux du 20 juin 2001 ;

Quant à la recevabilité Considérant qu’à travers son mémoire en réponse, la partie de Maître PIERRET déclare se rapporter à la sagesse du tribunal quant à la recevabilité du recours alors qu’il n’a pas été signifié au directeur de l’administration de l’Emploi en relevant qu’« aux termes de la loi du 21 juin 1999, le dépôt du recours vaut signification à l’Etat, pour peu que l’Etat, entité juridique, soit en cause et représenté par un membre du Gouvernement, et non pas une administration de l’Etat voire son Directeur » ;

Qu’à travers son mémoire en duplique, la même partie de constater que la demanderesse a modifié « de fond en comble, les noms, les qualités voire l’identité de la/des parties défenderesses, faisant même figurer dans son mémoire en réplique une partie dénommée Etat, alors que le recours introductif d’instance fut dirigé contre une décision administrative du directeur de l’administration de l’Emploi » ;

Que d’après elle, « l’Etat ne figurait pas dans la requête, et à vrai dire n’y avait pas sa place dans la mesure où l’Etat, entité juridique, ne fut pas impliqué », de sorte à conclure encore à l’irrecevabilité du recours ;

Considérant qu’il est constant que le recours est dirigé contre une décision expresse et une décision implicite de refus émanant de la directrice de l’administration de l’Emploi ;

Considérant que l’administration de l’Emploi ne jouit pas de la personnalité juridique, pas plus que le Fonds pour l’emploi régi par la loi modifiée du 30 juin 1976 en portant création dont elle agit en sa qualité de gestionnaire, de sorte que compte tenu du principe de l’unicité de l’Etat et sur base des dispositions de l’article 4 (3) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le dépôt de la requête vaut signification à l’Etat, la même règle s’appliquant pour le dépôt des mémoires subséquents ;

Qu’une signification à l’administration de l’Emploi, voire à son directeur n’est non seulement superfétatoire au regard des dispositions claires dudit article 4 (3), mais encore aurait-elle engendré des frais non répétibles pour la partie qui les aurait exposés ;

Considérant que force est dès lors de constater que les mémoires pris pour « le directeur de l’administration de l’Emploi » doivent s’entendre comme ayant été pris au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, au-delà de toutes affirmations contraires du mandataire de la partie défenderesse, de sorte qu’aucun reproche ne saurait encore être formulé à l’encontre de la partie demanderesse ayant adopté en cours de procédure sa présentation des parties en ce sens ;

Qu’il convient simplement de relever que jusqu’à ce stade du jugement, le tribunal a entendu suivre, dans un souci de transparence, la présentation adoptée par les parties elles-

mêmes, jusqu’à mise au point ci-avant faite ;

Qu’aucune irrecevabilité du recours ne saurait dès lors être engendrée des éléments qui précèdent ;

Considérant que l’Etat conclut encore à l’irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté faisant valoir, d’un côté, que « le recours gracieux du 20 juin 2001 n’a pas interrompu la forclusion invoquée, alors qu’il ne contenait aucun argument nouveau par rapport à la décision prise » et, d’un autre côté, qu’il n’y aurait aucune décision implicite de rejet de la part du directeur, de sorte qu’il existerait en ces circonstances une décision explicite de refus devenue effective depuis le 11 septembre 2001 ;

Considérant que d’après la qualification même employée par la partie défenderesse le courrier du mandataire de Madame … du 20 juin 2001 se résout en recours gracieux, analyse que le tribunal partage, étant donné qu’il y a lieu à ce stade de faire abstraction du bien-fondé des éléments de fait et de droit émargés par la demanderesse qui s’est adressée à l’autorité ayant pris la décision initiale critiquée en vue de la voir modifier par la voie non-contentieuse suivant ses propres prétentions ;

Considérant que conformément aux dispositions de l’article 13 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 le recours gracieux a eu pour effet de suspendre le délai du recours contentieux, lequel, en toute hypothèse n’était pas expiré le 30 octobre 2001, jour d’introduction du recours sous analyse ;

Que le moyen d’irrecevabilité pour cause de tardiveté soulevé est dès lors à son tour à écarter ;

Considérant que le recours ayant été introduit pour le surplus suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable ;

Considérant qu’à travers son mémoire en duplique, intitulé « mémoire en réplique », du 21 février 2002 le curateur de la faillite …, Maître Anja REISDOERFER requiert la condamnation de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à une indemnité pour procédure abusive et véxatoire sur base de l’article 6-1, subsidiairement 1382 et 1383 du code civil, sans indication du montant dont condamnation est réclamée en faisant valoir que « le mandataire de l’Etat n’a pas hésité aux termes de deux mémoires de mettre en cause l’intégrité, l’honorabilité et la compétence professionnelle du curateur » ;

