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17/04/2002 | LUXEMBOURG | N°13833

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 avril 2002, 13833


Tribunal administratif N° 13833 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2001 Audience publique du 17 avril 2002

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Recours formé par la société … s.àr.l., … contre le ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’enseignes publicitaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13833 et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2001 Maître Tom KRIEPS, avocat à la Cour in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à....

Tribunal administratif N° 13833 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2001 Audience publique du 17 avril 2002

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Recours formé par la société … s.àr.l., … contre le ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’enseignes publicitaires

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13833 et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2001 Maître Tom KRIEPS, avocat à la Cour inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à.r.l., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 21 mai 2001 refusant l’autorisation d’installer dans la zone artisanale et commerciale … deux enseignes non lumineuses, sous forme de lettrage séparé sur la façade principale et deux panneaux publicitaires aux deux extrémités de l’entrée principale du bâtiment de la société … s.àr.l. ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 14 décembre 2001 au greffe du tribunal administratif;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Tom KRIEPS et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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A la suite d’une demande de la part de la société … s.àr.l., adressée le 27 mars 2001 au ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et tendant à obtenir l’autorisation d’installer dans la zone artisanale et commerciale … deux enseignes non lumineuses, sous forme de lettrage séparé auto-adhésif sur la façade principale du bâtiment aux dimensions de 950 x 45 cm et 440 x 80 cm et deux panneaux publicitaires aux deux extrémités de l’entrée principale du bâtiment de la société … s.àr.l., aux dimensions de 215 x 45 cm, le prédit ministre, par décision du 21 mai 2001, refusa de faire droit à la demande « en dérogation du règlement grand-ducal [du 4 juin 1984 relatif à la publicité visée aux articles 37 et ss. de la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des Sites et Monuments nationaux] à la S.àr.l. … préqualifiée, pour la raison que la surface publicitaire supplémentaire est excessive et que l’autorisation accordée en date du 15 décembre 2000 de la firme … doit être respectée scrupuleusement ».

Par requête déposée en date du 8 août 2001 la société … s.àr.l. a introduit un recours en annulation contre la décision précitée du ministre de la Culture du 21 mai 2001.

Etant donné que ni la loi précitée du 18 juillet 1983, ni aucune autre disposition légale ne prévoient un recours de pleine juridiction en la matière, le recours en annulation, introduit dans les formes et délai de la loi, et d’ailleurs non autrement contesté à ce sujet, est recevable.

La demanderesse soutient à titre principal que les articles 9 et 10 du règlement grand-

ducal précité du 4 juin 1984 dépasseraient le cadre des dispositions habilitantes des articles 38 et 39 de la loi précitée du 18 juillet 1983, qu’en application de l’article 95 de la Constitution, les tribunaux n’auraient pas à appliquer les règlements généraux non conformes aux lois et que, partant, la décision attaquée devrait être annulée pour violation de la loi sinon excès de pouvoir.

En ordre subsidiaire, la demanderesse fait valoir que le deuxième volet de la demande d’autorisation portant sur l’installation de deux panneaux publicitaires aux dimensions de 215 x 45 cm ne tomberait pas sous les dispositions des articles 9 et 10 du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984, dans la mesure où ces deux panneaux publicitaires serviraient de support à des enseignes de firmes, qui ne nécessiteraient pas d’autorisation en vertu de l’article 7 du règlement précité. Elle conclut que le ministre aurait donc manifestement excédé ses pouvoirs sinon violé la loi en refusant pareille autorisation pour les deux panneaux publicitaires.

En ordre plus subsidiaire, elle conclut à l’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où le motif libellé dans ladite décision, à savoir que la surface publicitaire supplémentaire serait excessive, ne constituerait pas un des critères fixés par le règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984 sur lesquels le ministre compétent pourrait se baser pour motiver légalement sa décision. Elle ajoute que le motif de refus tiré du caractère excessif de sa publicité serait le résultat d’une appréciation subjective qui ne correspondrait ni à la lettre ni à l’esprit de la loi précitée de 1983. Au contraire, compte tenu des données de l’espèce, notamment de l’implantation de la société … s.àr.l. dans une zone artisanale et commerciale où tous les immeubles seraient munis de panneaux publicitaires d’une certaine taille, le caractère excessif de la publicité ne serait manifestement pas donné.

