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10/04/2002 | LUXEMBOURG | N°13871

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 avril 2002, 13871


Tribunal administratif N° 13871 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2001 Audience publique du 10 avril 2002

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13871 et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2001 par Maître Dominique BORNERT, avocat à la Cour, assisté de Ma

ître Hélène JEAN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d...

Tribunal administratif N° 13871 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2001 Audience publique du 10 avril 2002

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Recours formé par Monsieur … et son épouse, Madame …, et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13871 et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 août 2001 par Maître Dominique BORNERT, avocat à la Cour, assisté de Maître Hélène JEAN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Godijevo/Bijelo-Polje (Monténégro/Yougoslavie), et de son épouse, Madame …, née le … à Koljeno/Rozaje (Monténégro), agissant en leur nom propre ainsi qu’en celui de leurs enfants …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 12 avril 2001, notifiée le 6 juin 2001, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par le prédit ministre en date du 16 juillet 2001;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé par les demandeurs au greffe du tribunal administratif le 28 décembre 2001 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour, non datée, déposée à l’audience à laquelle l’affaire a été plaidée, par laquelle Maître Nadine BOGELMANN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclare qu’elle se constitue avocat à la Cour pour les demandeurs en remplacement de Maître Dominique BORNERT ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Hélène JEAN, en remplacement de Maître Nadine BOGELMANN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 21 mai 1999, Monsieur …, et son épouse, Madame …, agissant en leur nom propre ainsi qu’en celui de leurs enfants …, introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les époux …-… furent entendus le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent ensuite entendus séparément en date du 23 septembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 12 avril 2001, notifiée le 6 juin 2001, le ministre de la Justice les informa de ce que leur demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Il résulte de vos déclarations, Monsieur, que vous auriez été convoqué pour faire la réserve en date du 1er avril 1999, mais que votre épouse aurait refusé l’appel en votre absence. Vous auriez aussi été absent lorsque le coursier militaire serait revenu avec une nouvelle convocation cinq jours plus tard. Vous risqueriez d’être condamné à une peine d’emprisonnement. Vous précisez avoir quitté votre pays à cause des bombardements et de la situation dans votre pays. De plus, une guerre risquerait d’éclater au Monténégro. Votre peur de l’armée et de Milosevic s’expliquerait par votre religion. Par ailleurs, vous auriez été membre du parti communiste sous le régime de Tito, mais par après vous n’auriez plus appartenu à un parti. Enfin, vous n’avez pas été personnellement persécuté.

Madame, vous dites vouloir rester au Luxembourg jusqu’à l’amélioration de la situation dans votre pays d’origine. Vous auriez quitté votre pays en raison de la guerre. Vous estimez que tant que Milosevic serait au pouvoir, un conflit armé risquerait d’éclater au Monténégro. Votre peur des réservistes serait motivée par votre religion. Enfin, vous n’êtes pas membre d’un parti politique et vous n’avez pas été personnellement persécutée.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Monsieur, l’insoumission est insuffisante pour constituer une crainte justifiée de persécution. De même, la seule crainte de peines du chef d’insoumission ne constitue pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte de persécution au sens de la prédite Convention. En outre, il n’est pas établi que l’appartenance à la réserve de l’armée imposerait à l’heure actuelle la participation à des opérations militaires que des raisons de conscience valables justifieraient de refuser. Enfin, rappelons qu’une loi d’amnistie a été adoptée par le Parlement de la République fédérale yougoslave au mois de février 2001.

Madame, force est de constater que vos motifs traduisent plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution. Or, un sentiment général d’insécurité ne constitue pas une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Enfin, il ne faut pas oublier que le régime politique en Yougoslavie vient de changer au mois d’octobre 2000 avec la venue au pouvoir d’un président élu démocratiquement. Un nouveau gouvernement a été mis en place en novembre 2000 sans la participation des partisans de l’ancien régime. La Yougoslavie retrouve actuellement sa place dans la communauté internationale ce qui se traduit notamment par son adhésion à l’ONU et à l’OSCE.

