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10/04/2002 | LUXEMBOURG | N°14056

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 avril 2002, 14056


Tribunal administratif N° 14056 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 octobre 2001 Audience publique du 10 avril 2002

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Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14056 du rôle et déposée le 16 octobre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Janine BIVER, avocat à la Cour, ass

istée de Maître Max WELBES, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo...

Tribunal administratif N° 14056 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 octobre 2001 Audience publique du 10 avril 2002

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Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14056 du rôle et déposée le 16 octobre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Janine BIVER, avocat à la Cour, assistée de Maître Max WELBES, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux …, né le … et …, née le…, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 17 juillet 2001, notifiée le 10 août 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par le prédit ministre en date du 24 septembre 2001 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 janvier 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Max WELBES et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 mars 2002.

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Le 7 juin 1999, Monsieur … et son épouse Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant …, introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Ils furent entendus en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur leur identité ainsi que sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Les époux …-… furent entendus en outre en date du même jour par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 17 juillet 2001, notifiée en date du 10 août 2001, le ministre de la Justice les informa de ce que leur demande avait été rejetée aux motifs que l’insoumission de Monsieur … serait insuffisante pour constituer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève et que les motifs invoqués par ailleurs à l’appui de leur demande traduiraient plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution, de sorte à ne pas rentrer dans les prévisions de la Convention de Genève. Le ministre a signalé par ailleurs que le régime politique en Yougoslavie aurait changé au mois d’octobre 2000 avec la venue au pouvoir d’un président élu démocratiquement.

Par lettre du 3 septembre 2001, les époux …-… introduisirent par le biais de leur mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 17 juillet 2001.

Par décision du 24 septembre 2001, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 16 octobre 2001, les époux …-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions précitées du ministre de la Justice des 17 juillet et 24 septembre 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Au fond, les demandeurs font exposer que les décisions déférées reposeraient sur une motivation erronée en ce qu’elles ont retenu qu’il ne serait pas établi que l’appartenance à la réserve de l’armée imposerait à l’heure actuelle la participation à des opérations militaires que des raisons de conscience valables justifieraient de refuser, étant donné que l’armée yougoslave aurait conduit des opérations militaires en 1999 et après. Ils insistent par ailleurs sur le fait que le refus de Monsieur … de rejoindre le corps des réservistes de l’armée yougoslave aurait été motivé par des raisons de conscience valables et qu’il serait plus que probable que suite à son retour dans son pays d’origine il serait persécuté par les autorités civiles et/ou militaires compétentes, de sorte que ce serait à tort que le ministre leur a refusé le statut de réfugié.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d’un recours en réformation, à apprécier le bien fondé et l’opportunité d’une décision entreprise en tenant compte de la situation existante au moment où il statue (cf. trib.

adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives en date du 7 juin 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit de raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le motif fondé sur l’état d’insoumission de Monsieur …, il convient de rappeler que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef des demandeurs, une crainte justifiée d’être persécuté dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2 de la Convention de Genève.

En outre, il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que des traitements discriminatoires, en raison de l’appartenance ethnique ou de la religion de Monsieur … risquaient ou risquent de lui être infligés dans le cadre du service militaire ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans le passé à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur … n’établit pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par les deux chambres du Parlement de la République Fédérale Yougoslave visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées, et surtout que des jugements prononcés sont encore exécutés effectivement.

Enfin les craintes de persécution avancées par les demandeurs en raison de leur appartenance à la communauté musulmane et de la situation générale tendue dans leur pays d’origine constituent en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans qu’ils n’aient établi un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie leur serait actuellement, à raison, intolérable dans leur pays d’origine.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé aux demandeurs la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 avril 2002 :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14056
Date de la décision : 10/04/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-04-10;14056 ?

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