Le délégué du gouvernement expose que le 21 août 2000, la demanderesse a sollicité l’autorisation pour l’installation de deux enseignes et un caisson lumineux, autorisation qui fut délivrée en date du 15 décembre 2000. Il expose encore que le 27 mars 2001, une demande supplémentaire a été introduite « pour des enseignes apposées sans autorisation », mais que cette demande a fait l’objet de la décision de refus du 21 mai 2001, actuellement déférée.

Il fait valoir que la demande de dérogation introduite par la demanderesse se fonderait sur l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984 et au vu de la jurisprudence des juridictions administratives, il se rapporte à prudence de justice quant à la légalité de cet article.

Force est de constater que la décision attaquée du ministre de la Culture du 21 mai 2001 renvoie dans ses visas à la fois à la loi précitée du 18 juillet 1983 et au règlement grand-

ducal du 4 juin 1984 relatif à la publicité visée aux articles 37 et suivants de ladite loi, également précité.

Au voeu de l’article 37 de la loi du 18 juillet 1983, on entend par publicité: « tout dispositif optique établi en vue de la publicité, quels que soient l’objet de la publicité et l’emplacement du dispositif à l’exception de la publicité produisant son effet exclusivement vers l’intérieur des immeubles ».

En vertu de l’article 38 de la même loi « toute publicité, qui n’est pas conforme aux critères à définir par règlement grand-ducal, est interdite ».

Il est constant que la localité de Junglinster ne figure pas parmi celles énumérées à l’article 13 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 pour lesquelles, d’après l’article 12 du même règlement, toute publicité, au sens de l’article 37 précité, est subordonnée à l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles. En effet, pour les localités énumérées à l’article précité toutes les publicités sans exception doivent être autorisées préalablement par ledit ministre, même celles visées aux articles 1er à 8 du même règlement et qui n’excéderaient pas les limites y prévues, ainsi que cette prescription est prévue par l’article 12 alinéa 2 du même règlement.

Par voie de conséquence pour les autres localités, non énumérées à l’article 13, il est de principe qu’aucune autorisation ministérielle n’est requise, dans la mesure où les publicités s’inscrivent dans le cadre des prescriptions des articles 1 à 8 dudit règlement grand-ducal du 4 juin 1984 et ce n’est qu’au cas où une dérogation aux prescriptions desdits articles 1 à 8 devait être sollicitée, que le ministre de la Culture peut accorder pareille dérogation suivant les modalités plus amplement prévues à l’article 9 du même règlement.

En l’espèce, il convient d’examiner si les publicités apposées par la société … s.àr.l.

dépassent le cadre des prescriptions des articles 1er à 8 du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984, dans la mesure où, dans ce cas de figure, une dérogation aux prescriptions desdits articles 1 à 8 doit être sollicitée auprès du ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles au vœu de l’article 9 du même règlement.

Eu égard aux dispositions contenues aux articles 1er à 8 du règlement grand-ducal précité, qui contiennent une distinction quant à la forme de la publicité à apposer suivant qu’il s’agit d’une publicité posée à plat ou en saillie, notamment sous forme de panneaux, ou d’une publicité qui se fait par des lettres aux contours découpés, tel que prévu par l’article 3, peu importe dans ces cas de savoir s’il s’agit d’une réclame ou une enseigne, il y a lieu d’examiner séparément les conditions d’admission de ces publicités au vu de la demande présentée par la société … s.àr.l.

Concernant en premier lieu l’apposition de deux enseignes non lumineuses sous forme de lettrage séparé auto-adhésif sur la façade centrale aux dimensions de 950 x 45 cm et 440 x 80 cm, il n’est contesté par la société … s.àr.l. ni que cette publicité ne répond pas aux exigences de l’article 3 du règlement grand-ducal précité qui dispose que « lorsque la publicité se fait par des lettres aux contours découpés, apposées à plat, la surface limite est portée de 1.5m2 à 2.5m2, à condition que les lettres ne dépassent pas, chacune, 30 cm en hauteur et qu’elles soient éclairées indirectement (…) », ni qu’elle remplit les conditions fixées par une autre disposition des articles 1er à 8, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a analysé ce volet de la demande par rapport aux dispositions dérogatoires prévues par l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984, qui dispose que « sur demande motivée à présenter à l’Administration communale, et sur l’avis de celle-ci, le ministre ayant dans ses attributions les Affaires culturelles peut accorder, la Commission des sites et monuments nationaux entendue en son avis, des dérogations aux dispositions qui précèdent (…) ».