Par conséquent, vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi, une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par lettre du 3 juillet 2001, les consorts …-… introduisirent, par le biais de leur mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 12 avril 2001.

Par décision du 16 juillet 2001, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée le 16 août 2001, les consorts …-… ont fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre des décisions précitées du ministre de la Justice des 12 avril et 16 juillet 2001.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles critiquées. Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les consorts …-… font exposer qu’ils seraient originaires du Monténégro, de confession musulmane et qu’ils auraient quitté leur pays parce que Monsieur … aurait été appelé à la réserve militaire. Ils reprochent au ministre de la Justice une appréciation erronée des faits à la base de leur demande d’asile et ils soutiennent qu’une appréciation plus juste des éléments en cause aurait dû le conduire à reconnaître dans leur chef l’existence d’une persécution à caractère politique intolérable au sens de la Convention de Genève.

Les demandeurs relèvent tout d’abord qu’il incomberait au ministre de la Justice non pas d’examiner leur situation particulière de manière abstraite mais de l’examiner dans le « contexte général et au vu des conditions existant dans [leur] pays d’origine » pour pouvoir apprécier la crédibilité et « l’ampleur » de leurs déclarations.

Dans ce contexte, ils exposent qu’il se dégagerait de nombreux rapports d’organisations internationales que le nettoyage ethnique continuerait encore à l’heure actuelle au Monténégro, que de nombreux meurtres y seraient commis, que toutes sortes de pressions, notamment par la diffusion d’émissions de radio et de tracts lancés par des avions, y seraient exercées à l’encontre de la population musulmane, de sorte que toutes ces persécutions justifieraient que leur vie aurait été et serait toujours intolérable dans leur pays d’origine et qu’ils devraient bénéficier de la protection prévue par la Convention de Genève.

Ils soutiennent qu’au regard des critères à appliquer dans le cadre de la prédite Convention, il ne serait pas nécessaire de faire état de persécutions personnellement vécues, mais il suffirait que des persécutions aient été subies par d’autres membres du même groupe racial pour justifier leur crainte de subir le même sort et d’être la victime de ces mêmes persécutions. Ils contestent par ailleurs qu’une situation de paix se serait installée au Monténégro.

Ils exposent encore qu’ils auraient fui leur pays en temps de guerre, de sorte qu’ils seraient actuellement considérés comme des traîtres par « certains groupes » de leur pays, et notamment par leur collègues de travail qui auraient travaillé ensemble avec eux dans une entreprise de textile. Ils considèrent qu’il serait très difficile de retrouver dans ces conditions un emploi lors de leur retour dans leur pays. Ils soulèvent en outre que leurs enfants seraient scolarisés au Luxembourg et que le fait de les obliger à quitter le Luxembourg, priverait leurs enfants de la possibilité de bénéficier d’une formation leur permettant de bénéficier d’un avenir professionnel.

Concernant l’insoumission de Monsieur …, ils font valoir qu’il aurait refusé d’être enrôlé dans les rangs de l’armée yougoslave pour des raisons de conscience, que ce comportement aurait été soutenu par l’OTAN qui aurait encouragé la population yougoslave à ne pas participer à cette guerre et qu’il risquerait actuellement d’être condamné à une lourde peine de prison du fait de son insoumission, étant donné que la loi d’amnistie votée ne lui serait pas applicable. A ce titre, ils se réfèrent à des articles de presse parus dans le journal « VESTI », desquels il se dégagerait que cette loi ne garantirait pas l’amnistie à tous ceux qui, par leur départ à l’étranger, ont refusé de prendre les armes ou ne se sont pas soumis à l’appel.

Ils se réfèrent plus particulièrement à un extrait du journal « Vesti » faisant état du cas d’un sous-officier de l’armée fédérale qui aurait déserté de ladite armée et qui aurait été arrêté et emprisonné postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi d’amnistie Ils estiment finalement qu’il serait incohérent, d’une part, d’encourager l’insoumission et, d’autre part, de refuser d’assister les personnes qui, par leur insoumission, risquent d’être condamnés à des peines d’emprisonnement.

