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10/04/2002 | LUXEMBOURG | N°14011

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 avril 2002, 14011


Tribunal administratif N° 14011 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 septembre 2001 Audience publique du 10 avril 2002

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Recours formé par Monsieur …,… contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14011 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2001 par Maître Isabel DIAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ord

re des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né …, de nationalité éthiopienne, demeurant actuelle...

Tribunal administratif N° 14011 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 septembre 2001 Audience publique du 10 avril 2002

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Recours formé par Monsieur …,… contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14011 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2001 par Maître Isabel DIAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né …, de nationalité éthiopienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 24 juillet 2001, notifiée le 30 août 2001, portant refus de sa demande en obtention du statut de réfugié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Isabel DIAS, en ses plaidoiries à l’audience publique du 28 janvier 2002.

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Le 11 décembre 2000, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu en date du 8 décembre 2000 (sic) par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 22 janvier 2001, Monsieur … fut entendu en outre par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 24 juillet 2001, notifiée le 30 août 2001, le ministre de la Justice informa Monsieur … de ce que sa demande avait été rejetée aux motifs que la crainte par lui invoquée d’être déporté en Erythrée serait une crainte hypothétique, non basée sur des faits réels ou probables, de manière à ne pas pouvoir constituer un motif de persécution au sens de la Convention de Genève. Le ministre a relevé en outre qu’il ne faudrait pas oublier qu’un cessez-le-feu a été signé le 18 juin 2000 entre l’Erythrée et l’Ethiopie à l’initiative de l’Organisation de l’Unité Africaine, qu’il serait prévu d’installer une force armée internationale dans la zone frontalière entre les deux pays pour surveiller le respect de ce cessez-le-feu et que celle-ci regroupera entre autres des unités européennes et agira sous l’égide des Nations Unies, de même qu’il serait prévu d’établir une zone de sécurité de 25 km sur le territoire érythréen et qu’un traité de paix a été signé en date du 12 décembre 2000 dans le cadre duquel il est retenu, entre autres, que les ressortissants de l’autre Etat seront traités d’une façon humaine, de sorte que des déportations systématiques seraient actuellement à exclure.

Par requête déposée en date du 18 septembre 2001, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle prévisée du 24 juillet 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asiles déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée pour autant qu’elle a refusé de faire droit à la demande d’asile. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours Monsieur … fait exposer qu’il est éthiopien, que sa mère est d’origine érythréenne et qu’il aurait été persécuté dans son pays d’origine. Il relève plus particulièrement être le fils d’un père d’origine éthiopienne et d’une mère d’origine érythréenne, que jusqu’en 1991 la paix régnait entre les gens d’origine éthiopienne et d’origine érythréenne, que jusqu’à la même année l’Ethiopie était régie par un gouvernement communiste et l’Erythrée faisait partie de l’Ethiopie, que son père était un soldat du gouvernement militaire et qu’en 1991 une guerre civile a éclaté entre la population éthiopienne et la population érythréenne qui a obtenu son indépendance. Il signale que le nouveau gouvernement éthiopien l’aurait emprisonné ensemble avec sa mère, étant donné qu’ils étaient membres de la famille d’un soldat de l’ancien gouvernement communiste, qu’il serait ainsi resté emprisonné pendant 4 mois jusqu’à ce qu’un feu éclate en prison, lors duquel il aurait subi de graves brûlures, et que de fin 1992 jusqu’en 1998 il aurait habité avec sa famille en Ethiopie, étant donné que pendant cette période il n'existait guère des problèmes entre le nouveau gouvernement éthiopien et le nouveau gouvernement érythréen. Le demandeur fait valoir que c’est en 1998 que des problèmes seraient à nouveau apparus entre les deux pays à un moment où un grand nombre d’érythréens se trouvaient en Ethiopie, de sorte que le gouvernement éthiopien aurait commencé à déporter les érythréens de l’Ethiopie vers l’Erythrée. Dans la mesure où sa mère est d’origine érythréenne, le gouvernement éthiopien aurait voulu le déporter vers l’Erythrée. Il signale que la plupart du temps, en cas de déportation, le gouvernement érythréen aurait obligé les déportés à effectuer des exercices militaires et les aurait envoyé en première ligne pour combattre les éthiopiens. Il signale par ailleurs que bon nombre d’érythréens n’auraient pas été déportés vers l’Ethiopie, mais auraient été jetés en prison, le sort ainsi décrit ayant été réservé à sa sœur et à sa grand-mère. Dans la mesure où lui-même étant de nationalité éthiopienne n’aurait voulu retourner ni en prison, ni combattre son propre peuple, il aurait décidé de quitter l’Ethiopie lorsque la police serait venue à son domicile pour le déporter. Le demandeur estime que le risque d’être déporté, voire emprisonné en cas de retour en Ethiopie traduirait dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable, voire impossible dans son pays d’origine, pour conclure à la réformation de la décision ministérielle déférée pour erreur de fait, sinon erreur de droit, sinon erreur manifeste d’appréciation.

Il y a lieu de relever d’abord que l’Etat, bien qu’ayant reçu notification du recours sous examen par la voie du greffe en date du 18 septembre 2001, n’a pas déposé de mémoire en réponse dans le délai prescrit par la loi. Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, le demandeur fait état de sa crainte de faire l’objet d’une déportation vers l’Erythrée, voire d’un emprisonnement en cas de retour en Ethiopie, ceci en raison de l’origine érythréenne de sa mère ainsi que de la situation générale tendue actuelle en Ethiopie.

Force est cependant de relever que si la situation générale en Ethiopie est toujours tendue et que des déportations ne peuvent pas être exclues, elle n’est cependant pas telle que toute personne ayant des origines érythréennes serait de ce seul fait exposée à une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des traitements discriminatoires. Une situation de conflit interne violent ou généralisé, à l’instar de celle alléguée en cause, ne peut dès lors, à elle seule, justifier la reconnaissance de la qualité de réfugié, étant donné que la crainte de persécution, outre de devoir toujours être fondée sur l’un des motifs de l’article 1er, § 2 de la section A de la Convention de Genève, doit également avoir un caractère personnalisé.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 avril 2002 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14011
Date de la décision : 10/04/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-04-10;14011 ?

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