Qu’à travers le mémoire en réponse supplémentaire de Maître PIERRET du 4 mars 2002 déposé suite à l’ordonnance prévisée du 25 février 2002 il est conclu à l’incompétence du tribunal administratif pour connaître de la demande du curateur, s’agissant d’une prétention purement civile, alors que la partie demanderesse déclare ne pas prendre position dans la querelle opposant le curateur à l’administration de l’Emploi ;

Considérant que la demande en condamnation pour procédure abusive et vexatoire, telle que formulée par le curateur de la faillite …, se résout en une demande en dommages et intérêts, de sorte à échapper à la compétence du tribunal administratif conformément aux dispositions conjuguées des articles 84 et 95bis de la Constitution, pour avoir éminemment trait à des droits civils ;

Quant au fond Considérant qu’au fond la partie demanderesse soulève la question des limites du pouvoir de vérification de l’administration de l’Emploi en tant que gestionnaire du Fonds pour l’emploi sur base des dispositions de l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, en faisant valoir que pareil contrôle pourrait tout au plus être de nature comptable sans pouvoir mettre en cause sa prétention définitivement arrêtée à travers l’admission de sa créance au passif privilégié de la faillite dont s’agit ;

Que l’exigence formulée à travers la décision explicite déférée consistant dans la production d’un jugement statuant sur les arriérés de salaires adjugés relèverait d’un excès de pouvoir et constituerait en toute hypothèse un motif de refus non légal ;

Qu’à partir du moment où le curateur avait saisi le Fonds pour l’emploi d’une demande d’intervention, ce dernier se serait trouvé créancier de la masse et n’aurait dès lors plus revêtu la qualité de tiers, de sorte que l’Etat aurait également été lié par l’admission au passif de la créance dont s’agit ;

Que la partie défenderesse d’estimer que sur base de l’article 46 (6) de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, l’administration de l’Emploi bénéficie du pouvoir de procéder à son propre examen des créances lui soumises et que dans ce contexte, à défaut de pièces probantes versées au dossier elle pourrait être amenée, comme en l’espèce, à exiger la production d’une décision judiciaire coulée en force de chose jugée ;

Que le pouvoir de vérification de l’administration ne se résumerait pas en un simple contrôle comptable mais consisterait en l’espèce à vérifier le bien-fondé des suppléments de salaires de 20% réclamés pendant une période déterminée sans autre argument, ni pièce ;

Que la partie défenderesse affirme encore ne pas connaître de la sorte les fonctions de la demanderesse, ni son ancienneté, ni la date de la résiliation de son contrat, ni même le montant de son éventuel salaire ;

Que la partie demanderesse de répliquer qu’à la différence de l’administration de l’Emploi, le curateur se serait vu remettre ensemble avec la déclaration de créance une farde de 38 pièces contenant toutes ses fiches de salaire pour la période en question allant d’avril 1998 à janvier 2001, de sorte à avoir pu juger du bien-fondé de la créance lors des opérations de vérification afférentes dans le cadre de la faillite ayant abouti à l’admission de la créance au passif privilégié à concurrence d’un montant réclamé de 95.893. –francs, à la base de la demande en intervention du Fonds pour l’emploi sur pied de l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée ;

Que permettre à l’administration de l’Emploi de revenir sur les questions d’existence et de consistance de la créance à la base de son intervention reviendrait non seulement à créer une insécurité juridique mais encore engendrait des maillons procéduraux administratifs et le cas échéant judiciaires intolérables face à la situation par définition dépourvue du salarié demandeur, frappé par l’insolvabilité de son employeur failli ;

Que le curateur de la faillite de la société à responsabilité limité … de conclure à l’annulation de la décision déférée pour excès de pouvoir, sinon violation de la loi en faisant valoir que ce serait le curateur qui apprécie souverainement l’admission ou le rejet d’une créance dans la masse, et que pareille décision d’admission lierait non seulement le curateur et la masse, mais encore le créancier et, au-delà, l’Etat au titre du Fonds pour l’emploi concerné ;

Que la garantie légale établie à travers l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée s’analyserait en garantie autonome à première demande à la liquidation de laquelle l’Etat serait engagé en vertu de la loi, le pouvoir étatique de vérification se limitant à déterminer les sommes nettes après retenues légales à verser au salarié ;

Qu’à travers son mémoire en duplique la partie défenderesse requiert le dépôt des 38 pièces ayant accompagné la déclaration de créance de la demanderesse et en cas de refus sollicite celui-ci par voie d’injonction judiciaire ;

Que la demanderesse de prendre position en ce sens qu’elle n’entend pas déposer les pièces en question en faisant valoir que la seule question en litige soumise au tribunal administratif serait celle de la délimitation du pouvoir de vérification de l’administration de l’Emploi dans le cadre du recours en annulation lui soumis, cadre juridique dans lequel les pièces en question ne revêtiraient en tant que telles aucun caractère pertinent ;

