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26/03/2002 | LUXEMBOURG | N°15507

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mars 2002, 15507


Tribunal administratif N° 15507 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 octobre 2002 Audience publique du 26 mars 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15507 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 octobre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de M. …, né le … à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant actuelle...

Tribunal administratif N° 15507 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 octobre 2002 Audience publique du 26 mars 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15507 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 octobre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M. …, né le … à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 15 mai 2002, notifiée le 4 juin 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision implicite de confirmation dudit ministre se dégageant de son silence observé pendant plus de trois mois par rapport au recours gracieux par lui introduit en date du 28 juin 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée du 15 mai 2002 ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 25 avril 2000, M. … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

M. … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut en outre entendu le 30 août 2000 sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 15 mai 2002, notifiée le 4 juin 2002, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit:

« Il résulte de vos déclarations que vous êtes arrivé au Luxembourg le 24 avril 2000.

Vous exposez vouloir rester au Luxembourg jusqu’à ce que le régime en Bosnie ait changé. Vous auriez été emprisonné dans un camp croate pendant la guerre de Bosnie et maintenant vous seriez traité comme un « Ustacha » par les autres musulmans. Ainsi, on aurait apposé des graffitis sur votre maison et on vous aurait cassé les fenêtres. Vous auriez porté plainte auprès de la police, qui aurait dressé un rapport sans rien faire de plus. Les autres musulmans seraient aussi d’avis que vous avez beaucoup d’argent parce que vous étiez en Allemagne pendant quelques années.

Selon vos opinions ce seraient les islamistes qui domineraient tout et qui vous poseraient des problèmes.

Force est cependant de constater que vos problèmes relèvent surtout de la criminalité de droit commun. Le fait que la police bosniaque n’ait pas pu arrêter les auteurs des attaques contre votre maison ne signifie pas que la police ait refusé de faire son travail et de vous protéger.

En outre, les autres musulmans ne sauraient être considérés comme étant des agents de persécution au sens de la Convention de Genève.

De même, votre affirmation que les islamistes domineraient tout en Bosnie est fortement contestable.

En plus, il ressort de vos déclarations que vous avez un sentiment général d’insécurité. Or, un sentiment général d’insécurité ne constitue pas une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par ailleurs, la situation générale dans le pays d’origine d’un demandeur d’asile ne saurait être suffisante pour justifier l’octroi du statut de réfugié. Vous restez en défaut d’établir que votre situation particulière est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d’asile ; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Par lettre du 28 juin 2002, M. … introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 15 mai 2002. Celui-ci n’ayant pas fait l’objet d’une décision du ministre dans les trois mois qui s’en suivirent, il a fait déposer un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 15 mai 2002 et celle implicite confirmative se dégageant du silence observé par le ministre par rapport à son recours gracieux, par requête datant du 28 octobre 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient que les décisions ministérielles baseraient sur une appréciation erronée des circonstances de fait et de droit, au motif qu’il risquerait de faire l’objet de mauvais traitements et de discriminations de la part d’« extrémistes musulmans », qui le considéreraient comme un traître à la cause musulmane et qui l’auraient déjà menacé sans qu’il ait pu obtenir une protection efficace de la part des autorités étatiques, qui encourageraient même les actes répréhensibles perpétrés par les extrémistes.

En substance, il reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’il a mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de M. … et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2001, V° Recours en réformation, n° 11).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par M. … lors de son audition en date du 30 août 2000, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les allégations du demandeur relativement à sa crainte en raison de son appartenance à la minorité musulmane et des risques de représailles émanant d’extrémistes musulmans sont très vagues et non autrement circonstanciées et elles ne sont pas confortées par un quelconque élément de preuve tangible.

En outre, même à les supposer vraies, lesdites allégations sont insuffisantes pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, respectivement sont insuffisantes pour établir que les autorités qui sont au pouvoir en Bosnie-Herzégovine ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de la Bosnie-Herzégovine ou tolèrent voire encouragent des agressions notamment à l’encontre des musulmans.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit le recours en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 26 mars 2003, par le président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Ravarani 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15507
Date de la décision : 26/03/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-03-26;15507 ?

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