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20/03/2002 | LUXEMBOURG | N°13442

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 mars 2002, 13442


Tribunal administratif N° 13442 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2001 Audience publique du 20 mars 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative en matière de dossier personnel

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13442 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2001 par Maître Jean-Paul KILL

, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,...

Tribunal administratif N° 13442 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2001 Audience publique du 20 mars 2002

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative en matière de dossier personnel

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 13442 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2001 par Maître Jean-Paul KILL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, demeurant à L-…, tendant à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision implicite du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative se dégageant du silence observé par ce dernier par rapport à la réclamation introduite par Monsieur … sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat en date du 15 novembre 2000 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 août 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 octobre 2001 par Maître Jean-Paul KILL au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique WATGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, nouvel avocat constitué pour Monsieur …, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 janvier 2002.

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Monsieur …, fonctionnaire de l’Etat, affecté au ministère des Affaires Etrangères, du Commerce Extérieur, de la Coopération et de la Défense, ci-après appelé le « ministère des Affaires étrangères », se vit adresser en date du 10 novembre 2000 copie d’une note datée du 9 novembre 2000 référencée sous le numéro 182. doc., émanant de Monsieur Alphonse BERNS, secrétaire général auprès du ministère des Affaires étrangères, portant comme objet « résumé et analyse du rapport Burgelin » et libellée comme suit : « Lors de la réunion entre Ministres et Directeurs du mercredi 8 novembre 2000, la question des futures discussions sur le rapport Burgelin a été abordée entre autres par M. le Ministre GOERENS. J’ai dû constater qu’en dépit de mes rappels précédents, vous n’avez toujours pas produit la note que vous aviez été appelée à rédiger.

Le retard dans votre travail – en dépit de mes rappels – est inadmissible. Je vous enjoint donc de produire ladite note pour le 15 novembre au plus tard.

J’ai décidé de verser la présente à votre dossier personnel ».

Suivant courrier de son mandataire datant du 15 novembre 2000, Monsieur … a fait introduire une réclamation contre la note prévisée, ainsi que contre son incorporation dans son dossier personnel, ladite réclamation ayant été adressée aux Premier ministre, ministre des Affaires étrangères, ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative et ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire et de la Défense, sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé « le statut général ».

Cette réclamation étant restée sans suite, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision implicite du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative se dégageant du silence observé par ce dernier par rapport à la réclamation introduite en date du 15 novembre 2000.

Le délégué du Gouvernement conclut principalement à l’irrecevabilité de ce recours en faisant valoir qu’en l’absence de réponse fournie par les ministres destinataires de la réclamation introduite par le demandeur suivant courrier de son mandataire datant du 15 novembre 2000, Monsieur … aurait été tenu, en vertu des dispositions de l’alinéa final de l’article 33 du statut général, de s’adresser au Gouvernement en conseil, de sorte qu’en s’adressant directement au tribunal administratif, sans passer par l’instance de recours prévue par la loi, son recours serait à considérer comme irrecevable omisso medio.

Le demandeur rétorque dans son mémoire en réplique que la réclamation par lui introduite en date du 15 novembre 2000 l’aurait été selon la procédure administrative prévue par l’article 33 du statut général, que le recours prévu par ledit article aurait un caractère contentieux et se distinguerait ainsi du recours gracieux, non formellement prévu par un texte et que l’autorité compétente aurait, dans le cadre de l’article 33 du statut général, l’obligation d’instruire l’affaire et de transmettre au réclamant sa réponse motivée. Dans la mesure où l’autorité compétente aurait en l’espèce, à travers son silence observé par rapport à la réclamation prévisée du 15 novembre 2000, violé son obligation d’instruire l’affaire, le silence du ministre compétent, en l’occurrence celui de la Fonction publique et de la Réforme administrative, serait à considérer comme étant constitutif d’une décision implicite de refus de faire droit à la réclamation introduite, déférable en tant que telle au tribunal administratif, ceci conformément aux dispositions de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif. Le demandeur estime que la règle générale énoncée par cette disposition légale ne serait pas tempérée par rapport à la nature de la demande suivie de silence, de manière à avoir vocation à s’appliquer également à l’égard d’un recours contentieux, prévu pour le surplus comme étant obligatoire et ayant trait à des actes lésant le fonctionnaire dans ses droits statutaires ou le blessant dans sa dignité mettant ainsi également en jeu son honneur, pour soutenir que cette règle générale ne saurait pas être mise en échec en raison d’une modalité du recours hiérarchique contentieux en cause tenant à l’option facultative de s’adresser au Gouvernement en conseil, étant donné que pareille tempérament reviendrait à maintenir le réclamant dans l’insécurité juridique au-delà d’une période de trois mois et le cas échéant à jamais quant à l’issue de la réclamation par lui engagée en vue de remédier à la situation incriminée. L’argumentation du représentant étatique reviendrait ainsi de l’avis du demandeur à cautionner un effet pervers de l’article 33 du statut général rendant impossible tout recours auprès du tribunal administratif.

L’article 33 du statut général dispose que :

« 1. Tout fonctionnaire a le droit de réclamer individuellement contre tout acte de ses supérieurs ou de ses égaux qui lèsent ses droits statutaires ou qui le blessent dans sa dignité. Ce droit existe également si une demande écrite du fonctionnaire, introduite par la voie hiérarchique, est restée sans suite dans le délai d’un mois.

2. La réclamation est adressée par écrit au supérieur hiérarchique. Si elle met en cause le supérieur direct du fonctionnaire, elle est adressée au chef d’administration. Si ce dernier est visé, la réclamation est envoyée au ministre du ressort.

