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21/03/2002 | LUXEMBOURG | N°13690

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mars 2002, 13690


Tribunal administratif N° 13690 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juillet 2001 Audience publique du 21 mars 2002

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Recours formé par la société à responsabilité limitée Electricité … SàRL, … contre deux décisions du collège échevinal de la commune de Bissen en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13690 du rôle et déposée le 2 juillet 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société à responsabilité limitée Electrici...

Tribunal administratif N° 13690 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juillet 2001 Audience publique du 21 mars 2002

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Recours formé par la société à responsabilité limitée Electricité … SàRL, … contre deux décisions du collège échevinal de la commune de Bissen en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13690 du rôle et déposée le 2 juillet 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Luc GONNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de la société à responsabilité limitée Electricité … SàRL, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par ses gérants actuellement en fonction, tendant à l’annulation 1) de la décision du collège échevinal de la commune de Bissen par laquelle les deux offres de la demanderesse dans le cadre d’une soumission publique du 11 mai 2001 relative au projet d’extension de l’école primaire à Bissen ont été écartées au motif que les offres n’étaient pas fermées moyennant le procédé de fermeture admis par l’Entreprise des Postes et Télécommunications pour l’envoi de lettres avec valeur déclarée et 2) de « la soumission du 11 mai 2001 »;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 2 juillet 2001 portant signification de ce recours à l’administration communale de Bissen;

Vu les pièces versées en cause;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Jean-Luc GONNER en ses plaidoiries.

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Dans le cadre d’une soumission publique à laquelle l’administration communale de Bissen avait décidé de procéder dans le cadre de l’extension de l’école primaire à Bissen, la société à responsabilité limitée Electricité … SàRL soumit deux offres, la première relative « aux travaux des installations électriques à basse tension à exécuter dans l’intérêt de l’école à Bissen », la seconde relative « aux travaux des installations électriques à courant faible à exécuter dans l’intérêt de l’école à Bissen ».

2 L’ouverture de ladite soumission fut fixée au 11 mai 2001 à 11.00 heures dans les bureaux de l’administration communale de Bissen.

Les deux offres ayant été retournées, telles quelles et sans avoir été ouvertes, à la société Electricité … SàRL, cette dernière, par courrier de son mandataire du 21 mai 2001, s’enquit auprès de l’administration communale de Bissen sur les raisons qui l’ont amenée à ne pas tenir compte de ses deux offres.

Cette demande fut rencontrée par un courrier du 29 mai 2001 du collège échevinal de la commune de Bissen qui est de la teneur suivante : « Suite à votre lettre du 21 mai écoulé, nous vous signalons que les deux offres de la firme … S.à r.l. n’ont pas été prises en compte lors de la soumission du 11 mai 2001 relative au projet cité en objet car ces offres n’étaient pas fermées moyennant un procédé de fermeture admis par l’administration des Postes et Télécommunications pour envoi de lettres avec valeur déclarée, comme le stipule le règlement Grand-Ducal du 10 janvier 1989 portant exécution du chapitre 2 de la loi du 4 avril 1974 concernant le régime des marchés publics de travaux et de fournitures.

Mention en a été faite sur les procès-verbaux de soumission que le mandataire de votre client n’a pas manqué de contresigner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 2 juillet 2001, la société Electricité … SàRL, a introduit un recours en annulation « pour excès de pouvoir, sinon détournement de pouvoir, sinon violation de la loi » contre 1) la décision du collège échevinal de la commune de Bissen par laquelle ses deux offres précitées ont été écartées et 2) « la soumission du 11 mai 2001 ».

La demanderesse expose qu’elle aurait remis ses offres dans deux enveloppes distinctes, « une enveloppe portant l’inscription « dossier de soumission pour école à Bissen / installations électriques à basse tension » et l’autre portant l’inscription « dossier de soumission pour école à Bissen / courant faible », qu’elles « étaient emballées dans des enveloppes, respectivement emballages, solides et étaient scellés conformément à l’article 11 des prescriptions de l’ENTREPRISE DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS (valeur déclarée), poste n° 7 (conditionnement des envois avec valeur déclarée) « … par des cachets identiques à la cire, par des plombs, ou par un ruban adhésif, avec empreinte ou marque spéciale… » ».

Elle expose encore que l’Entreprise des Postes et Télécommunications accepterait en service intérieur (et dans les relations avec certains pays) des envois avec valeur déclarée qui peuvent être expédiés sans scellés, à condition « qu’à ce moment des rubans adhésifs, utilisés éventuellement pour la fermeture des envois avec valeur déclarée admis sans scellés, [portent] (…) le nom, la marque, la griffe ou la signature de l’expéditeur » et elle soutient que « chacune des deux enveloppes était scellée moyennant rubans adhésifs, de dimensions 5 cm x 8 cm, portant l’inscription « ELECTRICITE …, …, L-… Tél. …, …, Tél. … » et ce aux quatre coins de chacune des enveloppes, respectivement en plus des quatre coins sur deux emplacements de la languette d’ouverture de l’enveloppe ».

Sur ce, la partie demanderesse conclut que les exigences requises par l’Entreprise des Postes et Télécommunications pour les procédés de fermeture des envois avec valeur déclarée, 3 auraient été respectées et que le refus de l’administration communale de Bissen de prendre en considération ses deux offres ne serait pas justifié.

Lors des plaidoiries, le mandataire de la partie demanderesse a déclaré que sa partie renonçait au deuxième volet de son recours, c’est-à-dire qu’elle n’entendait plus poursuivre son recours dans la mesure où il est dirigé contre « la soumission du 11 mai 2001 ». Il convient de lui en donner acte.

QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS Le recours en annulation est recevable dans la mesure où il est dirigé contre la décision du collège échevinal de la commune de Bissen d’écarter du marché les deux offres du soumissionnaire Electricité … SàRL, décision prise lors de l’ouverture de la soumission le 11 mai 2001, telle qu’elle a été matérialisée par le susdit courrier du 29 mai 2001 dudit collège échevinal pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

QUANT AU FOND Il convient de relever que l’administration communale de Bissen, quoi que valablement informée par une signification par exploit d’huissier de la requête introductive d’instance de la partie demanderesse, n’a pas fait déposer de mémoire en réponse. Nonobstant ce fait, l’affaire est néanmoins réputée jugée contradictoirement, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Ceci étant, bien que la demanderesse ne se trouve pas confrontée à un contradicteur, il n’en reste pas moins que le tribunal doit examiner les mérites des différents moyens soulevés, cet examen comportant entre autres, le cas échéant, un contrôle de l’applicabilité de la disposition légale invoquée par l’administration aux données factuelles apparentes de l’espèce, c’est-à-dire que le tribunal doit qualifier la situation de fait telle qu’elle apparaît à travers les informations qui lui ont été soumises par rapport à la règle légale applicable.

Il y a encore lieu de rappeler qu’en matière de contentieux administratif, la charge de la preuve est partagée entre les parties demanderesse et défenderesse. Ainsi, si le régime administratif de la preuve fait en premier lieu peser le fardeau de la preuve sur le demandeur, lequel doit effectivement combattre et démentir le contenu et la légalité de l’acte administratif critiqué, il n’en reste pas moins que l’administration, c’est-à-dire la partie défenderesse, ne saurait rester purement passive. En effet, l’administration doit collaborer à l’établissement des preuves, ceci spécialement dans les cas dans lesquels elle détient les pièces ou informations nécessaires à la connaissance de la vérité ou encore, lorsque l’acte soumis au contrôle du juge est le fruit d’une initiative de l’administration, l’appelant à démontrer notamment la matérialité des faits à la base de sa décision.

Il s’ensuit qu’en ce qui concerne les données factuelles du cas sous examen, faute par la partie défenderesse d’avoir effectivement manifesté un intérêt à l’instance en présentant ses observations dans le délai légalement imparti ou ne serait-ce qu’en produisant le dossier administratif, tel que l’exige l’article 8 (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant 4 règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal doit considérer que les faits allégués dans la requête introductive d’instance, qui ne sont pas contredits par les pièces produites en cause, sont à considérer comme établis.

Par ailleurs, en présence d’une décision du pouvoir adjudicateur écartant des offres d’une soumission publique pour non-respect d’une formalité légale, il revient à l’administration de justifier en quoi l’irrégularité consiste, faute de quoi le juge doit retenir que la matérialité du reproche avancé par l’autorité administrative n’est pas établie.

En l’espèce, force est de constater qu’il se dégage du courrier précité du 29 mai 2001 du collège échevinal de la commune de Bissen que le pouvoir adjudicateur fonde sa décision sur l’article 42 (3) du règlement grand-ducal précité du 10 janvier 1989.

Ledit article 42 (3) dispose que « sous peine de nullité, les offres doivent être enfermées dans une enveloppe fermée moyennant un procédé de fermeture admis par [l’entreprise] (…) des Postes et Télécommunications pour l’envoi de lettres avec valeur déclarée, et portant l’inscription : « Soumission pour … » ». Ainsi, il énonce une formalité, prescrite dans l’intérêt de l’Etat et des soumissionnaires, qui tend à éviter des manipulations et des atteintes à la confidentialité des offres, laquelle, en cas de non-respect, emporte le rejet de l’offre.

Ceci étant, force est cependant de constater que l’administration n’a ni indiqué ni démontré en quoi le procédé de fermeture employé par la demanderesse n’est pas admis par l’Entreprise des Postes et Télécommunications.

Or, cette obligation s’impose spécialement en l’espèce, dans la mesure où la partie demanderesse apporte des indices et des indications, certes non complètements probants, mais qui introduisent un doute à laquelle l’administration aurait dû répondre, compte tenu des moyens et informations à sa disposition.

En d’autres termes, l’administration ne justifie pas les circonstances particulières au nom desquelles elle a cru devoir et pouvoir conclure à l’existence d’une cause d’exclusion de la société Electricité … SàRL du marché public prévisé. Ainsi, elle met le juge dans l’impossibilité d’exercer son contrôle sur les éléments de fait justifiant l’application de la disposition légale invoquée.

Il s’ensuit qu’il y a lieu de faire droit à la demande en annulation de la décision d’écarter les deux offres que la société Electricité … SàRL a soumises dans le cadre de la soumission publique relative à l’extension de l’école primaire à Bissen.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement à l’égard de toutes les parties ;

donne acte à la partie demanderesse qu’elle déclare renoncer à son recours en ce qu’il est dirigé contre « la soumission du 11 mai 2001 » ;

5 reçoit le recours en annulation en la forme en ce qu’il est dirigé contre la décision du collège échevinal de la commune de Bissen d’écarter du marché public relatif au projet d’extension de l’école primaire à Bissen les deux offres du soumissionnaire Electricité … SàRL, décision prise lors de l’ouverture de la soumission le 11 mai 2001, telle qu’elle a été matérialisée par le susdit courrier du 29 mai 2001 dudit collège échevinal ;

déclare le recours en annulation fondé sous ce rapport, partant annule la décision susvisée du collège échevinal de la commune de Bissen ;

condamne l’administration communale de Bissen aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 21 mars 2002, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13690
Date de la décision : 21/03/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-03-21;13690 ?

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