En substance, les demandeurs reprochent au ministre de la Justice de ne pas avoir pris en considération les faits prérelatés en rapport avec l’insoumission de Monsieur …, leur religion musulmane, ainsi que la situation générale des musulmans au Monténégro, qui établiraient des craintes raisonnables de persécution justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des époux …-….

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux …-… lors de leurs auditions respectives en date du 23 septembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le motif de persécution tiré de l’insoumission de Monsieur …, il convient de rappeler que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef des demandeurs d’asile une crainte justifiée d’être persécutés dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

En outre, il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que Monsieur … risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables ou que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance ethnique et de sa religion, risquaient ou risquent de lui être infligés ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans le passé à l’égard de déserteurs et d’insoumis, les demandeurs n’établissent pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement en raison de la loi d’amnistie votée par le parlement yougoslave et entrée en vigueur le 3 mars 2001, visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale yougoslave et incluant expressément l’hypothèse de ceux ayant quitté le pays pour se soustraire à leurs obligations militaires, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des jugements prononcés sont encore exécutés effectivement.

Concernant l’allégation relative à une non application généralisée de ladite loi d’amnistie, illustrée par les demandeurs par référence notamment à un extrait du journal « Vesti » du 13 mars 2001, se rapportant au cas du sous-officier Dzemail MASOVIC, qui lors de son retour en Yougoslavie aurait été arrêté et emprisonné en raison de sa désertion, il convient en premier lieu de relever qu’au delà des termes mêmes de la loi d’amnistie ainsi que des infractions qui en font l’objet, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés a au contraire exprimé l’avis que les termes de cette loi témoignent de la volonté des autorités yougoslaves de mettre en place une amnistie effective et qu’il n’a pas encore eu connaissance de cas d’insoumis ou de déserteurs, n’ayant pas reçu de nouvel appel après le 7 octobre 2000, qui n’auraient pas pu bénéficier de cette loi (cf. Cour adm. 16 octobre 2001, n° 13854C du rôle, non encore publié).

En outre, il convient d’ajouter que l’extrait du journal « Vesti » invoqué par le demandeur pour soutenir ses doutes au sujet de l’application effective de la loi d’amnistie ne saurait être utilement retenu pour invalider la conclusion ci-avant dégagée. En effet, à admettre son authenticité, il ne permet en tout état de cause pas à situer avec toute la certitude requise l’infraction pénale y visée dans le temps. Par ailleurs, ladite pièce ne renseigne pas sur les suites et aboutissements que la procédure éventuellement menée a connu.

Concernant le second motif de persécution tiré de l’appartenance des demandeurs à la minorité musulmane et de la mauvaise situation générale au Monténégro, il convient de relever qu’il est vrai que la situation des membres de minorités en Yougoslavie, notamment celle des musulmans, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, voire d’autres discriminations ou agressions par des groupes de la population, elle n’est cependant pas telle que tout membre de la minorité ethnique visée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève, étant entendu qu’une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Or, en l’espèce, les craintes exprimées par les demandeurs constituent en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans qu’ils n’aient établi un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine, respectivement sont insuffisantes pour établir que les nouvelles autorités en Yougoslavie ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de la Yougoslavie ou tolèrent voire encouragent des agressions notamment à l’encontre des musulmans.

Concernant la peur des époux …-… de ne pas retrouver un emploi en cas de retour dans leur pays d’origine, force est de constater qu’il s’agit seulement d’une supposition hypothétique et que par ailleurs ils n’établissent pas - à supposer cet état de choses établi - que le refus de leur accorder du travail au Monténégro serait motivé par une des raisons énoncées par la Convention de Genève.

Enfin, il convient d’ajouter que le fait que les enfants des époux …-… sont actuellement scolarisés au Luxembourg, reste sans incidence quant au bien-fondé ou mal fondé de leur demande d’asile, seul objet du présent litige, étant donné qu’un tel état des choses n’est pas de nature à justifier une crainte de persécution au sens de ladite Convention.

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique dans leur chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 10 avril 2002, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13871
Date de la décision : 10/04/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-04-10;13871 ?

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