3. Sous peine de forclusion, la réclamation doit être introduite dans les quinze jours à partir de la date de l’acte qu’elle concerne ou de l’expiration du délai visé à l’alinéa 2 du paragraphe 1er.

4. Le destinataire de la réclamation instruit l’affaire et transmet sa réponse motivée au réclamant. Le cas échéant, il prend ou provoque les mesures qui s’imposent pour remédier à la situation incriminée.

5. Si la réponse ne parvient pas au réclamant dans les trois mois de la réclamation ou si elle ne lui donne pas satisfaction, il peut saisir directement le ministre du ressort. Au cas où la réclamation a été adressée à celui-ci, le réclamant peut s’adresser au Gouvernement en conseil ».

Dans la mesure où l’article 86 de la Constitution, en disposant que « nul tribunal, nul juridiction contentieuse ne peuvent être établis qu’en vertu d’une loi, il ne peut être créé des commissions, ni des tribunaux extraordinaires sous quelque dénomination que ce soit », s’oppose à la possibilité de considérer, en l’absence de dispositions légales expresses afférentes, un organe investi d’un certain pouvoir décisionnel comme constitutif d’une juridiction, celle-ci doit être instituée formellement par la loi, de sorte que le ministre du ressort, lorsqu’il est appelé à statuer sur une réclamation introduite sur base de l’article 33 du statut général, agit non pas en tant qu’instance contentieuse tel que soutenu par le demandeur, mais en tant qu’organe rendant des décisions administratives pré-contentieuses.

Cette interprétation se trouve par ailleurs corroborée par l’avis du Conseil d’Etat du 9 mai 1996 sur le projet de loi portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et fiscal (doc. parl. combiné 39403 et 3940A1, p. 7) dans lequel il a retenu qu’il résulterait du projet de l’article 6 en vertu duquel « la Cour administrative statue en appel et comme juge du fond sur les recours dirigés contre les décisions d’autres juridictions administratives ayant statué sur des recours en réformation dont les lois spéciales attribuent compétence à ces juridictions » que « l’on ne pourra plus se référer à différentes jurisprudences du Comité du contentieux ayant notamment décidé que tel organe avait un véritable pouvoir décisionnel pour en conclure qu’il s’agit en l’occurrence de juridictions administratives de premier degré. Notre droit positif ne connaît, à part la Chambre des Comptes, pas d’autres juridictions administratives ».

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a dès lors lieu de retenir que dans l’hypothèse où un fonctionnaire exerce son droit de réclamer individuellement lui conféré à travers les dispositions de l’article 33 du statut général, l’autorité compétente pour vider cette réclamation est appelée à poser un acte relevant de la sphère administrative.

Concernant plus particulièrement l’hypothèse visée à l’article 33 sub 5) du statut général d’un réclamant auquel aucune réponse ne parvient dans les trois mois de sa réclamation adressée au ministre du ressort, force est encore de constater que le législateur, en visant expressément l’hypothèse spécifique d’une réclamation au sens de l’article 33 du statut général suivie de silence, a entendu consacrer un recours administratif spécifique obligatoire et pré-contentieux à travers la possibilité ouverte au réclamant de s’adresser au Gouvernement en conseil.

A partir du moment où un fonctionnaire a dès lors décidé d’exercer son droit de réclamer tel que régi par les dispositions de l’article 33 du statut général, il est obligé de s’en tenir aux prescriptions légales spécifiques concernant les différentes étapes procédurales pré-contentieuses énoncées par ledit article sous peine de les vider de leur substance, ceci d’autant plus que les fondements de la législation concernant la procédure à la fois contentieuse et non-contentieuse reposent sur la faveur incontestable donnée par ses initiateurs à toute solution mettant fin à un litige relatif à une décision administrative individuelle trouvée à un niveau non-contentieux, aussi proche de l’administré que possible (cf. trib. adm. 7 mai 2001, n° 12071 du rôle, confirmé par Cour adm. 4 décembre 2001, n° 13592C du rôle).

Cette conclusion ne saurait être énervée par les considérations avancées en cause par le demandeur tendant à établir que dans l’hypothèse où le recours au Gouvernement en conseil prévu à l’article 33 sub. 5) du statut général serait obligatoire, le requérant serait exposé au risque d’une insécurité juridique non circonscrite dans le temps en ce que la loi ne prévoit pas de délai pour statuer dans le chef du Gouvernement en conseil, étant donné que l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée, en disposant que « dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif », envisage, par le biais d’une règle générale, plus particulièrement l’hypothèse d’une décision implicite résultant du silence observé par l’administration à la suite d’une demande qui lui a été régulièrement adressée et traduit ainsi l’intention du législateur de limiter dans le temps l’insécurité juridique dans le chef des administrés confrontés au silence de l’administration, étant entendu que dans le cadre du recours pré-contentieux spécifiquement prévu à travers l’article 33 du statut général, cette règle générale ne peut avoir vocation à s’appliquer qu’à l’égard de la dernière étape du recours pré-contentieux exercé, en l’occurrence celle énoncée au point 5 de l’article 33 du statut général, soit en l’espèce le recours au Gouvernement en conseil.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le demandeur, à la date de l’introduction du recours contentieux sous examen, n’avait pas encore épuisé la réclamation par lui introduite sur base de l’article 33 du statut général, de sorte que le recours est irrecevable omisso medio.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 mars 2002 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 13442
Date de la décision : 20/03/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2002-03-20;13442 ?

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