Considérant que d’après l’article 46 (6) de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée « à la demande du curateur, le fonds pour l’emploi verse au salarié, dans les limites visées au présent article, les sommes impayées figurant sur le relevé des créances présenté par le curateur, visé par le juge-commissaire et vérifié par l’administration de l’emploi. Le relevé prévu au présent alinéa peut être présenté par le curateur avant la clôture du procès-verbal de vérification des créances »;

Considérant que dans la mesure où le relevé des créances peut être présenté avant toute clôture du procès-verbal de vérification des créances, à un moment où aucune autorité de chose jugée ne saurait être reconnue à l’inscription de la créance au relevé prémentionné, et en l’absence de modulation prévue par la loi quant au pouvoir de vérification de l’administration de l’Emploi, cette dernière est en droit de procéder à son propre examen des créances qui lui sont soumises, de façon indistincte, notamment au regard des retenues fiscales et sociales obligatoires, étant donné que les garanties salariales assurées par le fonds pour l’Emploi émanent de deniers prélevés au titre d’impôts au profit de l’Etat (cf. trib. adm. 26 mai 1997, Cappai, n° 9481 du rôle, Pas. adm. 2001, V° Travail, n° 6, p. 418 et autres décisions y citées) ;

Considérant que la finalité de la vérification faite par le directeur de l’administration de l’Emploi consiste à fixer les limites de la garantie exorbitante du droit commun accordée au salarié en application de l’article 46 de la loi modifiée du 24 mai 1989 et non à statuer sur l’existence de la consistance même de la créance sous tous ses aspects ;

Que de ce fait une décision judiciaire sur le montant de la créance d’un salarié sur son employeur ne saurait influencer péromptoirement le contrôle effectué par l’administration dans les limites fixées par l’article 46 (6) de la loi modifiée du 24 mai 1989 (Cour adm. 2 avril 1998, Jost, n° 10393C du rôle, Pas adm. 2001, V° Travail, n° 8, p. 418) ;

Considérant qu’il s’ensuit que face à la déclaration de créance admise du chef de suppléments de salaires en raison de la qualité de travailleur qualifié affirmée et pour des montants et périodes non autrement étayés au dossier, dans une démarche de bonne administration soucieuse d’éviter la multiplication des instances administratives, sinon judiciaires, et de statuer dans un souci de proximité à la fois par rapport au salarié concerné et au curateur de la faillite ayant véhiculé la demande en intervention du Fonds pour l’emploi, la simple demande de production des pièces à l’appui de la déclaration de créance, avant toute autre exigence, se serait imposée en l’espèce en préalable du contrôle administratif en la matière, appelé à porter avant tout autre progrès en cause sur la vérification de la qualité de travailleur qualifié au sens de la loi dans le chef de la demanderesse pour les périodes concernées, question conditionnant à sa base l’admission même de ladite créance ;

Que compte tenu des éléments du dossier présentés à l’administration de l’Emploi, l’exigence de la production d’une décision judiciaire coulée en force de chose jugée a excédé, au stade donné, les limites du contrôle administratif en la matière, de sorte que la décision de refus déférée du 11 juin 2001 assise sur cette seule exigence, encourt l’annulation sans qu’il n’y ait actuellement lieu à injonction de dépôt de pièces dans le chef de la demanderesse, le tribunal, dans le cadre du recours en annulation sous analyse, n’étant pas appelé à statuer avant même que l’administration n’ait pu en prendre connaissance dans un cadre précontentieux, étant donné que les fondements de la législation concernant la procédure à la fois contentieuse et non contentieuse, reposent sur la faveur incontestable donnée par ses initiateurs à toute solution mettant fin à un litige relatif à une question d’ordre administratif individuelle trouvée à un niveau non contentieux, aussi proche de l’administré que possible (cf. trib. adm. 17 mai 2001, Botella-Yaquiero, n° 12071 du rôle, confirmé par Cour adm. 4 décembre 2001, n° 13592C du rôle, non encore publiés) ;

Considérant que Maître Anja REISDOERFER, agissant qualitate qua, requiert encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.250 euros au bénéfice de la masse sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, tandis que de son côté la partie demanderesse sollicite pareille indemnité à concurrence de 800 euros sur base du même texte légal ;

Considérant que l’invocation de dispositions légales erronées n’entraîne pas l’irrecevabilité de la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

Considérant que dans la mesure où les conditions requises par l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée, applicable en l’occurrence, ne se trouvent point être remplies, ni dans le chef de la demanderesse, ni dans celui du curateur agissant qualitate qua, les demandes en allocation d’une indemnité de procédure respectives sont à écarter ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision explicite déférée et renvoie le dossier devant la directrice de l’administration de l’Emploi ;

déclare irrecevable la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire du curateur ;

écarte les demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 avril 2002 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14112
Date de la décision : 22/04/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-04-22;14112 ?

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