En deuxième lieu, en ce qui concerne l’apposition de deux panneaux publicitaires aux deux extrémités de l’entrée principale du bâtiment, chaque panneau ayant les dimensions de 215 x 45 cm, la demanderesse soutient qu’aucune autorisation ministérielle ne serait exigée, étant donné que cette publicité tomberait dans le champ d’application de l’article 7 du règlement grand-ducal précité, qui prévoit qu’ « une enseigne de firme, à plat ou en saillie, peut être fixée pour chaque firme sur chaque façade principale ». Force est de retenir que cet article vise l’hypothèse dans laquelle plusieurs firmes sont installées dans un même immeuble et, dans ce cas, chaque firme, qui occupe le prédit immeuble, est en droit d’y apposer une enseigne de firme. Pour tomber dans le champ d’application de l’article 7 précité, il est partant nécessaire qu’il s’agisse d’enseignes de firmes qui sont établies dans l’immeuble sur lequel l’installation de l’enseigne est projetée et l’article 7 précité ne saurait viser l’apposition d’enseignes ou de réclames des firmes fournisseurs ou partenaires de la société qui y est établie. Or, en l’espèce, la demanderesse, n’ayant soumis aucun élément de preuve permettant au tribunal d’apprécier la réalité de l’affirmation que les enseignes qu’elle entend apposer ou qu’elle a d’ores et déjà apposées sur l’immeuble, sont des enseignes de firmes qui y sont établies, n’a pas établi que sa demande rentre dans la prévision dudit article 7 et le moyen afférent est partant à écarter. Elle n’a par ailleurs pas établi ni soutenu que la publicité afférente remplirait les conditions fixées par une autre disposition des articles 1er à 8 du règlement précité.

C’est dès lors à bon droit que le ministre a également analysé ce volet de la demande en autorisation au regard de la disposition dérogatoire prévue à l’article 9 du règlement grand-

ducal précité.

Aux termes de l’article 95 de la Constitution, le tribunal n’applique un règlement grand-ducal qu’autant qu’il est conforme aux lois, de sorte qu’il lui appartient d’examiner si la mesure réglementaire qui lui est soumise est ou n’est pas contraire à la loi, notamment au vu du cadre par elle fixée.

Aux termes de l’article 38 de la loi du 18 juillet 1983 précitée, les critères auxquels toute publicité devra répondre pour être légale doivent être définis par règlement grand-ducal et le texte n’autorise pas le pouvoir exécutif à subdéléguer en cette matière son application à un ministre.

Il en résulte que l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984, en ce qu’il prévoit que le ministre ayant dans ses attributions les affaires culturelles peut accorder des dérogations sans autrement définir des critères afférents, dépasse le cadre de la disposition habilitante de l’article 38 précité.

A défaut de toute autre disposition légale habilitante, le tribunal administratif doit refuser l’application de l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 juin 1984 précité, ceci conformément à l’article 95 de la Constitution, aux termes duquel les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois (cf. C.E. 3 février 1988, Office des assurances sociales, n° 7928 du rôle; C.E. 26 avril 1988, M&S Mode België, n° 7921 du rôle).

Il se dégage de ce qui précède à propos du dispositif publicitaire à apposer ou d’ores et déjà apposé sur le bâtiment de la société … s.àr.l., que le ministre n’était pas habilité à délivrer une autorisation dérogatoire aux prescriptions normales inscrites aux articles 1er à 8, tel que cela est prévu par l’article 9 du règlement grand-ducal précité du 4 juin 1984.

Partant, par substitution des motifs ci-avant énoncés, c’est à bon droit que le ministre a refusé de délivrer l’autorisation sollicitée.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre la décision ministérielle du 21 mai 2001 est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 17 avril 2002 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13833
Date de la décision : 17/04/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-04-17;13833 ?

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